LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. E... a été engagé par la société la Trocante, le 1er octobre 2010, avec reprise d'ancienneté au 6 novembre 2006, en qualité d'animateur d'un réseau de magasins franchisés ; que licencié le 18 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui, analysant les éléments de preuve fournis par l'employeur et le salarié, ont évalué l'importance des heures supplémentaires accomplies par ce dernier et fixé en conséquence la créance salariale s'y rapportant ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L.3121-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement au titre des temps de trajet, l'arrêt retient que l'intéressé fait valoir, qu'eu égard à ses fonctions, il était contraint de se déplacer dans toute la France et que son temps de travail avait ainsi fréquemment dépassé le temps normal d'un salarié entre son domicile et son lieu de travail, qu'il prétend n'avoir jamais bénéficié de la contrepartie à ces temps de trajet qui excédent le temps de trajet normal, que le salarié produit aux débats les éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et sont de nature à étayer sa demande, que l'employeur soutient que le salarié n'a jamais formulé la moindre demande visant à obtenir une contrepartie au titre de prétendus temps de trajets trop élevés, que l'employeur verse aux débats des attestations de salariés ayant exercé leurs fonctions en même temps que l'intéressé, témoignant de ce que leurs temps de trajet n'étaient pas excessifs et que lorsque lesdits trajets étaient trop importants, l'employeur proposait et finançait le logement des salariés concernés dans des hôtels situés à proximité, que l'employeur rappelle, enfin, que de tels déplacements s'effectuaient essentiellement en journée de telle sorte que le temps de trajet entre deux magasins était rémunéré comme du temps de travail effectif ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si les temps de déplacement professionnel invoqués par le salarié excédaient le temps normal de trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. E... de sa demande au titre de la contrepartie des temps de trajets, l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société La Trocante aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Trocante à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. E...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société la Trocante à payer à M. E... la somme de 15 746,10 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents et D'AVOIR débouté M. E... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, l'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en cas de litige relativement à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ; que M. E... réclame les sommes de 55.100,25 euros bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires, pour la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2012, outre 5.510,03 euros bruts au titre des congés payés y afférents ; qu'il fait valoir, qu'en sa qualité d'animateur réseau, il était amené à travailler dans toute la France dans la mesure où il avait une compétence complémentaire et spécifique, différentes des autres salariés, liée à l'activité « Cash » (achat direct au lieu du dépôt vente) et que cette activité d'animation impliquait, en outre, de nombreuses tâches ; qu'il soutient que, même si cela n'était qu'une partie réduite de son activité, il effectuait des tâches d'ordre administratif et que, lorsque cela était le cas, il travaillait au siège de l'entreprise ou à son domicile, à raison de 7 heures par jour ; qu'il ajoute que, le plus souvent, il allait dans toute la France à la rencontre des franchisés du réseau pour des audits et que dans ce cas, il était présent durant toute la durée d'ouverture du magasin visité, soit de 10 h à 19 h et verse aux débats des courriels émanant des commerçants franchisés qu'il visitait (pièce 19) ; qu'il expose qu'il assurait également des formations au bénéfice des franchisés, là aussi dans toute la France et expose, ainsi, à titre d'illustration, avoir travaillé 33 heures en quatre jours, du 6 novembre au 9 novembre 2012 dans le cadre d'une formation Cash (pièce 20) ; qu'il ajoute qu'a ce temps de face à face pédagogique comptabilisé par l'employeur, il convient d'ajouter les temps de préparation de la salle, les visites des magasins des stagiaires après la formation pour la mise en application pratique, le temps de rédaction d'aide-mémoires et de tous les supports pédagogiques pour les stagiaires et qu'en réalité, lors des formations, la durée quotidienne de travail était de 12 heures ; qu'il expose qu'il était également chargé de la publicité des magasins et devait utiliser à ce titre des logiciels adaptés (Indesign, Photoshop et autres) et que chacune de ces réalisations nécessitait 2 à 3H de travail et que compte tenu de son emploi du temps déjà chargé, il devait fréquemment effectuer ces tâches publicitaires le soir (parfois jusque tard dans la nuit) ainsi que le démontre sa messagerie (pièce 22) ; qu'iI ajoute enfin que, contrairement aux autres animateurs, il réalisait pour la Trocante, toute la conception et la création des publicités, affiches, flyers, visuels informatiques auprès des franchisés et la plupart du temps, en dehors des visites et des formations, c'est-à-dire le soir et le week-end ; qu'il argue, enfin, de ce que son temps de travail a constamment dépassé la durée légale et qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été rémunérées ainsi que le confirme son ancien supérieur hiérarchique, M. F... dans une attestation remplissant les conditions légales prescrites par l'article 202 du code de procédure civile (pièce 24) ; que M. E... étaye ainsi suffisamment sa demande et produit ainsi aux débats les éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur ; que la société La Trocante objecte que la demande est totalement disproportionnée dans la mesure où elle correspond, d'une part, à un doublement du temps de travail du salarié comme si celui-ci avait travaillé près de 14 heures par jour et, d'autre part, à 22 mois de salaires, et ce, alors même que celui-ci n'a travaillé que 27 mois au sein de la société La Trocante ; que la société La Trocante conteste les plannings établis par M. E... en faisant valoir qu'ils ne font pas apparaître ses temps de travail effectifs puisque ces documents ne mentionnent nullement les coupures et les pauses faites par lui au cours de la journée comme les pauses déjeuners ; que la société argue également de ce que l'historique des mails envoyés au cours des relations contractuelles ne peut être considéré comme un élément probant, s'agissant d'un simple listing ne faisant apparaître ni le contenu, ni la substance des mails envoyés ; que la société produit, enfin, aux débats plusieurs attestations d'animateurs ou d'anciens animateurs de magasins, témoignant de ce que leurs missions contractuelles pouvaient tout à fait être accomplies dans le cadre des 35 heures hebdomadaires (pièces 36 et 37) ; qu'il résulte de la confrontation des différents éléments que M. E... avait des fonctions spécifiques et supplémentaires différentes des autres salariés notamment dans le domaine de la formation, puisqu'il était formateur auprès des franchisés et qu'en outre, à la différence des autres animateurs, il réalisait également toute la conception et création des publicités, auprès des franchisés ; qu'il s'ensuit que son temps de travail a dépassé la durée légale et qu'il a ainsi effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été rémunérées ; que, toutefois, sa demande ne peut être prise en considération à hauteur de la totalité de la somme réclamée mais est justifiée à concurrence de la somme de 15.746,1 euros au titre des heures supplémentaires et de celle de 1,574,61 euros au titre des congés payés afférents ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à retenir que la demande du salarié au titre des heures supplémentaires est justifiée à concurrence de la somme de 15 746,10 euros, sans indiquer ni le nombre d'heures supplémentaires qu'elle retenait, ni, ne serait-ce que succinctement, les bases de son calcul, la cour d'appel, qui n'a pas mis la juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. E... de sa demande en paiement au titre des temps de trajet ;
AUX MOTIFS QUE, sur les temps de trajets, l'article L. 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière ; que cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail, ou, à défaut par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe ; que la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaires ; que M. E... fait valoir, qu'eu égard à ses fonctions, il était contraint de se déplacer dans toute la France et que son temps de travail a ainsi fréquemment dépassé le temps normal d'un salarié entre son domicile et son lieu de travail ; qu'il prétend n'avoir jamais bénéficié de la contrepartie à ces temps de trajet qui excèdent le temps de trajet normal et réclame, la condamnation de la société La Trocante à lui verser pour la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 31 décembre 2012, la somme de 24.833,20 euros, outre la somme de 2.483,22 euros bruts au titre des congés payés y afférents en produisant un détail des calculs versés au dossier. (pièces 25,26 et 27) ; que M. E... produit aux débats les éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et sont de nature à étayer sa demande ; que la société La Trocante soutient que M. E... n'a jamais formulé la moindre demande visant à l'indemniser ou à obtenir une contrepartie à titre de prétendus temps de trajets trop élevés alors qu'il ne fait aucun doute qu'un salarié ayant le statut cadre, amené à se déplacer fréquemment sur plusieurs sites et parfaitement au courant des droits qui sont les siens en matière de droit du travail, se trouvant dans une situation où il estime avoir droit à une contrepartie au titre de ses temps de trajet, en fait la demande à la direction de la société, à son supérieur hiérarchique ou évoque le sujet au cours de ses entretiens annuels ; que la société verse aux débats, des attestations de salariés ayant exercé leurs fonctions concomitamment à M. E... témoignant de ce que leurs temps de trajet n'étaient pas excessifs et de ce que lorsque lesdits trajets étaient trop importants, la société proposait et finançait le logement des salariés concernés dans des hôtels situés à proximité (pièces 35,23 et 39) ; que la société rappelle, enfin, que de tels déplacements s'effectuaient essentiellement en journée de telle sorte que le temps de trajet entre deux magasins était rémunéré comme du temps de travail effectif ; qu'au vu des éléments produits d'une part et d'autre part, la cour considère que la demande au titre des temps de trajets ne peut pas être prise en considération car nullement justifiée ;
ALORS QUE le temps de déplacement professionnel qui dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si les temps de déplacement que le salarié devait accomplir pour se rendre de son domicile vers les magasins qu'il visitait n'excédaient pas un temps normal de trajet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause.