LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 1er juin 2017), que la société Tahiti Marine Center a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. J... étant désigné liquidateur ; que la recette des impôts et la paierie de la Polynésie française ont, chacune, déclaré une créance ; qu'estimant que les intérêts de retard et majorations dont étaient assorties ces créances auraient dû faire l'objet d'une remise d'office en application de l'article LP. 612-2 du code des impôts de la Polynésie française, M. J..., ès qualités, en a contesté le montant devant le juge-commissaire ;
Attendu que M. J..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer les créances à leurs montants déclarés alors, selon le moyen, que l'article LP. 612-2 du code des impôts de la Polynésie française impose la remise, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des majorations pour défaut ou dépôt tardif que, la liste des majorations visées par le même texte n'étant pas limitative, les majorations mises à la charge d'un contribuable pour opposition à contrôle fiscal doivent être considérées comme entrant dans la catégorie des majorations auxquelles s'applique la remise prévue par l'article LP 612-2 ; qu'en jugeant que les majorations en litige ne bénéficiaient pas de la remise d'office prévue par l'article LP. 612-2 du code des impôts de la Polynésie française dans la mesure où elles avaient été imposées en raison d'une opposition à contrôle fiscal reprochée à la société Tahiti Marine Center, la cour d'appel a violé ce texte ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'article LP. 612-2 ne prévoit la remise d'office des intérêts de retard et des majorations que pour défaut ou dépôt tardif de déclaration et que, même si ce texte comporte une énumération non limitative, il ne peut s'appliquer qu'à de tels cas, ce qui exclut la situation d'opposition à contrôle fiscal prévue par l'article LP. 423-1 § 4 ; qu'il ajoute que cette interprétation des textes est corroborée par le rapport de présentation du projet de loi du pays n° 2015-17, qui démontre que le législateur polynésien a entendu ne pas obérer les capacités de reprise d'activité des entreprises dont le défaut de dépôt ou de déclaration trouve son fondement exclusif dans le retard pris par le contribuable dans l'accomplissement de ses obligations déclaratives ; qu'ayant constaté que la contestation du liquidateur portait sur des pénalités établies au titre d'une opposition à contrôle fiscal, laquelle donne lieu à une majoration de 100 % en application de l'article LP. 511-10, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles ne bénéficiaient pas de la remise prévue par le dernier alinéa de l'article LP. 612-2 du code précité, lequel ne vise que les majorations de 40 % en cas de taxation d'office sans mise en demeure ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen ni sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. J..., en qualité de liquidateur de la société Tahiti Marine Center, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Polynésie française, direction des impôts et des contributions publiques ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. J..., en qualité de liquidateur de la société Tahiti Marine Center
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions et d'avoir arrêté l'état des créances de l'Eurl Tahiti Marine Center à la somme de 189 028 436 CFP, dont à titre privilégié, 188 739 308 FCFP tel que réparti dans l'état de créances joint à sa décision et comprenant une créance de la Paierie de la Polynésie française d'un montant de 183 630 741 FCFP et de la Recette des impôts d'un montant de 4 690 258 FCFP ;
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déférée à la cour est motivée par la référence expresse aux arguments de la Recette des impôts et de la Paierie de la Polynésie française, qui répondaient eux-mêmes aux arguments du liquidateur judiciaire ; qu'il ne peut dès lors être soutenu que l'ordonnance est dépourvue de motivation ;
ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; qu'en jugeant que l'ordonnance du 11 juillet 2016, dont elle constatait qu'elle était motivée par référence aux écritures des parties, était suffisamment motivée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir arrêté l'état des créances de l'Eurl Tahiti Marine Center à la somme de 189 028 436 CFP, dont à titre privilégié, 188 739 308 FCFP tel que réparti dans l'état de créances joint à sa décision et comprenant une créance de la Paierie de la Polynésie française d'un montant de 183 630 741 FCFP et de la Recette des impôts d'un montant de 4 690 258 FCFP ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, dès lors que les créances déclarées n'étaient pas définitivement admises à la date d'entrée en vigueur de la loi du Pays n° 2015-17 du 23 décembre 2015, publiée le même jour au journal officiel de la Polynésie française, qui a modifié la rédaction de l'article LP. 612-2 du code des impôts, le juge commissaire devait appliquer la rédaction issue de la loi nouvelle pour déterminer le montant des créances admises, en vertu du principe d'application immédiate de la loi nouvelle dans les procédures en cours, lorsque cette application ne remet pas en cause des droits définitivement acquis ; l'article LP. 612-2, dans sa rédaction issue de la loi du Pays n° 2015-17, est ainsi rédigé : « en cas de procédure de redressement et de liquidation judiciaires, l'intérêt de retard et les majorations pour défaut ou dépôt tardif sont remis d'office. Sont notamment concernés par ce dispositif, outre l'intérêt de retard prévu à l'article LP. 511-1, les majorations suivantes :
• Majoration de 10 % en cas de dépôt tardif de la déclaration (article LP. 511-4) ;
• Majoration de 40 % en cas de dépôt tardif de la déclaration après une première mise en demeure et de 80 % après une deuxième mise en demeure (LP. 511-4-3) ;
• Majoration de 40 % après une première mise en demeure et de 80 % après une deuxième mise en demeure dans le cas d'une taxation d'office visée au 1 de l'article LP. 423-1 (LP. 511-10) ;
• Majoration de 40 % en cas de taxation d'office sans mise en demeure dans les situations visées au 4 de l'article LP. 423-1 (LP. 511-10) » ; l
La recette des impôts écarte l'application de l'article LP. 612-2 aux majorations et frais de recouvrement compris dans la créance déclarée à la procédure collective de l'Eurl Tahiti Marine Center, au motif que ces pénalités sanctionnent une opposition à contrôle fiscal, situation non visée par cet article. ; s'il n'est pas contesté que les documents versés aux débats par la recette des impôts permettent de qualifier le comportement de la société d'opposition à contrôle fiscal, le renvoi au § 4 de l'article LP. 423-1 opéré par l'article LP. 612-2 vise notamment les situations d'opposition à contrôle fiscal ; le § 4 de l'article LP. 423-1 est ainsi rédigé : « par dérogation au paragraphe 3, il n'y a pas lieu de procéder à la mise en demeure dans les cas suivants :
• changement fréquent du lieu du principal établissement ou transfert de l'activité hors de Polynésie française sans dépôt des déclarations requises par le présent code ;
• exercice d'une activité occulte ;
• opposition au contrôle fiscal ;
• pour les assujettis redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, défaut de déclaration de chiffre d'affaires propres à cette taxe ;
• pour les assujettis redevables de la contribut ion de solidarité territoriale sur les traitements, salaires, pensions, rentes viagères et indemnités diverses, défaut de déclaration de revenus propre à cette contribution ;
• pour les entreprises relevant du régime fiscal simplifié des très petites entreprises faisant l'objet de l'article LP. 368-3 du présent code, non-respect des conditions prévues par cette disposition ».
Cependant, ce paragraphe doit être lu à la lumière de l'article LP. 612-2 qui ne vise que l'intérêt de retard et les majorations pour défaut ou dépôt tardif de déclaration ; l'adverbe « notamment », qui figure à la phrase suivante, ne vise que l'énumération non limitative des cas de défaut ou de dépôt tardif , en conséquence, seuls les cas de défaut ou de dépôt tardif mentionnés au § 4 de l'article LP. 423-1 sont visés par l'article LP, 612-2, à l'exclusion des autres situations telles que l'exercice d'une activité occulte ou l'opposition au contrôle fiscal ; cette interprétation est confirmée par le rapport de présentation du projet de loi du Pays n° 2015-17, dont l'extrait versé aux débats démontre que le législateur polynésien a entendu ne pas obérer les capacités de reprise d'activité des entreprises dont « le défaut de dépôt de déclaration trouve son fondement exclusif dans le retard pris par le contribuable dans l'accomplissement de ses obligations déclaratives » ; la recette des impôts était donc en droit de déclarer les pénalités établies au titre d'une opposition à contrôle fiscal, qui ne bénéficient pas de la remise d'office prévue à l'article LP. 612-2 précité ; le montant de la créance en principal et de ces pénalités n'étant pas, par ailleurs, contesté, les dispositions de l'ordonnance qui ont admis la créance de la recette des impôts arrêtée à la somme de 4 690 258 FCP sont confirmées ; même si la Paierie de la Polynésie française n'a pas conclu, ce qui entraîne le caractère réputé contradictoire de l'arrêt en application de l'alinéa 1 er de l'article 282 du code de procédure civile de la Polynésie française, il convient d'appliquer au calcul de sa créance les règles dégagées de l'interprétation des textes précités et de confirmer en conséquence les dispositions de l'ordonnance qui ont admis la créance de la recette des impôts arrêtée à la somme de 183 630 741 FCP ; l'admission des autres créances n'est pas contestée ; l'ordonnance déférée à la cour est intégralement confirmée par les motifs de l'arrêt.
AUX MOTIFS ADOPTES QUE concernant la créance n° 1 de la Paierie de la Polynésie française ; vu la note et les arguments développés par la Paierie de la Polynésie française, il convient d'infirmer la demande de rejet du liquidateur judiciaire et de retenir comme montant de créance pour la compte de la Paierie de la Polynésie Française, le somme de 183 630 741 CFP, l'article LP 612-2 ne s'appliquant pas au cas d'espèce ; concernant la créance n°2 de la Recette des impôts ; vu la note et les arguments développés par la Recette des impôts, et en particulier le fait que les pénalités notifiées au titre d'une sanction fiscale pour opposition à contrôle fiscal n'entrent pas dans le champs d'application de l'article LP 612-2, et que la loi de pays LP612-2 est entrée en vigueur le 24/12/2015, soit postérieurement à la notification de redressement du 23/12/2015 et ne peut donc être appliquée à la situation de l'Eurl Tahiti Marine Center, il convient d'infirmer la demande de rejet du liquidateur judiciaire et de retenir comme montant de créance pour la compte de la Recette des impôts, le somme de 4 690 258 CFP ;
1°) ALORS QUE l'article LP 612-2 du code des impôts de la Polynésie française impose la remise, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des majorations pour défaut ou dépôt tardif ; que, la liste des majorations visées par le même texte n'étant pas limitative, les majorations mises à la charge d'un contribuable pour opposition à contrôle fiscal doivent être considérées comme entrant dans la catégorie des majorations auxquelles s'applique la remise prévue par l'article LP 612-2 ; qu'en jugeant que les majorations en litige ne bénéficiaient pas de la remise d'office prévue par l'article LP 612-2 du code des impôts de la Polynésie dans la mesure où elles avaient été imposées en raison d'une opposition à contrôle fiscal reprochée à la société Tahiti Marine Center, la cour d'appel a violé ce texte ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut se fonder que sur des éléments qui sont dans le débat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Paierie de la Polynésie française n'avait pas conclu ; qu'aucune des parties ne soutenait que les sommes mises en recouvrement par la Paierie de la Polynésie française et dont Me J..., ès-qualités, avait demandé la remise d'office en application de l'article LP 612-2 du code des impôts de la Polynésie française, correspondraient à des majorations pour opposition à contrôle fiscal ; qu'au contraire, il résultait des pièces du dossier que ces sommes ne correspondaient pas à de telles majorations ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de Me J..., ès qualités, sur le fait que la partie contestée de la créance de la Paierie de la Polynésie française correspondait à des majorations pour opposition à contrôle fiscal, non visées par l'article LP 612-2 du code des impôt de la Polynésie française, la cour d'appel a pris en compte des éléments de fait qui n'étaient pas dans le débat et violé l'article 4 du code de procédure civile de Polynésie française ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, en rejetant la demande de remise des pénalités mises en recouvrement par la Paierie de la Polynésie française aux motifs que l'article LP 612-2 du code général des impôts de la Polynésie française ne s'appliquait pas à ces majorations, cependant que la Paierie de la Polynésie française n'avait pas conclu et, donc, pas invoqué ce moyen, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 3 du code de procédure civile de Polynésie française ;
4°) ALORS QU'en retenant que les sommes mises en recouvrement par la Paierie de la Polynésie française et dont Me J..., ès-qualités, avait demandé la remise d'office en application de l'article LP 612-2 du code des impôts de la Polynésie française correspondaient à des majorations pour opposition à contrôle fiscal, cependant qu'il résultait de la déclaration de créance de la Paierie de la Polynésie française et de la notification de redressement du 23 mai 2011 que les sommes en litige ne correspondaient pas à de telles majorations, la cour d'appel a dénaturé ces documents.