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11/09/2019 | FRANCE | N°17-26594

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 septembre 2019, 17-26594


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti plusieurs prêts à M. G..., agent général d'assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit ; que par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont apporté à la SCI Defran un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d'hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts ; que par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l'interr

uption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répré...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti plusieurs prêts à M. G..., agent général d'assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit ; que par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont apporté à la SCI Defran un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d'hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts ; que par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l'interruption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de M. G... puis les a assignés en paiement ; qu'elle a également demandé que l'apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne ; que, reconventionnellement, M. et Mme G... ont recherché la responsabilité de la banque ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque diverses sommes et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à soixante jours ; que si la banque est dispensée de respecter ce délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, un tel comportement doit s'apprécier au regard du propre comportement de la banque ; que la banque présentatrice chargée d'encaisser un chèque doit s'assurer de l'identité du déposant et vérifier qu'il en est bien le bénéficiaire ; qu'en imputant, en l'espèce, à M. G..., un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas elle-même manqué à ses obligations en s'abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu que l'éventuel manquement de l'établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu'il tient de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ; que la cour d'appel n'avait donc pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la banque l'acte d'apport alors, selon le moyen, que sont inscrites au livre foncier, à peine d'irrecevabilité, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ; que la demande en déclaration d'inopposabilité d'une convention pour fraude paulienne tend à la révocation de celle-ci, peu important que la remise en cause de l'acte ne bénéficie qu'au créancier exerçant l'action paulienne ; qu'une telle demande doit, dès lors, être inscrite au livre foncier ;qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la demande de la banque, tendant à voir déclarer inopposable à son égard l'apport, à la SCI Defran, de l'immeuble des époux G... situé à [...], n'était pas irrecevable, faute d'avoir été inscrite au livre foncier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

Mais attendu que la demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte accompli par le débiteur, n'entrant pas dans les prévisions de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, n'avait pas à être inscrite au livre foncier ; que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à la recherche, inopérante, invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. et Mme G... à payer à la banque une certaine somme au titre du solde débiteur du compte chèque n° [...], l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. et Mme G... ne soulèvent aucun moyen de nature à remettre en cause les sommes réclamées par la banque à la suite de l'interruption de ses concours ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme G... qui faisaient valoir que la banque ne produisait aucun document contractuel justifiant de l'existence de ce compte, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt retient qu'ils n'ont jamais contesté la créance de la banque ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande ne tendait pas à faire écarter, en les restreignant, les prétentions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et en ce que, confirmant le jugement, il les condamne solidairement à payer à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, au titre du compte chèque n° [...], la somme de 9 033,58 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,81 % l'an à compter du 8 mai 2012 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu, le 12 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme G... et la société Defran.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les époux G... à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne les sommes de :

- 31.181,72 € avec les intérêts de 5,95 % sur 31.110,72 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt professionnel numéro [...] et la somme de 2.488,86 € au titre des indemnités conventionnelles ;

- 52.215,62 € avec les intérêts de 7,30 % sur 51.883,57 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt professionnel [...] et la somme de 4.150,69 € au titre des indemnités conventionnelles ;

- 23.082,45 € avec les intérêts de 6 % sur 22.965,42 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt professionnel 111780 et la somme de 1148,27 € au titre des indemnités conventionnelles ;

- 46.832,05 € avec les intérêts de 5,63 % sur 46.781,54 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt professionnel [...] et la somme de 3.742,53 € au titre des indemnités conventionnelles ;

- 78.300,36 € avec les intérêts de 13,67 % sur 78.183,24 € à compter du 8 mai 2012 au titre du compte courant professionnel n° [...] ;

- 9.033,58 € avec les intérêts de 14,81 % à compter du 8 mai 2012 au titre du compte chèque n° [...] ;

- 5.304,62 € avec les intérêts de 4,60 %sur la somme de 5.295,28 € à compter du 8 mai 2012 au titre du crédit automobile n° [...] et la somme de 423,62 € au titre de l'indemnité conventionnelle ;

- 36.060,91 € avec les intérêts de 4,03 % sur 36.037,04 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt immobilier n° [...], et la somme de 1.081,11 € au titre de l'indemnité conventionnelle ;

et d'AVOIR débouté les époux G... de leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts contre la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L 313-12 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable en 2012 dispose notamment que tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à 60 jours ;
il est également mentionné que l'établissement de crédit n'est pas tenu de respecter un délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ;
en l'espèce, la banque a par lettre recommandée du 24 avril 2012, réceptionnée par M. G... N... le 28 avril suivant, dénoncé l'ensemble des crédits qu'il s'agisse de solde débiteur de compte, d'échéances impayées, ou d'encours de prêt, et ce avec effet immédiat ;
la banque motive cette dénonciation immédiate par un comportement gravement répréhensible lié à des opérations frauduleuses de remise de chèques ;
c'est en vain et avec une mauvaise foi certaine que l'appelant soutient qu'à la date du 24 avril 2012 aucun encaissement frauduleux de chèque n'était avéré, puisqu'il n'a été cité devant le tribunal correctionnel qu'ultérieurement et que dans l'intervalle il était présumé innocent ;
il est en effet constant que M. G... a été définitivement condamné par le tribunal correctionnel de Saverne pour abus de confiance à une lourde peine d'emprisonnement, certes le 16 avril 2015, mais pour des faits commis entre le 28 décembre 2000 et le 12 avril 2012, de sorte que lors de la dénonciation du 24 avril 2012 les faits étaient incontestablement commis ; suite à un courrier de M. G... lui-même en date du 10 avril 2012 informant la banque qu'il s'opposait avec effet immédiat à tout prélèvement présenté par la compagnie Allianz, et à la vérification effectuée par la Banque Populaire, celle-ci s'est aperçue des graves malversations commises par l'intéressé qui encaissait sur ses comptes des chèques dont les clients étaient bénéficiaires, ce qui constitue rien moins qu'un abus de confiance ;
ces malversations justifiées par la production d'un certain nombre de chèques détournés, ainsi que par le jugement du tribunal correctionnel du 16 avril 2015 caractérisent indiscutablement un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, autorisant la banque à mettre fin à l'ensemble des concours financiers sans respect d'aucun préavis, et sans que cette dénonciation ne soit de ce fait entachée d'une quelconque nullité ;
l'épouse de Mme G... était le co-emprunteur pour plusieurs des crédits ;
elle a quelques jours après la dénonciation faite à son conjoint, réceptionné une lettre recommandée de mise en demeure datée du 7 mai 2012 l'informant de l'exigibilité de l'ensemble des prêts, et lui réclamant par ailleurs paiement en sa qualité de caution ;
cette lettre recommandée du 7 mai 2012 qui l'informe expressément de l'exigibilité de l'ensemble des prêts suite à la déchéance des termes, et comporte un décompte précis de chacun des montants dus vaut dénonciation ;
c'est à juste titre que le tribunal a débouté les époux G... de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts fixés à 500.000 € en première instance, et réduite à 150.000 € à hauteur de cour, pour rupture brutale et abusive des concours financiers ;
en effet, si la rupture a été brutale, elle n'est en revanche pas abusive mais amplement justifiée par un comportement gravement répréhensible ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la banque populaire verse aux débats les chèques encaissés, pour la période de janvier 2011 à mars 2012, par M. G... sur son compte personnel alors que ces chèques émanant de la société Allianz étaient libellés au profit des clients de la société d'assurances ;
ces faits suffisent à caractériser le comportement répréhensible du débiteur, en effet M. G... remboursait les échéances des crédits en détournant les fonds destinés à ses clients ;
le caractère fautif de la rupture des concours intervenu à l'initiative de la banque n'est donc pas établi ;
les défendeurs ne s'expliquent pas comment ils justifient leur demande de dommages et intérêts et ils ne rapportent pas la preuve que cette rupture de crédit a entraîné leurs difficultés résultant du seul comportement de l'agent d'assurance ;
ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à 60 jours ; que si la banque est dispensée de respecter ce délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, un tel comportement doit s'apprécier au regard du propre comportement de la banque ; que la banque présentatrice chargée d'encaisser un chèque doit s'assurer de l'identité du déposant et vérifier qu'il en est bien le bénéficiaire ; qu'en imputant, en l'espèce, à M. G..., un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas elle-même manqué à ses obligations en s'abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°) ALORS QU'en jugeant régulière la dénonciation sans délai de préavis pour comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, de l'intégralité des concours consentis aux époux G..., sans répondre aux conclusions d'appel des époux G... (p. 26, alinéa 10) soutenant que les encaissements litigieux ne concernaient ni les prêts professionnels, ni les prêts personnels, ni les engagements de Mme G..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en condamnant solidairement les époux G... à payer des sommes à la banque au titre d'un compte chèque n° [...], sans répondre aux conclusions d'appel des appelants (p. 18, alinéas 9 et suivants) soutenant que la banque n'avait produit aucun document contractuel attestant de l'existence de ce compte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les époux G... à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne les sommes de :

- 31.181,72 € avec les intérêts de 5,95 % sur 31.110,72 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt professionnel numéro [...] et la somme de 2.488,86 € au titre des indemnités conventionnelles ;

- 52.215,62 € avec les intérêts de 7,30 % sur 51.883,57 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt professionnel [...] et la somme de 4.150,69 € au titre des indemnités conventionnelles ;

- 5.304,62 € avec les intérêts de 4,60 %sur la somme de 5.295,28 € à compter du 8 mai 2012 au titre du crédit automobile n° [...] et la somme de 423,62 € au titre de l'indemnité conventionnelle ;

- 36.060,91 € avec les intérêts de 4,03 % sur 36.037,04 € à compter du 8 mai 2012 au titre du prêt immobilier n° [...], et la somme de 1.081,11 € au titre de l'indemnité conventionnelle ;

et d'AVOIR débouté les époux G... de leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts contre la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L 313-12 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable en 2012 dispose notamment que tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à 60 jours ;
il est également mentionné que l'établissement de crédit n'est pas tenu de respecter un délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ;
en l'espèce, la banque a par lettre recommandée du 24 avril 2012, réceptionnée par M. G... N... le 28 avril suivant, dénoncé l'ensemble des crédits qu'il s'agisse de solde débiteur de compte, d'échéances impayées, ou d'encours de prêt, et ce avec effet immédiat ;
la banque motive cette dénonciation immédiate par un comportement gravement répréhensible lié à des opérations frauduleuses de remise de chèques ;
c'est en vain et avec une mauvaise foi certaine que l'appelant soutient qu'à la date du 24 avril 2012 aucun encaissement frauduleux de chèque n'était avéré, puisqu'il n'a été cité devant le tribunal correctionnel qu'ultérieurement et que dans l'intervalle il était présumé innocent ;
il est en effet constant que M. G... a été définitivement condamné par le tribunal correctionnel de Saverne pour abus de confiance à une lourde peine d'emprisonnement, certes le 16 avril 2015, mais pour des faits commis entre le 28 décembre 2000 et le 12 avril 2012, de sorte que lors de la dénonciation du 24 avril 2012 les faits étaient incontestablement commis ; suite à un courrier de M. G... lui-même en date du 10 avril 2012 informant la banque qu'il s'opposait avec effet immédiat à tout prélèvement présenté par la compagnie Allianz, et à la vérification effectuée par la Banque Populaire, celle-ci s'est aperçue des graves malversations commises par l'intéressé qui encaissait sur ses comptes des chèques dont les clients étaient bénéficiaires, ce qui constitue rien moins qu'un abus de confiance ;
ces malversations justifiées par la production d'un certain nombre de chèques détournés, ainsi que par le jugement du tribunal correctionnel du 16 avril 2015 caractérisent indiscutablement un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, autorisant la banque à mettre fin à l'ensemble des concours financiers sans respect d'aucun préavis, et sans que cette dénonciation ne soit de ce fait entachée d'une quelconque nullité ;
l'épouse de Mme G... était le co-emprunteur pour plusieurs des crédits ;
elle a quelques jours après la dénonciation faite à son conjoint, réceptionné une lettre recommandée de mise en demeure datée du 7 mai 2012 l'informant de l'exigibilité de l'ensemble des prêts, et lui réclamant par ailleurs paiement en sa qualité de caution ;
cette lettre recommandée du 7 mai 2012 qui l'informe expressément de l'exigibilité de l'ensemble des prêts suite à la déchéance des termes, et comporte un décompte précis de chacun des montants dus vaut dénonciation ;
c'est à juste titre que le tribunal a débouté les époux G... de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts fixés à 500.000 € en première instance, et réduite à 150.000 € à hauteur de cour, pour rupture brutale et abusive des concours financiers ;
en effet, si la rupture a été brutale, elle n'est en revanche pas abusive mais amplement justifiée par un comportement gravement répréhensible ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la banque populaire verse aux débats les chèques encaissés, pour la période de janvier 2011 à mars 2012, par M. G... sur son compte personnel alors que ces chèques émanant de la société Allianz étaient libellés au profit des clients de la société d'assurances ;
ces faits suffisent à caractériser le comportement répréhensible du débiteur, en effet M. G... remboursait les échéances des crédits en détournant les fonds destinés à ses clients ;
le caractère fautif de la rupture des concours intervenu à l'initiative de la banque n'est donc pas établi ;
les défendeurs ne s'expliquent pas comment ils justifient leur demande de dommages et intérêts et ils ne rapportent pas la preuve que cette rupture de crédit a entraîné leurs difficultés résultant du seul comportement de l'agent d'assurance ;
ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE si, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, la banque est dispensée de respecter un délai de préavis avant d'interrompre son concours, elle n'en reste pas moins tenue de notifier préalablement par écrit sa décision ; que Mme G... contestait avoir reçu la lettre recommandée avec avis de réception du 7 mai 2012 par laquelle la banque l'informait de l'exigibilité des emprunts, et soutenait que cette dernière ne produisait aucun justificatifs d'envoi ou de réception de cette lettre ; qu'en retenant néanmoins que Mme G... l'avait réceptionnée, sans préciser l'élément de preuve dont elle déduisait une telle réception, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en jugeant régulière la dénonciation sans délai de préavis des prêts consentis aux époux G... sans caractériser le comportement gravement répréhensible qui aurait été imputable à Mme G..., la cour d'appel a violé l'article L 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, admettant la recevabilité de l'action paulienne, déclaré inopposable à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne l'acte d'apport de l'immeuble situé [...] , cadastré section [...] n° [...], [...], [...], [...], [...], [...], reçu le 7 juin 2010 par Me W..., notaire à Strasbourg ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que les conditions de l'action paulienne sont réunies, et a déclaré inopposable à la Banque Populaire l'acte d'apport du bien immobilier situé à [...] à la SCI Defran le 7 juin 2010 ;
il convient de rajouter que la mauvaise foi des époux G... est flagrante lorsque le 4 juin 2010 ils vont pour la 4ème fois consentir une promesse d'hypothèque sur un immeuble que 3 jours plus tard, le 7 juin 2010, ils vont soustraire de leur patrimoine en le transférant à une SCI familiale qu'ils venaient de créer, et que de surcroît ils ne vont pas hésiter deux mois plus tard à consentir une nouvelle promesse d'hypothèque sur ce même immeuble pour un ultime prêt, alors qu'ils savaient en être dépossédé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'action paulienne :
en application de l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ;
les défendeurs concluent au débouté de l'action paulienne au motif que la promesse d'hypothèque n'est pas valable car elle n'a pas été formulée dans un acte notarié ;
en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire exigeant un acte authentique, la demande en nullité de la promesse n'est pas juridiquement fondée ;
par ailleurs, les défendeurs soutiennent que les conditions de la fraude paulienne ne sont pas réunies car d'une part les créances n'étaient pas exigibles, d'autre part il n'y a pas eu appauvrissement dans la mesure où la valeur des parts sociales est d'un montant supérieur à la créance de la banque ;
la banque peut se prévaloir à l'encontre des époux G... d'un principe certain de créance au jour où, par acte du 7 juin 2010, soit postérieurement à leurs engagements, ils ont transféré à la SCI Defran les droits afférents au bien immobilier situé à [...] ;
ils avaient ainsi connaissance du préjudice causé à la banque par l'acte litigieux qui faisait sortir du patrimoine du débiteur un bien immobilier d'une valeur substantielle, en contrepartie de l'attribution au sein de la société civile immobilières de parts ;
ils ne justifient ni de la négociabilité, ni de la valeur des parts, il s'ensuit une insolvabilité apparente des époux G... qui ne démontrent pas disposer de biens de valeur suffisante pour répondre à l'ensemble de leurs engagements ;
il en résulte un appauvrissement du patrimoine des époux G... et leur insolvabilité apparente à la date de l'acte litigieux ;
les défendeurs concluent également au débouté de l'action paulienne litigieuse au motif de l'absence de caractère frauduleux de l'acte attaqué ;
il sera relevé que les époux G... savaient pertinemment, au moment de l'acte du 4 juin 2010, le préjudice causé à leur créancier en ne respectant pas les trois promesses d'hypothèque ;
le caractère frauduleux de l'acte est également conforté par la concomitance des dates entre la dernière promesse et l'acte d'apport au profit d'une société civile immobilière alors que le prêt du 4 juin 2010 n'était pas échu et exigible, n'étant remboursable qu'à compter du 30 juin 2010 ;
par conséquent, les conditions de l'action paulienne sont réunies, il y a lieu de déclarer inopposable à la Banque Populaire l'acte d'apport reçu le 7 juin 2010 par Maitre W..., notaire à Strasbourg ;
l'inopposabilité paulienne autorisant le créancier poursuivant de faire saisir l'Immeuble entre les mains d'un tiers, la demande tendant à dire que la banque pourra hypothéquer l'immeuble apparaît sans objet ;

1°) ALORS QUE sont inscrites au livre foncier, à peine d'irrecevabilité, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ; que la demande en déclaration d'inopposabilité d'une convention pour fraude paulienne tend à la révocation de celle-ci, peu important que la remise en cause de l'acte ne bénéficie qu'au créancier exerçant l'action paulienne ; qu'une telle demande doit, dès lors, être inscrite au livre foncier ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la demande de la banque, tendant à voir déclarer inopposable à son égard l'apport, à la SCI Defran, de l'immeuble des époux G... situé à [...], n'était pas irrecevable, faute d'avoir été inscrite au livre foncier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

2°) ALORS QU'il appartient au créancier exerçant l'action paulienne d'établir l'insolvabilité apparente du débiteur au jour de l'acte litigieux ; que cette condition est distincte de celle relative à l'existence d'un acte d'appauvrissement du débiteur ; qu'en relevant, pour retenir l'insolvabilité apparente des époux G... à la date de l'apport litigieux, que cet acte faisait sortir du patrimoine du débiteur un bien immobilier d'une valeur substantielle, en contrepartie de l'attribution au sein de la société civile immobilières de parts, dont les époux G... ne justifiaient ni la négociabilité, ni la valeur, quand l'insolvabilité apparente des époux G... ne pouvait se déduire de l'appauvrissement résultant de l'acte argué de fraude, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE si c'est au créancier exerçant l'action paulienne d'établir l'insolvabilité apparente du débiteur, c'est à ce dernier qu'il appartient de prouver qu'il dispose, à la date d'introduction de la demande, de biens de valeur suffisante pour répondre de ses engagements ; que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant que les époux G... étaient en état d'insolvabilité apparente à la date de l'apport du 7 juin 2010 et ne démontraient pas disposer de biens de valeur suffisante pour répondre de l'ensemble de leurs engagements, sans examiner l'attestation de l'expert-comptable de la société de courtage en assurance dont M. G... était associé (pièce n° 28 versée aux débats par les époux G...), dont il résultait que M. G... avait perçu des dividendes substantiels pour les années 2010 à 2013, soit non seulement à l'époque de l'apport du 7 juin 2010 mais encore à celle de l'assignation de la banque du 31 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, et l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause ;

4°) ALORS QUE lorsque le bien du débiteur est sorti de son patrimoine en vertu d'un acte à titre onéreux, le créancier qui exerce l'action paulienne doit établir la complicité frauduleuse du tiers acquéreur ; qu'en s'abstenant, en l'espèce, de constater la complicité frauduleuse de la SCI Defran à laquelle les époux G... avait apporté l'immeuble litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables à hauteur d'appel les demandes de déchéance du droit aux intérêts formées par les époux G... à l'encontre de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ;

AUX MOTIFS QUE Sur la déchéance du droit aux intérêts:
Mme G... réclame la déchéance du droit aux intérêts de tous les prêts qu'elle a contractés, M. G... formant la même demande concernant le prêt immobilier et le crédit à la consommation, le couple formant par ailleurs une demande en répétition de l'intégralité des intérêts payés ;
il précise former une demande reconventionnelle qui tend à faire écarter les prétentions adverses et opposer une compensation au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;
l'intimée soulève l'irrecevabilité de ces demandes s'agissant de demandes nouvelles formées la première fois à hauteur de cour et qui n'étaient nullement présentes dans la demande reconventionnelle d'ores et déjà formulés en première instance ;
elle soulève subsidiairement la prescription de ces demandes, et développe des contestations au fond ;
dans leurs écritures de première instance, les époux G... n'ont jamais contesté le montant de la créance ;
ils ont en effet invoqué le caractère selon eux illégal de la dénonciation des encours, contesté la fraude paulienne, et formé une demande reconventionnelle dans laquelle ils sollicitaient 500.000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive et fautive des concours financiers ;
en revanche, ils ne contestaient pas les créances, et au contraire se prévalaient même de leur solvabilité pour y faire face (conclusions du 21 janvier 2015) ;
d'ailleurs, le tribunal après avoir énuméré l'ensemble des montants réclamés tant en principal, qu'en intérêts, et en indemnités conventionnelles, relève que les époux G... ne soulèvent aucun moyen permettant de remettre en cause les montants réclamés ;
il résulte de ce qui précède que la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels est une demande nouvelle formée la première fois devant la cour et qu'elle est de ce fait irrecevable ;

ALORS QU'est recevable en appel une demande nouvelle qui a pour objet de faire écarter les prétentions adverses ; qu'en relevant, pour déclarer irrecevable en cause d'appel les demandes de déchéance du droit aux intérêts formées par les emprunteurs, que ces derniers n'avaient pas contesté la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne devant le tribunal, sans rechercher, comme elle y était invitée, si de telles demandes ne tendaient pas à faire écarter, en les restreignant, les prétentions de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-26594
Date de la décision : 11/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ALSACE-MOSELLE - Propriété immobilière - Inscription - Domaine d'application - Demande tendant à faire déclarer inopposable un acte du débiteur (non)

PUBLICITE FONCIERE - Domaine d'application - Demande en justice - Demande tendant à faire déclarer inopposable un acte du débiteur (non)

La demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte accompli par le débiteur, n'entrant pas dans les prévisions de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, n'a pas à être inscrite au livre foncier


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 313-12 du code monétaire et financier.
Sur le numéro 2 : article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 12 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 sep. 2019, pourvoi n°17-26594, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26594
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