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19/09/2019 | FRANCE | N°18-20297

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 septembre 2019, 18-20297


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l'article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de t

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l'article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert et qu'en cas d'accord d'un Etat requis, la décision de transfert est notifiée à l'étranger dans les plus brefs délais ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. J..., de nationalité ivoirienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en garde à vue le 26 avril 2018 pour des faits de détention de faux documents et d'escroquerie ; que la consultation du fichier Eurodac a mis en évidence qu'il avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Italie ; que la mesure de rétention administrative, décidée par arrêté du préfet du 27 avril, a été prolongée le 28 par le juge des libertés et de la détention pour vingt-huit jours ; que M. J... a, le 23 mai 2018, demandé qu'il soit mis fin à sa rétention ;

Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté de M. J..., l'ordonnance, par motifs propres et adoptés, relève que, le 26 avril 2018, une demande de prise en charge de M. J... a été communiquée aux autorités italiennes, que celles-ci ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 11 mai 2018, que le 14 mai, un laissez-passer européen a été établi et une demande d'acheminement adressée au pays requis, que le 24 mai, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris et notifié à M. J... un arrêté de transfert vers l'Italie et qu'un départ a été programmé pour le 7 juin 2018 ; qu'elle en déduit que l'administration n'a pas agi de manière tardive ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la décision de transfert était intervenue treize jours après l'accord des autorités italiennes, sans que l'administration ait caractérisé des circonstances de nature à justifier un tel délai, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare la requête de M. J... recevable, l'ordonnance rendue le 29 mai 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf et signé par lui et par Mme Randouin, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. J....

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bayonne du 25 mai 2018 et d'avoir rejeté la demande de mise en liberté de Monsieur J... ;

Aux motifs que « M K... J... né à Vavoua, Côte d'Ivoire, soit le [...] , selon ses déclarations à l'audience, soit le 1 janvier 1996, selon ce qu'il a déclaré sur le conseil de personnes présentes, aux autorités italiennes, de nationalité ivoirienne, a été l'objet d'une décision de M. le Préfet des Pyrénées-Atlantiques aux fins de placement en centre de rétention administrative en date du 27 avril 2018 aux motifs essentiels qu'il ne bénéficie d'aucune garantie de représentation sur le territoire national et a dissimulé des éléments de renseignement sur son parcours migratoire;

Attendu, à cet égard, qu'au regard des actes d'état-civil produits par lui, il appartiendra à l'autorité administrative saisie de sa demande d'asile de vérifier et d'établir sa date de naissance réelle, les autorités ivoiriennes pouvant, par exemple, être valablement sollicitées aux fins de certification de la validité de ces actes ;

Attendu qu'il a fait appel, le 28 mai 2018, de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bayonne rejetant sa demande de mise en liberté en soulevant le moyen exposé ci-dessus, soit un défaut de diligence de la part de l'administration ;

Attendu que dans son intervention son avocat, Maitre SELLES, a précisé que ce défaut de diligence est établi, en l'espèce, par le fait que la préfecture a, par exemple, attendu que l'intéressé fasse appel pour immédiatement rendre l'arrêté de transfert qu'elle devait rendre plus rapidement, soit dès après avoir obtenu l'accord implicite des autorités italiennes ;

Attendu, en effet, que M. K... J... fait l'objet d'un arrêté de transfert en date du 24 mai 2018, à destination de l'Italie, les autorités administratives italiennes étant responsables de l'examen de sa demande d'asile,

Attendu que l'autorité administrative, qui fait état dans son dernier mémoire d'une feuille de vol prévoyant un départ le 7 mai 2018, a cependant et objectivement justifié point par point de l'ensemble des diligences entreprises dans ce dossier ; que, dès lors, un défaut de diligence ne peut lui être valablement reproché,

Attendu, par ailleurs, que M. E... J..., jeune homme isolé et sans soutien amical ou familial en France ne bénéficie d'aucun titre ou document administratif et que faute d'une domiciliation possible, il ne présente aucune garantie de représentation sur le territoire national, et ne peut, dès lors, bénéficier d'une mesure de mise en liberté, même sous la forme d'une assignation à résidence » ;

Et aux motifs présumés adoptés que « si aux termes de l'article L 554-1 du CESEDA, un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, il résulte des pièces communiquées dans le cadre de la demande de mise en liberté que contrairement aux allégations de la personne retenue toutes diligences ont été entreprises par l'administration en vue d'assurer à bref délai le départ de la personne retenue vers l'Italie, pays requis.

En effet dès le 26 Avril 2018 il a été communiqué aux autorités italiennes une demande de prise en charge de la personne retenue sur le fondement des dispositions de l'article 18 lb du règlement UE N° 604-2013, que ces dernières ont formulé leur accord implicite en date du 11 mai, confirmé le 14 mai 2018 ;

Qu'un laissez-passer européen a été établi dès le 14 mai ainsi qu'une demande de routing a été adressée au pays requis et pour laquelle une réponse est en attente ;

Que par arrêté du 24 mai 2018, une décision de transfert a été prise par l'autorité administrative et notifiée à la personne retenue le même jour ;

Qu'il ne saurait dès lors être considéré que l'administration a agi de manière tardive ;

Qu'en conséquence la demande de mise en liberté de monsieur J... K... ne saurait prospérer » ;

Alors qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet ; que tout retard dans l'accomplissement des diligences doit être justifié par des circonstances imprévisibles, insurmontables ou extérieures empêchant l'autorité administrative d'agir ; qu'à défaut, la personne retenue doit être remise en liberté ; qu'en constatant que l'Italie avait accepté sa responsabilité à l'égard de Monsieur J... dès le 11 mai 2018, mais que le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a décidé son transfert que le 24 mai suivant, soit plus de douze jours plus tard, sans pour autant remettre Monsieur J... en liberté, la cour d'appel de Pau n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-20297
Date de la décision : 19/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Fin de la rétention - Diligences de l'administration pour le départ de l'étranger - Demandeur d'asile - Durée de la rétention - Temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et à l'exécution d'une décision de transfert - Applications diverses

L'administration étant tenue d'accomplir toutes diligences pour que la durée de la rétention d'un étranger demandeur d'asile n'excède pas le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert, une durée de treize jours pour prendre une telle décision, sans que l'administration ait caractérisé des circonstances de nature à justifier un tel délai, est excessive


Références :

article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 sep. 2019, pourvoi n°18-20297, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20297
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