LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 septembre 2017), que Mme K... a vendu à Mme P... une maison d'habitation avec une grange attenante ; que, constatant des malfaçons au niveau de la charpente de la grange, Mme P... a, après expertise, assigné la venderesse en indemnisation de son préjudice sur le fondement des vices cachés ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Mais attendu que, Mme P... ayant, dans le dispositif de ses conclusions, fondé ses demandes sur les dispositions des articles 1602 et 1641 du code civil, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes sur la garantie décennale des constructeurs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme P... au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que, sans avoir pris les précautions nécessaires préalablement à la vente, elle accuse sa contractante de mauvaise foi et tente d'obtenir que le bien acquis pour une somme très raisonnable compte tenu de sa contenance soit restauré aux frais de la venderesse, ce qui constitue une faute civile causant à celle-ci, âgée de 74 ans, un préjudice certain et direct par la mise en cause de son intégrité et les tracas inhérents à toute procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières non caractérisées en l'espèce, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme P... à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 28 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme F... P....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR dit que la mauvaise foi de Madame J... K... n'est pas démontrée, que celleci n'a pas davantage la qualité de professionnelle et que la clause d'exclusion convenue entre les parties doit trouver application, d'avoir débouté en conséquence Madame F... P... de toutes ses demandes, de l'avoir condamnée à payer à Madame J... K... la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et de l'avoir condamnée aux entiers dépens ;
AUX MOTIFS QUE « Mme P... a fait le choix d'acheter la maison d'habitation et la grange appartenant à Mme K... et située [...] ; Qu'elle confirme dans ses propres écritures qu'en amont de la vente, elle est venue avec des proches pour s'entourer de leurs conseils ; Qu'elle a donc eu tout loisir à ce moment-là de recueillir l'avis des techniciens de son choix afin de contrôler l'état de l'immeuble et de vérifier la faisabilité des aménagements qu'elle envisageait ; Attendu que l' acte authentique, préalablement soumis aux parties avant la signature, a été dressé le 7 mars 2012 par Maître Y... G..., notaire à [...] ; Qu 'il ressort des mentions figurant à l'acte page 11 dans la rubrique "charges et conditions " que" l'immeuble est vendu dans son état actuel." et que" le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol et les bâtiments " ; Que cette exonération est encore rappelée page 26 à la suite des points ayant fait l'objet d'un diagnostic technique ; Qu'il était donc clair que les parties avaient entendu exclure de la garantie des vices cachés l'immeuble objet de la vente ; Attendu que les conventions légalement formées font la loi des parties ; Qu'aucune critique n'a été élevée contre le notaire rédacteur de l'acte ; Que la garantie des vices cachés n'est pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger ce qu'elles ont décidé de faire en l'espèce ; Que les imperfections et désordres relevés par l'expert judiciaire ne sauraient permettre d'assimiler Mme J... K... à un professionnel de l'immobilier ; Qu'il n'est même pas établi que celleci en ait eu connaissance ; Que le fait que ces désordres aient été qualifiés de vices cachés par l'expert n'a aucune portée en présence d'une clause librement consentie par les contractants prévoyant expressément l'exclusion de la garantie de la venderesse à ce titre ; Qu'il n'est nullement démontré par les pièces du dossier que Mme J... K... aurait volontairement dissimulé les désordres ou aurait utilisé des manoeuvres destinées à tromper son acquéreur ; Que Mme P..., qui a su recueillir des avis techniques après la vente, pouvait tout à fait recueillir ces avis avant de prendre la décision de contracter alors qu'elle s'est rendue ainsi qu'il ressort des éléments du dossier, accompagnée, plusieurs fois sur les lieux ; Que si Mme P... souhaitait être en possession de factures ou d'autres éléments auxquels pouvait être soumise sa décision d'acheter, il lui était tout à fait loisible de les demander avant la signature de l'acte de vente et à défaut de production de ces informations de renoncer à acquérir ; Que le législateur a décidé que la bonne foi du contractant se présumait et qu'en l'espèce ni dans les écritures de Mme P..., ni dans la motivation du premier juge, les éléments de démonstration d'une quelconque mauvaise foi de la venderesse ne sont rapportés ; Qu'il convient donc de faire application des dispositions convenues entre les parties qui ont voulu exclure ce bâtiment, vraisemblablement ancien, de la garantie des vices cachés ; Que les demandes indemnitaires formulées par Mme P... ne sont en conséquence pas fondées juridiquement et qu'il y a lieu, en réformant la décision entreprise, de les rejeter ; Que l'attitude de Mme P... qui, sans avoir pris les précautions nécessaires préalablement à la vente, accuse sa contractante de mauvaise foi et tente d'obtenir que le bien acquis pour une somme très raisonnable compte tenu de sa contenance soit restauré aux frais de la venderesse, constitue une faute civile qui cause à celle-ci, âgée de 74 ans, par 1a mise en cause de son intégrité et par les tracas inhérents à toute procédure, un préjudice certain et direct qui devra être réparé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 3 000 € ; Attendu qu'il sera alloué à Mme K..., qui a dû mettre avocat à la barre pour assurer la défense de ses intérêts en justice pendant la procédure de première instance et par la suite celle d'appel, la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Attendu que Mme P..., qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel ; » (arrêt p. 3 à 5) ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant au cas présent que « les imperfections et désordres relevés par l'expert judicaire ne sauraient permettre d'assimiler Madame J... K... à un professionnel de l'immobilier » (arrêt p. 3, motifs alinéa 4), sans même examiner, ne serait-ce que pour l'écarter, le moyen opérant des conclusions d'appel de l'exposante selon lequel Madame K... ne produisant pas de facture visant les travaux réalisés sur la charpente et la couverture, il s'en déduisait nécessairement qu'elle avait elle-même réalisé ces travaux ou avait fait appel à une entreprise non déclarée, et qu'elle était, à ce titre, responsable, sur le fondement de l'article 1792-1 du Code civil, des désordres affectant la grange, nonobstant l'exclusion contractuelle de sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés (conclusions d'appel p. 9 à 15), la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR condamné Madame F... P... à payer à Madame J... K... la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS QUE « (
) l'attitude de Mme P... qui, sans avoir pris les précautions nécessaires préalablement à la vente, accuse sa contractante de mauvaise foi et tente d'obtenir que le bien acquis pour une somme très raisonnable compte tenu de sa contenance soit restauré aux frais de la venderesse, constitue une faute civile qui cause à celle-ci, âgée de 74 ans, par la mise en cause de son intégrité et par les tracas inhérents à toute procédure, un préjudice certain et direct qui devra être réparé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 3 000 € ; » (arrêt p. 4 alinéa 3) ;
1°) ALORS QUE une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par le premier juge ; qu'au cas présent le tribunal, saisi en ouverture de rapport d'expertise judiciaire, avait jugé que Madame K... ne pouvait se prévaloir de la clause de garantie des vices cachés en raison de sa mauvaise foi et l'avait condamnée au paiement de la réparation des désordres affectant la charpente de la toiture ainsi que du préjudice de jouissance de Madame P... ; qu'en condamnant dès lors l'exposante au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour a violé l'article 32-1 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 dudit code ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, ce n'est qu'à la condition de spécifier les circonstances particulières qui le justifient qu'une cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, peut condamner à des dommages-intérêts pour procédure abusive une partie à la demande ou à la défense de qui il avait été fait droit en première instance ; qu'en relevant, pour caractériser un abus de droit de la part de Madame P..., que cette dernière, accusant sa contractante de mauvaise foi, avait tenté d'obtenir que le bien acquis pour une somme très raisonnable compte tenu de sa contenance soit restauré aux frais de la venderesse, âgée de 74 ans, lui causant un préjudice direct et certain par la mise en cause de son intégrité et les tracas inhérents à toute procédure, cependant que l'expert avait conclu que les travaux de reprise étaient à la charge de Madame K... et que le Tribunal de grande instance avait fait droit à ses demandes, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé de circonstances susceptibles de démontrer l'existence d'un abus de droit, a violé l'article 32-1 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 dudit code.