LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 724 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Q... X... est décédée le [...] , laissant pour lui succéder ses deux petits-fils, MM. L... et K... F... ; que ce dernier a renoncé à la succession ; que le département de Paris, aux droits duquel vient la Ville de Paris, a assigné M. L... F... (M. F...) en paiement d'une certaine somme au titre du remboursement de l'aide sociale à l'hébergement avancé à l'établissement d'accueil de la défunte ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce qu'aucun des documents dont fait état le département ne constitue l'acte authentique ou sous seing privé aux termes duquel le successible aurait pris la qualité d'héritier acceptant et valant acceptation expresse et que le département de Paris ne se prévaut d'aucun acte précis qui pourrait constituer une acceptation tacite, de sorte qu'il n'établit pas que les conditions lui permettant de réclamer paiement à l'héritier sont réunies ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. F..., saisi de plein droit des biens, droits et actions de Q... X..., pouvait être poursuivi par les créanciers de la succession, sauf à lui à renoncer à celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf et signé par lui et par Mme Randouin, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de Paris
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande du Département de Paris visant à obtenir le paiement des sommes, exposées au titre de l'aide sociale, à l'encontre de la succession de Madame Q... T... X... veuve F..., sachant que Monsieur L... F... est héritier de Madame Q... T... X... veuve F... comme étant son petit-fils et refusé de condamner à paiement Monsieur L... F... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le Département de Paris soutient que le tribunal a méconnu les dispositions de l'article 804 du code civil qui dispose que "la renonciation à une succession ne se présume pas. Pour être opposable aux tiers, la renonciation opérée par l'héritier universel ou à titre universel doit être adressée ou déposée au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte" et qu'il appartenait à M. L... F... de démontrer qu'il avait renoncé à la succession et non au Département De Paris de démontrer qu'il l'avait acceptée ; que, toutefois, l'acceptation d'une succession ne se présumant pas, c'est au créancier héréditaire d'établir que l'ensemble des conditions de nature à lui permettre de réclamer paiement à l'héritier sont réunies ; que selon l'article 782 du code civil, "l'acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite. Elle est expresse quand le successible prend le titre ou la qualité d'héritier acceptant dans un acte authentique ou sous seing privé. Elle est tacite quand le successible saisifait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait droit de faire qu'en qualité d'héritier acceptant"; que l'appelant fait principalement état de divers échanges avec le notaire chargé initialement de la succession, avec le généalogiste et la Dnid ; qu'aucun de ces documents ne constitue l'acte authentique ou sous seing privé aux termes duquel le successible aurait pris la qualité d'héritier acceptant et valant acceptation expresse, l'intimé n'ayant pris aucune part dans ces échanges, le Département ne se prévalant par ailleurs d'aucun acte précis qui pourrait constituer une acceptation tacite ; que selon l'article 771 du même code, "l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat", l'article 773 précisant, "à défaut de sommation, l'héritier conserve la faculté d'opter, s'il n'a pas fait par ailleurs acte d'héritier et s'il n'est pas tenu pour héritier acceptant pur et simple en application des articles 778, 790 ou 800"; que force est de constater que l'appelant n'a nullement sommé M. L... F... de prendre parti par acte extra judiciaire ; qu'il s'est borné à lui adresser une mise en demeure le 31 août 2015 qui a été retournée avec la mention non réclamée ; que le créancier héréditaire qui n'établit aucunement que l'ensemble des conditions de nature à lui permettre de réclamer paiement à l'héritier sont réunies, doit être débouté de ses demandes et le jugement confirmé » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « en application de l'article 782 du code civil, l'acceptation d'une succession ne se présumant pas, c'est au créancier héréditaire d'établir que l'ensemble des conditions de nature à lui permettre de réclamer le paiement à l'héritier sont réunies ; que l'acceptation tacite d'une succession implique de la part de l'héritier des actes qui supposent nécessairement son intention d'accepter ; qu'en l'espèce, Madame X... veuve F... est décédée le [...] . Elle a laissé deux héritiers réservataires ses deux petits fils : K... F... et L... F... ; que par courrier du 14 février 2011, Monsieur A... , généalogiste de l'Etude généalogiste A... , a indiqué à Maître W... , notaire, qu'il disposait d'un mandat pour représenter les deux héritiers réservataires ; que l'acte de notoriété a été établi au profit des héritiers réservataires le 28 juillet 2011 ; que l'Etude Généalogique A... , agissant en tant que mandataire des héritiers, a approuvé le compte de la succession faisant état du passif à acquitter le 24 novembre 2011 ; que cependant la succession s'est révélée déficitaire et le généalogiste a adressé aux héritiers les documents pour renoncer, comme l'établit le mail du 4 novembre 2013 adressé par Monsieur A... à Maître W... ; que cependant, si l'un des héritiers K... F... a expressément renoncé à la succession il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats qu'L... F... ait entendu accepter une succession déficitaire ; que le Département de Paris sera débouté de l'ensemble de ses demandes. » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'héritier désigné par la loi est saisi de plein droit ; qu'à cet égard, le créancier de la succession peut agir en paiement à son encontre, sans avoir à établir aucune autre condition ; qu'en décidant le contraire, pour subordonner l'action à l'existence d'une acceptation, les juges du fond ont violé les règles de la saisine et l'article 724 du Code civil ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, la possibilité d'une action du créancier à l'encontre de l'héritier désigné par la loi s'impose avec d'autant plus de force, s'agissant d'une action du Département, exercée sur le fondement de l'article L. 132-8 du Code de l'action sociale et de la famille, que le recours ne s'exerce que sur l'actif net de la succession au-delà d'un certain seuil ; qu'à cet égard, l'arrêt a été rendu en violation des règles de la saisine et de l'article 724 du Code civil, ensemble de l'article L.132-8 du Code de l'aide sociale et des familles.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande du Département de Paris visant à obtenir le paiement des sommes, exposées au titre de l'aide sociale, à l'encontre de la succession de Madame Q... T... X... veuve F..., sachant que Monsieur L... F... est héritier de Madame Q... T... X... veuve F... comme étant son petit-fils et refusé de condamner à paiement Monsieur L... F... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le Département de Paris soutient que le tribunal a méconnu les dispositions de l'article 804 du code civil qui dispose que "la renonciation à une succession ne se présume pas. Pour être opposable aux tiers, la renonciation opérée par l'héritier universel ou à titre universel doit être adressée ou déposée au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte" et qu'il appartenait à M. L... F... de démontrer qu'il avait renoncé à la succession et non au Département De Paris de démontrer qu'il l'avait acceptée ; que, toutefois, l'acceptation d'une succession ne se présumant pas, c'est au créancier héréditaire d'établir que l'ensemble des conditions de nature à lui permettre de réclamer paiement à l'héritier sont réunies ; que selon l'article 782 du code civil, "l'acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite. Elle est expresse quand le successible prend le titre ou la qualité d'héritier acceptant dans un acte authentique ou sous seing privé. Elle est tacite quand le successible saisifait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait droit de faire qu'en qualité d'héritier acceptant"; que l'appelant fait principalement état de divers échanges avec le notaire chargé initialement de la succession, avec le généalogiste et la Dnid ; qu'aucun de ces documents ne constitue l'acte authentique ou sous seing privé aux termes duquel le successible aurait pris la qualité d'héritier acceptant et valant acceptation expresse, l'intimé n'ayant pris aucune part dans ces échanges, le Département ne se prévalant par ailleurs d'aucun acte précis qui pourrait constituer une acceptation tacite ; que selon l'article 771 du même code, "l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat", l'article 773 précisant, "à défaut de sommation, l'héritier conserve la faculté d'opter, s'il n'a pas fait par ailleurs acte d'héritier et s'il n'est pas tenu pour héritier acceptant pur et simple en application des articles 778, 790 ou 800"; que force est de constater que l'appelant n'a nullement sommé M. L... F... de prendre parti par acte extra judiciaire ; qu'il s'est borné à lui adresser une mise en demeure le 31 août 2015 qui a été retournée avec la mention non réclamée ; que le créancier héréditaire qui n'établit aucunement que l'ensemble des conditions de nature à lui permettre de réclamer paiement à l'héritier sont réunies, doit être débouté de ses demandes et le jugement confirmé » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « en application de l'article 782 du code civil, l'acceptation d'une succession ne se présumant pas, c'est au créancier héréditaire d'établir que l'ensemble des conditions de nature à lui permettre de réclamer le paiement à l'héritier sont réunies ; que l'acceptation tacite d'une succession implique de la part de l'héritier des actes qui supposent nécessairement son intention d'accepter ; qu'en l'espèce, Madame X... veuve F... est décédée le [...] . Elle a laissé deux héritiers réservataires ses deux petits fils : K... F... et L... F... ; que par courrier du 14 février 2011, Monsieur A... , généalogiste de l'Etude généalogiste A... , a indiqué à Maître W... , notaire, qu'il disposait d'un mandat pour représenter les deux héritiers réservataires ; que l'acte de notoriété a été établi au profit des héritiers réservataires le 28 juillet 2011 ; que l'Etude Généalogique A... , agissant en tant que mandataire des héritiers, a approuvé le compte de la succession faisant état du passif à acquitter le 24 novembre 2011 ; que cependant la succession s'est révélée déficitaire et le généalogiste a adressé aux héritiers les documents pour renoncer, comme l'établit le mail du 4 novembre 2013 adressé par Monsieur A... à Maître W... ; que cependant, si l'un des héritiers K... F... a expressément renoncé à la succession il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats qu'L... F... ait entendu accepter une succession déficitaire ; que le Département de Paris sera débouté de l'ensemble de ses demandes. » ;
ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (conclusions du 8 novembre 2016, p. 5 et 6), le Département de Paris faisait valoir, en tout état de cause, qu'un généalogiste, mandataire des héritiers, et donc de Monsieur L... F..., avait approuvé le décompte successoral établi par le service des domaines et, ce faisant, ce dernier avait accepté au moins tacitement la succession de sa grand-mère ; qu'en se bornant à affirmer que le Département ne se prévalait d'aucun acte précis, sans s'expliquer sur cette circonstance, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 768 à 776 et 782 du Code civil.