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12/09/2019 | FRANCE | N°18-18626

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 septembre 2019, 18-18626


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 avril 2018), que, le 10 septembre 2012, MM. E... et J... ont acquis diverses parcelles sur lesquelles est édifiée une maison à usage d'habitation, dont l'une, cadastrée [...] , est pour partie à usage de cour ; que les vendeurs avaient préalablement installé un portail pour interdire tout accès à cette parcelle par la voie publique ; que M. et Mme G... et Mme H..., respectivement propriétaires de parcelles contiguës à cette cour, ont assigné MM. E... et

J... en reconnaissance de l'existence d'une servitude conventionnelle...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 avril 2018), que, le 10 septembre 2012, MM. E... et J... ont acquis diverses parcelles sur lesquelles est édifiée une maison à usage d'habitation, dont l'une, cadastrée [...] , est pour partie à usage de cour ; que les vendeurs avaient préalablement installé un portail pour interdire tout accès à cette parcelle par la voie publique ; que M. et Mme G... et Mme H..., respectivement propriétaires de parcelles contiguës à cette cour, ont assigné MM. E... et J... en reconnaissance de l'existence d'une servitude conventionnelle de passage et d'une servitude non aedificandi et en dépose du portail et des pierres limitant ou interdisant l'usage de la servitude ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir retenu dans ses motifs que l'acte de propriété des auteurs de MM. E... et J... stipulait que la parcelle [...] était grevée de droits de passage et ne devait pas être clôturée, que cette servitude conventionnelle de passage était opposable aux consorts E... J... pour en avoir eu connaissance le 10 septembre 2012 et que les parcelles [...], [...], [...], propriété de M. et Mme G..., bénéficiaient d'une servitude conventionnelle de passage s'exerçant sur la parcelle [...], fonds servant propriété des consorts E... J..., l'arrêt confirme, dans son dispositif, le jugement qui a rejeté les demandes de M. et Mme G... ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme H..., propriétaire des parcelles [...] , [...], [...], [...], [...] et [...], l'arrêt retient, par motifs propres, que son acte d'acquisition du 10 octobre 1997 ne prévoyait pas le bénéfice d'une servitude de passage, qu'il ressort des plans produits que sa propriété n'est pas enclavée et dispose d'un accès à la voie publique et, par motifs adoptés, que, s'il n'est pas contesté que le fonds originaire a été divisé, il n'est justifié d'aucun aménagement des lieux par l'auteur de la division, établissant qu'il avait entendu maintenir un passage sur la cour litigieuse et, partant, interdire sur celle-ci toute édification ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme H... qui soutenait qu'avant la division, la cour, devenue parcelle [...], permettait l'accès à l'ensemble des bâtiments de M. A... et que la multiplicité de portails donnant accès à la cour constituait un signe apparent, caractérisant l'existence d'une servitude par destination du père de famille au moment de la division du fonds par un propriétaire unique, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne MM. E... et J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. E... et J... et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme G... et Mme H... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme G... et Mme H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté les époux G... de leur demande tendant à voir dire et juger que la parcelle cadastrée [...] (consorts E.../J...) était grevée d'une servitude de passage conventionnelle au profit des parcelles [...] , [...] et [...] (époux G...) ;

AUX MOTIFS QUE les époux G... se prévalent de l'acte du 12 décembre 2006 (vente P...-G...) qui fait état (page 3) de droits de passage sur divers pour rejoindre la voie publique ; que cet acte renvoie à celui du 24 octobre 1992 (vente S...-P...) qui indique que les immeubles vendus bénéficient apparemment , et sans que cela ne soit constaté dans des actes des droits de passage sur divers pour rejoindre la voie publique ; que l'acte de vente du 3 mars 1979 (vente N...-T..., auteurs des consorts E... J...) stipule que la parcelle [...] est grevée de droits de passage, ne doit pas être clôturée ; que cet acte vise expressément les actes des 20 et 25 09 1958 ; que l'acte de vente du 10 09 2012 (vente T...-E...-J...) rappelle que la parcelle cadastrée [...] représente la cour grevée de droits de passage, ne doit en aucun cas être clôturée ; qu'il est ajouté « il est ici précisé que ces droits de passage étant au profit des parcelles cadastrées [...] et [...] semble ne plus avoir d'objet » ; que l'acte fait référence expresse à un litige relatif aux droits de passage pouvant grever les parcelles acquises ; que les époux G... justifient donc bénéficier d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle [...] ; que cette servitude est opposable aux consorts E... J... qui en ont eu connaissance lors de la vente par le notaire, ont été informés du litige afférent avec les voisins ; que la mention notariée selon laquelle les droits de passage semblent ne plus avoir d'objet est trop dubitative pour établir l'extinction de la servitude ; que les consorts G... font valoir enfin à juste titre que le fait qu'ils aient envisagé un temps de se clôturer ne signifie pas qu'ils aient renoncé à exercer leur servitude de passage ; qu'il ressort donc des éléments précités que les parcelles [...], [...], [...], propriété des époux G... bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage, servitude qui s'exerce sur la parcelle [...], fonds servant, propriété des consorts E... J..., servitude dont l'existence ressort tant des actes notariés que de la configuration des lieux ;

ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, aux termes de ses motifs, que « les parcelles [...], [...], [...], propriété des époux G... bénéfici[aient] d'une servitude conventionnelle de passage qui s'exerçait sur la parcelle [...], fonds servant, propriété des consorts E... J..., servitude dont l'existence ressort[ait] tant des actes notariés que de la configuration des lieux » (arrêt page 9, al. 3 et 5), tandis qu'elle confirmait le jugement qui avait débouté les époux G... de la demande tendant à ce que l'existence de cette servitude soit reconnue (jugement page 9, dernier al.), la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté Mme Y... L... épouse H... de sa demande tendant à voir dire et juger que la parcelle cadastrée [...] (consorts E.../J...) était grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles [...] , [...], [...], [...], [...] et [...] lui appartenant et à voir condamner solidairement M. E... et M. J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme H..., en revanche, ne saurait revendiquer l'exercice d'une servitude de passage qui n'est nullement stipulée dans son acte d'acquisition du 10 octobre 1997 ; qu'il ressort en outre des plans produits que sa propriété n'est pas enclavée, dispose d'un accès à la voie publique ; que son acte précise, en revanche, qu'elle doit supporter les servitudes légales étant rappelé qu'il est certain que les époux G... n'ont pas d'accès à la voie publique ;

AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE l'article 686 du code civil dispose qu'il "est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public" et que "l'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue" ; que la parcelle cadastrée section [...] a été divisée en deux parcelles, cadastrées section [...] et D 403 ; que la parcelle [...] a été divisée en deux parcelles cadastrées section [...] et [...], et celle cadastrée [...] en trois parcelles cadastrées section [...] , [...] et [...] ; que le titre des époux O... G... et Q... M... stipulent que les biens acquis par eux "bénéficient apparemment, et sans que cela ne soit constaté dans des actes, de droits de passage sur divers pour rejoindre la voie publique, et qu'en contrepartie et de la même manière, ils supportent au profit de divers, des droits de passage leur permettant de rejoindre cette même voie publique" ; que celui des défendeurs précise que "la parcelle cadastrée [...] représentant la cour est grevée de divers droits de passage et qu'en conséquence, la cour ne doit en aucun cas être clôturée par l'acquéreur » ; que si le fonds servant a été précisé, celui ou ceux dominants ne l'ont pas été ; qu'eu égard à la configuration des lieux, ces droits de passage ne peuvent s'entendre qu'au profit des fonds contigus ; que leur étendue n'a de même pas été précisée ; que l'expert a en page 4 de son rapport relevé que pour les époux T... ; il s'agit d'un droit de passage "piétons" ce qui n'est pas précisé dans l'acte de 1979 ; qu'en page 7, il s'est interrogé : "la question reste de savoir comment s'exerce la servitude de passage" ; "est-ce une servitude à pied, la largeur du passage au sud des bâtiments AGUILE ne permettant pas le passage d'un véhicule (parcelle [...])" ou " est-ce un accès des véhicules de M. et Mme G... ou Mme H... au plus près de ce passage, en tout temps et à toute heure ?" ; qu'en page 8, il a précisé que "reste à connaître le mode d'exercice de la servitude de passage" et que "s'il est indéniable que les propriété G... et H... ont un droit de passage sur la propriété T..., seule possibilité aux jardins et parcelles situées au sud du passage, comment ce passage s'exerce-t-il, passage à pied ? Accès avec un véhicule, jusqu'où, vu l'étroitesse du chemin parcelle [...] ?" ; qu'en page 23 de l'acte d'achat par les défendeurs de leur fonds, il a été mentionné que "ces droits de passage étant au profit des parcelles cadastrées section [...] of 53 ne semble plus avoir d'objet" ; que par ailleurs, par déclaration préalable à la réalisation de constructions et travaux non soumis à permis de construire déposé en mairie le 16 octobre 2012, O... G..., se présentant propriétaire de la parcelle cadastrée section [...] , avait sollicité l'autorisation de se clore, soit : "A - pose d'une barrière bois largeur 1m00 hauteur 0,80 - en limite 516/49. Trace jaune sur le plan cadastral ; B - pose d'une barrière bois (sur 2 poteaux bois) chêne longueur de 5m50 x 1m00 de hauteur, barrière en tout point identique (photo C) à la barrière E... W... séparant la 503 de la 474 (maison classée au patrimoine). Trace orange sur le plan cadastral" ; que la date d'édification du portail sur la parcelle [...] en limite de celle D 50 propriété des défendeurs n'a pas été précisée ; que les photographies produites aux débats ne permettent pas d'en retenir une ancienneté supérieure à celle du portail litigieux ; que de plus, il n'est justifié d'aucune utilisation antérieure au litige du passage revendiquée ; que la mention insérée à l'acte du 10 septembre 2012 d'un "litige avec les propriétaires voisins a eu lieu concernant des droits de passage pouvant grever les parcelles objet des présentes" étant pour ce insuffisante ; qu'il s'ensuit que les époux O... G... et Q... M... ne justifient pas détenir par titre un droit de passage sur la parcelle [...] , qu'au surplus ils ne revendiquaient pas car souhaitant se clôturer ; que le titre de Y... H..., qui dispose d'un accès à la voie publique, ne fait mention d'aucune servitude de passage stipulé son profit ;

1°) ALORS QUE l'existence d'une servitude conventionnelle de passage peut être déduite des seules mentions contenues dans un titre relatif au fonds servant ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'une servitude conventionnelle de passage au profit des parcelles appartenant Mme H..., que son propre titre de propriété n'y faisait pas référence (arrêt page 9, al. 4), sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la servitude ne résultait pas de sa seule mention dans le titre relatif au fonds servant de 1979, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 691 du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, Mme H... soulignait, pour invoquer subsidiairement l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille, que « contrairement à ce qu'a[vait] jugé le tribunal, il exist[ait] des signes apparents constitués par la multiplicité de portails donnant accès à la cour » qui, étant « fort anciens caractérisa[aient] l'aménagement des passages depuis l'origine » et invitait expressément la cour d'appel à constater « l'existence de ces signes apparents de servitude » et à réformer « la décision en ce qu'elle n'a[vait] pas retenu la constitution de la servitude par destination du père de famille comme valant titre » (arrêt page 10, al. 7 et 8 et page 11, al. 10) ; qu'en se bornant à adopter implicitement les motifs des premiers juges qui avaient retenu que « s'il n'est pas contesté que le fonds originaire a[vait] été divisé, il n'é[tait] justifié d'aucun aménagement des lieux par l'auteur de la division établissant qu'il avait entendu maintenir un passage sur la cour litigieuse » (arrêt page 10, pénultième al.), sans répondre aux conclusions susvisées de Mme H... qui l'invitaient, pour répondre à l'objection du jugement, à rechercher si les portails anciens qui se trouvaient dans la cour ne constituaient des signes apparents de servitude installés par l'auteur commun des parties, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté les époux G... et Mme H... de leur demande à voir dire et juger que la parcelle cadastrée section [...] (consorts E.../ J...) était grevée d'une servitude « non aedificandi » au profit d'une part des parcelles [...] , [...] et [...] (époux G...), d'autre part des parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] (Mme H...) et d'AVOIR en conséquence rejeté leur demande tendant à voir condamner solidairement M. E... et M. J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage en contravention avec la servitude non aedificandi prévue dans le titre de la servitude ;

AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE l'article 703 du code civil dispose que « les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user » et l'article 704 qu'elles « revivent si les choses sont rétablies de manière qu'on puisse en user ; à moins qu'il ne soit déjà écoulé un espace de temps suffisant pour faire présumer l'extinction de la servitude, ainsi qu'il est dit à l'article 707 » ; qu'il a été stipulé à l'acte en date du 3 mars 1979 d'acquisition par les époux C... T... et D... R... de la propriété des parcelles cadastrées section [...] , [...], [...] et [...] « que la parcelle cadastrée [...] représentant la cour est grevée de divers droits de passage et qu'en conséquence, la cour ne doit en aucun cas être clôturée par l'ACQUÉREUR » ; que cette servitude trouve sa cause dans les droits de passage, non retenus au bénéfice des demandeurs ; qu'elle doit dès lors être considérée avoir cessé au sens de l'article 703 précité ;

ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le premier ou le deuxième moyen, entraînera l'annulation des chefs de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté les époux G... et Mme H... de leur demande tendant à voir reconnaître l'existence d'une servitude non aedificandi au bénéfice de leurs parcelles et partant, voir la condamner les consorts E... J... à supprimer le portail et les blocs de pierre installés en contravention avec cette servitude non aedificandi, dès lors que, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que cette servitude non aedificandi trouvait sa cause dans les droits de passage, non reconnus aux consorts G... H..., en application de l'article 624 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté les époux G... de leur demande tendant à voir condamner solidairement M. E... et M. J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage et en contravention avec la servitude non aedificandi ;

AUX MOTIFS QUE l'article 702 du code civil interdit au fonds dominant s'il n'a pas l'accord du fonds servant de modifier la servitude, d'aggraver la situation du fonds servant ; qu'il interdit d'en changer la nature, le mode d'usage, l'emplacement, de déplacer l'assiette du passage ; que la mutabilité de la servitude existe dans la limite des besoins suscités par l'exploitation normale du fonds ; que l'expert judiciaire a relevé à juste titre que les actes notariés ne décrivent pas le mode d'exercice de la servitude de passage ; que l'expert a décrit le passage ; qu'il a relevé qu'à l'ouest de la cour, entre les bâtiments T... et G..., un passage étroit en forme de Z donne accès à diverses parcelles en nature de jardin ; que ce passage est limité par des murs et clôtures et sa largeur est inférieure ou égale à 1,40m ; qu'il observe que la largeur du passage au sud des bâtiments Aguile ne permet pas le passage d'un véhicule (parcelle [...]) ; qu'il estime que le portail dissuade de franchir la limite ; qu'il relève néanmoins qu'entre le pilier qui soutient le portail et le pied de l'escalier et au-delà jusqu'à l'angle du bâtiment T..., le côté sud de la cour n'est pas clôturé ; que l'expert relève que si la servitude devait permettre l'accès des véhicules G... et H... au plus près du passage, elle déposséderait les époux T... de leur cour ; que les époux G... font valoir que l'usage normal d'un fonds à usage d'habitation exige le passage d'une automobile compte tenu des conditions actuelles de la vie ; qu'ils relèvent que le portail, les blocs de pierre empêchent les secours rapides en cas d'incendie, une brouette de passer, complique la livraison de fuel (le camion devant stationner dans la rue), complique les travaux d'entretien du bâtiment ; qu'ils revendiquent un droit d'arrêt et non un droit de stationnement ; que devant l'expert judiciaire, Mme G... avait indiqué être gênée dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle (vente de cartes postales et objets de collection), devant transporter ses affaires depuis la rue jusqu'à la pièce où elle les entreposait ; que les époux G... produisent des attestations qui démontrent que dans le passé, la cour pouvait être utilisée pour décharger un véhicule, se rendre dans les parcelles situées derrière la maison, accéder à la buanderie ; que l'usage litigieux est le passage dans la cour en voiture sinon pour stationner du moins s'arrêter ; qu'en tel usage, dont les attestations démontrent qu'il a existé correspond-il à l'usage modernisée de la servitude ou à une simple tolérance qui a cessé du fait d'une fréquence estimée excessive par les propriétaires du fonds servant ? ; qu'il ressort des photographies et plans produits que le droit d'arrêt revendique par les époux G... devant leur buanderie empêcherait de fait les consorts J... E... de rejoindre en voiture la parcelle [...] ; que les difficultés d'exercice du droit de passage résultent de l'obligation d'emprunter un escalier ancien et non du portail litigieux ; qu'aucun des actes faisant référence à la servitude ne mentionne un passage motorisé, passage qui est intrinsèquement exclu au regard de l'étroitesse relative du passage, du parcours en Z ; qu'il n'est pas démontré que les livraisons nécessaires ne puissent se faire en stationnant dans la rue ; que le tribunal a relevé à juste titre que le passage restait possible, l'escalier fut-il moins commode que la cour ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la pose du portail et des pierres n'empêchait pas le passage ;

1°) ALORS QU'il appartient aux juges du fonds de déterminer la teneur d'une convention, en prenant en compte leur comportement de nature à l'établir ; qu'en retenant, pour débouter les époux G... de leur demande tendant à voir condamner M. E... et M. J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage, que l'usage revendiqué, à savoir un passage motorisé avec arrêt dans la cour, n'était pas prévu par les titres qui ne précisaient pas le mode d'exercice de la servitude, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de la configuration des lieux et de la façon dont la servitude avait été exercée de tout temps que, dans l'intention des parties l'ayant constitué, celle-ci portait sur tout mode de déplacement et tout véhicule, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 701 du code civil ;

2°) ALORS QUE le propriétaire du fonds asservi ne peut rien faire qui tende à diminuer l'usage normal de la servitude ou à le rendre plus incommode ; qu'en retenant encore, pour débouter les époux G... de leur demande tendant à voir condamner M. E... et M. J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage, que l'usage motorisé avec arrêt dans la cour serait « intrinsèquement exclu » en raison de l'étroitesse du passage en Z, quand il résultait de ses propres constatations que ce passage en Z, cadastré [...], constituait le fond dominant de sorte que sa configuration et son étroitesse n'était pas de nature à exclure le passage en voiture avec arrêt dans la cour, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 701 du code civil ;

3°) ALORS QUE toutes les parties convenaient que l'escalier menant à l'habitation des époux G..., qui était situé sur leur fonds et ne ménageait un passage que vers le seul fonds de Mme H..., n'était pas situé sur la parcelle [...] (conclusions des époux G..., page 13, al. 1er ; conclusions des consorts E... J..., pages 5 à 7 ; page 31, al. 1er ; page 34, al. 1er) ; qu'en retenant, pour exclure que l'installation d'un portail et de blocs de pierre sur le fonds servant puisse entraîner une diminution de l'usage de la servitude des époux G..., que le passage demeurait possible sur le fonds servant en empruntant l'escalier, la cour d'appel a méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le propriétaire du fonds asservi ne peut rien faire qui tende à diminuer l'usage normal de la servitude ou à le rendre plus incommode ; qu'en retenant, pour débouter les époux G... de leur demande tendant à voir condamner M. E... et M. J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage, que la pose de ces éléments n'empêchait pas le passage, qui demeurait possible par l'escalier (arrêt page 10, al. 10 et 11), quand elle relevait que ce passage était « moins commode » que le passage par le cour, la cour d'appel a méconnu l'article 701 du code civil ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le propriétaire du fonds asservi ne peut rien faire qui tende à diminuer l'usage normal de la servitude ou à le rendre plus incommode ; qu'en déboutant les époux G... de leur demande tendant à voir condamner les consorts E... J... à supprimer sous astreinte le portail et les blocs de pierre installés sur l'assiette de la servitude de passage, motifs pris que le passage restait possible sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si indépendamment des possibilités de passage, la pose d'un portail dont les clefs n'avaient pas été remises aux propriétaires du fonds dominant et de blocs de pierre qui constituaient des obstacles au passage, ne diminuait pas l'exercice de la servitude conventionnelle bénéficiant à la propriété des époux G..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 701 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-18626
Date de la décision : 12/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 03 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 sep. 2019, pourvoi n°18-18626


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18626
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