La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2019 | FRANCE | N°18-82605

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 septembre 2019, 18-82605


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. O... C..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. K... N... du chef de blessures involontaires aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller d

oyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Lavielle, conse...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. O... C..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. K... N... du chef de blessures involontaires aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller LAVIELLE, les observations de la société civile professionnelle L. POULET-ODENT, la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. K... N... a par jugement été déclaré coupable de blessures involontaires par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ayant fait usage de stupéfiants, ces blessures ayant entraîné pour M. O... C..., âgé de 18 ans et lycéen au moment de l'accident, une incapacité totale de travail personnel de plus de trois mois ; que le tribunal a liquidé le préjudice corporel de la partie civile sur la base d'une expertise amiable convenue entre les parties et rejeté notamment la demande de M. C... tendant à la réparation de sa perte de gains professionnels futurs puis prononcé sur le doublement de l'intérêt légal affectant l'assureur dont l'offre a été tardive ou dérisoire ; que M. C... a interjeté appel, de même que la société ACM lard assureur de M. N... ;

En cet état,

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1240 du code civil, 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de réparation intégrale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la victime de sa demande faite au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

"alors que l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs est de droit pour les jeunes victimes ne percevant pas, à la date du dommage, de gains professionnels, sans que puisse leur être opposée l'absence d'activité professionnelle ; que le poste des pertes de gains professionnels futurs donne alors lieu à une indemnisation par estimation ; qu'en l'espèce, pour refuser d'indemniser des pertes de gains professionnels futurs, la cour d'appel a retenu que, « lycéen au moment de l'accident, M. C... ne peut pas prétendre à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels puisqu'il n'en a jamais perçus » ; qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe visés au moyen" ;

Vu l'article 1240 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la demande indemnitaire fondée sur la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce que ce poste de préjudice a pour vocation d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus imputables à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée ; que les juges ajoutent que le préjudice peut provenir de la perte de l'emploi, ou de l'obligation de ne l'exercer qu'à temps partiel, mentionnant que l'expert a émis, concernant M. C..., des réserves sur ses possibilités professionnell²²es futures bien qu'il puisse travailler en milieu ordinaire ; qu'ils en concluent que, lycéen au moment de l'accident, M. C... ne peut pas prétendre à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels puisqu'il n'en a jamais perçus ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de revenus professionnels antérieurs à l'accident d'une jeune victime ne saurait exclure, par principe, le droit à indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs et que ce dernier chef de préjudice ne peut se confondre avec celui indemnisé au titre de l'incidence professionnelle, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L.211-9, L. 211-13 du code des assurances, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société ACM Iard au paiement du double des intérêts dans les termes des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances à compter du 16 mai 2012 et jusqu'à la date où l'arrêt deviendrait définitif sur les seules sommes allouées personnellement à la victime ;

"alors qu'aux termes de l'article L. 211-13 du code des assurances, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par l'article L. 211-9 du même code, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal ; que le doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette la totalité des sommes allouées à la victime avant imputation des créances de l'organisme social et des provisions versées ; qu'en limitant, en l'espèce, le doublement des intérêts au taux légal aux seules indemnités allouées personnellement à la victime, donc hors créance des organismes sociaux, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article L. 211-13 du code des assurances ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsque l'offre de l'assureur n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;

Attendu que, pour limiter aux sommes allouées personnellement à M. C... la base de calcul de cette pénalité, la cour d'appel énonce que c'est l'indemnité allouée par le juge qui produira ces intérêts doublés ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette pénalité a pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à la victime à titre de dommages-intérêts, et non pas le solde restant dû après déduction des provisions déjà versées et imputation de la créance des organismes sociaux, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 27 mars 2018, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande d'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, et celles ayant limité l'assiette du doublement de l'intérêt légal contre l'assureur, aux seules sommes allouées personnellement à M. C..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil pour qu'il soit statué du seul chef du préjudice de perte de gains professionnels futurs ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-82605
Date de la décision : 24/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 27 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 sep. 2019, pourvoi n°18-82605


Composition du Tribunal
Président : M. Pers (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.82605
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award