La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2019 | FRANCE | N°18-10048

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2019, 18-10048


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... engagé le 11 août 2009 par la société Rouffiac distribution (la société) en qualité d'employé de transformation a été victime d'un accident du travail le 24 juin 2010 ; que le 13 décembre 2013, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassatio

n ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, en sa rédacti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... engagé le 11 août 2009 par la société Rouffiac distribution (la société) en qualité d'employé de transformation a été victime d'un accident du travail le 24 juin 2010 ; que le 13 décembre 2013, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour ordonner le remboursement par la société à Pôle emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de six mois, l'arrêt retient que le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 1235-4 ne sont pas applicables au licenciement intervenu en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Rouffiac distribution à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à M. Y..., dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 17 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Rouffiac distribution

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. Y... est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Rouffiac distribution à payer à M. Y... les sommes de 3.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail et 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, d'AVOIR condamné la société Rouffiac distribution à payer à Me H..., avocat de M. Y..., la somme de 2.000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la SAS Rouffiac distribution à Pôle emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE « Selon l'article L. 1226-2 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Lors de la seconde visite médicale de reprise en date du 24 octobre 2013, le médecin du travail a constaté l'inaptitude médicale totale et définitive de Monsieur Y... à tous les postes de travail dans l'entreprise. Par courrier en date du 8 novembre 2013, l'employeur a indiqué au médecin du travail : - que le seul poste disponible est celui de responsable, rayon charcuterie-fromage-coupe, - que Monsieur Y... ne dispose pas des compétences ou de la formation nécessaires pour occuper un poste d'encadrement, - que les postes existant dans l'entreprise sont soit des postes de type commercial, soit de type administratif, - que "les autres sociétés ne disposent à ce jour d'aucun poste disponible pouvant être proposé à Monsieur Y... dans le cadre de son reclassement". La SAS Rouffiac distribution a également demandé au médecin du travail de lui indiquer d'autres solutions éventuelles de reclassement, de lui faire part de conclusions écrites complémentaires, ainsi que de lui indiquer les postes pouvant être concernés par des adaptations, transformations ou mutations de poste. Par courrier en date du 12 novembre 2013, le médecin du travail a écrit à "E. LECLERC SAS Rouffiac distribution" en précisant : "son état de santé ne lui permet pas d'exercer son métier de boucher, ou tout autre poste de travail de votre entreprise sans risque pour lui ou pour les tiers (...). Il me paraît donc difficile d'envisager pour lui toute autre possibilité d'aménagement de poste ou d'horaires, de reclassement (y compris à un poste de responsable rayon charcuterie-fromagecoupe) ou de mutation au sein de votre établissement". Le juge doit former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis tant par l'employeur que par le salarié. La SAS Rouffiac distribution fait valoir que Monsieur Y... a expressément indiqué qu'il ne souhaitait pas être reclassé au sein de la société. Il ressort : - de la délibération de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 18 novembre 2013 que "s'agissant des postes de reclassement proposés, Monsieur Y... précise qu'il ne souhaite pas être reclassé", - du projet de compte rendu d'entretien, signé par Monsieur Y... avec la mention "Bon pour accord", en date du 20 novembre 2013, mentionne : "Monsieur Y... précise de son côté qu'il ne souhaite pas être reclassé", - de l'attestation en la forme légale rédigée par C... G... et signée par cinq délégués du personnel titulaires ou suppléants : "nous avons donc bien compris que Monsieur Y... ne souhaitait plus travailler dans notre société et ce, quel que soit le poste que notre Direction aurait pu lui proposer. Nous avons donc terminé la réunion avec l'accord de Monsieur Y... qui verbalement a accepté son licenciement pour inaptitude". Mais, il est de principe que lorsque l'entreprise est une société franchisée, les possibilités de reclassement doivent être recherchées parmi les sociétés dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Dans ses écritures, le salarié souligne que son refus de reclassement ne concernait que le reclassement au sein de l'entreprise en interne et non en externe, il ajoute que la SAS Rouffiac distribution est dénommée sous le nom de "Centre LECLERC" dans les documents relatifs à l'identité de la société et qu'au regard des critères de permutabilité et d'organisation, la SAS Rouffiac distribution fait partie du réseau de franchise LECLERC. La cour constate que le contrat de travail signé par Monsieur Y... comporte l'enseigne "E. LECLERC", les correspondances de la SAS Rouffiac distribution se font sur papier à en-tête "E.LECLERC Rouffiac" et il n'est pas contesté que la SAS Rouffiac distribution exploite un établissement sous la franchise "E. LECLERC", composée de nombreux établissements sur l'ensemble du territoire français, pour lesquels la cour note qu'il existe sur Internet des offres d'emploi sous l'enseigne E. LECLERC concernant l'ensemble du réseau de franchises ce qui démontre la permutabilité des emplois. Partant, la cour déduit des éléments avancés par le salarié, de ses propres constatations, ainsi que de la nature similaire des activités des différentes entreprises franchisées et de la structure des emplois qui les composent que le périmètre de l'obligation de reclassement devait être étendu à l'ensemble des entreprises relevant de la franchise. Toutefois, la cour a constaté que l'employeur n'a pas recherché de postes de reclassement dans le périmètre adéquat et que Monsieur Y... a exprimé la seule volonté de ne pas être reclassé au sein de la société mais non au sein de l'ensemble du réseau de sociétés franchisées. Par conséquent, la cour retient que la SAS Rouffiac distribution qui a estimé devoir ne pas faire de recherches dans l'ensemble du périmètre adéquat des postes disponibles afin d'assurer le reclassement de Monsieur Y... n'a pas satisfait à son obligation de reclassement. La cour retient que le licenciement de Monsieur Y... est dépourvu de toute cause réelle, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point. Sur les conséquences indemnitaires : Il n'est pas contesté que le salaire mensuel brut de Monsieur Y... est de 1 500 € pour 151,67 heures effectuées. L'article L.1226-14 prévoit les indemnités et sanctions du licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle et précise que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9 et conformément aux dispositions de l'article L.1226-15 du code du travail, l'indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaire. Il n'est pas contesté qu'en raison de son ancienneté, Monsieur Y... doit bénéficier d'un préavis de deux mois, il lui sera alloué la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice prévue au deuxième alinéa de l'article L.1226-12, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point. Monsieur Y... a été licencié à l'âge de 42 ans et totalisait 4 ans d'ancienneté au sein de la SAS Rouffiac distribution, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, du montant du salaire mensuel brut perçu et de sa qualité de travailleur handicapé, la cour lui alloue la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la SAS DISTRIBUTION est sous enseigne LECLERC, d'où de nombreuses possibilités de diffuser le CV de Monsieur Y.... Attendu que le salarié avait une bonne expérience dans la Distribution. Attendu qu'en l'espèce, la recherche de reclassement apparaît insuffisante et prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en l'espèce, M. Y... ne soutenait pas qu'il aurait existé des offres d'emploi communes aux différentes entreprises du réseau E. LECLERC et aucun document émanant d'Internet n'était versé aux débats par les parties ; qu'en relevant, pour dire que le périmètre de l'obligation de reclassement devait être étendu à l'ensemble des entreprises exerçant sous l'enseigne E. LECLERC, que selon ses « propres constatations » « il existe sur Internet des offres d'emplois sous l'enseigne E. LECLERC concernant l'ensemble du réseau de franchise, ce qui démontre la permutabilité des emplois », la cour d'appel s'est fondée sur un fait qui n'était pas dans le débat et a violé l'article 7 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que la seule appartenance d'entreprises indépendantes à un même réseau de distribution, qui implique l'exercice d'activités similaires sous une même enseigne et l'existence d'emplois de même nature, est insuffisante à caractériser l'existence, entre elles, d'une possible permutation de leur personnel ; qu'en relevant que la société Rouffiac distribution exploite un établissement sous la franchise E. LECLERC, que cette franchise est composée de nombreux établissements qui exercent des activités similaires et se composent de structures d'emplois comparables et que l'enseigne E. LECLERC est mentionnée, aux côtés du nom de la société Rouffiac distribution, sur le contrat de travail et les correspondances adressées à M. Y..., la cour d'appel n'a pas fait ressortir en quoi l'existence d'une organisation permettant aux différentes entreprises exerçant sous l'enseigne E. LECLERC d'effectuer la permutation de tout ou partie de leur personnel ; qu'elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Rouffiac distribution à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE « le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L. 1235-4 du code du travail, la cour ordonne le remboursement par la SAS Rouffiac distribution à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 6 mois » ;

ALORS QUE les dispositions de l'article L. 1235-4 ne sont pas applicables au licenciement intervenu en violation des règles particulières applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que « la législation sur les accidents du travail est applicable à la relation de travail » et que le licenciement pour inaptitude de M. Y... était intervenu en violation des règles relatives au licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ; qu'en ordonnant cependant à la société Rouffiac distribution de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. Y... dans la limite de six mois, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1226-15 et L. 1235-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10048
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 17 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2019, pourvoi n°18-10048


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10048
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award