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18/09/2019 | FRANCE | N°18-10782

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2019, 18-10782


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme K... a été engagée en qualité de serveuse par la société Le Commerce qui exploitait un café-restaurant, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein du 25 août 2012 ; qu'elle a été en arrêt pour raisons médicales du 5 septembre au 27 octobre 2013 ; que, le 7 octobre 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de divers rappels de salaire et indemnités ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et le m

oyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme K... a été engagée en qualité de serveuse par la société Le Commerce qui exploitait un café-restaurant, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein du 25 août 2012 ; qu'elle a été en arrêt pour raisons médicales du 5 septembre au 27 octobre 2013 ; que, le 7 octobre 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de divers rappels de salaire et indemnités ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la salariée :

Vu l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 du même code ;

Attendu que pour limiter l'indemnisation du préjudice subi par la salariée au titre du non-respect des durées maximales de travail et des périodes minimales de repos quotidien et hebdomadaire, l'arrêt retient que la salariée ne prouve pas très précisément quel jour elle aurait travaillé plus de onze heures ni qu'il ait existé un temps de repos consécutif de moins de onze heures entre deux journées de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le deuxième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen relatif au manquement par l'employeur à son obligation de sécurité ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident de la société Le Commerce ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Le Commerce à payer à Mme K... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des jours de repos et déboute la salariée de sa demande au titre du manquement par l'employeur à son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Le Commerce aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Commerce et la condamne à payer à Mme K... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme K....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 3.487,12 euros, la condamnation de la société Le Commerce au paiement de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, d'avoir limité, en conséquence, les sommes dues à Mme K... à titre de repos compensateurs non pris, outre les congés payés y afférents et à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimilé ;

Aux motifs qu'en application de l'article L 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié d'étayer sa demande en apportant des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés afin de permettre à l'employeur de répondre ; que la lecture croisée des emplois du temps des deux époux permet d'établir qu'ils restaient en alternance au sein de t'établissement, l'épouse essentiellement le matin, mais que certaines plages restaient sans leur présence, ce qui ne peut se concevoir compte tenu de l'importance de l'activité du PMU à hauteur de 33 %, de celle du bar, de la cuisine et du service, même réduit ; qu'en outre, de nombreux témoins viennent renforcer la thèse du nombre d'heures important accompli par la salariée s'agissant de clients et d'une serveuse ; que pour sa part, la société Le Commerce verse à la discussion d'autres attestations de clients réguliers, assurant que les époux ne travaillaient jamais ensemble, et qu'un cuisinier extérieur venait pour le déjeuner ; qu'ainsi, les témoignages produits se contredisent-ils en grande partie ; qu'en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il apparaît que : - il fallait assurer une permanence au bar et au PMU sur une amplitude quotidienne de 15 à 16 heures, - les emplois du temps respectifs des deux époux, certes décalés, ne parvenaient pas à couvrir ce long laps de temps, - ainsi, eu égard à l'ensemble des éléments recueillis, il apparaît que la salariée a régulièrement accompli cinq heures supplémentaires hebdomadaires, en plus des 41 heures contractuellement fixées entre tes parties ; que deux heures, la 42e et la 43e, doivent être majorées de 20 % et les heures en surplus à 50 % ; que sur 15 mois, la salariée a bénéficié de cinq semaines de congés payés et elle a été placée en arrêt de maladie pendant 52 jours, en sorte qu'elle a travaillé à ce rythme pendant douze mois, soit pendant 52 semaines ; que 104 heures à 120 % du tarif horaire conduisent à lui allouer 1 206,40 €, 156 heures à 150 % du tarif horaire aboutissent à un total de 2 280,72 en sorte que la somme globale qui lui est due à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires s'établit à 3 487,12 € outre 348,71 € de congés payés afférents que la société le commerce sera condamnée à lui payer ;

Alors 1°) qu'est considéré comme du temps de travail effectif, toutes les heures durant lesquelles le salarié se tient à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations ; qu'en limitant le rappel de salaire dû à Mme K... à hauteur de 5 heures supplémentaires s'ajoutant à sa durée contractuelle de 41 heures de travail hebdomadaire, après avoir constaté qu'elle devait « assurer une permanence du bar et au PMU sur une amplitude quotidienne de 15 à 16 heures », soit entre 64 et 71 heures de travail hebdomadaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

Alors 2°) que les juges du fond ont l'obligation de préciser la nature et l'origine des renseignements qui fondent leur décision ; qu'en jugeant que bien qu'assurant la permanence du bar durant 15 à 16 heures par jour, la salariée ne pouvait prétendre au paiement que de 5 heures supplémentaires hebdomadaires en plus de sa durée contractuelle de travail, sans avoir précisé quels étaient les éléments de preuve produits aux débats desquels elle pouvait déduire que toutes ses heures de présence au bar n'auraient pas été du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 1.000 euros l'indemnisation du préjudice subi par Mme K... au titre du non-respect, par l'employeur de la législation sur la durée maximale de travail et les périodes minimales de repos quotidien et hebdomadaire ;

Aux motifs que les dispositions de la convention collective des cafés, hôtels et restaurants prévoient une durée maximale absolue de travail hebdomadaire de 48 heures, une durée maximale quotidienne de travail de 11h30, un temps de repos de 11 heures consécutives entre deux journées de travail, un jour et demi de repos hebdomadaire ; qu'en l'espèce, la cour a retenu 46 heures de travail hebdomadaire et la salariée ne prouve pas très précisément quel jour elle aurait travaillé plus de 11 heures, ni qu'il ait existé un temps de repos consécutif de moins de 11 heures entre deux journées de travail ; qu'en revanche, elle ne travaillait pas le jeudi et les autres jours, elle effectuait : le lundi, 5h15, le mardi 7h45, le mercredi 7h30, le vendredi, 5h30, le samedi 7h30, le dimanche 7h30 et outre 5 heures supplémentaires hebdomadaires ; qu'il n'existe pas de demi-journée de repos supplémentaire en dehors du jeudi, puisque le lundi et le vendredi, la salariée dépassait un demi-horaire d'au moins 1h30 ; qu'en conséquence, la société a violé la règle du jour et demi de repos hebdomadaire et pour ce préjudice issu de l'emploi du temps officiel et supporté pendant 12 mois, elle devra régler à Madame K... une somme de 1.000 € de dommages-intérêts ;

Alors 1°) que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen en ce qu'il critique le chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui a limité à 46 heures hebdomadaires le temps de travail réellement accompli par Mme K... emportera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de dispositif de l'arrêt qui l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de ses droits à repos quotidien ;

Alors 2°) que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en reprochant à Mme K..., pour la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, de ne pas apporter la preuve d'un dépassement de la durée maximale de travail quotidien et du non-respect, par l'employeur, de son droit à repos quotidien de onze heures consécutives, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme K... de sa demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ;

Aux motifs que Madame K... se fonde sur une moyenne de 96 heures de travail hebdomadaire accomplies, pour soutenir la carence de l'employeur quant à son obligation de sécurité ; que la cour n'en ayant retenu que 46 heures, inférieures au maximum prévu par la convention collective, ne pourra que rejeter cette prétention, infondée, alors que, par ailleurs, les 52 jours d'arrêt de travail intervenus à la fin de l'été 2013 n'ont pas été pris en compte au titre du risque professionnel par la caisse primaire d'assurance maladie qui lui a notifié un refus de prise en charge, le 06 juillet 2017 ;

Alors 1°) que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur les deux premiers moyens qui critiquent les chefs de dispositifs de l'arrêt attaqué en ce qu'il a limité à 46 heures hebdomadaire, le temps de travail de Mme K... et débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de ses droits à repos minimal emportera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour violation, par la société Le Commerce, de l'obligation de sécurité de résultat ;

Alors 2°) que l'employeur, tenu d'une obligation de résultat en matière de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit veiller à ce titre au respect des durées maximales de travail et des repos minimaux quotidiens et hebdomadaires de ses salariés ; qu'en jugeant que Mme K... ne justifiait pas d'une violation, par l'employeur, de l'obligation de sécurité de résultat quand elle avait constaté que la société Le Commerce ne respectait pas les durées minimales de repos hebdomadaire imposées par la loi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 4121-1, L. 3131-1 du code du travail, 1134, devenu 1103, et 1147, devenu 1231-1, du code civil ;

Alors 3°) que le juge doit examiner l'ensemble des documents soumis à son examen ; qu'en déboutant Mme K... de ses demandes, au motif que les 52 jours d'arrêt de travail intervenus à la fin de l'été 2013 n'auraient pas été pris en compte au titre du risque professionnel par la caisse primaire d'assurance maladie quand il résultait des pièces n° 5 à 7 produites par la salariée aux débats et particulièrement du courrier de la CPAM du 23 novembre 2013 (production n° 5) que les 52 jours d'arrêt de travail à compter du 5 septembre 2013 avaient été pris en compte au titre de la législation sur les accidents du travail, la cour d'appel qui n'a pas examiné ces documents, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que par courrier du 6 juillet 2017 (production n° 6), la CPAM aurait refusé de prendre en charge au titre du risque professionnel les 52 jours d'arrêt de travail intervenus à la fin de l'été 2013 quand ledit courrier ne concernait pas l'accident du 5 septembre 2013 et notifiait à Mme K... uniquement le refus de reconnaitre le caractère professionnel d'une rechute, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du courrier de la CPAM du 6 juillet 2017, a violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Le Commerce.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Le Commerce à payer à Mme K... des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de repos compensateur, avec congés payés afférents, et des dommages et intérêts pour non-respect des jours de repos ;

AUX MOTIFS QU' « il fallait assurer une permanence au bar et au PMU sur une amplitude quotidienne de 15 à 16 heures :

. les emplois du temps respectifs des deux époux, certes décalés, ne parvenaient pas à couvrir ce long laps de temps ;

. ainsi, eu égard à l'ensemble des éléments recueillis, il apparaît que la salariée a régulièrement accompli cinq heures supplémentaires hebdomadaires, en plus des 41 heures contractuellement fixées entre les parties (
) ; en l'espèce, la Cour a retenu 46 heures de travail hebdomadaire te la salariée ne prouve pas très précisément quel jour elle aurait travaillé plus de 11 heures, ni qu'il ait existé un temps de repos consécutif de moins de 11 heures entre deux journées de travail ; en revanche, elle ne travaillait pas le jeudi et les autres jours, elle effectuait :

. le lundi : 5h15
. le mardi 7h45
. le mercredi 7h30
. Le vendredi 5h30
. le samedi 7h30
. le dimanche 7h30 et outre 5 heures supplémentaires hebdomadaires

il n'existe pas de demi-journée de repos supplémentaire en dehors du jeudi, puisque le lundi et le vendredi, la salariée dépassait un demi-horaire d'au moins 1h30 ; en conséquence, la société a violé la règle du jour et demi de repos hebdomadaire et pour ce préjudice issu de l'emploi du temps officiel et supporté pendant 12 mois, elle devra régler à Mme K... une somme de 1.000 € de dommages et intérêts » ;

1- ALORS QU'en statuant par motifs hypothétiques sur le nombre d'heures supplémentaires prétendument effectuées par Mme K... sans asseoir sa décision sur aucun élément concret ni vérifiable, la Cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du Code de procédure pénale ;

2- ALORS QUE faute de précision sur l'horaire de travail de Mme K... le mercredi, veille du jeudi où elle ne travaillait pas, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 3132-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10782
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 16 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2019, pourvoi n°18-10782


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10782
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