La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2019 | FRANCE | N°17-22764

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 septembre 2019, 17-22764


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 juin 2017), que par acte du 28 octobre 2010, M. et Mme I... ainsi que la société Artimon développement (les cédants) ont cédé à une société dénommée Groupe VT Scan les actions de la société Marebe et de sa filiale, la société VT Scan ; que cette dernière a pour activité la sélection pour le compte d'annonceurs, d'agences de publicité et perçoit de l'agence choisie un « success fee » ; qu'elle commercialise également de

s abonnements dénommés « Packs attractives » qui consistent en la mise à disposition ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 juin 2017), que par acte du 28 octobre 2010, M. et Mme I... ainsi que la société Artimon développement (les cédants) ont cédé à une société dénommée Groupe VT Scan les actions de la société Marebe et de sa filiale, la société VT Scan ; que cette dernière a pour activité la sélection pour le compte d'annonceurs, d'agences de publicité et perçoit de l'agence choisie un « success fee » ; qu'elle commercialise également des abonnements dénommés « Packs attractives » qui consistent en la mise à disposition d'espaces sur des sites internet au profit d'agences ; que les parties à la cession ont conclu, le jour de celle-ci, une convention de garantie d'actif et de passif et d'exactitude et de sincérité des comptes au 31 mars 2010 ; que la société Groupe VT Scan a mis en oeuvre la garantie en contestant certaines règles d'établissement des comptes ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée et qu'au cours de celle-ci, les parties ont conclu une transaction ; que les cédants ont alors assigné M. Q..., commissaire aux comptes ayant certifié les comptes de la société VT Scan de 2006 à 2010 inclus, en réparation de leur préjudice ;

Attendu que M. et Mme I... et la société Artimon développement font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen :

1°/ que les commissaires aux comptes sont tenus d'informer les dirigeants des sociétés qu'ils contrôlent de l'irrégularité des méthodes comptables appliquées ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan au motif inopérant que les dirigeants sociaux, dont M. I..., connaissaient l'existence de cette méthode, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le commissaire aux comptes n'était pas tenu de les informer de l'irrégularité de cette méthode qui contrevenait au principe de l'indépendance des exercices comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 822-17 et L. 823-9 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que toute violation des règles comptables imposées en vue de traduire avec exactitude la situation économique d'une entreprise en donne une image infidèle ; qu'en affirmant qu'il ne résultait d'aucun élément que la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée aurait donné une fausse image de la situation de la société VT Scan, quand l'irrégularité de cette méthode, qui méconnaissait le principe de l'indépendance des exercices comptables, imposant que seuls les produits acquis au cours d'un exercice soient comptablement rattachés à cet exercice de manière à restituer fidèlement le chiffre d'affaires effectivement réalisé lors de cet exercice, donnait nécessairement une image erronée de la situation financière de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 123-14 et L. 123-21 du code de commerce ;

3°/ que la mise en oeuvre par les cessionnaires d'actions d'une garantie d'actif et de passif, ayant pour objet de garantir l'exactitude et la sincérité des comptes sur la base desquels la cession a été conclue, fait présumer qu'une image infidèle de la situation de la société dont les actions ont été cédées a été donnée ; qu'en affirmant qu'il ne résultait d'aucun élément que la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée aurait donné une fausse image de la situation de la société VT Scan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la mise en oeuvre par les cessionnaires des actions de cette société de la garantie d'actif et de passif conclue lors de la cession, qui garantissait l'exactitude et la sincérité des comptes clos au 31 mars 2010 sur la base desquels le prix de cession avait été fixé, ne se fondait pas sur l'irrégularité de cette méthode de comptabilisation des produits et ne faisait pas, ainsi, présumer que cette méthode avait donné une image erronée de la situation financière de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 123-14 du code de commerce ;

4°/ que les commissaires aux comptes requis d'intervenir dans la perspective d'une cession d'actions doivent refuser de certifier les comptes sur la base desquels la cession a été conclue dès lors qu'ils ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et patrimoniale de cette société ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, appelé spécifiquement à intervenir à l'occasion de la cession des actions de cette société, il ne devait pas refuser de certifier les comptes clos le 31 mars 2010 pris en compte lors de la cession qui, du fait de l'irrégularité de la méthode employée, ne donnaient pas une image infidèle de la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 823-9 du code de commerce ;

5°/ que les commissaires aux comptes requis d'intervenir dans la perspective d'une cession d'actions doivent mettre en garde les cédants contre le risque de contestation du prix de cession pouvant naître d'une irrégularité comptable ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant sans réserve la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, appelé spécifiquement à intervenir à l'occasion de la cession des actions de cette société, il ne devait pas, à tout le moins, mettre en garde les cédants contre le risque de remise en cause du prix de cession pouvant résulter de l'irrégularité de cette méthode qui méconnaissait le principe de l'indépendance des exercices comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 823-9 du code de commerce et 1382 du code civil ;

6°/ que les commissaires aux comptes ne sont pas déchargés de leurs devoirs de certification, de conseil et de mise en garde du seul fait de l'intervention d'un autre professionnel aux côtés de leur client ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan au motif que cette méthode avait reçu l'accord de l'expert-comptable de cette société, quand l'avis de cet autre professionnel ne le déchargeait pas de ses obligations de certification, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de sa société cliente, la cour d'appel a violé les articles L. 822-17 et L. 823-9 du code de commerce et l'article 1382 du code civil ;

7°/ qu'est causal tout fait sans lequel le dommage invoqué ne se serait pas produit ; qu'en affirmant qu'aucun lien de causalité n'existait entre l'absence d'observations de la part de M. Q... lors du changement, en 2006, de la méthode de comptabilisation des produits de la société VT Scan et le dommage invoqué résultant de la mise en oeuvre par les cessionnaires des actions de cette société, en 2011, de la garantie d'actif et de passif, sans rechercher comme il le lui était demandé, si, mieux informées de ce que cette méthode pouvait être regardée comme donnant une image erronée de la situation financière de cette société, les cédants auraient pu modifier les stipulations de cette garantie de façon à ce qu'elle ne soit pas mise en oeuvre du chef de l'application de cette méthode de comptabilisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. Q... n'a pas émis d'observation lorsqu'il a certifié les comptes de l'exercice clos le 31 mars 2006 établis selon une nouvelle méthode, consistant, pour les prestations dénommées « packs attractives », à comptabiliser l'essentiel du chiffre d'affaires sur douze mois et les charges sur le premier mois de l'abonnement et, pour les sommes perçues sous la dénomination de « success fees », à anticiper la perception des produits, ni formulé aucune observation lors des exercices ultérieurs ayant fait l'objet d'un même traitement, l'arrêt retient que cette nouvelle méthode comptable était connue et parfaitement maîtrisée par les dirigeants sociaux, dont M. I..., qui l'ont expliquée et justifiée auprès des acquéreurs courant décembre 2010, soit immédiatement après la cession, par la nature des packs, au surplus non remboursables, et par la faiblesse des incidents en ce qui concerne les « success fees » ; qu'il retient ensuite qu'il ne résulte d'aucun élément que cette méthode aurait donné une fausse image de la situation de la société et que les produits comptabilisés se seraient transformés en perte, à l'exception de quelques produits « success fees » ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes invoquées par les première, quatrième et cinquième branches, a pu retenir, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la sixième branche, que M. Q... n'a pas manqué à son obligation de certifier des comptes annuels réguliers et sincères et donnant une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice 2006 ainsi que de la situation financière, et que l'absence d'observation sur le changement de méthode comptable intervenu en 2006, connu des dirigeants sociaux, était sans lien de causalité avec le dommage invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme I... et la société Artimon développement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Q... la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf et signé par M. Guérin, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Orsini.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme I... et la société Artimon développement.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. F... I..., Mme B... I... et la société Artimon Développement de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de M. R... Q... ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 822-17 du code de commerce, les commissaires aux comptes sont responsables des « conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions » ; que l'article L. 823-9 du même code impose aux commissaires aux comptes de certifier que « les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière » de la société ; que les normes d'exercice professionnel mettent diverses diligences et obligations à leur charge ; qu'ainsi, la norme 730 applicable aux changements de méthode comptable énonce que lorsque le commissaire aux comptes estime que le changement comptable n'est pas justifié, que sa traduction comptable ou que l'information fournie dans l'annexe ne sont pas appropriées, il doit en tirer les conséquences sur l'opinion qu'il doit donner ; que, de même, il doit formuler « systématiquement une observation en cas de changement de méthode comptable survenu au cours de l'exercice » ; que M. Q... a certifié les comptes clos au 31 mars 2006 qui ont fait l'objet d'une nouvelle méthode comptable en ce qui concerne les « packs attractives » et les « success fees » puis les comptes clos jusqu'au 31 mars 2010 établis selon la même méthode ; qu'en ce qui concerne les « packs attractives », mis en place en 2004-2005, la méthode consistait à comptabiliser l'essentiel du chiffre d'affaires sur 12 mois et les charges sur le 1er mois de l'abonnement et, en ce qui concerne les « success fees », à anticiper dans la comptabilité la perception des produits ; qu'en application de l'article L. 123-21 du code de commerce, seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture d'un exercice peuvent être inscrits dans les comptes annuels ; que, compte tenu de ce principe d'indépendance des exercices comptables, les produits correspondant à une prestation de services sont en principe rattachés à l'exercice d'achèvement des prestations et ceux relatifs à des prestations échelonnées sur plusieurs exercices comptabilisés au fur et à mesure de l'avancement des prestations ; que n'ayant pas la charge d'établir les comptes et ne pouvant s'immiscer dans la gestion de la société, le commissaire aux comptes ne peut qu'émettre des réserves voire refuser de certifier les comptes sociaux ; que M. Q... n'a pas émis d'observation lorsqu'il a certifié les comptes de l'exercice clos le 31 mars 2006 établis sur la base précitée et ayant fait l'objet d'un changement de méthode comptable ; qu'il n'a, de même, formulé aucune observation lors des exercices ultérieurs ayant fait l'objet d'un même traitement ; mais que, d'une part, la méthode comptable litigieuse avait reçu l'accord de l'expert-comptable et était connue des dirigeants sociaux dont M. I... ; que, d'autre part, les appelants eux-mêmes l'ont expliquée et justifiée auprès des acquéreurs courant décembre 2010, soit immédiatement après la cession par la nature des packs, au surplus non remboursables, et par la faiblesse des incidents en ce qui concerne les « success fees » ; qu'ainsi, cette méthode de comptabilisation a été mise en oeuvre par l'expert-comptable de la société et était parfaitement connue et maîtrisée par les dirigeants ; qu'en outre, il ne résulte d'aucun élément que cette méthode aurait donné une fausse image de la situation de la société et que les produits comptabilisés se seraient transformés en perte, à l'exception de quelques produits « success fees » ; que les appelants ne justifient donc pas que M. Q... a manqué à son obligation de certifier que « les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière » ; que le grief tiré de la certification d'une méthode comptable irrégulière et de l'absence de réserve n'est donc pas fondé ; qu'en ce qui concerne l'absence d'observation lors du changement, en 2006, de méthode, les appelants connaissaient ce changement ; que l'absence de mention de celui-ci est dès lors sans incidence ; qu'en outre, il n'existe aucun lien de causalité entre cette absence d'observation et le dommage invoqué ; que ce grief n'est pas fondé ; que les demandes formées contre M. Q... seront dès lors rejetées et le jugement confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'aux termes de l'article 1382 du code civil, la responsabilité délictuelle du commissaire aux comptes peut être engagée par un tiers en cas de faute, de préjudice et de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués ; qu'aux termes de la norme prévue à l'article A 823-26 paragraphe 10 du code de commerce, le commissaire aux comptes formule systématiquement une observation en cas de changement de méthode comptable survenue au cours de l'exercice ; qu'un changement de méthode comptable est possible en cas de choix entre plusieurs normes ; que les demandeurs reprochent à M. Q... d'avoir certifié sans réserve les comptes clos au 31 mars 2010, alors qu'il aurait dû faire des observations quant aux méthodes comptables d'enregistrement des produits liés aux packs attractivités et aux success fees ; qu'il ressort des dires adressés par le cabinet Fidal pour le compte de son client M. I... à l'attention de l'expert, qu'un nouveau service, le pack attractivité, a été proposé suite à la refonte du site internet de la société en 2004/2005 et qu'il a été décidé de comptabiliser le chiffre d'affaires sur 12 mois, ainsi que la charge relative aux opérations de sous-traitance réalisées au cours de la même période, le mois de la facturation à l'agence ; que, compte tenu du taux de renouvellement des contrats d'environ 80 %, il existe peu d'écarts en terme de chiffre d'affaires suivant la méthode utilisée ou la méthode prorata temporis à l'exception de l'année 2005/2006 pour laquelle la mise en place de la méthode décrite a eu un impact positif sur le chiffre d'affaires de l'année et de l'année 2010/2011 pour laquelle le changement de méthode comptable effectué par la société groupe Vt Scan et ses nouveaux associés a eu un impact négatif sur le chiffre d'affaires de l'année ; qu'en outre, concernant les success fees, depuis 2005 il avait été décidé d'anticiper ces success fees sur les missions en cours, la marge d'erreur sur le montant du success fees étant assez faible compte tenu d'une grille par fourchette de rémunération, ces méthodes étant connues, d'après les dires, de M. Y... et U..., gérants du groupe Vt Scan, puisque M. I... leur demandait à la fin de chaque exercice leurs estimations ; qu'il ressort des dires adressés par le cabinet Ideact pour son client, le groupe Vt Scan, que les packs attractivités s'analysent selon lui en des abonnements qui doivent être comptabilisés en fonction du temps eu égard à la durée du contrat ; qu'en outre, s'agissant des success fees, les honoraires en résultant doivent être considérés acquis au moment de la réalisation de la condition les rendant exigibles, soit au moment de la signature du contrat avec l'agence, et en aucun cas au début de la mission de la sélection ; qu'ainsi, les demandeurs reprochent au commissaire aux comptes de ne pas avoir respecté le principe d'indépendance d'exercice et de ne pas avoir fait mention d'aucune méthode comptable particulière tant en ce qui concerne la comptabilisation des packs attractivités que des honoraires fixes et variables des missions de sélection, lors de l'examen des comptes relatifs à l'exercice clos le 31 mars 2010 ; qu'en conséquence, il a dû être procédé à une correction d'erreurs relatives aux exercices antérieurs ; qu'or, s'il s'avère exact que le commissaire aux comptes n'a pas formulé de réserve ou d'observation quant aux méthodes comptables retenues pour comptabiliser certains produits, notamment les packs attractivités et les success fees, il apparaît que les méthodes comptables choisies étaient en place au sein de la société depuis 2005, de façon constante jusqu'à l'exercice clos le 31 mars 2010 ; qu'ainsi aucun changement de méthode récent n'imposait au commissaire aux comptes de formuler de réserve ou d'observation lors de la certification intervenue pour l'exercice clos le 31 mars 2010 ; qu'en outre, M. I... a reconnu, notamment dans deux courriels du 13 décembre 2010, qu'il était au courant de ces questions de comptabilisation de certains produits déclarant au sujet des packs ce sujet « connu », qui a « déjà été discuté plusieurs fois », ainsi qu'à propos des success fees, les pratiques de comptabilisation relevant de principes connus et appliqués jusqu'ici en fonction d'un raisonnement maîtrisé par M. I... ; qu'ainsi, postérieurement, lors de la certification le 2 août 2011 des comptes clos au 31 mars 2011, le commissaire aux comptes a formulé une observation quant au changement de méthode comptable intervenu suite à la cession et au choix opéré par les cessionnaires : « le résultat au 31/3/2011 est impacté par un changement de méthode portant sur deux points : la date de prise en compte des « success fees » ainsi que le mode de comptabilisation des abonnements « packs » » ; que les demandeurs ne rapportent ainsi pas la preuve d'une faute commise par le commissaire aux comptes dans la certification des comptes clos le 31 mars 2010 en raison de l'anticipation de certains produits, alors qu'il ressort de l'analyse des pratiques comptables que celles-ci étaient en place de façon continue depuis 2005 soit bien avant l'exercice clos le 31 mars 2010 et que M. I..., tout à fait informé de ces pratiques qu'il préconisait lui-même ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes, alors même qu'il avait toute connaissance de ces pratiques comptables pour en informer les cessionnaires lors de l'opération de cession ;

1°) ALORS QUE les commissaires aux comptes sont tenus d'informer les dirigeants des sociétés qu'ils contrôlent de l'irrégularité des méthodes comptables appliquées ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan au motif inopérant que les dirigeants sociaux, dont M. I..., connaissaient l'existence de cette méthode, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le commissaire aux comptes n'était pas tenu de les informer de l'irrégularité de cette méthode qui contrevenait au principe de l'indépendance des exercices comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 822-17 et L. 823-9 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE toute violation des règles comptables imposées en vue de traduire avec exactitude la situation économique d'une entreprise en donne une image infidèle ; qu'en affirmant qu'il ne résultait d'aucun élément que la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée aurait donné une fausse image de la situation de la société VT Scan, quand l'irrégularité de cette méthode, qui méconnaissait le principe de l'indépendance des exercices comptables, imposant que seuls les produits acquis au cours d'un exercice soient comptablement rattachés à cet exercice de manière à restituer fidèlement le chiffre d'affaires effectivement réalisé lors de cet exercice, donnait nécessairement une image erronée de la situation financière de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 123-14 et L. 123-21 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE la mise en oeuvre par les cessionnaires d'actions d'une garantie d'actif et de passif, ayant pour objet de garantir l'exactitude et la sincérité des comptes sur la base desquels la cession a été conclue, fait présumer qu'une image infidèle de la situation de la société dont les actions ont été cédées a été donnée ; qu'en affirmant qu'il ne résultait d'aucun élément que la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée aurait donné une fausse image de la situation de la société VT Scan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la mise en oeuvre par les cessionnaires des actions de cette société de la garantie d'actif et de passif conclue lors de la cession, qui garantissait l'exactitude et la sincérité des comptes clos au 31 mars 2010 sur la base desquels le prix de cession avait été fixé, ne se fondait pas sur l'irrégularité de cette méthode de comptabilisation des produits et ne faisait pas, ainsi, présumer que cette méthode avait donné une image erronée de la situation financière de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 123-14 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE les commissaires aux comptes requis d'intervenir dans la perspective d'une cession d'actions doivent refuser de certifier les comptes sur la base desquels la cession a été conclue dès lors qu'ils ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et patrimoniale de cette société ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, appelé spécifiquement à intervenir à l'occasion de la cession des actions de cette société, il ne devait pas refuser de certifier les comptes clos le 31 mars 2010 pris en compte lors de la cession qui, du fait de l'irrégularité de la méthode employée, ne donnaient pas une image infidèle de la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 823-9 du code de commerce ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, les commissaires aux comptes requis d'intervenir dans la perspective d'une cession d'actions doivent mettre en garde les cédants contre le risque de contestation du prix de cession pouvant naître d'une irrégularité comptable ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant sans réserve la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT scan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, appelé spécifiquement à intervenir à l'occasion de la cession des actions de cette société, il ne devait pas, à tout le moins, mettre en garde les cédants contre le risque de remise en cause du prix de cession pouvant résulter de l'irrégularité de cette méthode qui méconnaissait le principe de l'indépendance des exercices comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 823-9 du code de commerce et 1382 du code civil ;

6°) ALORS QUE les commissaires aux comptes ne sont pas déchargés de leurs devoirs de certification, de conseil et de mise en garde du seul fait de l'intervention d'un autre professionnel aux côtés de leur client ; qu'en considérant que M. Q... n'avait pas manqué à ses obligations en certifiant la méthode de comptabilisation des produits par anticipation qui était appliquée par la société VT Scan au motif que cette méthode avait reçu l'accord de l'expert-comptable de cette société, quand l'avis de cet autre professionnel ne le déchargeait pas de ses obligations de certification, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de sa société cliente, la cour d'appel a violé les articles L. 822-17 et L. 823-9 du code de commerce et l'article 1382 du code civil ;

7°) ALORS QU'est causal tout fait sans lequel le dommage invoqué ne se serait pas produit ; qu'en affirmant qu'aucun lien de causalité n'existait entre l'absence d'observations de la part de M. Q... lors du changement, en 2006, de la méthode de comptabilisation des produits de la société VT Scan et le dommage invoqué résultant de la mise en oeuvre par les cessionnaires des actions de cette société, en 2011, de la garantie d'actif et de passif, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, mieux informés de ce que cette méthode pouvait être regardée comme donnant une image erronée de la situation financière de la société, les cédants auraient pu modifier les stipulations de cette garantie de façon à ce qu'elle ne soit pas mise en oeuvre du chef de l'application de cette méthode de comptabilisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-22764
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 sep. 2019, pourvoi n°17-22764


Composition du Tribunal
Président : Mme Orsini (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22764
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award