LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 novembre 2017), qu'après enquête, l'administration des douanes a notifié à la société BP de Lange BV, de droit néerlandais, (la société I... ) un avis de résultat d'enquête après avoir constaté que celle-ci aurait fait l'acquisition auprès de la société CBC Preleco, avant dédouanement, d'ails en provenance d'Argentine, revendus le jour même à cette dernière, lui permettant de bénéficier d'exonérations de droits ; que l'administration des douanes a émis à l'encontre de la société I... un avis de mise en recouvrement le 23 décembre 2013 ; que sa contestation ayant été rejetée, la société I... a assigné l'administration des douanes afin de voir prononcer la nullité de la procédure douanière et la décharge des droits et taxes qui lui avaient été réclamés ;
Attendu que la société I... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à invalider la procédure au regard de l'article 67 A du code des douanes, de rejeter en conséquence sa demande d'annulation de l'avis de mise en recouvrement et de surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction pénale alors, selon le moyen :
1°/ que, le principe général des droits de la défense impose, même sans texte, le droit pour toute personne faisant l'objet d'une procédure de contrôle douanier, d'être entendue et d'avoir accès à l'ensemble des documents sur lesquels l'administration entend fonder ses poursuites, et ce, avant qu'une mesure qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la procédure a été respectée et débouter la société I... de ses demandes, qu'il résulte du procès-verbal d'infraction du 10 décembre 2013 que son représentant, M. I... , a été convoqué pour recevoir notification des infractions mais qu'il ne s'est pas présenté, et, encore, que ce dernier avait reçu un avis de résultat d'enquête par un courrier du 16 septembre 2013 et avait pu présenter ses observations, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la société I... aurait été effectivement informée de ce qu'elle pouvait avoir accès aux documents fondant les poursuites, présenter des observations après lecture et s'entretenir avec le supérieur hiérarchique des contrôleurs avant la rédaction du procès-verbal de notification d‘infraction, et qu'elle aurait été dûment invitée à le faire, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°/ que le principe général des droits de la défense impose, même sans texte, le droit pour toute personne faisant l'objet d'une procédure de contrôle douanier d'être entendue et d'avoir accès à l'ensemble des documents sur lesquels l'administration entend fonder ses poursuites, et ce avant qu'une mesure qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; qu'en retenant, pour considérer que la procédure a été respectée et débouter la société I... de ses demandes, que M. I... avait reçu un avis de résultat d'enquête et avait pu présenter ses observations, sans constater que cet avis comportait l'ensemble des pièces sur lesquels l'administration des douanes fondait ses poursuites, et qu'elles avaient ainsi été portées à sa connaissance bien avant la délivrance du procès-verbal de constat d'infraction et de l'avis de mise en recouvrement, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
3°/ qu'en déclarant régulière la procédure douanière initiée à l'encontre de la société I... quand moins de dix jours s'étaient écoulés entre la notification par courrier du procès-verbal d'infraction du 10 décembre 2013 et la délivrance d'un avis de mise en recouvrement le 23 décembre suivant, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4°/ qu'en retenant encore, pour dire régulière la procédure douanière initiée à l'encontre de la société I... , que cette dernière a pu contester l'avis de mise en recouvrement et que l'administration lui avait répondu en rejetant sa contestation, la cour d'appel, qui a statué par une motivation totalement inopérante à établir que la société I... avait pu faire valoir ses observations avant la délivrance de cet avis, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Mais attendu que l'article 67 A du code des douanes, alors applicable, n'exige pas que les documents ayant fondé l'avis de résultat d'enquête soient communiqués au redevable mais seulement que lui soit précisée la référence des documents et informations sur lesquels l'administration s'est fondée ; que l'arrêt relève que l'échange préalable contradictoire prévu par l'article 67 A du code des douanes a eu lieu après réception par la société I... de l'avis de résultat d'enquête auquel cette dernière a répondu en présentant des observations ; qu'il relève encore qu'il résulte d'un procès-verbal du 10 décembre 2013 que le représentant de la société I... , régulièrement convoqué le 5 novembre 2013 pour que lui soient notifiées les infractions douanières retenues à son encontre, ne s'est pas présenté auprès de l'administration ; qu'abstraction faite du motif surabondant que critique la quatrième branche, c'est sans méconnaître les droits de la défense invoqués par le moyen que la cour d'appel a déduit de ces constatations et appréciations que la société I... a été mise en mesure de solliciter auprès de l'administration la communication des documents visés dans l'avis d'enquête et de faire valoir ses moyens de défense dans un délai suffisant préalablement à l'établissement du procès-verbal d'infraction et avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société BP de Lange BV aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf et signé par M. Guérin, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Orsini.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société BP de Lange BV
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir dit n'y avoir lieu à invalider la procédure au regard de l'article 67 A du code des douanes, pour manquement au contradictoire, d'Avoir rejeté en conséquence la demande d'annulation de l'AMR 202/2013, d'Avoir sursis à statuer sur le fond, dans l'attente de la décision pénale qui sera prononcée devant le tribunal correctionnel de Mâcon, et d'Avoir réservé les autres demandes ;
Aux motifs que, sur la régularité de la procédure avant AMR, il ressort d'un procès-verbal en date du 10 décembre 2013, établi par les agents des douanes, que ceux-ci, après avoir convoqué par lettre recommandée avec accusé réception du 5 novembre 2013, M. W... I... , président du groupe I... , pour recevoir notification des infractions retenues, ont constaté que celui-ci ne s'est pas présenté ; que conformément aux articles 67 A et suivants du code des douanes, qui exigent en matière de droits et taxes, avant toute constatation susceptible de conduire à taxation, un échange préalable contradictoire entre le redevable et l'administration, avant toute constatation susceptible de conduire à la taxation, le même monsieur I... avait reçu un avis de résultat d'enquête par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2013 et avait pu présenter ses observations ; que dans le procès-verbal sus désigné, trois types d'infractions étaient notifiées en décembre 2013 à M. I... , fausse déclaration de destinataire réel des marchandises (article 426-3 du code des douanes et 414 du même code), fausse déclaration ou manoeuvre pour obtenir une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation (articles 426-4 et 414 du code des douanes), fausse déclaration de valeur (articles 412-2 et 412 du code des douanes) ; qu'ainsi, il n'y a pas eu de requalification sans débat contradictoire préalable, l'article 426-4 étant visé dès l'origine ; que le procès-verbal vise également la mise en oeuvre de l'article 202 du code des douanes et la solidarité des entreprises ayant participé à l'introduction irrégulière au paiement de la dette douanière ; qu'ainsi, à cette date, il était clair que l'administration des douanes se fondait non pas sur l'article 201 mais sur l'article 202 du code des douanes ; que l'AMR a été établi et signifié le 23 décembre 2013 sous la numéro 202/2013 pour la somme de 381 228 € sur la base de l'article 202 paragraphe 3 du code des douanes ; qu'il a par la suite été contesté selon courrier de son conseil en date du 21 mars 2014 ; que le rejet de la contestation a été notifié par LRAR en septembre 2014 ; qu'il en résulte que la procédure contradictoire exigée par l'article 67 1 du CDD a été respectée, laissant un délai suffisant à M. I... pour présenter ses observations avant émission de l'AMR, et pour le contester ensuite ;
1°) Alors que, le principe général des droits de la défense impose, même sans texte, le droit pour toute personne faisant l'objet d'une procédure de contrôle douanier, d'être entendue et d'avoir accès à l'ensemble des documents sur lesquels l'administration entend fonder ses poursuites, et ce, avant qu'une mesure qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la procédure a été respectée et débouter la société BP de Lange BV de ses demandes, qu'il résulte du procès-verbal d'infraction du 10 décembre 2013 que son représentant, M. W... I... , a été convoqué pour recevoir notification des infractions mais qu'il ne s'est pas présenté, et, encore, que ce dernier avait reçu un avis de résultat d'enquête par un courrier du 16 septembre 2013 et avait pu présenter ses observations, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la société BP de Lange BV aurait été effectivement informée de ce qu'elle pouvait avoir accès aux documents fondant les poursuites, présenter des observations après lecture et s'entretenir avec le supérieur hiérarchique des contrôleurs avant la rédaction du procès-verbal de notification d‘infraction, et qu'elle aurait été dûment invitée à le faire, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2°) Alors que, le principe général des droits de la défense impose, même sans texte, le droit pour toute personne faisant l'objet d'une procédure de contrôle douanier, d'être entendue et d'avoir accès à l'ensemble des documents sur lesquels l'administration entend fonder ses poursuites, et ce, avant qu'une mesure qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; qu'en retenant, pour considérer que la procédure a été respectée et débouter la société BP de Lange BV de ses demandes, que M. W... I... avait reçu un avis de résultat d'enquête et avait pu présenter ses observations, sans constater que cet avis comportait l'ensemble des pièces sur lesquels l'administration des douanes fondait ses poursuites, et qu'elles avaient ainsi été portées à sa connaissance bien avant la délivrance du procès-verbal de constat d'infraction et de l'avis de mise en recouvrement, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
3°) Alors que, en déclarant régulière la procédure douanière initiée à l'encontre de la société exposante quand moins de dix jours s'étaient écoulés entre la notification par courrier du procès-verbal d'infraction du 10 décembre 2013 et la délivrance d'un avis de mise en recouvrement le 23 décembre suivant, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4°) Alors que, en retenant encore, pour dire régulière la procédure douanière initiée à l'encontre de la société exposante, que cette dernière a pu contester l'avis de mise en recouvrement et que l'administration lui avait répondu en rejetant sa contestation, la cour d'appel, qui a statué par une motivation totalement inopérante à établir que l'exposante avait pu faire valoir ses observations avant la délivrance de cet avis, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 67 A du code des douanes et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.