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02/10/2019 | FRANCE | N°18-17429

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2019, 18-17429


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu que la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J... a été engagé le 7 décembre 1970 en qualité d'inspecteur pour l'océan Indien par la société la Préservatrice devenue la Préservatrice Fonci

ère Assurance, elle-même devenue Athéna Assurances, puis AGF et enfin la société Allianz...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu que la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J... a été engagé le 7 décembre 1970 en qualité d'inspecteur pour l'océan Indien par la société la Préservatrice devenue la Préservatrice Foncière Assurance, elle-même devenue Athéna Assurances, puis AGF et enfin la société Allianz ; qu'un protocole transactionnel a été signé entre les parties le 31 mars 1998, afin de régler les conséquences de la rupture du contrat de travail, aux termes duquel le salarié déclarait renoncer de façon définitive et irrévocable à former devant quelque juridiction que ce soit, des prétentions plus amples relatives à l'exécution et à la rupture du contrat ; que souhaitant liquider ses droits à la retraite, le salarié a contesté l'assiette de calcul des cotisations sociales par l'employeur, et saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient qu'aux termes de la transaction, celui-ci a renoncé, de façon définitive et irrévocable, à former devant quelque juridiction que ce soit, des prétentions plus amples relatives à l'exécution et à la rupture de ses différents contrats de travail, et que les demandes présentées découlent de l'exécution de la relation contractuelle rompue le 31 mars 1998 et portent sur des éléments dont il avait eu connaissance et dont il pouvait, au regard de ses compétences et de l'importance de ses responsabilités appréhender la portée pendant l'exécution dudit contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'aux termes de l'article 2 du protocole transactionnel, celui-ci avait pour objet de déterminer les conditions et modalités de rupture amiable du contrat de travail et de régler les conséquences de cette rupture, ce dont il résultait que la transaction était nulle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Allianz IARD à payer à M. J... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. J...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. J... irrecevable en ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE : « la société Allianz soulève le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes en raison de l'autorité de chose jugée découlant du protocole d'accord transactionnel signé par M. J... et la SA Athéna Afrique, le 31 mars 1998.

Par la voix de son conseil, Monsieur J... a soutenu lors des débats que la transaction ne portait que sur la rupture de la relation contractuelle et non sur les conséquences pour ses droits à la retraite alors inconnus, des sommes incluses dans l'assiette de revenus servant de base pour le paiement des cotisations aux organismes de retraite.

Aux termes du protocole transactionnel signé par la SA Athéna Afrique et Monsieur J... le 31 mars 1998, il a d'abord été fait mention de ce que :

- M. J... avait été recruté par le groupe Athéna le 7 décembre 2010, qu'il avait été détaché auprès de la compagnie d'assurances SNAC, société de droit camerounais, que n'ayant pas atteint les objectifs de chiffre d'affaires assignés, le conseil d'administration de la SNAC a décidé de retirer à M. J... son mandat social,
- un protocole séparé a été signé entre la SNAC et M. J... [...]
- en dépit de discussions postérieures à la cessation du contrat de droit camerounais, les parties n'ont pu se mettre d'accord sur une nouvelle affectation de M. J..., la société Athéna Afrique étant disposée à le réintégrer au siège dans ses propres structures.

S'il est mentionné à l'article 2 de l'accord que celui-ci a pour objet de déterminer les conditions et modalités de rupture amiable du contrat de travail liant le groupe Athéna et Athéna Africa et M. N... J... depuis le 7 décembre 1970 et de régler les conséquences de cette rupture, que selon l'article 4, les parties sont convenues qu'en -contrepartie de concessions faites par M. J..., Athéna Afrique lui versera en France, « une somme forfaitaire et définitive d'un montant d'un 1260 000 Fr. couvrant l'indemnité de licenciement et les dommages-intérêts », force est de relever qu'il est expressément stipulé aux termes de l'article 5 dudit accord que « moyennant la bonne exécution des engagements pris par l'employeur, M. J... se déclare entièrement rempli de tous ses droits et renonce, de façon définitive et irrévocable, à former devant quelque juridiction que ce soit, des prétentions plus amples relatives à l'exécution et à la rupture de ses différents contrats de travail tant au titre du groupe Athéna, Athéna Afrique que de la SNAC »..

Or, au soutien de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle dans le présent litige, le salarié invoque un manquement de l'employeur ayant trait à l'assiette des rémunérations retenues pour le calcul et le paiement des cotisations aux organismes de retraite et de prévoyance, pendant l'exécution de la relation contractuelle, et lui fait grief d'avoir exclu les avantages en nature qu'il percevait en sus du salaire de référence du fait de son expatriation.

D'après les lettres que la Préservatrice a adressées à Monsieur J..., chaque année et dont lui-même produit quelques exemplaires et d'après les relevés annuels de compte ARGIC notamment, il apparaît d'une part, que Monsieur J... a, au cours de la période d'expatriation, été informé chaque année du « salaire annuel global ayant servi pour le calcul des différentes cotisations des régimes de retraite et de prévoyance » et d'autre part, que la SA Athéna Afrique, dont le siège est à Paris, partie au protocole transactionnel est venue, pendant l'exécution du contrat, aux droits de la Préservatrice IARD et a assuré la poursuite du paiement des cotisations de retraite et de prévoyance, jusqu'à la rupture du contrat telle qu'elle est prévue dans le protocole.

Il s'en déduit que le manquement invoqué à l'origine du préjudice allégué a bien trait aux modalités d'exécution du contrat, s'agissant de la détermination par l'employeur des éléments à prendre en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations de retraite et de prévoyance, ce dont le salarié avait été informé régulièrement pendant la collaboration, dont il avait connaissance lors de la signature du protocole d'accord du mars 1998. Il pouvait en conséquence mesurer la portée de l'accord eu égard à ses compétences et à ses responsabilités, lorsqu'il a renoncé à former devant quelque juridiction que ce soit des prétentions en lien avec non seulement la rupture mais aussi l'exécution du contrat de travail.

Monsieur J... invoque aussi une discrimination, le motif prohibé étant en lien avec son lieu de résidence, ainsi qu'une inégalité de traitement.

Toutefois, la discrimination en lien avec le lieu de résidence et l'inégalité de traitement résultent, selon Monsieur J..., des éléments différents pris en compte par l'employeur pour la détermination de l'assiette de cotisations de prévoyance et de retraite, pour les cadres restés en métropole. Pour autant, les éléments pris en compte pour le calcul des cotisations le concernant étaient connus de lui, ainsi que cela a été précédemment indiqué, avant la signature de la transaction. Il est aussi irrecevable en ces prétentions à ces titres.

En effet, aux termes de cette transaction, visant les dispositions des articles 2044 et 2052 du code civil, Monsieur J... a « renoncé, de façon définitive et irrévocable, à former devant quelque juridiction que ce soit, des prétentions plus amples relatives à l'exécution et à la rupture de ses différents contrats de travail tant au titre du groupe Athéna, Athéna Afrique » en sorte qu'il est irrecevable à formuler les demandes présentement formées à l'encontre de la société Allianz venant aux droits de sociétés venues précédemment aux droits de la SA Athena Afrique en ce qu'elles découlent de l'exécution de la relation contractuelle rompue le 31 mars 1998 et portant sur des éléments dont il avait eu connaissance et dont il pouvait, au regard de ses compétences et de l'importance de ses responsabilités appréhender la portée pendant l'exécution dudit contrat de travail.

La cour observe à toutes fins, que Monsieur J... soulève de nombreux moyens de droit pour combattre celui que développe, en second lieu, la société Allianz à propos de la prescription et qu'il n'y a pas lieu d'analyser, le moyen tiré de l'autorité de chose jugée de la transaction, soulevé ab initio étant accueilli.

ALORS, D'UNE PART, QU'une transaction ne peut être valablement conclue que si la rupture du contrat de travail est déjà intervenue et devenue définitive ; qu'en disant M. J... irrecevable en ses demandes en raison de la conclusion d'un protocole d'accord transactionnel signé le 31 mars 1998 quand elle a elle-même constaté que ce protocole d'accord avait, selon ses propres termes, pour objet de « déterminer les conditions et modalités de rupture amiable du contrat de travail liant les parties », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait qu'aucune rupture n'étant encore intervenue et n'était donc a fortiori pas devenue définitive lorsque le salarié a conclu la transaction, celle-ci n'était pas valable, et a ainsi violé les articles 2044 et 2052 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'effet extinctif née de la transaction ne saurait concerner des droits du salariés non encore exigibles à la date à laquelle la transaction a été conclue et ce, quand bien même ces droits dépendraient pour partie d'éléments portés à sa connaissance durant la relation de travail ; que la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable la demande du salarié tendant à l'indemnisation de la perte de ses droits à la retraire aux motifs que le litige était relatif à l'assiette des cotisations aux régimes de retraire et de prévoyance, et qu'il avait été informé, au cours de la relation de travail, de l'assiette retenue par l'employeur à ce titre quand les droits dont il demandait l'indemnisation n'étaient pas encore nés à la date à laquelle la transaction avait été conclue et ne pouvaient donc être compris dans le champ d'application de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 2044, 2048 et 2049 du code civil ;

ALORS, AU SURPLUS, QUE si la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable, pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, il en va différemment dès lors que la partie qui s'en prévaut est privée du droit à l'accès au juge ; qu'en disant irrecevables les demandes de M. J..., sur la base d'une jurisprudence nouvelle, relative à la portée des clauses générales de renonciation dans les transactions conclues en droit du travail, la cour d'appel, qui a ainsi privé M. J... de l'accès au juge, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17429
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2019, pourvoi n°18-17429


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17429
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