LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1411-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a été engagé le 1er décembre 2011 par la société Tract-Afric motors Cameroun (TMC), filiale du groupe Optorg en qualité de directeur administratif et financier des filiales Afrique ; qu'il a été mis fin à sa période d'essai par lettre du 27 mars 2012 ; que M. F... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande dirigée contre la société Optorg ;
Attendu que pour dire que la société Optorg est coemployeur de M. F... et la condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif et l'enjoindre de lui remettre une attestation pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l'arrêt dans le mois suivant sa signification, la cour d'appel retient qu'il existe des indices concordants en faveur du coemploi, des liens de dépendance apparaissant entre société TMC et le groupe Optorg, dont la société-mère est la société Compagnie Optorg, la société TMC étant détenue à concurrence de 60 % par Optorg ; que les enseignes commerciales utilisées dans les Etats africains devaient notamment être Africauto et Tract-Afric Motors ; que la "joint-venture" bénéficie d'un réseau propre et de distributeurs agréés ; que des contrats de prestation de services ont été conclus entre le salarié et la société Compagnie Optorg, qui est intervenue dans le recrutement du salarié et qui lui a confié des prestations de services relatives au conseil et à l'assistance financière dans l'intérêt de sa filiale Sho Gabon à Libreville ; que des frais de déplacement et de séjours exposés par le salarié étaient partiellement pris en charge par Optorg ; que le secrétaire général Optorg, a écrit que le salarié était en place jusqu'à la fin octobre à Libreville, puis qu'il partait à Douala comme directeur administratif et financier ; que dans ce même document, il a donné des indications précises au dirigeant de la société TMC, sur le rôle dévolu aux directeurs administratifs et financiers ; que la direction des ressources humaines TMC, dont l'adresse était située à Puteaux, a envoyé un courriel au salarié pour lui proposer d'intégrer « notre groupe » par le biais d'un contrat à durée indéterminée et d'occuper le poste de directeur administratif et financier à l'étranger ; que dans ce courriel, il faisait référence aux entretiens que le salarié avait eu avec « nos » collaborateurs et « notre direction des ressources humaines » ; qu'il existait des liens entre les différents contrats signés entre le salarié et des sociétés du groupe Optorg et ses affectations ; que d'ailleurs, le salarié était présenté sur un site internet comme directeur financier des filiales Afrique Tract-Afric du groupe Optorg ; qu'il ressort d'un courriel adressé par le dirigeant de la société TMC à partir d'une adresse internet Optorg, que la situation du salarié ne lui était pas indifférente ; qu'il s'ensuit que le départ du salarié est intervenu au moment de la création de la société TMC et que la société-mère Optorg, qui donnait des indications précises sur la méthodologie à suivre, a souhaité faire intervenir l'appelant dans ses filiales ; que dès lors, la situation de coemploi sera retenue entre la société Compagnie Optorg et la société TMC ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, insusceptibles de caractériser tant une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société Optorg dans la gestion économique et sociale de la société TMC que l'existence d'un lien de subordination juridique entre le salarié et la société Optorg, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie Optorg
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la Société Compagnie Optorg est coemployeur de M. N... F... et en conséquence d'AVOIR, d'une part, condamné la Société Compagnie Optorg à payer à M. F... les sommes de 9.500 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'autre part, enjoint à celle-ci de remettre à M. F... une attestation pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l'arrêt dans le mois suivant sa signification ;
AUX MOTIFS QUE par contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2011, M. N... F... a été engagé par la société Tract-Afrique Motors Cameroun, filiale du groupe Optorg, en qualité de directeur administratif et financier des filiales Afrique ; que le 1er décembre 2011, M. N... F... a signé un autre contrat de travail en qualité de consultant financier avec la société SDIA dont le siège social est situé à Maurice et qui est également filiale du groupe Optorg ; que par courrier du 27 mars 2012, la société Tract-Afrique Motors Cameroun a mis fin au contrat de travail de M. N... F... avant le terme de la période d'essai qui avait été prorogé jusqu'au 31 mars 2012 ; que la société SDIA a également mis fin au contrat de travail de M. N... F... à une date qui n'est pas précisée ; que la rémunération mensuelle brute de M. F... était équivalente à 9502,21 € ; que c'est dans ce contexte que M. N... F... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester la rupture de son contrat de travail et solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il affirme avoir subi ; que, sur le coemploi : M. F... soutient que la Société Compagnie Optorg est coemployeur, et ce contrairement à cette société ; que nonobstant les dénégations de la Société Compagnie Optorg, il existe des indices concordants en faveur du co-emploi ; que des liens de dépendance apparaissent entre société Tract-Afrique Motors Cameroun et le groupe Optorg, dont la société-mère est la Société Compagnie Optorg ; qu'ainsi, le 16 avril 2012, les groupes Optorg/Tract-Afrique d'une part et Demimpex d'autre part, se sont rapprochées et ont créé par voie d'apports de leurs activités Motors respectives (automobile et poids-lourd) un nouvel ensemble Motors à l'échelle du continent africain ; que la nouvelle entité dénommée Tract-Afrique Motors Corporation devait être détenue à concurrence de 60 % par Optorg et à concurrence de 40 % par SDA ; que les enseignes commerciales utilisées dans les états africains devait notamment être Africauto et Tract-Afrique Motors ; que la joint-venture bénéficie d'un réseau propre et de distributeurs agréés ; que la Société Compagnie Optorg est intervenue dans le recrutement de M. F... pour la société Tract-Afrique Motors Cameroun ; qu'en effet, des contrats de prestation de services ont été conclus les 11 mai et 8 août 2011 entre M. F... et la Société Compagnie Optorg représentée par son secrétaire général, M. L... ; que par ses contrats à durée déterminée, la Société Compagnie Optorg a confié à M. F... des prestations de services relatives au conseil et à l'assistance financière dans l'intérêt de sa filiale Sho Gabon à Libreville ; que des frais de déplacement et de séjours exposés par le salarié étaient pris en charge par Optorg, tandis que Sho Gabon en payait d'autres, ainsi que la rémunération ; que dans un courriel du 16 septembre 2011, M. L..., secrétaire général Optorg, a écrit que M. F... était en place jusqu'à la fin octobre à Libreville, puis qu'il partait à Douala comme directeur administratif et financier ; que dans ce même document, M. L... a donné des indications précises à M. R..., dirigeant de la société Tract-Afrique Motors Cameroun, sur le rôle dévolu aux directeurs administratifs et financiers ; que le 21 décembre 2011, M. T... agissant au nom de la direction des ressources humaines TMC, dont l'adresse était situées à Puteaux, a envoyé un courriel à M. F... pour lui proposer d'intégrer « notre groupe » par le biais d'un contrat à durée indéterminée et d'occuper le poste de directeur administratif et financier à l'étranger ; que dans ce courriel, M. T... faisait référence aux entretiens que M. F... avait eu avec « nos » collaborateurs et « notre direction des ressources humaines » ; que précédemment, par lettre du 1er décembre 2011, M. A..., directeur de société Tract-Afrique Motors Cameroun, agissant par procuration du gérant, signait l'engagement sous condition suspensive de l'obtention des autorisations administratives des autorités camerounaises de M. F... en tant que directeur administratif et financier « Régional Motors » après avoir fait mention de différents entretiens que M. T... ; qu'à la même date du 1er décembre 2011, la compagnie mauricienne SDIA, représentée par M. V... S..., son administrateur, recrutait M. F... en tant que consultant financier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que dès lors, il existe des liens entre ces différents contrats et les affectations de M. F... ne sont pas étrangères à la Société Compagnie Optorg ; que d'ailleurs, M. F... est présenté sur un site internet comme directeur financier des filiales Afrique Tract-Afrique du groupe Optorg ; qu'il ressort également du courriel adressé par M. R... à partir d'une adresse internet Optorg à d'autres personnels d'Optorg, le 23 mars 2012, que la situation de M. F... ne lui était pas indifférente puisqu'il écrivait que le salarié qui n'avait pas démérité allait perdre son emploi de directeur des affaires financières de la filiale TAM Cameroun, qu'il avait déjà travaillé plusieurs mois comme prestataire au Gabon (TAE et TAM), que, disponibles et connaissant les méthodes de travail, les outils et leurs limites (« nos méthodes et nos outils »), il serait un bon candidat pour répondre à leurs besoins au Gabon et au Congo ; qu'il s'ensuit que le départ de M. F... est intervenu au moment de la création de la société Tract-Afrique Motors Corporation et que la société-mère Optorg, qui donnait des indications précises sur la méthodologie à suivre, a souhaité faire intervenir l'appelant dans ses filiales ; que dès lors, la situation de coemploi sera retenue entre la Société Compagnie Optorg et la société Tract-Afrique Motors Cameroun ; que le jugement entrepris sera de ce chef ; que, sur la compétence et la loi applicable : la Société Compagnie Optorg est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre ; que la juridiction prud'homale française est compétente pour connaître du litige opposant M. F... à la Société Compagnie Optorg ; que la loi française s'applique ; que le litige oppose un ressortissant français un employeur immatriculé et domicilié en France ; que les dispositions relatives à la rupture sont impératives ; que, sur le licenciement : M. F... a été, après l'échéance du terme de son contrat de travail à durée déterminée, engagé par contrat à durée indéterminée, la durée de son contrat de travail à durée déterminée doit être déduite de la période d'essai prévue dans son nouveau contrat de travail ; qu'il importe peu qu'il ait occupé le même emploi en exécution de différents contrats ; que M. F... a été embauché par contrat à durée déterminée du 11 mai 2011 renouvelé le 8 août 2011 jusqu'au 8 décembre 2011 ; que le contrat du 1er décembre 2011 prévoyait une période d'essai de 3 mois prorogés à 6 mois, soit jusqu'au 31 mars 2012 ; qu'en sa qualité de cadre, M. F... ne pouvait être à l'essai plus de 8 mois ; que la période d'essai de M. F... expirait le 12 janvier 2012 ; qu'il ne se trouvait plus en période d'essai lorsqu'il a été mis fin à son contrat de travail ; qu'en conséquence, M. F... est bien fondé à soutenir que la rupture de son contrat de travail est abusive ; que, sur les demandes pécuniaires : la procédure de licenciement aurait dû être mise en oeuvre mais l'employeur ne l'a pas utilisée ; que le salarié dispose d'une ancienneté inférieure à 2 ans ; qu'il réclame le paiement d'une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ; que, faute d'avoir était entendu sur le motif de son licenciement, M. F... n'a pu faire valoir ses arguments pour tenter de faire renoncer son employeur à la rupture de son contrat de travail ; que la cour évalue son préjudice à la somme de 9500 € ; que M. F... est âgé de 56 ans à la date de la rupture de son contrat de travail ; qu'il n'envisageait pas qu'il puisse être mis fin dans de telles conditions à son embauche puisque sa compagne a obtenu son affectation dans un collège de Douala pour la rentrée 2012 ; que M. F... argue du fait qu'il au chômage mais que les seuls documents de Pôle Emploi qu'il communique font état d'une prise en charge pour la période du 1er avril 2016 au 20 février 2017 seulement ; qu'en conséquence, le préjudice matériel n'est pas démontré ; que par contre, la brutalité de la rupture justifie indemnisation d'un préjudice moral à hauteur de 6000 € ; que les qualités professionnelles de M. F... n'ont pas été mises en doute puisque M. R... a voulu l'orienter sur un autre poste en précisant bien qu'il n'avait pas démérité ; que la demande de dommages-intérêts supplémentaires pour licenciement vexatoire sera rejetée ; que le préjudice moral a déjà été en compte ; que, sur les intérêts de retard : les condamnations seront productives d'un intérêt de retard au taux légal à compter de la décision qui les fixe ; que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de droit ; que, sur la remise des documents sociaux : la Société Compagnie Optorg devra remettre à M. F... une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la décision dans le mois suivant sa signification ; que le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire ; que, sur les frais irrépétibles et les dépens : la Société Compagnie Optorg succombe à l'action pour l'essentiel ; qu'elle sera condamnée aux dépens et à payer à M. F... une indemnité pour frais irrépétibles de procédure de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle sera elle-même déboutée de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure ;
ALORS QUE, hors l'existence d'un lien de subordination juridique, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre entité de ce groupe, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en l'espèce, pour dire que la société Compagnie Optorg est co-employeur de M. F..., la cour d'appel a relevé que des liens de dépendance apparaissent entre la société TractAfric Motors Cameroun et le groupe Optorg dont la société-mère est la société Compagnie Optorg, que cette dernière est intervenue dans le recrutement de M. F... pour la société Tract-Afrique Motors Cameroun, que des contrats de prestation de service avaient été conclus les 11 mai et 8 août 2011 entre M. F... et la société Compagnie Optorg, par lesquels il avait été confié à celui-ci des prestations de services relatives au conseil et à l'assistance financière d'une filiale ayant occasionné des frais de déplacement et de séjour qui avaient été partiellement pris en charge par la société Compagnie Optorg, que cette dernière s'était directement chargée de son recrutement et de la gestion de sa carrière, que les différents contrats signés par M. F... et ses diverses affectations n'étaient pas étrangères à la société Compagnie Optorg et qu'il était présenté sur le site Internet du groupe comme le directeur financier des filiales Afrique TractAfric du groupe Optorg ; qu'elle a ajouté que la situation de M. F... ne laissait pas la société Compagnie Optorg indifférente lorsqu'il était sur le point de perdre son emploi de directeur des affaires financières de la filiale TAM Cameroun et que c'est dans ce contexte qu'elle était intervenue en sa faveur, lors de la création de la société TractAfric Motors Cameroun, pour lui trouver un poste au sein de cette dernière ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par l'immixtion de la société Compagnie Optorg dans la gestion économique et sociale de la société TractAfric Motors Cameroun avec laquelle, seule, M. F... était lié par un contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et L. 1221-1 du code du travail.