LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes T..., Q..., G..., N... et M. E... A... (les consorts A... ) ont donné à bail à M. D... Z... un local à usage commercial situé à Saint-Louis ; que, se prévalant de loyers impayés, les consorts A... ont fait délivrer à M. D... Z... un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail puis ont saisi le tribunal de grande instance de Saint-Pierre qui, par un jugement irrévocable du 3 février 1995, a constaté la résiliation du bail et a condamné M. D... Z... au paiement de diverses sommes ; qu'après avoir diligenté diverses mesures d'exécution forcée, les consorts A... ont fait assigner M. D... Z... et son épouse, Mme C... H..., devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre qui, par jugement du 28 mars 2014, a dit que les consorts A... étaient créanciers de M. D... Z... pour une somme de 108 272,88 euros, a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. et Mme D... et C... Z..., a dit que l'indivision se composait des lots de copropriété n° 5, 6 et 7 de l'immeuble situé à Saint-Louis et a ordonné la licitation de l'indivision en un lot unique ; que M. et Mme D... et C... Z... ayant interjeté appel de ce jugement, M. O... Z..., Mme K... Z... et M. M... L... sont intervenus volontairement à l'instance ; que les consorts A... ont fait assigner en intervention forcée M. W... Z..., M. F... Z... et M. J... Z... sur le fondement d'une action paulienne pour voir constater que les actes de division, de vente et de donations consentis par M. et Mme D... et C... Z... sur des lots de l'immeuble leur étaient inopposables ;
Sur le deuxième moyen, qui est préalable :
Attendu que les consorts A... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes visant à ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation, et partage de l'indivision existant entre M. et Mme D... et C... Z... et à ordonner la licitation des biens indivis, alors selon le moyen, que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; qu'en l'espèce, le jugement entrepris a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. et Mme D... et C... Z... sur leurs biens immobiliers et en a ordonné la licitation ; que M. et Mme D... et C... Z... ont interjeté appel de ce jugement en se prévalant de divers actes de disposition par lesquels la propriété de leur parcelle a été morcelée en onze lots lesquels ont fait l'objet de vente et de démembrement de la propriété ; que cette évolution du litige impliquait la mise dans la cause de toutes les parties ayant des droits sur les biens immobiliers litigieux ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les demandes des consorts A... visant à ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. et Mme D... et C... Z... et la licitation des biens indivis, au motif que les consorts A... ne pouvaient appeler pour la première fois en cause d'appel toutes les parties ayant des droits sur les biens immobiliers litigieux, sans rechercher si la teneur des moyens d'appel de M. et Mme D... et C... Z... et l'évolution du litige en résultant n'impliquaient pas la mise en cause de toutes ces parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, dès 2009, les consorts A... étaient informés de ce que l'immeuble n'appartenait plus en totalité à M. et Mme D... et C... Z... et qu'ils ont pu, dès cette date, avoir connaissance des actes de vente et de donation-partage qu'ils contestent aujourd'hui, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, qu'aucune évolution du litige n'était caractérisée, les éléments dont se prévaut le demandeur à l'intervention étant déjà connus en première instance de sorte que, faute pour les consorts A... d'avoir appelé à l'instance les nus-propriétaires et autres propriétaires de l'immeuble, leur demande tendant à l'ouverture des opérations de compte, liquidation, et partage n'était pas recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Attendu que les consorts A... font encore grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande fondée sur l'action paulienne et visant à ce que l'acte de division du 20 février 2006, l'acte de vente du 23 novembre 2007 et l'acte de donation du 28 novembre 2008 leur soient déclarés inopposables, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, les consorts A... ont exercé en cause d'appel une action paulienne qui visait à ce que divers actes conclus par M. et Mme D... et C... Z... sur des biens immobiliers en indivision leur soient déclarés inopposables, et ce en complément de leurs demandes d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. et Mme D... et C... Z... et de licitation des biens immobiliers en question ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable comme nouvelle l'action paulienne, quand la demande visant à ce que divers actes conclus par M. et Mme D... et C... Z... sur leurs biens immobiliers soient déclarés inopposables aux consorts A... , constituait l'accessoire et le complément nécessaire de la demande de licitation de ces mêmes biens, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;
2°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action paulienne des consorts A... , la cour d'appel a estimé que l'assignation du 27 novembre 2012 contenant une demande de licitation des biens indivis de M. et Mme D... et C... Z... n'a pu interrompre sa prescription dès lors qu'elle ne concernait ni les mêmes demandes ni les mêmes parties ; qu'en statuant par ce motif inopérant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'action paulienne des consorts A... ne tendait pas au même but que la demande de licitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil ;
Mais attendu que, selon l'article 2243 du code civil, l'effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable ; que l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'action aux fins de licitation et de partage de l'indivision, le moyen qui soutient que l'interruption de la prescription de cette action s'est étendue à l'action paulienne des consorts A... est inopérant ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'action paulienne était prescrite, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Et attendu enfin qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième moyens, annexés, qui dénoncent en réalité une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes T..., Q..., G..., N... et M. E... A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. D... Z..., Mme C... Z..., M. O... Z..., Mme K... Z..., M. M... L..., M. W... Z..., M. F... Z..., M. J... Z... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé en l'audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-neuf par Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, non empêchée, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile et par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour les consorts A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable le demande des consorts A... fondée sur l'action paulienne et visant à ce que l'acte de division du 20 février 2006, l'acte de vente du 23 novembre 2007 et l'acte de donation du 28 novembre 2008 soient déclarés inopposables aux consorts A... ;
AUX MOTIFS QUE, « Sur l'irrecevabilité des demandes fondées sur l'action paulienne :
Les demandes formulées en cause d'appel pour la première fois et fondées sur l'action paulienne prévue par l'article 1167 du code civil doivent être déclarées irrecevables s'agissant de demandes nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Il ne peut à cet égard être sérieusement soutenu que l'action paulienne tendrait aux mêmes fins que la demande de licitation puisqu'elle a pour but de rendre inopposable aux consorts A... les actes de donation-partage et de vente et ne concernent pas les mêmes parties qu'en première instance.
En outre, ces demandes sont prescrites. En effet la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile est entrée en vigueur le 19 juin 2008 et a modifié le délai de prescription de l'action paulienne, lequel est passé de 30 ans à 5 ans. Ce délai de prescription court du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, il ressort du commandement de payer valant saisie délivré aux époux U... en date du 18 août 2009 concernant l'immeuble litigieux et versé au débat par les consorts A... qu'il y est fait mention que les intéressés indiquent « l'immeuble n'est plus à nous ». Dès lors, dès cette date, les consorts A... ont pu avoir connaissance des actes de vente et de donation-partage des 20 février 2006 et 3 novembre 2007 qu'ils contestent aujourd'hui. Leurs demandes sur ce fondement formulées pour la première fois en cause d'appel sont donc largement prescrites, sans que l'assignation du 27 novembre 2012 devant le Tribunal de grande instance de Saint-Pierre dont le jugement est querellé ait pu interrompre la prescription ne concernant ni les mêmes demandes ni les mêmes parties. »
ALORS D'UNE PART QUE les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, les consorts A... ont exercé en cause d'appel une action paulienne qui visait à ce que divers actes conclus par les époux Z... sur des biens immobiliers en indivision leur soient déclarés inopposables, et ce, en complément de leurs demandes d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre les époux Z... et de licitation des biens immobiliers en question ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable comme nouvelle l'action paulienne, quand la demande visant à ce que divers actes conclus par les époux Z... sur leurs biens immobiliers soient déclarés inopposables aux consorts A... , constituait l'accessoire et le complément nécessaire de la demande de licitation de ces mêmes biens, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action paulienne des consorts A... , la cour d'appel a estimé que l'assignation du 27 novembre 2012 contenant une demande de licitation des biens indivis des époux Z... n'a pu interrompre sa prescription dès lors qu'elle ne concernait ni les mêmes demandes ni les mêmes parties ; qu'en statuant par ce motif inopérant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'action paulienne des consorts A... ne tendait pas au même but que la demande de licitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes des consorts A... visant à ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation, et partage de l'indivision existant entre Monsieur D... Z... et Madame C... H... épouse Z... et à ordonner la licitation des biens indivis ;
AUX MOTIFS QUE, « Sur la recevabilité de la demande de licitation et de partage de l'indivision Les intervenants volontaires font valoir que les demandes des consorts A... sont irrecevables au motif qu'ils n'ont pas assigné en première instance les nus-propriétaires des lots 8 à 12 ni les pleins propriétaires des lots 5 à 7 dont la licitation a été ordonnée par le premier juge.
Les demandes formulées en première instance concernent l'ensemble des 10 lots de la parcelle cadastrée [...] résultant de l'acte authentique du 20 février 2006 qui partage la parcelle en 9 lots Par suite, le lot n° 1 a été divisé en deux lots n° 10 et n° 11.
En effet, il ressort des actes notariés versés au débat que les lots 2 à 4 et 8 à 11 appartiennent en usufruit aux époux U... et en nue-propriété pour les lots 3 et 10 à W... U..., pour les lots 2 et 8 à F... U..., pour le lot 11 à J... U..., pour les lots 4 et 9 à O... U....
Si l'article 555 du code de procédure civile permet d'appeler pour la première fois en cause d'appel, il est nécessaire néanmoins que l'évolution du litige implique leur mise en cause.
En l'espèce, dès 2009, au vu des éléments exposés plus haut, les consorts A... étaient informés de ce que l'immeuble des consorts U... ne leur appartenait plus en totalité. Dès lors, ils ne peuvent régulariser la procédure en cause d'appel, les nus-propriétaires et les autres propriétaires de l'immeuble faisant l'objet de la demande en première instance n'ayant pas été appelés à la cause.
Il y a lieu d'infirmer dès lors le jugement déféré qui a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision existant entre les époux U..., dit que l'indivision se compose des lots 5 à 7 et ordonné la licitation de l'indivision en un lot unique alors que les pleins propriétaires desdits lots, à savoir M. O... U... propriétaire du lot n° 5, M... L... et K... U... propriétaires des lots 6 et 7 n'avaient pas été assignés et de déclarer irrecevables les demandes des consorts A... , la procédure ne pouvant être régularisée en cause d'appel. »
ALORS QUE les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; qu'en l'espèce, le jugement entrepris a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre les époux Z... sur leurs biens immobiliers et en a ordonné la licitation ; que les époux Z... ont interjeté appel de ce jugement en se prévalant de divers actes de disposition par lesquels la propriété de leur parcelle a été morcelée en onze lots lesquels ont fait l'objet de vente et de démembrement de la propriété ; que cette évolution du litige impliquait la mise dans la cause de toutes les parties ayant des droits sur les biens immobiliers litigieux ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les demandes des consorts A... visant à ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre les époux Z... et la licitation des biens indivis, au motif que les consorts A... ne pouvaient appeler pour la première fois en cause d'appel toutes les parties ayant des droits sur les biens immobiliers litigieux, sans rechercher si la teneur des moyens d'appel des époux Z... et l'évolution du litige en résultant n'impliquaient pas la mise en cause de toutes ces parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande subsidiaire de partage et licitation de l'indivision en usufruit existant entre Monsieur D... Z... et Madame C... H... épouse Z... sur les lots 2, 3, 4, 9, 10 et 11 ;
SANS MOTIFS
ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en déclarant irrecevable la demande subsidiaire de partage et licitation de l'indivision en usufruit existant entre Monsieur D... Z... et Madame C... H... épouse Z..., sans apporter quelque justification que ce soit, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande subsidiaire de partage et licitation de l'indivision en usufruit existant entre Monsieur D... Z... et Madame C... H... épouse Z... sur les lots 2, 3, 4, 9, 10 et 11 ;
SANS MOTIFS
ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en rejetant la demande subsidiaire de partage et licitation de l'indivision en usufruit existant entre Monsieur D... Z... et Madame C... H... épouse Z..., sans apporter quelque justification que ce soit, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.