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25/09/2019 | FRANCE | N°18-12241

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 18-12241


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 19 juin 1995 par la société Noville France, aux droits de laquelle vient la société Ipra Fragrances, M. E... a été licencié pour motif économique le 23 avril 2009 ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société Ipra Fragrance

s ne justifie par aucune pièce sérieuse de son impossibilité de reclasser le salarié au niv...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 19 juin 1995 par la société Noville France, aux droits de laquelle vient la société Ipra Fragrances, M. E... a été licencié pour motif économique le 23 avril 2009 ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société Ipra Fragrances ne justifie par aucune pièce sérieuse de son impossibilité de reclasser le salarié au niveau de qualification qui était le sien, étant observé que son employeur ne verse pas aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel concernant la société Ipra Fragrances, ainsi que les registres concernant les filiales du groupe, l'existence d'une maison-mère étant affirmée dans la lettre de licenciement, tant en France qu'à l'étranger ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des registres d'entrée du personnel des sociétés Ipra Fragrances et Ipra France pour la période de mars à décembre 2009 qui figuraient au bordereau annexé aux conclusions de l'employeur et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. E... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Ipra Fragrances à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. E... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Ipra Fragrances

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit sans cause le licenciement de M. E... et condamné la société Ipra fragrances à verser une indemnité de 20 000 € à M. E..., ainsi que la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

AUX MOTIFS QUE engagé le 19 juin 1995, en qualité de préparateur au sein de la société Noville France, aux droits de laquelle a succédé le 1er mai 2006 la société Ipra fragrances, préparatrice en parfums, arômes et cosmétiques, M. E... a été licencié par une lettre en date du 9 avril 2009 faisant mention de « difficultés notamment financières » contraignant l'entreprise à procéder à des licenciements économiques afin de demeurer compétitive, étant « excessivement endettée auprès de sa maison mère », laquelle a consenti des avances de trésorerie qu'elle n'est plus en mesure de consentir, de sorte que, dans le cadre de la réduction des effectifs, son poste de travail est supprimé ; que pour contester son licenciement, M. E... estime à bon droit que son employeur n'a pas exécuté de bonne foi son obligation de reclassement indiquant que la société Ipra fragrances ne justifie par aucune pièce sérieuse de son impossibilité de le reclasser au niveau de qualification qui était le sien, étant observé que son employeur ne verse pas aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel concernant la société Ipra fragrances, ainsi que les registres concernant les filiales du groupe - l'existence d'une maison mère étant affirmée dans la lettre de licenciement -, tant en France qu'à l'étranger ; que motif pris de cette absence de reclassement, la cour, infirmant le jugement déféré, dira dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. E... ; qu'âgé de 51 ans au moment de son licenciement, le salarié ne justifie pas de son inscription à pôle emploi, son conseil indiquant qu'il a retrouvé un emploi de préparateur en pharmacie le 23 novembre 2009, avec une perte de salaire de 300 euros par mois dont il justifie par la production aux débats de ses nouveaux bulletins de paie ; que sachant que M. E... a perdu un salaire brut mensuel de 2 2270,11 € en l'état d'une ancienneté de 11 ans au sein d'une entreprise occupant plus de 11 salariés, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à la somme de 20 000 € la juste et entière réparation du préjudice matériel né de son licenciement illégitime ;

1. ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, le bordereau de communication de l'employeur mentionnait sous les numéros 15 et 16 le registre du personnel de la société Ipra fragrances et celui de la société mère la société Ipra France ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'employeur ne versait pas aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel concernant la société Ipra fragrances, ainsi que les registres concernant les sociétés du groupe, la cour d'appel a dénaturé le bordereau précité et violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe susvisé ;

2. ALORS à tout le moins QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, l'employeur invoquait (conclusions d'appel, p. 11) son registre du personnel ainsi que celui de la société mère la société Ipra France et le bordereau de communication mentionnait ces deux pièces sous les numéros 15 et 16 ; que le salarié ne contestait pas avoir reçu communication de ces deux registres et invoquait même la pièce n° 15 de l'employeur dans ses conclusions d'appel (p. 7) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'employeur ne versait pas aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel concernant la société Ipra fragrances, ainsi que les registres concernant les sociétés du groupe, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des deux registres du personnel précités, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3. ALORS enfin QUE l'employeur est libéré de l'obligation de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique lorsque l'entreprise et le cas échéant le groupe ne comporte aucun emploi disponible en rapport avec ses compétences, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; qu'en l'espèce, la société Ipra fragrances soutenait, preuves à l'appui, qu'outre elle-même et la société mère Ipra France - dont elle produisait donc les registres du personnel -, le groupe ne comprenait que la société Ipra Polska et versait aux débats l'organigramme de cette société et une lettre de sa part en date du 31 mars 2009 indiquant qu'elle ne pouvait proposer aucun poste de reclassement à M. E..., préparateur en parfumerie, dès lors qu'elle n'avait qu'une activité de distribution et non de production et ne disposait en tout état de cause d'aucun poste disponible (conclusions d'appel, p. 11-12 ; prod. 8 à 11) ; qu'en affirmant que la société Ipra fragrances ne justifiait par aucune pièce sérieuse de son impossibilité de reclasser M. E... au niveau de qualification qui était le sien et qu'elle ne versait pas aux débats les registres concernant les filiales du groupe tant en France qu'à l'étranger, sans caractériser au préalable le périmètre exact du groupe de reclassement, ni examiner la lettre de la filiale polonaise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12241
Date de la décision : 25/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2019, pourvoi n°18-12241


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12241
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