LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. K..., engagé par la société Sylber Froid (la société) à compter du 1er janvier 1999 en qualité de directeur commercial et dont il détenait la moitié des parts composant le capital, a été désigné gérant de la société le 28 juin 1999 ; qu'il a démissionné de cette fonction le 14 septembre 2006 ; que par jugement du 18 septembre 2014, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société, la société SMJ, prise en la personne de M. E... , étant désignée mandataire liquidateur ; que M. K... a été licencié le 1er octobre 2014 pour motif économique ; que l'AGS a contesté la qualité de salarié de l'intéressé ; que M. K... a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'inscription au passif de la société de sa créance indemnitaire liée au licenciement et de diverses créances salariales ;
Attendu que pour débouter l'intéressé de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient qu'il appartient à celui qui revendique l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve et d'établir l'existence d'une activité rémunérée et d'un lien de subordination et que, compte tenu des éléments qu'il analyse, M. K... ne rapporte la preuve d'aucun lien de subordination ni ne justifie de sa qualité de salarié ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'intéressé était titulaire d'un contrat de travail écrit à compter du 1er janvier 1999, antérieur à sa nomination en qualité de gérant, d'où il résultait que c'était à celui qui soutenait qu'il n'avait pas retrouvé la qualité de salarié après le 14 septembre 2006 d'en rapporter la preuve, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. E... , ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. E... , ès qualités, à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du 25 septembre 2019.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. K...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir débouté M. K... de l'ensemble de ses demandes ;
Aux motifs propres que, M. K... reproche aux premiers juges d'avoir inversé la charge de preuve en estimant qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un lien de subordination et en affirmant qu'il serait gérant de fait, lui-même désignant M. D... comme étant le gérant ; que le mandataire liquidateur de la société Sylber froid sollicite la confirmation de la décision déférée, contestant l'existence de tout lien de subordination, qu'il appartient à celui qui revendique l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve et d'établir l'existence d'une activité rémunérée et d'un lien de subordination qui se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; que M. K... dont la demande de prise en charge par les AGS a été refusée par le juge commissaire conteste tout pouvoir de représentation de la société Sylber froid et affirme qu'il n'avait ni procuration ni signature sur les comptes bancaires ; que pour justifier de ses prétentions, il verse aux débats plusieurs attestations d'anciens employés de la société Sylber froid affirmant unanimement ne pas avoir reçu d'ordre de M. K... mais uniquement de M. D..., étant précisé que certaines attestations sont en totale contradiction avec les faits pourtant établis en ce qui concerne les salariés embauchés alors que M. K... était effectivement le gérant de la société et comme tel, donneur d'ordres, de telle sorte que la cour ne reconnaît pas de valeur probante à toutes ces attestations rédigées dans les mêmes termes ; que le mandataire liquidateur verse par ailleurs aux débats une lettre de licenciement pour inaptitude signée le 20 juillet 2011 par M. K... qui mentionne sa qualité de directeur, justifiant ainsi de l'usage de son pouvoir de direction, alors que lui-même ne rapporte pas la preuve d'un lien de subordination comme il lui en incombe au soutien de son allégation selon laquelle il était salarié ; que sont également produits par le mandataire liquidateur le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Sylber froid du 28 juin 1999 présidée par M. D... et acceptant la démission de celui-ci de ses fonctions de gérant de la société, élisant M. K... aux fonctions de gérant, le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Sylber froid du 14 septembre 2006, présidée par M. K... en sa qualité de gérant associé, nommant en qualité de gérant en remplacement de M. K..., gérant nommé lors de la constitution de la société et démissionnaire, M. D..., le livre d'entrées et sortie du personnel de la société Sylber froid qui mentionne, s'agissant de M. K..., une entrée en tant que gérant le 1er janvier 1999 et une sortie le 30 juin 1999, puis, à compter du 1er juillet 2003, une nouvelle entrée en qualité de gérant sans que soit mentionnée de date de sortie ; que la cour observe que la mention de la qualité de directeur commercial portée sur le contrat de travail litigieux est en contradiction avec les mentions de gérant portées en 1999 et 2003 sur le livre d'entrées et sorties du personnel, étant précisé que la présomption de salariat en présence d'un contrat de travail apparent, n'est qu'une présomption simple ; qu'il sera par ailleurs relevé qu'aucun avenant au contrat de travail justifiant de ces diverses modifications de l'emploi de M. K... n'a été produit par celui-ci ; que la cour relève par ailleurs que les bulletins de paie de M. K... mentionnent, à titre de date d'ancienneté, le 1er juillet 2003 et, à titre de fonction, celle de directeur commercial, en contradiction avec le registre unique du personnel mentionnant une embauche au 1er juillet 2003 en qualité de gérant ; qu'il est en outre observé qu'aux termes de ses conclusions, M. K... indique avoir été gérant jusqu'en septembre 2006 tandis que dans son courrier adressé au mandataire judicaire le 20 octobre 2014, il affirmait avoir été le gérant de la société Sylber froid de 2003 jusqu'au 28 février 2007 (cette date est par ailleurs confirmée par Mme W... dans son attestation) et depuis, salarié actionnaire à hauteur de 50 %, étant précisé qu'il l'était à hauteur de 55 % lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 1999 ainsi qu'il résulte des mentions portées sur le procès-verbal versé aux débats ; que M. D... (ainsi que M. K... qualifié de gérant de la société) était lui-même actionnaire à hauteur de 45 % alors qu'il occupe aux termes du registre unique du personnel le poste de technicien depuis le 1er janvier 1999 ; que la cour considère qu'en tout état de cause, M. K..., qui était actionnaire majoritaire de la société Sylber froid et gérant entre 1999 et 2006, ne pouvait être embauché à compter du 1er juillet 2003, ainsi qu'il est mentionné sur le registre du personnel et sur ses bulletins de salaire, étant précisé qu'il était dans le même temps gérant majoritaire de la société N... froid distribution constituée par acte sous-seing privé du 3 décembre 1998, ayant le même objet social et le même siège social que la société Sylber froid et dont M. K..., qui détenait à l'origine 100 % des parts, a cédé à M. D... le 27 juin 2013 45 % des parts, M. K... était également le gérant d'autres sociétés concurrentes, telles qu'en témoignent les fiches société.com produites par le mandataire liquidateur : les sociétés Sierco, Frigorif Air et Sylber froid, SL, société étrangère ; que la fiche BODACC de la société Froid machines industrielles créée le 1er mars 2013 permet par ailleurs d'apprendre que l'épouse de M. K..., Mme G... K..., en est la gérante ; qu'au surplus, les bulletins de paie de M. K... font état d'une rémunération brute de 8 099, 60 € en février 2014 tandis que, compte tenu des difficultés économiques, celui-ci explique avoir accepté ensuite une baisse de sa rémunération brute qui n'était alors plus que de 3 742, 35 € en mars et avril 2014, 3 884, 88 € en mai et juin 2014, 3 919, 56 € en juillet 2014 augmentée subitement à 8 597, 04 € en août 2014, juste avant la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Versailles à la suite de la déclaration de cessation des paiements effectuée par la société Sylber froid le 12 septembre 2014 au greffe ; que la cour observe qu'aucun avenant concernant la baisse de la rémunération de M. K..., non plus, été versé aux débats et que l'événement est lui-même peu compatible avec le statut de salarié tel que revendiqué ; qu'enfin, la cour relève qu'aucune cotisation n'a été versée auprès des ASSEDIC avant la période suspecte, les bulletins de salaire n'en faisant état qu'à compter du mois de mai 2014 et ce, jusqu'au dépôt de bilan en septembre 2014 ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que M. K... ne rapporte la preuve d'aucun lien de subordination ni ne justifie de sa qualité de salarié, de telle sorte qu'il sera débouté de l'ensemble de ses demandes et la décision déférée confirmée sur ces points ;
Et aux motifs adoptés que, M. K... sollicite du conseil de prud'hommes que lui soit reconnue la qualité de salarié ; que le livre d'entrées et de sorties de la société Sylber froid indique effectivement une entrée en tant que gérant le 1er janvier 1999 et une sortie au 30 juin 1999 ; qu'aucune entrée de M. K... à quelque titre que ce soit n'y est mentionnée depuis le 30 juin 1999 après que la loi impose que le registre du personnel soit mis à jour à chaque mouvement du salarié ; que M. D... est qualifié par M. K... comme le réel gérant ; que ce moyen sera rejeté au motif que le livre d'entrées et de sorties de la société Sylber froid le mentionne comme étant entré le 1er janvier 1999 comme technicien et qu'il n'y a aucune date de sortie le concernant ; qu'en septembre 2006, M. K... soutient avoir démissionné de ses fonctions de gérant et qu'il serait alors redevenu directeur commercial ; qu'aucun avant au contrat de travail n'est versé aux débats ; que M. K... détient 50 % des parts dans la société, qu'il est donc majoritaire puisque M. D... n'en a que 48 % ; qu'aucun lien de subordination n'est rapporté, M. K... ne fournit aucun document montrant qu'il recevait des ordres ; qu'aucun objectif ne lui était fixé ce qui n'est pas l'usage pour les commerciaux, statut qu'il revendique, que le moyen de renvoyer la charge de la preuve sur les organes de liquidation judiciaire est insuffisante, M. K... se devait d'apporter un début de preuve, ; que les fiches de paie ne mentionnent pas de versement au fonds de garantie des salaires sauf sur la période suspecte entre mai et août 2014 ; qu'aucun avenant n'est fourni lorsque les émoluments mentionnés ont été diminués de 8 520, 96 € à 3 800 €, ce qui fait douter du statut de salarié auquel prétend M. K... ; que sur l'argumentaire de M. K... soutenant qu'il ne regardait pas sa feuille de paie, cet argument est irrecevable, le comptable chargé de la paie ne modifie pas les cotisations de son propre chef ; que les émoluments mensuels sont revenus à 8 520, 96 € en août 2014 juste avant la liquidation judiciaire ; que par ces motifs, le conseil dit que M. K... avait signé une lettre de licenciement d'un salarié de la société Syber froid ; que par ces motifs le conseil dit que ce faisceau d'indices concordants montre de façon irréfragable que M. K... était le gérant de fait et qu'il convient de le débouter de l'ensemble de ses demandes puisqu'il n'était pas salarié de la société Sylber froid ;
1°) Alors que, en présence d'un contrat de travail apparent, c'est à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er janvier 1999, M. K... avait été engagé en qualité de directeur commercial par la société Sylber Froid ; qu'en jugeant, pour le débouter de l'ensemble de ses demandes, que M. K... ne rapporte la preuve d'aucun lien de subordination ni ne justifie de sa qualité de salarié, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1315 du code civil en sa rédaction applicable au litige et L. 1221-1 du code du travail ;
2°) Alors que, en cas de révocation d'un mandat social, et de poursuite du contrat de travail, c'est à l'employeur qui en invoque la fictivité de l'établir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé, d'une part, que M. K... avait été engagé en qualité de directeur commercial par la société Sylber Froid, par un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er janvier 1999, d'autre part, que, selon un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 1999, il avait été désigné gérant de la société, jusqu'à sa démission et son remplacement par M. D..., selon un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 14 septembre 2006, qu'enfin, il avait été licencié pour motif économique le 1er octobre 2014 ; qu'en faisant peser sur le salarié la charge de la preuve de la non fictivité de son contrat de travail quand il résultait de ses constatations qu'il s'était poursuivi 8 années après la révocation de son mandat social en sorte que la charge de la preuve de la fictivité du contrat de travail pesait sur l'employeur, la cour d'appel a derechef violé les articles 1315 du code civil en sa rédaction applicable au litige et L. 1221-1 du code du travail ;
3°) Alors que, subsidiairement, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; qu'en relevant, pour dire et juger qu'il n'existe pas de lien de subordination entre M. K... et la société Syber froid, que le livre d'entrées et de sortie du personnel ne mentionne pas son embauche en qualité de directeur commercial mais plutôt celle de gérant, que les mentions figurant dans ses bulletins de salaires sont contredites par celles inscrites sur ce registre, ou encore qu'il était gérant d'autres sociétés concurrentes, qu'aucun avenant contractuel n'a été établi concernant la baisse de son salaire entre mars et juillet 2014 et qu'aucune cotisation n'a été versée auprès des Assedic, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les conditions d'exercice par M. K... de son activité salariée, notamment pendant les huit années ayant suivi la révocation de son mandat social, a statué par une motivation totalement inopérante à écarter l'existence d'un contrat de travail et privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°) Alors que, en relevant, pour débouter M. K... de ses demandes fondées sur l'existence d'un contrat de travail, qu'il avait signé une lettre de licenciement le 20 juillet 2011, sans vérifier s'il avait agi sans délégation de sa hiérarchie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1221-1 du code du travail ;
5°) Alors que, un salarié peut être actionnaire, même majoritaire, de la société dans laquelle il travaille ; qu'en relevant, pour débouter M. K... de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'existence d'une activité salariée, qu'il avait été actionnaire de la société Sylber froid, et parfois actionnaire majoritaire, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1221-1 du code du travail ;
6°) Alors que, en affirmant péremptoirement qu'aucun objectif ne lui était fixé ce qui n'est pas l'usage pour les commerciaux, statut qu'il revendique, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.