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18/09/2019 | FRANCE | N°18-11872

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2019, 18-11872


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 19 décembre 2017), que M. S... a été engagé à compter du 17 février 1997 par Logidôme, Office public de l'habitat de Clermont-Auvergne-Métropole, en qualité de développeur de quartier puis promu responsable du département maîtrise d'ouvrage et de développement, statut cadre ; qu'ayant été mis à pied et convoqué à un entretien préalable, il a saisi le 4 juin 2015 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de pa

iement de diverses sommes ; qu'il a été licencié le 9 juin 2015 ;

Sur le pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 19 décembre 2017), que M. S... a été engagé à compter du 17 février 1997 par Logidôme, Office public de l'habitat de Clermont-Auvergne-Métropole, en qualité de développeur de quartier puis promu responsable du département maîtrise d'ouvrage et de développement, statut cadre ; qu'ayant été mis à pied et convoqué à un entretien préalable, il a saisi le 4 juin 2015 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes ; qu'il a été licencié le 9 juin 2015 ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui, ayant fait ressortir que le non paiement des heures supplémentaires réalisées sur les trois dernières années avait empêché la poursuite du contrat de travail, a pu en déduire que ce manquement justifiait la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Logidôme, Office public de l'habitat de Clermont-Auvergne-Métropole aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Logidôme, Office public de l'habitat de Clermont-Auvergne-Métropole à payer à M. S... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Logidôme, Office public de l'habitat de Clermont-Auvergne-Métropole

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné l'OFFICE PUBLIC DE l'HABITAT LOGIDOME à payer et porter à Monsieur S... la somme de 37.272 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les heures supplémentaires ; M. S... se réfère aux listes de badgeages fournies par la société Logidôme desquelles il ressort qu'il a accompli 1.308 heures supplémentaires entre le 1" juin 2012 et le 9 juin 2015, il ajoute qu'entre le 1" juin 2012 et le 28 avril 2015, il a effectué des heures supplémentaires au-delà des maxima légaux, à savoir 10 heures par jour, 48 heures par semaine, et 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives. L'employeur oppose le statut de cadre dirigeant l'exonérant du paiement des heures supplémentaires. L'employeur fait principalement valoir que M. S... était membre du comité de direction depuis 2009, qu'il participait aux réunions du Conseil d'Administration et du Bureau de Logidôme qui forment la gouvernance de l'entreprise. Or les critères énoncés à l'article L3111-2 du code du travail sont cumulatifs et il ne peut être sérieusement soutenu que M. S... disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps alors qu'il était soumis à l'obligation de badger et alors que son contrat de travail indiquait qu'il devait effectuer "39 heures par semaine se répartissant à raison de 7 heures 48 minutes par jour sur 5 jours." et qu'il s'engageait "à effectuer (en cas de force majeure et contre rémunération), le travail supplémentaire en sus de l'horaire habituel eu égard à sa fonction et exigences...du service". Enfin, Monsieur S... rappelle sans être démenti que l'accord de réduction du temps de travail ne prévoyait aucun forfait horaire pour les cadres de l'entreprise. Par ailleurs il n'est nullement établi que M. S... percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise, C'est donc à bon droit que les premiers juges ont accédé aux demandes du salarié à ce titre(
) ; Sur le travail dissimulé ; Monsieur S... soutient que l'employeur a eu l'intention délibérée de ne pas lui régler les heures supplémentaires, de même qu'il a mentionné sur ses bulletins de paie un nombre d'heures inférieur au temps de travail réellement accompli. Eu égard au nombre d'heures effectuées dont l'employeur avait nécessairement connaissance par les relevés de badgeage, à la durée pendant laquelle le salarié a été amené à effectuer un grand nombre d'heures supplémentaires, aux mentions contenues dans les entretiens d'évaluation faisant expressément référence au nombre d'heures pratiquées par le salarié, en effet l'entretien d'évaluation, de 2013 réalisé le 14 janvier 2014 comporte les mentions suivantes : « Sur le plan de l'organisation ... Une marge de progrès toutefois sur la définition des priorités afin de mieux maîtriser son temps de travail quelquefois trop important, même pour un cadre de direction », et l'entretien d'évaluation réalisé le 13 janvier 2015 et portant sur l'année 2014 indique « sur le plan de l'organisation... Il définit mieux ses priorités et maîtrise mieux son temps de travail », l'employeur ne peut prétendre avoir ignoré l'amplitude de travail de Monsieur S... et le fait que les mentions figurant sur ses bulletins de paie ne correspondaient pas à la réalité des horaires réalisés. Il s'ensuit qu'est établie la volonté de l'employeur de se soustraire au paiement des heures supplémentaires, il sera fait droit à la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé dont le calcul figure dans les écritures de Monsieur S... et auxquelles la cour se reporte » ;

ALORS QUE le caractère intentionnel du travail dissimulé ne se déduit ni du nombre d'heures supplémentaires accomplies, ni de ce que l'employeur a conscience de l'amplitude de travail d'un salarié qu'il estime relever de la catégorie des cadres dirigeants ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir fait droit à la demande d'heures supplémentaires du salarié au motif que les critères cumulatifs permettant de retenir la catégorie de cadre dirigeant, dont se prévalait l'exposant, n'étaient pas réunis, a retenu qu' « eu égard au nombre d'heures effectuées dont l'employeur avait nécessairement connaissance par les relevés de badgeage, à la durée pendant laquelle le salarié a été amené à effectuer un grand nombre d'heures supplémentaires, aux mentions contenues dans les entretiens d'évaluation faisant expressément référence au nombre d'heures pratiquées par le salarié (
)
l'employeur ne peut prétendre avoir ignoré l'amplitude de travail de Monsieur S... et le fait que les mentions figurant sur ses bulletins de paie ne correspondaient pas à la réalité des horaires réalisés » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'intention de dissimuler les heures effectuées, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de Monsieur S... à effet à la date de son licenciement, d'AVOIR dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, d'AVOIR condamné l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT LOGIDOME à payer et porter de Monsieur S... les sommes de 8.489 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de 848,90 € au titre des congés payés afférents, de 90.943,68 € bruts à titre d'indemnité de licenciement, de 18.636 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 1.863 € au titre des congés payés afférents, de 38.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, d'AVOIR ordonné le remboursement de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conformée de la décision sera adressée à ces organismes conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail, d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Monsieur S... la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, confirmant l'arrêt de ce chef, de 1.000 € sur le fondement de ce même article ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de résiliation judiciaire ; si la demande de résiliation a été fort opportunément présentée par Monsieur S... entre l'entretien préalable et la notification de son licenciement, il n'en demeure pas moins que les manquements reprochés à l'employeur étaient suffisamment graves dès lors que les heures supplémentaires réalisées par Monsieur S... sur les trois dernières années (entre le 1" juin 2012 et le 9 juin 2015, date du licenciement) représentent 1.308 heures soit un montant brut de 55.961 euros non payés outre 5.596 euros au titre des congés payés afférents soit un total de 61.557 euros bruts pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle prendra effet au jour du licenciement. Sur les conséquences de la résiliation judiciaire ; Monsieur S... est en droit de prétendre au paiement d'un rappel des salaires sur la période de mise à pied soit la somme 8.489 euros outre la somme de 848,90 euros au titre des congés payés. Monsieur S... est en droit de percevoir une indemnité de licenciement qui, pour un salaire de base de 6.212 euros pour une ancienneté de 18 ans et 3 mois à la date de son licenciement s'élève à la somme non contestée en son quantum de 90.943,68 euros. Monsieur S... a également droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois s'élevant à la somme de 18.636 euros bruts outre la somme de 1.863 euros bruts au titre des congés payés afférents. En l'absence de tout justificatif de préjudice spécifique, l'indemnisation au titre de la résiliation produisant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse sera fixée à 38.000,00 euros. L'entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié présentant une ancienneté de plus de deux ans, il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail. L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à la somme de 1.500,00 euros à ce titre » ;

1. ALORS QU'à supposer qu'en visant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat et condamner l'exposant au paiement de sommes à ce titre, « les manquements reprochés à l'employeur », la cour d'appel ait entendu se référer, non seulement aux heures supplémentaires impayées, mais également à la condamnation qu'elle a prononcée au titre du travail dissimulé, la cassation à intervenir sur le fondement du précédent moyen de cassation entraînera celle des chefs de dispositif attaqués par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE la mise en demeure préalable du débiteur de l'obligation procède de l'exigence de bonne foi et de loyauté du créancier face à la survenance d'une inexécution contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait droit à la demande de résiliation judiciaire de Monsieur S... de son contrat de travail, sans constater qu'une mise en demeure préalable ait été adressée par le salarié à l'employeur ; qu'en statuant ainsi, bien que le contrat de travail soit soumis aux règles de droit commun et aux exigences de bonne foi et de loyauté contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L.1222-1 et L. 1231-1 du Code du travail, ensemble les articles 1135, 1139 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3. ALORS QUE la résiliation judiciaire ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de Monsieur S... et condamner l'exposant au paiement de sommes à ce titre, la cour d'appel a retenu que « si la demande de résiliation a été fort opportunément présentée (
) entre [la convocation à l']'entretien préalable et la notification de son licenciement, il n'en demeure pas moins que les manquements reprochés à l'employeur étaient suffisamment graves dès lors que les heures supplémentaires réalisées sur les 3 dernières années représentent 1.308 heures soit 55.961 € non payés outre 5.596 € au titre des congés payés » ; qu'en statuant ainsi, quand il s'inférait de ses constatations que le salarié n'avait présenté sa demande de résiliation judiciaire que « fort opportunément » après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, avec mise à pied conservatoire, et qu'il était constant qu'il n'avait jamais, antérieurement à sa saisine du juge prud'homal, sollicité le paiement d'heures supplémentaires, par conséquent accomplies durant plusieurs années sans que cela fasse obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

4. ALORS QU'en tout état de cause, en retenant seulement, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat, que « les manquements reprochés à l'employeur étaient suffisamment graves dès lors que les heures supplémentaires réalisées sur les 3 dernières années représentent 1.308 14 heures soit 55.961 € non payés outre 5.596 € au titre des congés payés », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que les manquements retenus aient fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-11872
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 19 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2019, pourvoi n°18-11872


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11872
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