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11/09/2019 | FRANCE | N°18-19478

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 septembre 2019, 18-19478


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1235-10 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;

Attendu que la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement ; que s'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'

une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1235-10 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;

Attendu que la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement ; que s'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bel maille (la société) a engagé M. Q..., qui occupait en dernier lieu, le poste de conducteur de rame ; que par jugement du 22 août 2012, la société a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société AJ Partenaires représentée par M. O..., étant désignée administrateur judiciaire et la société MJ Synergie, étant nommée mandataire judiciaire ; que le 12 février 2013, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre le 29 octobre 2012, la société a notifié au salarié son licenciement pour motif économique ; qu'après l'adoption d'un plan de sauvegarde le 31 juillet 2013, une résolution de celui-ci le 4 juin 2014 et l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la société a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 16 octobre 2014, la société MJ Synergie, aux droits de laquelle est venue ultérieurement la société M..., étant désignée liquidateur judiciaire ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et de son licenciement et en fixation de sa créance indemnitaire au passif de la liquidation judiciaire de la société, l'arrêt retient que l'insuffisance alléguée des aides allouées doit être examinée par rapport à la situation financière de la société Bel maille, que cette capacité financière ne se mesure pas par rapport au montant des dividendes distribués à l'actionnaire mais par rapport à l'indice de performance de l'entreprise, à son résultat comptable, et au montant de sa trésorerie, que le résultat d'exploitation résulte de la différence entre les produits et les charges d'exploitation et permet d'apprécier les performances de l'entreprise indépendamment de sa politique d'investissement ou de distribution, que cependant, le résultat d'exploitation de l'exercice 2011 était déficitaire de 196 883 euros et celui de l'exercice 2012 s'est révélé déficitaire de 1 309 396 euros, que de même, le résultat de l'exercice incluant les produits et charges d'exploitation, les produits et charges financières et les produits et charges exceptionnelles, était déficitaire de 420 423 euros au 31 décembre 2011 et de 2 010 476 euros au 31 décembre 2012, qu'ainsi, la distribution à l'actionnaire de dividendes d'un montant de 350 000 euros, au cours de l'exercice 2012, doit être confrontée à l'endettement de ce dernier de 1 500 000 euros et de son obligation de remboursement annuel d'emprunt de 200 000 euros et qu'elle est sans incidence sur la perte de rentabilité de l'activité et la dégradation très importante du résultat d'exploitation entre les exercices 2011 et 2012 ; qu'il ajoute que la trésorerie de la société, de 293 216 euros au 31 décembre 2011, a été réduite à 77 516 euros au 31 décembre 2012 de sorte que ses disponibilités financières ne lui permettaient pas de financer le plan de sauvegarde de l'emploi pour un montant supérieur à celui arrêté d'environ 100 000 euros et qu'il en déduit que le caractère prétendument dérisoire des aides financières stipulées dans le plan précité n'est pas établi et ne peut fonder la nullité de ce dernier ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société appartenait à un groupe composé de la société BM finance, société holding détenant le capital de la société, et de la société Alliance informatique, en sorte que les conditions du contrôle effectif prévues par l'article L. 2331-1 du code du travail étaient remplies entre ces sociétés et que le plan devait être apprécié en fonction des moyens dont dispose le groupe dont la société Bel maille fait partie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen relatif au non-respect de l'ordre des licenciements ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables l'intégralité des demandes de M. Q..., l'arrêt rendu le 23 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. M..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 1 000 euros à Me Balat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. Q....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. C... Q... de sa demande tendant à la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et de son licenciement, ainsi que de sa demande tendant à ce que soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Bel maille une créance indemnitaire d'un montant de 25.007,63 € à son profit ;

AUX MOTIFS QUE le plan de sauvegarde doit comporter des mesures précises et concrètes pour éviter ou limiter les licenciements et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement est inévitable ; qu'en l'absence d'emplois disponibles en rapport avec les compétences des salariés, au besoin au moyen d'une formation d'adaptation, il ne saurait être fait grief à une entreprise de ne pas avoir mentionné de postes de reclassement disponibles dans le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par l'employeur au comité d'entreprise mentionne les conditions de mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle, la forme et les délais de proposition de reclassement de chaque salarié, au titre du reclassement interne au sein de la société que des reclassements internes pourraient être envisagés si des postes venaient à se libérer, au titre du reclassement externe une recherche de postes concernant les entreprises du bassin roannais par l'intermédiaire de la chambre syndicale de la maille et Pôle emploi, quel que soit le secteur d'activité, et dans toutes les entreprises au niveau régional intervenant dans le domaine du secteur textile par l'intermédiaire du syndicat Unitex, avec l'envoi d'un profil professionnel détaillé anonymisé de chaque salarié concerné, les mesures prises pour favoriser le reclassement externe, notamment la mise en place d'une cellule de reclassement, proposant la réalisation d'un bilan professionnel, la détermination d'un projet professionnel, l'élaboration d'un curriculum vitae, l'apprentissage de méthodes de recherches d'emploi, des entraînements aux entretiens de sélection, d'aides à la formation, avec un budget de 1.000 € par salarié en cas de formation d'adaptation (1.500 € pour les salariés de plus de 50 ans), et de 1.500 € en cas de formation reconversion (2.000 € pour les salariés de plus de 50 ans), d'aides à la création d'entreprises, avec un budget de 2.000 € par salarié, d'aides à la mobilité géographique, avec notamment une prise en charge des frais de déménagement à concurrence de 500 €, de mesures spécifiques destinées aux salariés de plus de 50 ans ; qu'au titre des actions en vue de favoriser le reclassement interne des salariés sur des emplois de même catégorie ou de catégorie inférieure avec l'accord du salarié, le plan de sauvegarde de l'emploi mentionne que des reclassements internes pourraient être envisagés au cas où des postes viendraient à se libérer dès lors qu'un reclassement suppose l'existence d'un autre poste disponible ; que le liquidateur produit le registre d'entrée et de sortie du personnel lequel établit qu'aucun poste, autre que les 25 postes supprimés par le licenciement collectif opéré, n'était vacant ; qu'ainsi, le maintien de l'emploi de l'appelant dans l'entreprise supposait la création d'un autre poste excédant l'obligation de reclassement de l'employeur à qui il ne peut être fait grief d'avoir stipulé l'existence d'un possible reclassement interne conditionné à une vacance de poste ; qu'un reclassement interne dans un périmètre élargi suppose l'existence d'un groupe d'entreprises dont la société Bel maille ferait partie ; que les possibilités de reclassement d'un salarié doivent être recherchées à l'intérieur d'un groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; que la seule détention d'une partie du capital de la société Bel maille par une société BM informatique, n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer entre elles une permutation de tout ou partie de leur personnel et ne caractérise donc pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer ; que si le plan de sauvegarde pour l'emploi ne mentionne pas l'existence d'une possibilité de reclassement dans le groupe composé de la société BM Finance, société holding détenant le capital de la société Bel maille et de la société Alliance Informatique dans laquelle la société BM Finance détenait une participation, ce défaut de mention doit être examiné eu égard à la nature de leur activité respective ; que la société Holding a pour objet social la gestion de fonds de placement et la société Alliance Informatique a pour objet social, la programmation informatique, soit deux secteurs d'activité totalement étrangers à l'activité de fabrication et de création de tissus maille ; que l'appelant ne peut donc faire grief au plan de sauvegarde de l'emploi de ne pas faire mention de propositions de reclassement dans les sociétés du groupe ; qu'au titre des actions de nature à favoriser un reclassement externe, la cellule de reclassement mise en place n'avait pas de caractère illusoire dès lors que si aucun reclassement interne ne pouvait être envisagé, une recherche de reclassement externe pouvait intervenir, soit dans une entreprise extérieure, soit par la création d'entreprise, les deux pouvant nécessiter notamment une aide pour mettre en place un projet professionnel et réaliser un bilan de compétences, permettant notamment de donner une suite utile aux 15 offres de reclassement communiquées aux salariés concernés par le projet de licenciement collectif ; que par ailleurs, le liquidateur de la société Bel maille justifie que cette dernière a, par courrier reçu le 30 octobre 2012, communiqué à la chambre syndicale de la Maille les profils professionnels des postes concernés par le licenciement, laquelle en a informé ses adhérents ; que de même, l'employeur justifie avoir adressé à Pôle emploi par courriel en date du 30 octobre 2012, avec rappels en date des 5 et 7 novembre 2012, le courrier précité, ainsi qu'à la commission paritaire de l'emploi par lettre recommandée avec accusé de réception et par courriel au syndicat Unitex qui a fait réponse le 7 novembre 2012 ; qu'enfin, l'employeur justifie avoir été en lien direct avec les sociétés Lacoste, Thuasne, Shime Seiki France, Textile de la Dunière, Esprit Maille, et Bonneterie Gautier et avoir transmis les offres d'emploi reçues à l'ensemble des salariés ; qu'il s'en déduit que dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur justifie avoir exécuté son obligation, de moyen, de recherche de reclassement externe des salariés licenciés, laquelle a donné lieu à la transmission à l'appelant d'offres d'emploi externes à l'entreprise refusées par ce dernier au motif qu'elles ne correspondaient pas à son profil ; qu'au titre des actions de soutien à la création d'activités nouvelles et d'aides à la formation, sous forme d'aides financières, le montant des aides à la formation (1.000 €), à la création d'entreprise (2.000 €) et à la mobilité géographique (500 €), l'appelant qui n'invoque pas l'existence d'autres mesures susceptibles d'être financées par l'employeur, n'établit pas le caractère insuffisant du montant alloué pour l'exécution des prestations retenues ; qu'en tout état de cause, l'insuffisance alléguée des aides allouées doit être examinée par rapport à la situation financière de la société Bel maille ; que cette capacité financière ne se mesure pas par rapport au montant des dividendes distribués à l'actionnaire mais par rapport à l'indice de performance de l'entreprise, à son résultat comptable, et au montant de sa trésorerie ; que le résultat d'exploitation résulte de la différence entre les produits et les charges d'exploitation et permet d'apprécier les performances de l'entreprise indépendamment de sa politique d'investissement ou de distribution ; que le résultat d'exploitation de l'exercice 2011 était déficitaire de 196.883 € et celui de l'exercice 2012 s'est révélé déficitaire de 1.309.396 € ; que de même, le résultat de l'exercice incluant les produits et charges d'exploitation, les produits et charges financières et les produits et charges exceptionnelles, était déficitaire de 420.423 € au 31 décembre 2011 et de 2.010.476 € au 31 décembre 2012 ; qu'ainsi, la distribution à l'actionnaire de dividendes d'un montant de 350.000 €, au cours de l'exercice 2012, doit être confrontée à l'endettement de ce dernier de 1.500.000 € et de son obligation de remboursement annuel d'emprunt de 200.000 € ; qu'elle est sans incidence sur la perte de rentabilité de l'activité et la dégradation très importante du résultat d'exploitation entre les exercices 2011 et 2012 ; qu'enfin, la trésorerie de la société Bel maille de 293.216 € au 31 décembre 2011, a été réduite à 77.516 € au 31 décembre 2012 de sorte que ses disponibilités financières ne lui permettaient pas de financer le plan de sauvegarde de l'emploi pour un montant supérieur à celui arrêté d'environ 100.000 € ; qu'il s'en déduit que le caractère prétendument dérisoire des aides financières stipulées dans le plan précité n'est pas établi et ne peut fonder la nullité de ce dernier ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe ; que pour valider le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par la société Bel maille, la cour d'appel a retenu que « la trésorerie de la société Bel maille de 293 216 € au 31 décembre 2011, a été réduite à 77 516 € au 31 décembre 2012 de sorte que ses disponibilités financières ne lui permettaient pas de financer le plan de sauvegarde de l'emploi pour un montant supérieur à celui arrêté d'environ 100 000 € » (arrêt attaqué, p. 9, alinéa 4) ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait l'existence d'un « groupe composé de la société BM Finance, société holding détenant le capital de la société Bel maille, et de la société Alliance Informatique dans laquelle la société BM Finance détenait une participation » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 2), ce dont il résultait que le caractère suffisant ou non du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux ne pouvait être apprécié au regard des seules ressources de la société Bel maille et que ce sont les ressources de l'ensemble du groupe qui devaient être prises en considération, la cour d'appel, qui s'est bornée à analyser la seule trésorerie de la société Bel maille, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.1233-61, L.1233-62 et L.1235-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE tout jugement doit être motivé ; que dans ses conclusions d'appel (p. 15 in fine), M. Q... faisait valoir qu'il ressortait des documents comptables produits par le liquidateur judiciaire que les capitaux propres de la société Bel maille s'élevaient encore à 3.800.000 € à la fin de l'année 2011 ; qu'en affirmant toutefois que la trésorerie de la société Bel maille s'élevait à « 293 216 € au 31 décembre 2011 » (arrêt attaqué, p. 9, alinéa 4), sans justifier sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. C... Q... de sa demande tendant à ce que soit inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Bel maille une créance indemnitaire d'un montant de 25.007,63 € à son profit ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande fondée sur le non-respect des critères d'ordre, l'article 54 de la convention collective de l'industrie textile relatif aux licenciements collectifs stipule que les licenciements s'opéreront dans chaque catégorie suivant les règles générales prévues en matière de licenciement et conformément au règlement intérieur, compte tenu à la fois des charges de famille, de l'ancienneté de service dans l'établissement et des qualités professionnelles ; que cet ordre n'est pas préférentiel ; que selon celles de l'article L.1233-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, l'employeur, en l'absence de convention collective applicable, définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du comité d'entreprise ; que ces critères pour fixer l'ordre des licenciements prennent notamment en compte : 1º les charges de famille, en particulier celles des parents isolés, 2° l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, 3º la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celles des personnes handicapées et des salariés âgés, 4º les qualités professionnelles appréciées par cette catégorie ; que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements ne rend pas la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse mais constitue pour le salarié, une illégalité entraînant pour le salarié un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi et doit être intégralement réparé selon son étendue ; qu'en l'espèce, en l'état d'une convention collective applicable fixant les critères d'ordre des licenciements, ceux fixés par la convention doivent être suivis, les critères légaux précités ayant un caractère supplétif et n'ayant vocation à s'appliquer qu'en l'absence de convention collective ; qu'en effet, les dispositions précitées de l'article L.1233-5 prévoient expressément que les critères légaux ne s'appliquent qu'en l'absence de convention collective applicable ; qu'en l'état d'une dérogation légale expresse, il ne peut donc être fait grief à l'employeur d'avoir appliqué les seuls critères mentionnés dans la convention collective, laquelle ne retient pas notamment le critère lié à l'âge ; que la société Bel maille a donc valablement appliqué les critères conventionnels de la manière suivante : - charges de familles : enfant à charge (4 points) et supplément parent isolé (2 points), - ancienneté : inférieure à 5 ans : 0 point et supérieur à 5 ans, 2 points, - qualités professionnelles avec possibilité d'attribuer jusqu'à 12 points en considération des qualités professionnelles suivantes : niveau de formation (2 points), savoir-faire professionnel en fonction des besoins de l'entreprise (6 points), compétences particulières (2 points), polyvalence (2 points) ; qu'au titre du critère des charges de famille, M. Q... est père de 4 enfants s'est donc attribuer 4 points à ce titre ; qu'au titre du critère de l'ancienneté, 2 points ont été attribués à M. Q... en l'état d'une ancienneté supérieure à cinq ans ; qu'au titre du critère des qualités professionnelles, et notamment du critère du niveau de formation, ce critère se fonde sur le niveau d'études et les diplômes obtenus ; que le tableau d'attribution des points aux salariés de la catégorie « ouvriers » (D3) établit que seuls les titulaires d'un BTS ayant effectué une formation complémentaire ont obtenu 2 points ; que M. Q... n'allègue, ni ne justifie avoir obtenu un diplôme de niveau BTS ou de niveau supérieur de sorte que sa demande d'attribution de points au titre du niveau de formation n'est pas fondée ; qu'au titre du critère du savoir-faire professionnel, le maximum de six points a été attribué à M. Q... dont la compétence a donc été reconnue ; qu'au titre du critère des compétences professionnelles particulières donnant droit à l'attribution de deux points, elles supposent une compétence spécifique supplémentaire et que tel n'est pas le cas d'une validation d'un stage de 7 heures effectué, le 15 avril 1999, sur le thème de l'entretien et du perfectionnement des connaissances pour des tricoteurs, tricoteurs régleurs et chefs d'équipe ; qu'au titre du critère de la polyvalence, la cour doit statuer au seul vu des pièces produites dans la présente instance ; qu'aucune pièce versée au débat ne permet d'établir les conditions alléguées par le liquidateur et relatives à l'exercice de trois postes de techniques différentes, à un accord écrit de polyvalence et à un sur-classement de coefficient par rapport à celui du poste occupé ; qu'ainsi la polyvalence peut être établie par tous moyens notamment par témoignage versé au débat ; que le témoignages de M. I... fait état d'un travail en binôme avec M. Q... et d'une permutation effective jusqu'en 2009, date de son départ à la retraite, de fait convenue entre les salariés entre les fonctions de conducteur de rame, de visiteur, de préparateur au fendage de tissus, et de nettoyage de la machine toutes les semaines, leur polyvalence leur permettant de passer d'un poste à un autre afin de respecter le planning ; qu'ainsi ce témoignage précis et portant sur une longue période est suffisant pour établir la polyvalence de l'appelant ; qu'ainsi, M. Q... est fondé à soutenir que deux points auraient dû lui être attribués par l'employeur au titre de sa polyvalence ; que par contre, il n'établit pas le préjudice susceptible de résulter du nonrespect des critères d'ordre de licenciement dès lors que la société Bel maille a été déclarée en liquidation judiciaire quelques mois plus tard et qu'il aurait, en tout état de cause, été licenciée pour motif économique ; que par conséquent, M. Q... sera débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement ;

ALORS, D'UNE PART, QU' à la rubrique, « ordre des licenciements », l'article 54 de la convention collective nationale de l'industrie textile dispose que « les licenciements s'opéreront dans chaque catégorie suivant les règles générales prévues en matière de licenciement et conformément au règlement intérieur, compte tenu à la fois des charges de famille, de l'ancienneté de service dans l'établissement et des qualités professionnelles » ; qu'au titre des règles générales prévues en matière de licenciement, l'article L.1233-5, 3°, du code du travail, dispose que, pour établir l'ordre des licenciements, l'employeur doit prendre en considération « la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés » ; que dans ses conclusions d'appel (p. 20, alinéa 6), M. Q... faisait valoir qu'au jour de son licenciement, il avait près de 47 ans, « ce qui rendait sa réinsertion professionnelle indéniablement délicate pour ne pas dire impossible, ce que la SAS Bel maille n'a absolument pas pris en compte » ; qu'en affirmant que le texte conventionnel était dérogatoire aux règles générales de l'article L.1233-5 du code du travail, de sorte que le critère lié à l'âge du salarié n'avait pas à être pris en compte en l'espèce (arrêt attaqué, p. 11, alinéas 2 et 3), cependant que l'article 54 de la convention collective indique clairement que les critères généraux et spéciaux qui régissent l'ordre des licenciements sont cumulatifs, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L.1233-5 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' en affirmant que M. Q... « n'établit pas le préjudice susceptible de résulter du non-respect des critères d'ordre de licenciement dès lors que la société Bel maille a été déclarée en liquidation judiciaire quelques mois plus tard et qu'il aurait, en tout état de cause, été licencié pour motif économique » (arrêt attaqué, p. 12, alinéa 2), cependant que le préjudice du salarié s'apprécie à la date où la mesure litigieuse est subie, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-5 du code du travail et 54 de la convention collective nationale de l'industrie textile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19478
Date de la décision : 11/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 23 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 sep. 2019, pourvoi n°18-19478


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19478
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