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25/09/2019 | FRANCE | N°18-83770

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 septembre 2019, 18-83770


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société FH Holding,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 18 mai 2018, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'attestation mensongère et usage, faux et usage, subornation de témoin, escroquerie, vol, suppression frauduleuse de données informatiques, destruction de preuve, blanchiment et tentative, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction

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La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 juin 2019 où étai...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société FH Holding,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 18 mai 2018, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'attestation mensongère et usage, faux et usage, subornation de témoin, escroquerie, vol, suppression frauduleuse de données informatiques, destruction de preuve, blanchiment et tentative, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme de la Lance, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure que, dans le cadre de l'information diligentée des chefs susvisés, mettant en cause la société FH Holding pour des faits d'escroquerie au jugement, susceptibles d'avoir consisté en des manoeuvres frauduleuses, dénoncées par les consorts X..., parties civiles, qui auraient déterminé la cour d'appel de Rennes à les condamner, par arrêts rendus les 23 septembre et 18 novembre 2014, à restituer à cette société une fraction du prix de cession de la société Vert Import reçue par chacun d'eux dans les proportions retenues par un arrêt interprétatif du 7 avril 2015, le juge d'instruction a, par ordonnance du 27 mars 2017, ordonné la saisie de la créance résultant de ces décisions, détenue par la société FH Holding sur les consorts X..., pour un montant total de 8 850 000 euros ; que le conseil de la société FH Holding a interjeté appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-141 et suivants, 706-153, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie pénale de la créance détenue par la société FH Holding ;

"alors qu'il résulte des articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale que la partie civile n'a pas la possibilité de saisir le juge d'instruction d'une demande de saisie pénale spéciale ; qu'en ordonnant à l'égard de la société FH Holding la saisie de la créance qu'elle détient sur les consorts X... au visa exprès de « la demande de saisie pénale formée par déclaration au greffe le 22 mars 2017, par Me Toussain, substituant Me Dartevelle », le juge d'instruction a méconnu ces textes, de sorte qu'il appartenait à la chambre de l'instruction, qui y était invitée, de prononcer la nullité de cette mesure" ;

Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la saisie pénale a été ordonnée par le juge d'instruction à la demande des parties civiles, dès lors que le juge d'instruction tient des dispositions de l'article 706-153 du code de procédure pénale le pouvoir d'ordonner même d'office une telle mesure, la circonstance que la saisie a été demandée par les parties civiles n'affectant pas la validité de celle-ci ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-141 et suivants, 706-153, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie pénale de la créance détenue par la société FH Holding ;

"alors qu'une ordonnance de saisie pénale spéciale prise par un juge d'instruction dans des conditions mettant en cause son impartialité encourt l'annulation ; qu'il résulte des éléments de la procédure tels que repris par le mémoire déposé au soutien de l'appel formé par la société FH Holding contre l'ordonnance de saisie que cette mesure a été prise à la demande expresse de la partie civile, seulement cinq jours après qu'une telle requête ait été formulée en dehors de tout cadre légal, dans le but de faire obstacle au recouvrement de sa créance par la société FH Holding, agissant pourtant en vertu d'une décision définitive et pourvue de l'autorité de chose jugée émanant de la juridiction commerciale ; qu'il résulte des termes de l'ordonnance que celle-ci a été remise en mains propres au conseil de la partie civile ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, eu égard à ces éléments objectifs du dossier, refuser de constater la nullité de l'ordonnance de saisie en affirmant qu'il appartenait à l'exposante « d'user des voies de droit appropriées si elle estim[ait] que le juge d'instruction ne présent[ait] pas les garanties d'impartialité suffisantes »" ;

Attendu que, pour écarter le moyen pris de la nullité de l'ordonnance de saisie pénale, tiré du défaut d'impartialité du juge d'instruction, l'arrêt relève que si elle va dans le sens souhaité par la partie civile, la décision du juge d'instruction d'ordonner la saisie, légalement justifiée, ne saurait en elle-même faire naître un doute légitime sur son impartialité, sauf à considérer que, toutes les fois qu'une saisie pénale est ordonnée, le juge prend nécessairement fait et cause pour l'une des parties au procès ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'était pas tenue de suivre la demanderesse dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 595 du code de procédure civile, 131-21 du code pénal, préliminaire, 706-141 et suivants, 706-153, 706-155, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie pénale de la créance détenue par la société FH Holding ;

"1°) alors qu'il découle de l'article 706-141 du code de procédure pénale qu'une saisie pénale spéciale a vocation à garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'ordonnance de saisie elle-même que le juge d'instruction l'a prononcée dans le seul but de bloquer des procédures civiles d'exécution ayant cours sur la créance détenue par la société FH Holding, avec la précision selon laquelle « il conviendrait de surseoir » à la consignation censée être opérée par les débiteurs en application de l'article 706-155 du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction n'était dès lors pas fondée à écarter l'existence d'un détournement de procédure affectant la saisie litigieuse ;

"2°) alors que, et en tout état de cause, toute saisie pénale prononcée par le juge d'instruction produit les effets légalement prévus, sans que ce magistrat puisse les moduler au cas par cas ; qu'en ordonnant une saisie de créance en prévoyant qu'« il conviendrait de surseoir » à la consignation censée être opérée par les débiteurs en application de l'article 706-155 du code de procédure pénale, le juge d'instruction a en l'espèce méconnu la loi et excédé ses pouvoirs, de sorte qu'il appartenait à la chambre de l'instruction d'annuler la saisie litigieuse ;

"3°) alors que ne peut être considéré comme le produit direct ou indirect de l'infraction une créance trouvant son fondement dans un jugement pourvu de l'autorité de la chose jugée ; qu'en validant la saisie de la créance litigieuse, détenue par la société FH Holding en vertu d'arrêts définitifs rendus par la chambre commerciale de la cour d'appel de Rennes, la chambre de l'instruction a méconnu les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance attaquée, l'arrêt relève que la créance saisie, si elle n'est que le produit indirect de l'infraction d'escroquerie au jugement, n'en est pas moins confiscable en application de l'article 131-21, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que les juges ajoutent que les motifs de l'ordonnance attaquée selon lesquels il est nécessaire et urgent, en l'attente de l'issue de la procédure pénale, de suspendre les procédures civiles d'exécution qui sont en cours pour liquider cette créance, lesquelles auraient pour effet de poursuivre la réalisation du dommage causé par l'escroquerie suspectée, ne sont pas critiquables et ne caractérisent pas un détournement de procédure, mais s'inscrivent dans le cadre des dispositions de l'article 706-145 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a contrôlé que le juge d'instruction a régulièrement ordonné la saisie pénale, s'est assurée du caractère confiscable de la créance en application des conditions légales et a précisé le fondement de la mesure, a, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée dès lors que la saisie pénale n'emporte qu'indisponibilité de la créance judiciairement constatée, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, dont la deuxième branche manque en fait, dès lors que le juge d'instruction n'a pas dispensé les débiteurs de la créance saisie de l'obligation de consigner la somme due auprès de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, ne peut être qu'écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société FH Holding devra payer à M. I... X..., Mme V... E..., M. D... G..., Mme K... X..., M. Q... X..., Mme W... H..., M. U... J... et M. B... S... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83770
Date de la décision : 25/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 sep. 2019, pourvoi n°18-83770


Composition du Tribunal
Président : Mme de la Lance (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83770
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