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18/09/2019 | FRANCE | N°18-19712

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2019, 18-19712


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a été engagée le premier octobre 2013 en qualité de juriste par la société Avenir Formation Le Puy, dont elle est devenue gérante le 26 août 2014 ; que, par jugement du 3 juin 2015, le tribunal de commerce a prononcé le redressement judiciaire de la société ; que l'assemblée générale de la société a révoqué, par délibération du 10 juin 2015, le mandat de Mme O

... ; que cette dernière a démissionné de ses fonctions de gérante le 11 juin suivant, d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a été engagée le premier octobre 2013 en qualité de juriste par la société Avenir Formation Le Puy, dont elle est devenue gérante le 26 août 2014 ; que, par jugement du 3 juin 2015, le tribunal de commerce a prononcé le redressement judiciaire de la société ; que l'assemblée générale de la société a révoqué, par délibération du 10 juin 2015, le mandat de Mme O... ; que cette dernière a démissionné de ses fonctions de gérante le 11 juin suivant, démission entérinée par l'assemblée générale de la société le 15 juillet 2015 ; que le mandataire judiciaire ayant dénié à Mme O... sa qualité de salariée au-delà du 31 mai 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale ; que la liquidation de la société a été prononcée le 31 mai 2016 ;

Attendu que pour dire Mme O... mal fondée à se prévaloir d'un contrat de travail et renvoyer le litige devant le tribunal de commerce, l'arrêt retient que les conditions d'un cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social ne sont pas réunies en l'espèce, que le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 26 août 2014, au cours de laquelle Mme O... a été nommée gérante, mentionne que celle-ci a affirmé n'exercer aucune autre fonction, qu'elle a précisé dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 10 juin 2015 qu'il y avait une confusion entre son salaire de salariée et sa rémunération de gérante et qu'elle se consacrait à 100 % à son travail de gérante, que dans ces conditions Mme O... ne saurait prétendre qu'elle a continué à bénéficier du contrat de travail après sa nomination en tant que gérante le 26 août 2014 et que les parties ont entendu maintenir ce lien contractuel postérieurement à cette date ;

Attendu, cependant, que, sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater l'existence d'une novation permettant de considérer que le contrat de travail n'avait pas été suspendu pendant l'exercice du mandat social mais qu'il avait disparu avec tous ses effets, de sorte que son exécution n'aurait pu reprendre lors de la cessation du mandat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation du chef du dispositif critiqué par le second moyen en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne M. U..., ès qualité, au dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et M. Ricour, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme O....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'exposante est mal fondée à se prévaloir d'un contrat de travail et que le litige ne relève pas de la juridiction prud'homale, et d'AVOIR renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Roanne.

AUX MOTIFS QUE il est constant que, par contrat à durée indéterminée, prenant effet, le 1er octobre 2013, Mme O... a été engagée à temps complet par la SARL Avenir Formation, en tant que «juriste groupe », moyennant un salaire brut mensuel de 1 669,42 € ; que, le 26 août 2014, elle a été nommée gérante de cette société ; que l'assemblée générale des associés de cette société a décidé, le 10 juin 2015, de révoquer le mandat confié de Mme O... ; que cette dernière, par lettre du 11 juin 2015, a présenté sa démission de sa fonction de gérante ; que la SARL Avenir Formation a fait l'objet d'un redressement judiciaire, le 3 juin 2015, puis d'une liquidation judiciaire, le 31 mai 2016 ; que cette dernière, se prévalant de l'existence du contrat de travail, sollicite le paiement des salaires dus à compter du 1er juin 2015 au 18 février 2016, sans que cette cour puisse déterminer, au vu des écritures de Mme O..., si cette créance prétendue correspond à sa rémunération qui n'aurait jamais été payée pendant cette période ou à une majoration salariale qui résulterait de sa classification en tant que cadre ; qu'elle réclame, de plus, le règlement du télétravail accompli pendant la période susvisée ; que le cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social doit être admis s'il est démontré la réalité de l'une et l'autre de ces conventions ; que, plus précisément, l'effectivité de la relation salariale sera établie si l'accomplissement de fonctions techniques distinctes est caractérisée et si ces prestations sont réalisées dans un lien de subordination, donnant lieu à une rémunération spécifique ; que ces conditions ne sont pas réunies en l'espèce ; qu'en effet, il est mentionné dans le procès- verbal des délibérations de l'assemblée extraordinaire du 26 août 2014, au cours de laquelle Mme O... a été nommée gérante, que celle-ci a affirmé n'exercer aucune autre fonction ; qu'en outre, l'intéressée a précisé, ainsi qu'il est noté dans le procès-verbal qu'elle a signé de l'assemblée générale du 10 juin 2015, qu'il y avait une confusion entre son salaire de salariée et sa rémunération de gérante et qu'elle se consacrait à 100 % à son travail de gérante ; que, par ailleurs, force est constater que R... O... ne produit pas de pièces démontrant qu'elle a effectivement travaillé comme juriste, soumise à un pouvoir de direction dans l'organisation et le contrôle de l'exécution de ses tâches ; que les seuls bulletins de salaire qu'elle produit, qu'elle ne conteste pas avoir elle-même établis, ne rapportent pas la preuve requise ; que, dans ces conditions, Mme O... ne saurait prétendre qu'elle a continué à bénéficier du contrat de travail après sa nomination en tant que gérante, le 26 août 2014 et que les parties ont entendu maintenir ce lien contractuel, postérieurement à cette date ; qu'en conséquence, elle est mal fondée à soutenir être créancière d'obligations à ce titre ; que, ne pouvant se prévaloir d'un contrat de travail, ses demandes ne relèvent pas de la compétence de la juridiction prud'homale et doivent être soumises à l'appréciation du tribunal de commerce de Roanne, qui a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Avenir Formation Le Puy et dans le ressort duquel est situé le siège social de la société holding Avenir Formation.

1° ALORS QUE sauf novation ou convention contraire le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'exposante a été engagée par contrat à durée indéterminée prenant effet le 1er octobre par la société Avenir Formation en qualité de « juriste groupe », que le 26 août 2014 elle a été nommée gérante de cette société ; que l'assemblée générale des associés de cette société a décidé, le 10 juin 2015, de révoquer le mandat ainsi confié et que, par lettre du 11 juin 2015, l'exposante a présenté sa démission de sa fonction de gérante ; qu'il résultait de ces énonciations que le contrat de travail de l'intéressée avait été suspendu pendant la durée de son mandat et avait repris ses effet le 10 juin 2015 ; qu'en décidant que l'exposante ne pouvant se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail, ses demandes ne relèvent pas de la compétence du conseil de prud'hommes et doivent être soumises à l'appréciation du tribunal de commerce de Roanne, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail.

2° ALORS subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, celles-ci s'accordaient sur l'existence et la réalité du contrat de travail conclu le 1er octobre 2013, le litige portant seulement sur son maintien pendant la durée du mandat social confié à la salariée ; qu'en retenant que l'exposante ne produit pas les pièces démontrant qu'elle a effectivement travaillé en qualité de juriste soumise à un pouvoir de direction dans l'organisation et le contrôle de ses tâches pour en déduire qu'elle ne peut prétendre qu'elle aurait continué à bénéficier du contrat de travail après sa nomination en tant que gérante, la cour d'appel a méconnu les termes du litiges en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

3° ALORS en toute hypothèse QU'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un contrat de travail, que l'exposante ne produit pas les pièces démontrant qu'elle a effectivement travaillé comme juriste soumise à un pouvoir de direction dans l'organisation et le contrôle de ses tâches, quand, en l'état du contrat de travail formalisé entre les parties le 26 août 2014, il appartenait à la société d'en démontrer le caractère fictif, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'exposante de sa demande en paiement d'une somme au titre de la liquidation de l'astreinte ordonnée le 18 février 2016.

AUX MOTIFS QUE par jugement du 1er décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Mâcon a liquidé à hauteur de 48 000 €, l'astreinte qu'il a ordonnée le 18 juin 2016, sanctionnant le dépassement du délai qu'il avait fixé pour la remise de l'attestation destinée à Pôle emploi, d'un certificat de travail et de bulletins de salaire ; que, cependant, cette décision doit être infirmée dès lors qu'en l'absence de contrat de travail, l'injonction judiciaire de remise des documents susvisés, relatifs à cette convention alléguée à tort, est sans objet ; que Mme O... doit, dès lors, être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 48 000 €.

ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit que l'exposante est mal fondée à se prévaloir d'un contrat de travail et que le litige ne relève pas de la juridiction prud'homale entrainera par voie de conséquence la censure du chef l'ayant déboutée de sa demande au titre de la liquidation de l'astreinte, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19712
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 17 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2019, pourvoi n°18-19712


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19712
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