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18/09/2019 | FRANCE | N°18-16874

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2019, 18-16874


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans le cadre d'une opération antifraude, les militaires de la gendarmerie ont procédé le 14 avril 2014, au contrôle du magasin Proxi Marché d'Hermonville ; que le 23 avril 2014, M. K... a signé un contrat de travail en qualité d'employé de vente au sein du magasin Proxi Marché avec la société Tanousse (la société) ; que par jugement du tri

bunal correctionnel de Troyes du 26 novembre 2014, le gérant du magasin, M. K... a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans le cadre d'une opération antifraude, les militaires de la gendarmerie ont procédé le 14 avril 2014, au contrôle du magasin Proxi Marché d'Hermonville ; que le 23 avril 2014, M. K... a signé un contrat de travail en qualité d'employé de vente au sein du magasin Proxi Marché avec la société Tanousse (la société) ; que par jugement du tribunal correctionnel de Troyes du 26 novembre 2014, le gérant du magasin, M. K... a été reconnu coupable et condamné pour des faits d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié et de travail dissimulé ; que ce jugement a été confirmé par arrêt du 21 octobre 2015 de la cour d'appel de Reims ; que par jugement du 12 janvier 2016, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné la SCP Tirmant Raulet en qualité de liquidateur judiciaire ; qu'estimant être au bénéfice d'un contrat de travail depuis 2005, M. K... a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour limiter la créance de rappels de salaire de M. K... aux seuls salaires dus à compter du 1er mai 2011, l'arrêt retient que si les motifs des décisions pénales rapportent les déclarations de M. K... aux termes desquels il avait été embauché par le gérant en 2005, et même celles du prévenu reconnaissant avoir recruté K... en 2005, les termes lapidaires de cette motivation ne permettent pas suffisamment d'établir si c'est en qualité de salarié qu'il a été embauché, et non sous un autre statut, notamment celui de gérant de succursale, qu'il ne peut en être suffisamment déduit l'existence d'un lien de subordination dès l'année 2005, et qu'il convient de retenir que le contrat de travail a commencé le 1er mai 2011 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de l'arrêt du 21 octobre 2015 de la cour d'appel de Reims qu' "interrogé sur ces faits le 24 avril 2014, M. K... confirmait qu'il avait recruté T... K... en 2005, qu'il travaillait de 8h à 21h sept jours sur sept, pour un salaire de 900 par mois. Il prenait 3 semaines de vacances en moyenne. Il ne l'avait jamais déclaré », la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs, en violation du principe susvisé ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite les créances de M. K... au passif de la société Tanousse aux sommes de 6 284,21 euros à titre de rappels de salaire du 1er mai 2011 au 31 mars 2014, 628,42 euros au titre des congés payés afférents et de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, l'arrêt rendu le 21 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la SCP Tirmant Raulet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Tanousse, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP Tirmant Raulet, ès qualités, à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par M Ricour, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré, conformément aux articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. K....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement qui avait fixé la créance de M. K... au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Tanousse aux sommes de 213 956,62 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juin 2005 à mars 2014, 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des repos compensateurs et hebdomadaires, et d'avoir fixé la créance aux seules sommes de 6 284,21 euros à titre de rappel de salaire du 1er mai 2011 au 31 mars 2014, outre les congés payés y afférents, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

AUX MOTIFS QUE M. K... soutient avoir travaillé sans discontinuer tous les jours de la semaine y compris les samedis, dimanches et jours fériés de 8 heures à 21 heures depuis 2005 ; qu'en indiquant que la condamnation pénale du gérant de la société Tanousse pour des faits de travail dissimulé le 14 avril 2014 ne permettaient pas d'affirmer que l'embauche de M. K... remontait à 2005, l'AGS vient ainsi remettre en cause l'existence du contrat de travail dont se prévaut l'intéressé ; que M. K... ne saurait utilement se prévaloir du redressement de cotisations opéré par l'Urssaf ayant abouti à reconstituer son salaire depuis 2005 à 213 956,62 euros ; qu'il résulte de la lettre d'observations de l'organisme social que le rappel de cotisations assis sur le salaire reconstitué de M. K..., portant sur la période commençant le 1er janvier 2009, a été établi sur la base des seules déclarations de celui-ci ; qu'en l'absence du représentant légal de l'assujetti au jour du contrôle, cette lettre n'a pas fait état du recueil de la version du gérant de la société Tanousse ; qu'aucune autre pièce émanant de l'Urssaf et recueillant les observations représentant légal du cotisant redressé n'a été produite ; qu'il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'apporter la preuve de son existence ; que le contrat de travail se caractérise essentiellement par l'existence d'un lien de subordination ; que si M. K... produit des dizaines d'attestations d'habitants de la commune où se situe l'établissement de la société Tanousse, dont ils étaient clients, aucune ne met en évidence un quelconque lien de subordination de celui-ci à l'employeur, pour se borner à faire état de la seule présence discontinue de M. K... dans l'établissement depuis 2005 ; qu'il y a lieu de relever la récurrence des attestations rapportant sa présence dans « son » commerce, magasin ou épicerie ; qu'il convient de relever l'expression de la croyance de certains attestants qu'il était propriétaire du fonds, ou patron, ou gérant, ou à son compte, ou qu'il « tenait » le magasin ou l'épicerie ; que cette ambiguïté est encore plus marquée dans l'attestation de M. et Mme G... qui soulignent avoir constaté l'exercice par l'intéressé de son activité commerciale de 2005 au 14 avril 2014 au sein de son magasin, ou de celles (
) le qualifiant de commerçant ; que la preuve quelconque d'un lien de subordination n'est pas plus rapportée par la production d'un extrait de journal local ou municipal d'Hermonville de décembre 2005, faisant état de l'ouverture du magasin, ou d'une coupure de presse d'avril 2014 ; que si celle-ci fait état de l'embauche de M. K... à compter du 1er octobre 2005 pour tenir le magasin proxi d'Hermonville, il ne cite pas sa source, de sorte qu'il ne peut être exclu qu'elle ne soit en réalité M. K... lui-même ; que de plus, si ce document rapporte notamment les propos du gérant de la société Tanousse, reconnaissant le principe d'un lien de subordination à l'égard de la société, indiquant avoir proposé à l'intéressé de rédiger une promesse d'embauche courant février 2014, ce locuteur ne vient aucunement indiquer la date de commencement effectif de la relation de travail ; que la déclaration préalable à l'embauche du 22 avril 2014 fait état d'une embauche en CDI à compter du 23 avril ; que le jugement correctionnel du 26 novembre 2014 confirmé par arrêt du 21 octobre 2015 a déclaré le gérant de la société Tanousse coupable de travail dissimulé pour la seule journée du 14 avril 2014 ; que les motifs de ces jugement et arrêt rapportent les déclarations de M. K... aux termes desquelles il aurait été embauché par le gérant en 2005 sans permettre d'établir si c'est en qualité de salarié qu'il a ainsi été embauché, et non sous un autre statut, comme notamment celui de gérant de succursale de commerce de détail d'alimentation ; que de la sorte, il ne peut pas être suffisamment déduit l'existence d'un lien de subordination propre au contrat de travail dès 2005 ; que les bulletins de paie produits concernent la période du 1er mai 2011 au 31 mars 2014 ; que le certificat de travail fait état d'une date d'embauche au 1er mai 2011 ; qu'il conviendra de retenir que le contrat de travail a commencé le 1er mai 2011 ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE les juges ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que pour débouter M. K... de sa demande de rappel de salaires pour la période antérieure au 1er mai 2011, l'arrêt retient que n'est pas démontrée l'existence d'un lien de subordination dès 2005 ; qu'en statuant ainsi, alors que ni le liquidateur, ni l'AGS n'avaient discuté et contesté l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'AGS ou le liquidateur ait soutenu devant les juges du fond que si M. K... avait été embauché en 2005, rien ne permettait d'établir si c'était en qualité de salarié et non sous un autre statut, notamment celui de gérant de succursale de commerce de détail ou d'alimentation, de sorte que n'était pas établie l'existence d'un lien de subordination à compter de 2005, la cour d'appel, qui a relevé d'office ce moyen, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, sur les conditions dans lesquelles M. K... avait de manière non contestée travaillé pour le compte de la Sarl Tanousse, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU' il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que les motifs du jugement correctionnel du 26 novembre 2014 confirmé par arrêt du 21 octobre 2015 rapportant les déclarations de M. K... aux termes desquelles il aurait été embauché par le gérant en 2005, lapidaires, « ne permettent pas suffisamment d'établir si c'est en qualité de salarié qu'il a ainsi été embauché, et non sous un autre statut, comme notamment celui de gérant de succursale de commerce de détail d'alimentation », la cour d'appel a dénaturé ces décisions mentionnant que M. K... « confirmait qu'il avait recruté T... K... en 2005, qu'il travaillait de 8h à 21h sept jours sur sept, pour un salaire de 900 par mois. Il prenait 3 semaines de vacances en moyenne. Il ne l'avait jamais déclaré » (jugement du 26 novembre 2014 p. avant-dernier § ; arrêt du 21 6 octobre 2015 p.5, avant-dernier §), dont il ressortait sans aucune ambiguïté que M. K... avait été embauché dès 2005 en qualité de salarié, en violation du principe susvisé ;

ALORS, DE QUATRIEME ET DERNIER PART, QU' en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles le gérant de la Sarl Tanousse avait reconnu le principe d'un lien de subordination de M. K... à l'égard de la société (p. 6, 5ème) et l'avoir recruté en 2005 (p. 6, antépénultième §), ce qui, en l'absence de constatation d'un changement des conditions dans lesquelles travaillait M. K..., établissait l'existence d'un contrat de travail dès son recrutement en 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16874
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 21 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2019, pourvoi n°18-16874


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16874
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