LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 19-82.252 F-D
N° 2072
24 SEPTEMBRE 2019
SM12
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le vingt-quatre septembre deux mille dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller SAMUEL, les observations de Me HAAS, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle DELAMARRE et JEHANNIN et les conclusions de l'avocat général ;
M. T... W... a présenté, par mémoire spécial reçu le 9 juillet 2019, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-14, en date du 12 février 2019, qui, pour contrefaçon, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 60 000 euros d'amende, a ordonné des mesures de publication et de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, qui incriminent la contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur et la vente et la mise en vente de produit sous une marque contrefaite, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation qui institue une présomption d'élément moral de l'infraction, sont-elles contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, au principe de la présomption d'innocence, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
2. Les trois derniers alinéas de l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle relatifs à la contrefaçon d'ouvrages publiés en France, les deux derniers alinéas de l'article L. 335-3 du même code relatifs à la contrefaçon de logiciel et d'oeuvre cinématographique ou audiovisuelle et les quatre derniers alinéas de l'article L. 716-10 du dit code relatifs à la contrefaçon de marque et à diverses circonstances aggravantes, ne sont pas applicables au litige, contrairement aux autres alinéas des dispositions contestées, lesquels lui sont applicables.
3. Par ailleurs, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative.
4. Les dispositions législatives applicables au litige n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
5. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
6. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que le principe de la présomption d'innocence n'est pas méconnu par l'interprétation jurisprudentielle constante des dispositions en cause.
7. En premier lieu, en l'absence de précision sur l'élément moral du délit de contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit et du délit de détention, vente ou mise en vente d'un objet sous une marque contrefaisante prévus aux dispositions en cause du code de la propriété intellectuelle, s'appliquent de plein droit les dispositions générales de l'article 121-3 du code pénal aux termes desquelles il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
8. En second lieu, si la matérialité des faits de contrefaçon rend vraisemblable la volonté de commettre l'infraction, le prévenu conserve en toutes circonstances la faculté de démontrer sa bonne foi, exclusive du caractère intentionnel nécessaire à la caractérisation du délit.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Déclare IRRECEVABLE la question en ce qu'elle porte sur les trois derniers alinéas de l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle ainsi que sur les deux derniers alinéas de l'article L. 335-3 et les quatre derniers alinéas de l'article L. 716-10 du même code ;
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'elle porte sur le premier alinéa de l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle ainsi que sur le premier alinéa de l'article L. 335-3 et les trois premiers alinéas de l'article L. 716-10 du même code ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Quintard ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.