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02/10/2019 | FRANCE | N°17-13610

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2019, 17-13610


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 18 janvier 2017), que M. F..., a été engagé à compter du 1er octobre 1982 en qualité de voyageur, représentant et placier, par la société Miko, aux droits de laquelle se trouve, en dernier lieu, la société Toupargel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à reme

ttre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel du montant du préjudic...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 18 janvier 2017), que M. F..., a été engagé à compter du 1er octobre 1982 en qualité de voyageur, représentant et placier, par la société Miko, aux droits de laquelle se trouve, en dernier lieu, la société Toupargel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel du montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui a constaté l'absence de stipulation dans les avenants successifs, d'une somme forfaitaire destinée à compenser l'imputation des frais professionnels sur la rémunération du salarié, a par ces seuls motifs, justifié sa décision ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de l'employeur et sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié, réunis :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis au terme de laquelle elle a, par une décision motivée, fixé la créance du salarié au titre des commissions sur ordres indirects ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne la société Toupargel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Toupargel à payer la somme de 3 000 euros à M. F... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Toupargel

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Toupargel à verser au salarié les sommes de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « c'est, comme en première instance, la nullité de la clause de non concurrence contenue dans son contrat de travail que demande à nouveau l'appelant ainsi que la réparation du préjudice y afférent ;
que s'agissant du moyen tiré de l'absence de contrepartie financière, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont écarté, en constatant que par la soumission expresse de la relation contractuelle à l'accord national interprofessionnel des V.R.P. c'est au moins la contrepartie prévue par ce texte conventionnel que la SAS Toupargel était obligée de régler en cas de rupture du contrat de travail et maintien par elle des effets de ladite clause ;
Qu'en revanche c'est avec pertinence que l'appelant invoque désormais principalement au soutien de sa demande de nullité, que s'agissant de sa limitation géographique la clause litigieuse s'avère plus contraignante que les prévisions en la matière de l'article 17 de la convention collective ; qu'en effet ce texte limite comme suit le champ géographique des clauses de non concurrence pouvant être imposées aux V.R.P. :
"L'interdiction contractuelle de concurrence après la rupture du contrat de travail n'est valable que pendant une durée maximale de 2 années à compter de cette rupture et qu'en ce qui concerne les secteurs et catégories de clients que le représentant de commerce était chargé de visiter au moment de la notification de la rupture du contrat.
Toutefois, dans le cas d'un changement de secteur ou de clientèle datant de moins de 6 mois, l'employeur pourra opter pour l'application de l'interdiction dans les secteurs et catégories de clients concédés au représentant avant ce changement sous condition de le signifier au représentant par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours suivant la notification de rupture (1) ou la date d'expiration précitée" ;
Que l'appelant était soumis à une clause devant s'exécuter sur « le secteur géographique correspondant au dépôt de rattachement du représentant et aux départements limitrophes » et dans le dernier état des documents contractuels (l'avenant du 2 janvier 1996) il était stipulé :
"Dans ce transfert, nous vous rappelons les termes de la clause de non concurrence de votre contrat qui sera alors élargie au plan géographique à la zone d'activité du dépôt de Reims qui s'étend sur :
Marne, Haute-Marne, Seine et Marne, Ardennes, Aube, Meuse, Aisne.
Au moment de la rupture définitive du contrat de travail du vendeur la société précisera les cantons, secteurs, villes, départements qui auront été ajoutés ou retirés de la liste ci-dessous afin de délimiter la zone d'activité du dépôt sur laquelle s'appliquera la clause de non-concurrence. Si la société ne notifie au vendeur aucune modification de la zone d'activité dans les 15 jours qui suivront la rupture définitive du contrat de travail, la clause de non concurrence devra être respectée sur l'ensemble de la zone d'activité définie ci-dessus" ;
Que l'appelant relève d'abord exactement que ces stipulations ne satisfont pas au prescrit de l'article 17 de la convention collective en ce qu'elles ne se limitent pas à la localisation de la clientèle qu'il avait la charge de visiter et qui selon ce texte devait être strictement définie par rapport à son secteur effectif et à sa catégorie ;
Que rien de tel ne résulte de la clause qui vise toute la zone d'activité du dépôt de Reims auquel sont rattachés plusieurs salariés sans faire de manière certaine ressortir que l'activité de démarchage de l'appelant s'exécutait effectivement sur l'ensemble des départements visés et pour toutes les catégories de clientèle ;
Qu'au surplus l'avenant de 1996 vient "élargir" la clause dans sa rédaction initiale sans dire de manière non équivoque qu'elle se substitue totalement à celle-ci – et du reste dans ses écritures la SAS Toupargel ne soutient rien de tel – en sorte, et à tout le moins un doute subsiste à cet égard, que la clause avait vocation à produire aussi ses effets "sur les départements limitrophes" où il n'est pas prétendu que l'appelant aurait exécuté une prospection et un suivi de clientèle, ce qui caractérise manifestement une contrainte excédant les limites de celles admises par la convention collective ;
Qu'enfin même les dispositions du second paragraphe de la clause de non concurrence – dont la SAS Toupargel soutient, mais à tort, qu'elle pallie l'imprécision alléguée de la limitation dans l'espace de l'obligation du salarié – visant à définir lors de la rupture le périmètre exact de celle-ci, se trouvent plus contraignantes que l'article 17 ;
Que d'abord en cas d'abstention de la société de notifier une modification de la "zone d'activité du dépôt" (et non le secteur du seul salarié), c'est ce périmètre qui a vocation à s'appliquer dont le caractère plus contraignant que la convention collective a déjà été mise en exergue ;
Que même en cas de notification d'une modification de zone d'activité, la SAS Toupargel se réservait un droit plus large que celui tenu de la convention collective alors qu'elle ne précisait pas que son option ne pourrait avoir pour objet que les changements "de secteur ou de la clientèle" (et le texte conventionnel se réfère à nouveau aux éléments constitutifs de l'activité spécifique du V.R.P. ce que l'intimée a ignoré) "datant de moins de 6 mois" ;
Que c'est une possible définition de la zone de non concurrence, non exclusive de caractère potestatif, que s'était fait reconnaître l'employeur au moyen de la disposition contractuelle critiquée ;
Que partant, en infirmant de ce chef le jugement querellé, il échet de constater la nullité de la clause de non concurrence étant observé qu'au contraire de ce que soutient la SAS Toupargel la circonstance que l'appelant avait contractuellement consenti à cette obligation de non concurrence ne le privait pas, en vertu du principe de faveur lié à l'ordre public protecteur attaché aux dispositions plus favorables fixées dans la convention collective, du droit d'arguer de la nullité de celle-ci, et se trouve aussi sans effet la circonstance que l'intimée avait lors de son départ en retraite, le 30 septembre 2013, fait connaître à M. F... qu'elle levait la clause ;
Que le maintien de la clause pendant l'exécution de la relation contractuelle a porté atteinte à la liberté de travail de l'appelant, ce qui oblige l'intimée à réparation de ce préjudice certain, s'agissant de la méconnaissance d'un droit fondamental du salarié ;
Que toutefois, s'agissant de l'étendue de ce dommage, si l'intéressé a pu se croire empêché de rechercher un autre travail, il n'excipe cependant pas d'éléments autres que ses propres affirmations dépourvues de valeur probante suffisante pour faire ressortir qu'il avait de ce fait effectivement renoncé à des offres d'embauche plus avantageuses, ni même qu'il s'était intéressé à d'autres emplois ;
Que consécutivement, la condamnation de la SAS Toupargel à payer à l'appelant la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts remplira celuici de son droit à réparation » ;

1/ ALORS QUE la seule présence dans le contrat de travail d'une clause de non concurrence illicite n'entraîne pas nécessairement un préjudice qui devrait être réparé ; qu'il incombe au salarié qui s'en prévaut d'apporter tout élément de nature à justifier de la réalité du préjudice dont il allègue ; qu'en se bornant, pour faire droit à la demande de dommages intérêts de M F..., à affirmer que le maintien de la clause pendant l'exécution de la relation contractuelle aurait porté atteinte à sa liberté de travail ce qui aurait obligé la société Toupargel à réparer le « préjudice certain » qui en résulterait, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article L.1221-1 du code du travail ;

2/ ALORS QUE (subsidiairement) en accordant à M. F... la somme de 3 000 € à titre de dommages intérêts pour l'illicéité de sa clause de non concurrence résultant du caractère excessif du secteur géographique, alors qu'elle constatait elle même qu'il ne justifiait ni s'être cru empêché de rechercher un autre travail, ni qu'il aurait renoncé à des offres d'embauche plus avantageuses, ni même qu'il se serait intéressé à d'autres emplois, de sorte que la réalité même d'un préjudice subi n'était pas établie, la cour d'appel a encore violé l'article L.1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Toupargel à verser au salarié les sommes de 3 654,96 € à titre de commissions sur chiffre d'affaires indirect de 2008 à 2013, de 99 054 € à titre de frais de déplacements et de repas de 2008 à 2013 et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE : « l'appelant réitère ses demandes de paiement au titre des commissions sur les ordres indirects (notamment la télévente et les ventes faites par les chauffeurs livreurs, le tout sur son secteur) ainsi que de frais professionnels et d'emblée c'est avec pertinence qu'il fait grief aux premiers juges de s'être déterminés, non sans inverser la charge de la preuve en soulignant qu'il ne justifiait pas de sa prétention – alors que pèse sur l'employeur exclusivement la charge de prouver qu'il a rempli le salarié de ses droits à rémunération – et en affirmant des constats inexacts sur les pièces ;
Que si l'appelant était fondé à réclamer à l'intimée la production des documents de l'entreprise afférents à ses chiffres d'affaires sur ordres directs et indirects ainsi que sur les clients de son secteur, force est de constater que celle-ci a déféré à cette sommation en produisant les historiques des livraisons et chiffres d'affaires pour les années considérées ainsi que des extraits des portefeuilles clients, en sorte qu'il incombe désormais aux parties et à la cour de tirer les conséquences que font ressortir leur examen et leurs lacunes éventuelles ;
Qu'il n'y a donc pas lieu à ordonner d'autres communications de pièces, ni de recouvrir à une expertise ;
Que l'appelant observe encore justement que les premiers juges, de concert avec l'intimée, ont considéré comme déterminant le fait qu'il n'aurait pas émis de réclamations au cours des années sur lesquelles portent ses prétentions ;
qu'il s'agit d'une inexacte affirmation alors que régulièrement au moyen de mails l'intéressé avait sollicité la communication des éléments servant à asseoir le calcul de ses commissions ;
Qu'au surplus en tout état de cause l'absence de revendications de l'appelant ne saurait être analysée comme l'expression non équivoque de sa volonté de renoncer à être rempli des droits tenus de son contrat de travail et de la convention collective ;
Que concernant d'abord les demandes de commissions, il résulte ensemble des avenants contractuels du 1er mars 1991 et des barèmes approuvés postérieurement qu'après que la SAS Toupargel avait décidé d'organiser sur le secteur de l'appelant des téléprospections et téléventes, il avait été prévu du commun accord des parties Que le représentant serait commissionné sur le chiffre d'affaires réalisé par ces nouveaux moyens – ce qui constituait pour le salarié l'ouverture d'un droit à rémunération sur les ordres indirects – dans des conditions spécifiques et que « les nouveaux clients crées dans ces conditions sur son secteur seront intégrés dans son fichier », puis le barème du commissionnement était fixé pour les ordres directs à 8 % « sur le CA total HT (sans remboursement de frais) » et pour les ordres indirects (CA réalisé sur télévente) à 4 % pour un chiffre d'affaires mensuel inférieur à 100 000 € et à 2 % au-dessus ;
Qu'il apparaît de manière constante de l'ensemble des fiches de paie versées au dossier que n'y figurent que « des commissions surgelées » au taux de 8 % et des commissions sur glaces à hauteur de 2 % mais ces dernières ne sont pas litigieuses ;
Que l'appelant en déduit nécessairement, alors qu'il est acquis aux débats que la SAS Toupargel pendant les années au titre desquelles sont formées ses prétentions pratiquait la télévente sur son secteur et réalisait un chiffre d'affaires ;
Que la SAS Toupargel répond d'une part que contractuellement le droit à commissions sur indirects était suspendu pendant les absences de l'appelant – ce que ce dernier ne conteste pas mais qui ne peut expliquer que dans une très faible mesure l'absence de toute référence à un commissionnement au taux de 4 % – puis, mais cette allégation est manifestement contredite par ses propres pièces qui seront ci-après analysées, qu'elle n'avait eu recours à la télévente que pendant les absences de l'appelant ;
Que du reste – et non sans contredire là encore l'affirmation précitée – la SAS Toupargel vient expliquer que les ordres indirects étaient systématiquement intégrés par le service client au chiffre d'affaires direct de l'appelant et que sur le cumul lui étaient payées des commissions au taux unique de 8 % en sorte qu'il avait été gratifié de sommes supérieures aux prévisions contractuelles ;
Que toujours au vu des pièces de la SAS Toupargel, dont l'examen va suivre, l'attestation de M. U..., responsable d'agence télévente, qui expose que les modalités sus-décrites se trouvent celles effectivement mises en oeuvre, ne peut être revêtue d'aucune force probante ;
Que la lecture comparée des bulletins de paie de M. F... et des historiques des livraisons pour son secteur (avec le code SO855 qui est le sien) afférents selon les propres annotations de l'intimée aux chiffres d'affaires hors taxes « statut producteur TOUS donc direct et indirect » sa pièce 19 et 22, que « titulaire » donc CA direct sa pièce 20, puis « autres » CA indirect sa pièce 21, permettent de se convaincre que les commissions figurant sur les fiches de paie et réglées ne représentent que 8 % du chiffre d'affaire direct, en sorte que les affirmations de la SAS Toupargel sont inexactes et qu'elle n'établit pas avoir payé conformément à son engagement contractuel la commission de 4 % sur indirects ;
Que quelques exemples s'avèrent révélateurs du bien-fondé de ce constat – M. F... a lui-même fait ressortir les chiffres – et du reste la SAS Toupargel s'abstient d'illustrer son propos par des références à ses propres documents ;

Qu'ainsi – alors que les deux parties s'accordent pour énoncer que le décalage de paie était de un mois – il figure sur la fiche de paie de juin 2013 (donc sur CA de mai 2013) une commission de 1 064,59 € correspondant à 8 % de la base indiquée de 13 307,41 €, tandis que les pièces 19 et 22 font ressortir un CA total (tous) de 16 728 € qui se décompose en un CA direct de 13 344 € (pièce 20) et un CA indirect de 3 384 € (pièce 21), ce qui à l'évidence fait ressortir la pertinence des moyens de M. F... ;
Que la même situation se retrouve en mai 2012, le bulletin de paie vise seulement une commission de 1 516,95 € (sans CA mais il s'agit de 8 % de 18 962 € ce qui est le CA direct d'avril 2012 pièces 20-22) tandis que cumulé avec le CA indirect de 1 192 € (pièces 19-22), le CA total atteint 20 154 € (pièces 19-22) ;
Qu'en mars 2010, M. F... a eu 1 062,08 € soit 8 % de 13 276 € (bulletin de paie) alors que pièces 20 et 22 il ne s'agit que du CA direct de février 2010, tandis que cumulé avec le CA indirect (pièce 21-22) 4 991 €, le CA cumulé atteint 18 268 € (pièce 19 et 22) ;
Que ces constats sont généralisés sur toute la période en sorte que M. F... n'a pas été commissionné à 8 % sur les CA cumulés comme le prétend la SAS Toupargel mais pas non plus au moins sur les ordres indirects à 4 %, seul le CA direct ayant été rémunéré, ce qui ne le remplit pas de ses droits contractuels » ;

ET QUE « c'est encore à bon droit que sur les frais professionnels l'appelant reproche aux premiers juges de l'avoir débouté en méconnaissant les principes régissant la matière ;
Qu'en effet les premiers juges se sont bornés à déduire de la mention "sans remboursement de frais" figurant sur le barème de commissionnement que les parties avaient pu valablement convenir que le salarié supporterait seul tous les frais kilométriques et de repas engagés pour l'activité de démarche et suivi de la clientèle, l'intimée approuvant cette analyse en soulignant qu'il s'agissait de la conséquence de l'augmentation substantielle des taux de commission décidés en 1992 soit 8 % et 4 % au lieu de 2,5 % et 1 % respectivement pour les ordres directs et indirects ;
Que l'appelant rappelle exactement qu'il est de principe que les frais qu'un salarié justifie avoir exposé pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés par ce dernier sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu que celui-là en conservait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que celle-ci ne soit pas disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés et d'autre part que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois égale au SMIC ;
Qu'il est manifeste que la SAS Toupargel s'est abstenue de respecter ledit principe, alors que depuis 1991 les documents contractuels sont muets sur les remboursements de frais, et que la disposition retenue par les premiers juges a précisément pour effet d'imputer les frais professionnels sur la rémunération, puisqu'il n'est pas prouvé – ni du reste seulement allégué – que le recours à une contrepartie forfaitaire aurait été convenue, étant relevé que la circonstance que l'appelante, non sans contradiction a parfois payé des indemnités de repas ou de frais, et qu'elle a épisodiquement appliqué l'abattement de 30 % ne suffisant pas à établir qu'elle avait sur ce point rempli le salarié de ses droits ;
Que c'est donc la réformation du jugement qui est justifiée du chef des prétentions pour commissions, frais, et demandes de dommages et intérêts y afférentes ;
Que la SAS Toupargel n'oppose aucune fin de non recevoir tirée de la prescription ;
Que M. F... a chiffré année par année sa demande de commissions sur indirects à 4 % des CA figurant à ce titre dans la pièce déjà citée de l'intimée ;
Que la SAS Toupargel doit donc être condamnée au paiement de ces sommes dont le total s'établit à 3 654,96 € ;
Que s'agissant des frais professionnels au moyen de ses listes de tournées, de ses avis d'imposition avec déclaration de frais réels et de toutes ses factures de repas pour chacune des années (de 2008 à 2013) M. F..., qui fait là aussi un calcul détaillé qui mettait la SAS Toupargel en mesure de faire ressortir des inexactitudes, ce qu'elle s'abstient de faire, établit suffisamment, d'autant qu'il a déduit 10 % pour l'usage privé de son véhicule, qu'il a réellement exposé pour les besoins de son activité professionnelle ces frais dont le total s'établit à la somme de 105 434 € ;
Que toutefois dans la mesure où la SAS Toupargel justifie avoir payé des frais de repas à M. F... à hauteur de 6 380 € – c'est l'objet de sa demande reconventionnelle en répétition de l'indu – cette somme doit au vu de son droit à paiement total de ses frais lui demeurer acquise, mais être déduite du total de sa demande ;
Que c'est donc la somme de 99 054,00 € que la SAS Toupargel sera condamnée à payer, et elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle, le jugement étant donc confirmé de ce dernier chef » ;

1/ ALORS QU'en se bornant à condamner la société Toupargel à verser à M. F... la somme qu'il réclamait de 3 654,96 € au titre des commissions sur chiffre d'affaires indirect de 2008 à 2013, quand le salarié s'était borné à calculer pour chaque année les commissions dues sans déduire les périodes au cours desquelles il avait été absent et ne pouvait prétendre, aux termes de son avenant du 1er mars 1991, à un commissionnement sur les ordres indirects, mais uniquement au maintien de sa rémunération moyenne, la cour d'appel a violé les articles L.3121-1 et L.7313-7 du code du travail ;

2/ ALORS QU'en affirmant que la société Toupargel aurait imputé les frais professionnels sur la rémunération du salarié et qu'il n'aurait pas été convenu entre les parties du recours à une contrepartie forfaitaire, quand, par avenant au contrat de travail applicable à compter du 1er mars 1993 (pièce n° 9) et signé par M. F..., il avait été convenu d'une intégration des frais professionnels dans la rémunération moyennant une majoration des taux de commission portés de 2,5 % à 8 % du chiffre d'affaires sur ordres directs et de 1 % à 4 % du chiffre d'affaires sur ordres indirects, la cour d'appel a dénaturé les termes de cet avenant et méconnu en conséquence l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause.

Moyen produit au pourvoi incident par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. F...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 3.654,96 € le montant de la condamnation de la société Toupargel au titre des commissions sur chiffre d'affaires indirect de 2008 à 2013 et d'avoir débouté M. F... du surplus de sa demande, aux termes de laquelle il sollicitait à ce titre une indemnisation à hauteur de la somme de 61.534,80 € ;

AUX MOTIFS QUE l'appelant réitère ses demandes de paiement au titre des commissions sur les ordres indirects (notamment la télévente et les ventes faites par les chauffeurs livreurs, le tout sur son secteur) ainsi que de frais professionnels et d'emblée c'est avec pertinence qu'il fait grief aux premiers juges de s'être déterminés, non sans inverser la charge de la preuve en soulignant qu'il ne justifiait pas de sa prétention - alors que pèse sur l'employeur exclusivement la charge de prouver qu'il a rempli le salarié de ses droits à rémunération - et en affirmant des constats inexacts sur les pièces ; que si l'appelant était fondé à réclamer à l'intimée la production des documents de l'entreprise afférents à ses chiffres d'affaires sur ordres directs et indirects ainsi que sur les clients de son secteur, force est de constater que celle-ci a déféré à cette sommation en produisant les historiques des livraisons et chiffres d'affaires pour les années considérées ainsi que des extraits des portefeuilles clients, en sorte qu'il incombe désormais aux parties et à la cour de tirer les conséquences que font ressortir leur examen et leurs lacunes éventuelles ; qu'il n'y a donc pas lieu à ordonner d'autres communications de pièces, ni de recouvrir à une expertise ; que l'appelant observe encore justement que les premiers juges, de concert avec l'intimée, ont considéré comme déterminant le fait qu'il n'aurait pas émis de réclamations au cours des années sur lesquelles portent ses prétentions ; qu'il s'agit d'une inexacte affirmation alors que régulièrement au moyen de mails l'intéressé avait sollicité la communication des éléments servant à asseoir le calcul de ses commissions ; qu'au surplus en tout état de cause l'absence de revendications de l'appelant ne saurait être analysée comme l'expression non équivoque de sa volonté de renoncer à être rempli des droits tenus de son contrat de travail et de la convention collective ; que concernant d'abord les demandes de commissions, il résulte ensemble des avenants contractuels du 1er mars 1991 et des barèmes approuvés postérieurement qu'après que la société Toupargel avait décidé d'organiser sur le secteur de l'appelant des téléprospections et téléventes, il avait été prévu du commun accord des parties que le représentant serait commissionné sur le chiffre d'affaires réalisé par ces nouveaux moyens - ce qui constituait pour le salarié l'ouverture d'un droit à rémunération sur les ordres indirects - dans des conditions spécifiques et que « les nouveaux clients crées dans ces conditions sur son secteur seront intégrés dans son fichier, puis le barème du commissionnement était fixé pour les ordres directs à 8% « sur le CA Total HT (sans remboursement de frais) » et pour les ordres indirects (CA réalisé sur télévente) à 4% pour un chiffre d'affaires mensuel inférieur à 100.000 € et à 2% au-dessus ; qu'il apparaît de manière constante de l'ensemble des fiches de paye versées au dossier que n'y figurent que « des commissions surgelées » au taux de 8% et des commissions sur glaces à hauteur de 2% mais ces dernières ne sont pas litigieuses ; que l'appelant en déduit nécessairement, alors qu'il est acquis aux débats que la société Toupargel pendant les années au titre desquelles sont formées ses prétentions pratiquait la télévente sur son secteur et réalisait un chiffre d'affaires ; que la société Toupargel répond d'une part que contractuellement le droit à commissions sur indirects était suspendu pendant les absences de l'appelant - ce que ce dernier ne conteste pas mais qui ne peut expliquer que dans une très faible mesure l'absence de toute référence à un commissionnement au taux de 4% - puis, mais cette allégation est manifestement contredite par ses propres pièces qui seront ci-après analysées, qu'elle n'avait eu recours à la télévente que pendant les absences de l'appelant ; que du reste - et non sans contredire là encore l'affirmation précitée - la société Toupargel vient expliquer que les ordres indirects étaient systématiquement intégrés par le service client au chiffre d'affaires direct de l'appelant et que sur le cumul lui étaient payées des commissions au taux unique de 8% en sorte qu'il avait été gratifié de sommes supérieures aux prévisions contractuelles ; que toujours au vu des pièces de la société Toupargel, dont l'examen va suivre, l'attestation de M. U..., responsable d'agence télévente, qui expose que les modalités sus-décrites se trouvent celles effectivement mises en oeuvre, ne peut être revêtue d'aucune force probante ; que la lecture comparée des bulletins de paye de M. F..., et des historiques des livraisons pour son secteur (avec le code SO855 qui est le sien) afférents selon les propres annotations de l'intimée aux chiffres d'affaires hors taxes « statut producteur TOUS donc direct et indirect » sa pièce 19 et 22, que « titulaire » donc CA direct sa pièce 20, puis « autres » CA indirect sa pièce 21 permettent de se convaincre que les commissions figurant sur les fiches de paie et réglées ne représentent que 8% du chiffre d'affaire direct, en sorte que les affirmations de la société Toupargel sont inexactes et qu'elle n'établit pas avoir payé conformément à son engagement contractuel la commission de 4% sur indirects ; que quelques exemples s'avèrent révélateurs du bien-fondé de ce constat - M. F... a lui-même fait ressortir les chiffres - et du reste la société Toupargel s'abstient d'illustrer son propos par des références à ses propres documents ; qu'ainsi - alors que les deux parties s'accordent pour énoncer que le décalage de paie était de un mois - il figure sur la fiche de paie de juin 2013 (donc sur CA de mai 2013) une commission de 1.064,59 € correspondant à 8% de la base indiquée de 13.307,41 €, tandis que les pièces 19 et 22 font ressortir un CA total (tous) de 16.728 € qui se décompose en un CA direct de 13.344 € (pièce 20) et un CA indirect de 3.384 € (pièce 21), ce qui à l'évidence fait ressortir la pertinence des moyens de M. F... ; que la même situation se retrouve en mai 2012, le bulletin de paye vise seulement une commission de 1.516,95 € (sans CA mais il s'agit de 8% de 18.962 € ce qui est le CA direct d'avril 2012 pièces 20-22)
tandis que cumulé avec le CA indirect de 1.192 € (pièces 19-22), le CA total atteint 20.154 € (pièces 19-22) ; qu'en mars 2010, M. F... a en 1.062,08 € soit 8% de 13.276 € (bulletin de paye alors que pièces 20 et 22 il ne s'agit que du CA direct de février 2010, tandis que cumulé avec le CA indirect (pièce 21-22) 4.991 €, le CA cumulé atteint 18.268 € (pièce 19 et 22) ; que ces constats sont généralisés sur toute la période en sorte que M. F... n'a pas été commissionné à 8% sur les CA cumulé comme le prétend la société Toupargel mais pas non plus au moins sur les ordres indirects à 4%, seul le CA direct ayant été rémunéré, ce qui ne le remplit pas de ses droits contractuels (
) ; que M. F... a chiffré année par année sa demande de commissions sur indirects à 4% des CA figurant à ce titre dans la pièce déjà citée de l'intimée ; que la société Toupargel doit donc être condamnée au paiement de ces sommes dont le total s'établit à 3.654,96 € ;

ALORS, D'UNE PART, QUE des motifs incompréhensibles équivalent à une absence de motivation ; qu'en statuant par les motifs susvisés qui sont absolument incompréhensibles, pour limiter à la somme de 3.654,96 € le montant de la somme devant être versée par la société Toupargel à M. F... au titre des commissions sur chiffre d'affaires indirect de 2008 à 2013, cependant que ce dernier demandait à ce titre le versement d'une somme de 61.534,80 €, la cour d'appel de Reims a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE tout jugement doit être motivé et que dans ses conclusions d'appel (p. 19 et 20), M. F... établissait, au terme d'une démonstration chiffrée parfaitement vérifiable, que le montant des commissions éludées par l'employeur s'élevait, au regard de ses droits contractuels, à la somme de 61.534,80 € entre 2008 et 2013 ; qu'en se bornant à affirmer finalement que « la SAS Toupargel doit (
) être condamnée au paiement de ces sommes dont le total s'établit à 3.654,96 euros » (arrêt attaqué, p. 7, in fine), sans justifier en définitive sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-13610
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 18 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2019, pourvoi n°17-13610


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.13610
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