LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° V 18-11.245 et J 18-12.362, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Belfor France (la société Belfor), chargée par la société Carlson Anse Marcel (la société Carlson) de décontaminer les chambres d'un hôtel, a sous-traité à la société Agence transports Caraïbes (la société ATC), assurée auprès de la société Helvetia assurances (la société Helvetia), le déménagement du mobilier vers le lieu de stockage convenu puis son réaménagement dans l'hôtel ; que lors de la réception des travaux par les sociétés Carlson et Belfor, des réserves ont porté sur des mobiliers et équipements endommagés ou manquants ; que la société Carlson ayant refusé de lui régler le solde des sommes lui restant dues en invoquant des manquements de la société ATC, la société Belfor a assigné cette dernière et son assureur, la société Helvetia, en indemnisation, tandis que la société ATC a réclamé le paiement de ses factures ;
Sur le premier moyen, pris en ses sixième et septième branches, du pourvoi n° J 18-12.362 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° J 18-12.362 et le moyen unique du pourvoi n° V 18-11.245, pris en leurs premières branches, rédigés en termes identiques, réunis :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner solidairement les sociétés ATC et Helvetia à payer à la société Belfor la somme de 267 767,59 euros, dans la limite de 75 000 euros pour l'assureur, à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 5 du contrat de sous-traitance, la société ATC était tenue, outre à une obligation de résultat, de prendre toutes précautions afin de ne pas endommager le mobilier et d'assurer sa conservation et sa sécurité, ainsi que de procéder avec l'entrepreneur principal à l'inventaire de sortie du mobilier à stocker ; qu'il relève qu'un constat d'huissier de justice et les deux procès-verbaux de réception partielle des travaux font état de conditions de stockage défectueuses, de biens endommagés ou manquants ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Helvetia, qui invoquait les stipulations de l'article 4 du contrat, aux termes desquelles le sous-traitant ne serait responsable qu'à l'occasion de l'exécution de sa prestation, à savoir pendant les opérations de déménagement et de réaménagement, et, s'obligeant à livrer le matériel pour qu'il soit stocké dans un lieu qu'il n'aurait pas choisi, ne serait nullement dépositaire du mobilier, faisait, dès lors, valoir que la responsabilité de la société ATC ne pouvait être recherchée en raison des dommages survenus à l'occasion du stockage des meubles, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° J 18-12.362 :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de la facture de prestations formée par la société ATC, l'arrêt, après avoir constaté qu'elle ne justifie du détail de sa créance qu'à concurrence de 84 657,34 euros, retient qu'il convient d'en déduire le montant des cinq factures du 12 avril 2012 pour un montant de 141 583,34 euros, non reconnues par la société Belfor ;
Qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi la non-reconnaissance par la société Belfor de cinq factures était suffisant pour que leur montant soit déduit de celui de la créance de la société ATC, qu'elle estimait par ailleurs justifiée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Belfor France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Agence transports Caraïbes et à la société Helvetia assurances, chacune, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° V 18-11.245 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Helvetia assurances.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné les sociétés ATC et Helvetia Assurances à payer à la société Belfor les sommes de 267.767,59 €, solidairement, dans la limite de la somme de 75.000 € concernant la société Helvetia Assurances, à titre de dommages intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2012, avec capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 5 du contrat de sous-traitance, le sous-traitant, la société ATC, était tenu, outre à une obligation de résultat, de prendre toutes précautions afin de ne pas endommager le mobilier et d'assurer sa conservation et sa sécurité, ainsi que de procéder avec l'entrepreneur principal à l'inventaire de sortie du mobilier à stocker ; qu'en l'espèce, la société Belfor fait valoir que des états des lieux de déménagement et de réaménagement ont été établis, à des dates non précisées, contradictoirement entre elle-même et la société ATC, qui les auraient indûment conservés ; que pour sa part, la société ATC ne prend pas clairement position sur l'existence de tels états des lieux, dont elle semble douter, employant le conditionnel pour les évoquer et prétendant que "s'ils existent", ils ont été laissés en possession de la société Belfor ; qu'or il résulte des stipulations précitées qu'il appartenait à la société ATC d'effectuer l'inventaire des meubles à stocker, contradictoirement avec la société Belfor, ce, à la "sortie" du stockage, c'est-à-dire lors du ré-emménagement, mais nécessairement aussi lors de leur déménagement et de leur "entrée" au stockage, aux fins de pouvoir utilement comparer l'état et la nature du stock de meubles avant et après l'exécution de sa prestation ; que par suite, il apparaît, que des états des lieux contradictoires aient ou non été dressés et indûment conservés ou non par la société ATC, étant observé que dans ce dernier cas, une négligence de la société Belfor serait à déplorer, consistant à ne pas avoir pris la précaution de faire établir ces inventaires en deux originaux, afin que chaque partie en conserve un, que la société ATC a en toutes hypothèses manqué à ses obligations soit en s'abstenant de faire établir ces inventaires, comme elle en avait la charge contractuelle, soit en refusant de les produire s'ils ont effectivement été établis ; qu'il s'avère donc que la société Belfor a été contrainte de suppléer la carence de son sous-traitant en faisant dresser un inventaire par un huissier, ce qu'elle a tenté de faire par constat du 12 décembre 2011 ; que sur ce point, s'il est certes regrettable que ce procès-verbal de constat ait été établi de façon non contradictoire à l' égard de la société ATC, qui n'y était ni présente, ni appelée, cet élément du dossier demeure toutefois recevable pour ce qu'il est, à savoir une mesure de constatations effectuée in situ par un auxiliaire de justice sur la base des déclarations unilatérales d'une partie, dès lors que sa teneur est à même d'être discutée contradictoirement par la société ATC dans le cadre du présent procès ; qu'or, ce procès-verbal de constat fait état d'avaries sur les biens meubles, de même que de conditions de stockage des meubles défectueuses (absence de protection et taux d'humidité excessif) et de la rénovation récente d'un parquet ; qu'en outre, l'existence de ces avaries, ainsi que des pertes, au demeurant non contestée par la société ATC, est confirmée par les deux procès-verbaux de réception partielle des travaux intervenus entre les sociétés Carlson et Belfor les 19 janvier et 31 mars 2012 (le second étant définitif), faisant état d'une liste de biens endommagés ou manquants, ainsi que par le courrier RAR du 29 février 2012, portant mise en demeure par la société Belfor à la société ATC de reprendre les travaux ; que par suite, il s'avère que la société ATC, qui était expressément tenue à une obligation de résultat dans l'exécution de ses obligations contractuelles et n'excipe, ni ne justifie que ces pertes et avaries ne lui sont pas imputables, comme existant avant son intervention ou pour être dues à un cas de force majeure, seules hypothèses de nature à l'exonérer de sa responsabilité, a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui engage sa responsabilité à l'égard de son donneur d'ordre ; qu'en effet, si la société ATC démontre certes avoir rencontré des difficultés de stockage consécutifs à la saturation des lieux prévus, au vu des échanges de mails produits, elle ne prétend, ni ne justifie pour autant que ces difficultés relèveraient de la force majeure (faute de remplir à tout le moins les critères de l'irrésistibilité et de l'imprévisibilité) ; que s'agissant du quantum du préjudice consécutif à ces manquements pour la société Belfor, celle-ci allègue qu'il s'établit à la somme de 507.717,88 € qui correspond à l'indemnité mise à sa charge par la société Carlson en dédommagement des pertes et avaries, en vertu d'un protocole d'accord transactionnel mettant fin à leur litige, régularisé entre elles en 2014, que la société Carlson n'aurait pas formellement signé, mais qui aurait été exécuté, ce qui n'est pas contesté par la société ATC ; que la cour observe toutefois que selon ce protocole transactionnel, la somme de 507.717,88 € se décompose en six postes, dont seuls deux relèvent de la réparation des biens immobiliers endommagés (pour 48.177,14 €) et de la réparation ou du remplacement des biens mobiliers endommagés ou manquants (pour 112.822,80 €) ; que s'agissant du poste des pénalités de retard (213.535,31 €), seule la moitié s'avère imputable à la société ATC ; et, que pour le surplus, cette imputabilité n'est pas démontrée ; que par suite, le préjudice de la société Belfor imputable à la société ATC se limite à la somme de 48.177,14 + 112.822,80 + (213.535,31 : 2) = 267.767,59 € ; qu'en conséquence, le société ATC et son assureur, la société Helvetia, seront condamnées solidairement à payer cette somme à l'appelante, outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2012, date de l'assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, le jugement étant donc infirmé sur ce point ; que la garantie de la société Helvetia sera toutefois limitée à la somme de 75.000 €, conformément aux stipulations des conditions particulières de la police d'assurance la liant à la société ATC (pages 3 et 7) relatives aux "pertes ou dommages aux marchandises confiées" en matière de "transferts industriels/administratifs", ici applicables ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 4), la société Helvetia Assurances a fait valoir que l'article 11.4 du contrat de sous-traitance conclu entre la société Belfor et la société ATC stipule expressément que « le sous-traitant, s'obligeant à livrer le matériel pour qu'il soit stocké dans un lieu qu'il n'a pas choisi, ne sera nullement dépositaire du mobilier et par conséquent ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait d'un dommage (avarie, vol, perte
) causé au mobilier. Le sous-traitant n'est responsable du mobilier qu'à l'occasion de l'exécution de sa prestation à savoir pendant les opérations de déménagement et de réaménagement », en sorte que la société Belfor ne pouvait rechercher la responsabilité de son sous-traitant en raison des dommages survenus à l'occasion du stockage des meubles ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef déterminant des conclusions d'appel de la société Helvetia assurances, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'article 2 du contrat de sous-traitance stipule que « dans le cadre du contrat principal, l'entrepreneur principal confie, en vertu des présentes, au sous-traitant, qui l'accepte, les prestations suivantes : le déménagement du mobilier des lots vers le lieu de stockage, le stockage du mobilier des lots dans le lieu de stockage sans pour autant que le sous-traitant soit dépositaire du mobilier, le réaménagement du mobilier dans les lots », l'article 5 que « le sous-traitant est soumis, dans l'exécution des prestations, à une obligation de résultat qui l'engage à une réalisation des prestations dans le délai prévu ci-après complète et conforme aux règles de l'art, aux dispositions légales et réglementaires applicables et aux prescriptions prévues aux présentes. Le sous-traitant s'engage en conséquence : (
) à prendre toutes précautions dans l'exécution de ses prestations afin de ne pas endommager le mobilier pendant l'exécution de ses prestations, à assurer la conservation et la sécurité du mobilier pendant l'exécution de ses prestations (
) », l'article 11.4 que « le sous-traitant, s'obligeant à livrer le matériel pour qu'il soit stocké dans un lieu qu'il n'a pas choisi, ne sera nullement dépositaire du mobilier et par conséquent ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait d'un dommage (avarie, vol, perte
) causé au mobilier. Le sous-traitant n'est responsable du mobilier qu'à l'occasion de l'exécution de sa prestation à savoir pendant les opérations de déménagement et de réaménagement » ; qu'il résulte des stipulations du contrat de sous-traitance que la société ATC était tenue d'une obligation de résultat limitée à l'exécution des prestations afférentes aux opérations de déménagement du mobilier des lots vers le lieu de stockage et de réaménagement du mobilier dans les lots ; qu'en condamnant la société ATC, au titre de son obligation de résultat, à payer la réparation et le remplacement des biens mobiliers sans préciser si les pertes et dommages constatés résultaient des opérations de déménagement et de réaménagement effectuées par la société ATC ou des conditions de stockage pour lesquelles la société ATC était exonérée de toute responsabilité, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil
3°)ALORS QU'aux termes de l'article 5 du contrat de sous-traitance « Le sous-traitant s'engage en conséquence : (
) à procéder en présence de l'entrepreneur principal à l'inventaire de sortie du mobilier à stocker » ; qu'en affirmant qu'il résultait des stipulations du contrat de sous-traitance qu'il appartenait nécessairement à la société ATC d'effectuer l'inventaire des meubles à stocker aussi lors de leur déménagement et leur entrée au stockage et qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
4°) ALORS, en tout état de cause, QUE le sous-traitant, fût- il tenu d'une obligation de résultat, n'engage sa responsabilité que si le donneur d'ordre prouve que les dommages allégués trouvent leur origine dans la prestation effectuée ; que faute pour la société Belfor de rapporter la preuve de l'état et de la nature du mobilier avant les opérations de déménagement et de stockage, il n'est pas établi que les meubles ont été endommagés ou perdus à l'occasion des prestations exécutées par la société ATC ; qu'en retenant que la société ATC, expressément tenue à une obligation de résultat dans l'exécution de ses obligations contractuelles, ne justifiait pas que les pertes et avaries du mobilier ne lui étaient pas imputables comme existant avant son intervention, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;
5°) ALORS QU' il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'obligation de résultat de la société ATC consistait à prendre toutes précautions afin de ne pas endommager le mobilier et à assurer la conservation et la sécurité du mobilier pendant l'exécution de sa prestation ; qu'en revanche, la responsabilité de la société ATC pour des dommages autres que ceux affectant le mobilier ne pouvait être engagée que pour faute prouvée ; qu'en condamnant la société ATC à payer une somme de 48 177,14 € au titre de la réparation des biens immobiliers endommagés et à prendre en charge la moitié des pénalités de retard supportées par la société Belfor sans constater que ces chefs de préjudice résulteraient d'une faute de la société ATC dans l'exécution de ses prestations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. Moyens produits au pourvoi n° J 18-12.362 par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Agence transports Caraïbes ATC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement les sociétés ATC, sous-traitant, et Helvetia Assurances à payer à la société Belfor, entrepreneur principal, la somme de 267 767,59 euros, dans la limite de la somme de 75 000 euros concernant la société Helvetia, à titre de dommages intérêts, outre intérêts légaux ;
AUX MOTIFS QUE « vu les articles 1315 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Qu'aux termes de l'article 5 du contrat de sous-traitance, le sous-traitant, la société ATC, était tenu, outre à une obligation de résultat, de prendre toutes précautions afin de ne pas endommager le mobilier et d'assurer sa conservation et sa sécurité, ainsi que de procéder avec l'entrepreneur principal à l'inventaire de sortie du mobilier à stocker.
Qu'en l'espèce, la société Belfor fait valoir que des états des lieux de déménagement et de réaménagement ont été établis, à des dates non précisées, contradictoirement entre elle-même et la société ATC, qui les auraient indûment conservés ; pour sa part, la société ATC ne prend pas clairement position sur l'existence de tels états des lieux, dont elle semble douter, employant le conditionnel pour les évoquer et prétendant que 's'ils existent', ils ont été laissés en possession de la société Belfor.
Qu'or, il résulte des stipulations précitées qu'il appartenait à la société ATC d'effectuer l'inventaire des meubles à stocker, contradictoirement avec la société Belfor, ce, à la 'sortie' du stockage, c'est-à-dire lors du ré-emménagement, mais nécessairement aussi lors de leur déménagement et de leur 'entrée' au stockage, aux fins de pouvoir utilement comparer l'état et la nature du stock de meubles avant et après l'exécution de sa prestation.
Que par suite, il apparaît, que des états des lieux contradictoires aient ou non été dressés et indûment conservés ou non par la société ATC, étant observé que dans ce dernier cas, une négligence de la société Belfor serait à déplorer, consistant à ne pas avoir pris la précaution de faire établir ces inventaires en deux originaux, afin que chaque partie en conserve un, que la société ATC a en toutes hypothèses manqué à ses obligations soit en s'abstenant de faire établir ces inventaires, comme elle en avait la charge contractuelle, soit en refusant de les produire s'ils ont effectivement été établis.
Qu'il s'avère donc que la société Belfor a été contrainte de suppléer la carence de son sous-traitant en faisant dresser un inventaire par un huissier, ce qu'elle a tenté de faire par constat du 12 décembre 2011. Sur ce point, s'il est certes regrettable que ce procès-verbal de constat ait été établi de façon non contradictoire à l'égard de la société ATC, qui n'y était ni présente, ni appelée, cet élément du dossier demeure toutefois recevable pour ce qu'il est, à savoir une mesure de constatations effectuée in situ par un auxiliaire de justice sur la base des déclarations unilatérales d'une partie, dès lors que sa teneur est à même d'être discutée contradictoirement par la société ATC dans le cadre du présent procès.
Qu'or, ce procès-verbal de constat fait état d'avaries sur les biens meubles, de même que de conditions de stockage des meubles défectueuses (absence de protection et taux d'humidité excessif) et de la rénovation récente d'un parquet.
Qu'en outre, l'existence de ces avaries, ainsi que des pertes, au demeurant non contestée par la société ATC, est confirmée par les deux procès-verbaux de réception partielle des travaux intervenus entre les sociétés Carlson et Belfor les 19 janvier et 31 mars 2012 (le second étant définitif), faisant état d'une liste de biens endommagés ou manquants, ainsi que par le courrier RAR du 29 février 2012, portant mise en demeure par la société Belfor à la société ATC de reprendre les travaux.
Que par suite, il s'avère que la société ATC, qui était expressément tenue à une obligation de résultat dans l'exécution de ses obligations contractuelles et n'excipe, ni ne justifie que ces pertes et avaries ne lui sont pas imputables, comme existant avant son intervention ou pour être dues à un cas de force majeure, seules hypothèses de nature à l'exonérer de sa responsabilité, a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui engage sa responsabilité à l'égard de son donneur d'ordre. En effet, si la société ATC démontre certes avoir rencontré des difficultés de stockage consécutifs à la saturation des lieux prévus, au vu des échanges de mails produits, elle ne prétend, ni ne justifie pour autant que ces difficultés relèveraient de la force majeure (faute de remplir à tout le moins les critères de l'irrésistibilité et de l'imprévisibilité).
Que s'agissant du quantum du préjudice consécutif à ces manquements pour la société Belfor, celle-ci allègue qu'il s'établit à la somme de 507.717,88 euros qui correspond à l'indemnité mise à sa charge par la société Carlson en dédommagement des pertes et avaries, en vertu d'un protocole d'accord transactionnel mettant fin à leur litige, régularisé entre elles en 2014, que la société Carlson n'aurait pas formellement signé, mais qui aurait été exécuté, ce qui n'est pas contesté par la société ATC. La cour observe toutefois que selon ce protocole transactionnel, la somme de 507.717,88 euros se décompose en six postes, dont seuls deux relèvent de la réparation des biens immobiliers endommagés (pour 48.177,14 euros) et de la réparation ou du remplacement des biens mobiliers endommagés ou manquants (pour 112.822,80 euros) ; que s'agissant du poste des pénalités de retard (213.535,31 euros), seule la moitié s'avère imputable à la société ATC ; et, que pour le surplus, cette imputabilité n'est pas démontrée.
Que par suite, le préjudice de la société Belfor imputable à la société ATC se limite à la somme de 48.177,14 + 112.822,80 + (213.535,31 : 2) = 267.767,59 euros. En conséquence, la société ATC et son assureur, la société Helvetia, seront condamnées solidairement à payer cette somme à l'appelante, outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2012, date de l'assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, le jugement étant donc infirmé sur ce point.
Que la garantie de la société Helvetia sera toutefois limitée à la somme de 75.000 euros, conformément aux stipulations des conditions particulières de la police d'assurance la liant à la société ATC (pages 3 et 7) relatives aux 'pertes ou dommages aux marchandises confiées « en matière de 'transferts industriels/administratifs », ici applicables » ;
1°/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 4), la société Helvetia Assurances a fait valoir que l'article 11.4 du contrat de sous-traitance conclu entre la société Belfor et la société ATC stipule expressément que « le sous-traitant, s'obligeant à livrer le matériel pour qu'il soit stocké dans un lieu qu'il n'a pas choisi, ne sera nullement dépositaire du mobilier et par conséquent ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait d'un dommage (avarie, vol, perte
) causé au mobilier. Le sous-traitant n'est responsable du mobilier qu'à l'occasion de l'exécution de sa prestation à savoir pendant les opérations de déménagement et de réaménagement », en sorte que la société Belfor ne pouvait rechercher la responsabilité de son sous-traitant en raison des dommages survenus à l'occasion du stockage des meubles ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef déterminant des conclusions d'appel de la société Helvetia assurances, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE l'article 2 du contrat de sous-traitance stipule que « dans le cadre du contrat principal, l'entrepreneur principal confie, en vertu des présentes, au sous-traitant, qui l'accepte, les prestations suivantes : le déménagement du mobilier des lots vers le lieu de stockage, le stockage du mobilier des lots dans le lieu de stockage sans pour autant que le sous-traitant soit dépositaire du mobilier, le réaménagement du mobilier dans les lots », l'article 5 que « le sous-traitant est soumis, dans l'exécution des prestations, à une obligation de résultat qui l'engage à une réalisation des prestations dans le délai prévu ci-après complète et conforme aux règles de l'art, aux dispositions légales et réglementaires applicables et aux prescriptions prévues aux présentes. Le sous-traitant s'engage en conséquence : (
) à prendre toutes précautions dans l'exécution de ses prestations afin de ne pas endommager le mobilier pendant l'exécution de ses prestations, à assurer la conservation et la sécurité du mobilier pendant l'exécution de ses prestations (
) », l'article 11.4 que « le sous-traitant, s'obligeant à livrer le matériel pour qu'il soit stocké dans un lieu qu'il n'a pas choisi, ne sera nullement dépositaire du mobilier et par conséquent ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait d'un dommage (avarie, vol, perte
) causé au mobilier. Le sous-traitant n'est responsable du mobilier qu'à l'occasion de l'exécution de sa prestation à savoir pendant les opérations de déménagement et de réaménagement » ; qu'il résulte des stipulations du contrat de sous-traitance que la société ATC était tenue d'une obligation de résultat limitée à l'exécution des prestations afférentes aux opérations de déménagement du mobilier des lots vers le lieu de stockage et de réaménagement du mobilier dans les lots ; qu'en condamnant la société ATC, au titre de son obligation de résultat, à payer la réparation et le remplacement des biens mobiliers sans préciser si les pertes et dommages constatés résultaient des opérations de déménagement et de réaménagement effectuées par la société ATC ou des conditions de stockage pour lesquelles la société ATC était exonérée de toute responsabilité, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;
3°/ ALORS QU'aux termes de l'article 5 du contrat de sous-traitance « Le sous-traitant s'engage en conséquence : (
) à procéder en présence de l'entrepreneur principal à l'inventaire de sortie du mobilier à stocker » ; qu'en affirmant qu'il résultait des stipulations du contrat de sous-traitance qu'il appartenait nécessairement à la société ATC d'effectuer l'inventaire des meubles à stocker aussi lors de leur déménagement et leur entrée au stockage et qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
4°/ ALORS, en tout état de cause, QUE le sous-traitant, fût- il tenu d'une obligation de résultat, n'engage sa responsabilité que si le donneur d'ordre prouve que les dommages allégués trouvent leur origine dans la prestation effectuée ; que faute pour la société Belfor de rapporter la preuve de l'état et de la nature du mobilier avant les opérations de déménagement et de stockage, il n'est pas établi que les meubles ont été endommagés ou perdus à l'occasion des prestations exécutées par la société ATC ; qu'en retenant que la société ATC, expressément tenue à une obligation de résultat dans l'exécution de ses obligations contractuelles, ne justifiait pas que les pertes et avaries du mobilier ne lui étaient pas imputables comme existant avant son intervention, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;
5°/ ALORS QU' il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'obligation de résultat de la société ATC consistait à prendre toutes précautions afin de ne pas endommager le mobilier et à assurer la conservation et la sécurité du mobilier pendant l'exécution de sa prestation ; qu'en revanche, la responsabilité de la société ATC pour des dommages autres que ceux affectant le mobilier ne pouvait être engagée que pour faute prouvée ; qu'en condamnant la société ATC à payer une somme de 48 177,14 € au titre de la réparation des biens immobiliers endommagés et à prendre en charge la moitié des pénalités de retard supportées par la société Belfor sans constater que ces chefs de préjudice résulteraient d'une faute de la société ATC dans l'exécution de ses prestations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;
6°/ ALORS QUE le débiteur d'une obligation contractuelle de résultat peut s'exonérer, au moins partiellement, de sa responsabilité par la preuve de la faute du créancier de l'obligation, même si celle-ci ne présente pas les caractères de la force majeure ; qu'en l'espèce, la société ATC faisait valoir que la société Belfor avait commis une faute à l'origine de son préjudice dès lors qu'elle s'était trouvée « dans l'incapacité de pouvoir fournir à ATC des lieux de stockage » et s'était révélée, « par soucis d'économie ou manque de professionnalisme (
), incapable de répondre aux nombreuses sollicitations de la société ATC » (concl., p. 6 § 7-9) ; qu'elle soulignait ainsi « l'inertie et le silence » de l'entrepreneur principal, ainsi que « les multiples dysfonctionnements dont il (était) à l'origine dans la conduite de l'ouvrage qui lui a été confié par le maître d'oeuvre » (concl., p. 7, § 1) ; qu'en retenant, pour refuser d'exonérer, même partiellement, la société ATC de sa responsabilité, que « si la société ATC démontre certes avoir rencontré des difficultés de stockage consécutifs à la saturation des lieux prévus, au vu des échanges de mails produits, elle ne prétend, ni ne justifie pour autant que ces difficultés relèveraient de la force majeure (
) » (arrêt, p. 7 § 5), cependant que la simple faute de la société Belfor à l'origine de son préjudice était de nature à exonérer, au moins partiellement, la société ATC de sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
7°/ ALORS QUE la faute de la victime ayant concouru à la réalisation du dommage constitue une cause d'exonération, au moins partielle, de la responsabilité de l'auteur dudit dommage ; que la société ATC faisait encore valoir, dans ses écritures d'appel, que le manquement contractuel de la société Belfor, qui consistait à ne pas « fournir au sous-traitant les documents nécessaires à l'exécution de ses prestations, conformément à l'article 6.2 du contrat de sous-traitance (
), et ce afin d'assurer une bonne coordination du chantier », avait eu un rôle causal dans la réalisation du préjudice (concl., p. 8 § 3-4) ; qu'en se bornant à retenir, pour refuser d'exonérer, même partiellement, la société ATC de sa responsabilité, que cette dernière « n'excipe, ni ne justifie que ces pertes et avaries ne lui sont pas imputables comme existant avant son intervention ou pour être dues à un cas de force majeure, seules hypothèses de nature à l'exonérer de sa responsabilité » (arrêt, p. 7 § 5), sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la négligence de l'entrepreneur principal n'était pas, au moins partiellement, à l'origine des avaries litigieuses, de sorte qu'en toute hypothèse, la société ATC pouvait être exonérée partiellement de sa responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société ATC tendant à voir condamner la société Belfor à lui payer le la somme de 92 828,27 euros au titre de factures impayées ;
AUX MOTIFS QUE « sur le fond, la société ATC réclame le paiement de la somme de 92.828,27 euros, se décomposant comme suit :
- 53.575,62 euros HT, au titre de prestations issues du contrat principal (somme accordée par le tribunal de commerce) ;
- 39.252,65 euros HT, au titre de prestations complémentaires (somme objet d'un débouté par le tribunal de commerce), sommes dont la société Belfor se serait reconnue débitrice dans son courrier du 29 février 2012, même si elle a soumis l'acquittement de la seconde à la présentation de justificatifs.
Que la société Belfor s'y oppose, soutenant pour sa part que ce courrier a été mal interprété, puisque selon le propre décompte de la société ATC assortissant sa mise en demeure du 9 novembre 2012 (qui porte d'ailleurs seulement sur 84.657,34 euros), et au vu de la chronologie, elle n'était redevable que de la somme de 584 euros au 29 février 2012.
Qu'or, le contrat prévoyait que la rémunération due au sous-traitant était globale et forfaitaire, outre frais d'acheminement aérien de l'emballage (facturés 'à part' et sur justificatifs), mais que des prestations supplémentaires pouvaient être facturées en cas d'accord écrit du donneur d'ordre sur la nature et le prix de ces prestations.
Qu'or, la cour observe que la société ATC qui a la charge de la preuve de l'obligation dont elle se prévaut, ne produit aucune facture, ni le décompte de sa créance alléguée de 92.828,27 euros et ainsi ne justifie pas du différentiel entre cette somme et celle de 84.657,34 euros réclamée dans sa mise en demeure du 9 novembre 2012, qui est postérieure au courrier prétendument de reconnaissance de dette de la société Belfor en date du 29 février 2012.
Qu'or, la situation de compte de la société ATC jointe à ce courrier ne correspond pas exactement, à dates égales, au décompte de la créance établi par la société ATC le 9 novembre 2012.
Que par suite, il s'avère que la société ATC ne justifie du détail de sa créance qu'à hauteur de 84.657,34 euros, mais qu'il convient d'en déduire toutefois les 5 factures du 12 avril 2012 pour un montant de 141.583,34 euros, par définition non reconnues par la société Belfor dans son courrier du 29 février 2012 qui est antérieur. En effet, la société ATC ne rapporte pas la preuve que ces cinq factures dont l'objet exact est ignoré seraient dues et, à supposer qu'elles concernent des 'prestations supplémentaires', elle n'établirait pas que ces prestations ont fait l'objet d'un accord de la société Belfor quant à leur nature et leur prix, conformément aux règles du contrat.
Qu'en conséquence, ATC sera déboutée de sa demande, le jugement étant infirmé sur ce point ;
1) ALORS QUE tout jugement devant être motivé, ne satisfait pas à cette exigence la décision qui statue par des motifs inintelligibles ; qu'en retenant que « la société ATC ne justifie du détail de sa créance qu'à hauteur de 84 657,34 euros (au lieu de la somme réclamée de 92 828,27 euros) », mais qu'il convenait « d'en déduire toutefois les 5 factures du 12 avril 2012 pour un montant de 141.583,34 euros, par définition non reconnues par la société Belfor dans son courrier du 29 février 2012 qui est antérieur » (arrêt, p. 9 § 2), la cour d'appel a statué par voie de motifs inintelligibles, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en l'espèce, selon les propres constatations de la cour d'appel, d'une part, « par courrier recommandé AR du 29 février 2012, la société Belfor (
) (avait) reconnu devoir la somme de 53.575,62 euros HT à la société ATC, celle de 39.252,65 euros ne pouvant être due que sur présentation de justificatifs » (arrêt, p. 3, avant dernier §), et d'autre part, la société ATC justifiait d'une créance résiduelle d'un montant de 84 657,34 euros (arrêt, p. 9 § 2) ; qu'il s'ensuivait qu'il appartenait à la société Belfor, qui se prétendait libérée, de prouver l'extinction de son obligation ; qu'en considérant néanmoins, pour débouter la société ATC de sa demande, que celle-ci ne rapportait pas la preuve que les prestations dont elle demandait le paiement avaient « fait l'objet d'un accord de la société Belfor quant à leur nature et leur prix », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.