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04/09/2019 | FRANCE | N°18-14157

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 septembre 2019, 18-14157


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a été engagée le18 mars 2002, en qualité de comptable, statut cadre, par la société Cogep, par contrat de travail à temps partiel ; qu'ayant fait valoir ses droits à retraite à compter du 1er janvier 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer, par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur

le premier moyen :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu que débouter la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a été engagée le18 mars 2002, en qualité de comptable, statut cadre, par la société Cogep, par contrat de travail à temps partiel ; qu'ayant fait valoir ses droits à retraite à compter du 1er janvier 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer, par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu que débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme à titre de rappel d'heures complémentaires et supplémentaires, l'arrêt retient qu'à l'appui de sa demande, la salariée produit aux débats des fiches de temps hebdomadaires, établies depuis 2009 faisant apparaître le nombre d'heures de travail effectué par client, un agenda de l'année 2014 ainsi que des décomptes d'heures, que l'examen de ces pièces ne permet pas de vérifier la réalité des dépassements de l'horaire de travail à temps partiel ;

Qu'en statuant ainsi alors que s'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui appartient pas d'apporter la preuve des heures effectivement réalisées, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif qui déboute la salariée de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme O... de ses demandes en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ainsi qu'en paiement d'une somme à titre de rappel d'heures complémentaires et supplémentaires, l'arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Cogep aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme O....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme A... de ses demandes en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, en paiement d'une somme de 9 481,10 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 948,11 euros de congés payés y afférents et de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Aux motifs qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que l'avenant au contrat de travail de Mme A... du 30 octobre 2003 prévoit un horaire de 30 heures par semaine soit 7,50 heures par jour, réparties de 8 heures 30 à 12 heures et de 14 heures à 18 heures du lundi au jeudi ; qu'à l'appui de sa demande au titre des heures complémentaires, Mme A... produit aux débats des fiches de temps hebdomadaires, établies depuis 2009 faisant apparaître le nombre d'heures de travail effectué par client, un agenda de l'année 2014 ainsi que des décomptes d'heures ; que l'examen de ces pièces ne permet pas de vérifier la réalité des dépassements de l'horaire de travail à temps partiel ; que ces pièces, qui ne sont de plus étayées par aucun élément objectif, n'apparaissent pas probantes ; que surtout, il apparaît que dès 2008, la société avait mis en place un système informatique de gestion des temps de travail permettant un contrôle des temps passés de façon journalière et hebdomadaire ; qu'il appartenait à l'évidence à Mme A... d'utiliser ce logiciel qui seul permet d'établir que les heures passées l'étaient à la demande de l'employeur ; que l'employeur produit du reste un tableau récapitulatif du temps de travail de Mme A... du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2014 qui ne permet pas de vérifier la réalité des dépassements de l'horaire contractuel ; que c'est donc à juste titre et pour des motifs que la cour adopte par ailleurs, que le conseil de prud'hommes a débouté Mme A... de ses demandes de rappels de salaires au titre des heures complémentaires et supplémentaires ainsi qu'au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ;

Alors 1°) que la charge de la preuve des heures de travail réellement accomplies ne repose pas uniquement sur le salarié, lequel est seulement tenu d'apporter des éléments de nature à étayer sa prétention ; qu'après avoir constaté que Mme A... produisait des fiches de temps hebdomadaires faisant apparaitre le nombre d'heures de travail effectuées par client depuis 2009, un agenda de l'année de 2014 ainsi qu'un décompte d'heures, la cour d'appel qui a jugé que l'examen de ces pièces ne permettait pas de vérifier la réalité des dépassements de l'horaire de travail effectif, a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors 2°) que toutes les heures de travail effectuées par le salarié sont présumées avoir été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur et donnent lieu à rémunération, sauf pour ce dernier à justifier de son opposition à leur accomplissement ; qu'en reprochant à Mme A... qui n'avait pas utilisé le logiciel de renseignement du temps de travail des salariés de ne pas avoir démontré que les heures complémentaires et supplémentaires accomplies l'avaient été à la demande de l'employeur, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve des heures de travail effectuées sur la seule salariée a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors 3°) qu'en reprochant à Mme A... de ne pas avoir renseigné le logiciel de l'entreprise de décompte du temps de travail sans avoir recherché si, comme elle le faisait valoir dans ses conclusions d'appel sans être contestée sur ce point par l'employeur, la configuration du logiciel qui prévoyait un plafond de trente heures supplémentaires par semaine, n'avait pas rendu impossible son utilisation pour Mme A... qui avait accompli un nombre d'heures de travail bien supérieur à ce plafond, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme A... de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts en conséquence de la discrimination et de l'inégalité salariale dont elle avait été victime ;

Aux motifs que selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes ; que de même s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe de non-discrimination, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure, d'établir que la disparité de situation ou la différence de rémunération constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination ; que le principe "à travail égal, salaire égal" implique pour l'employeur d'assurer une égalité de traitement entre tous les salariés pour autant que ceux-ci soient placés dans une situation identique ; qu'il appartient à l'employeur de justifier par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'en l'occurrence si Mme A... évoque une discrimination, elle n'allègue aucun fait susceptible de constituer une atteinte au principe de non-discrimination, de sorte que le litige met en jeu, ainsi qu'elle le reconnait d'ailleurs, uniquement le principe de l'égalité de traitement salariale ; qu'ainsi Mme A... compare sa situation à trois autres cadres de la société Mme W... et MM. Y... et E... soutenant que leur niveau de rémunération était supérieur au sien ; que s'agissant tout d'abord de Mme W... il apparaît que sa situation n'est pas comparable à celle de Mme A... ; qu'en effet, cette salariée, recrutée en 2012, bénéficiait du coefficient 385, niveau 3, soit un statut de cadre confirmé tandis que Mme A... bénéficiait du coefficient 330 niveau 3 ; que s'agissant ensuite de MM. Y... et E... à l'inverse de ce que soutient Mme A... ils ont été embauchés respectivement en 2007 et 2008, au coefficient 220 à un salaire moindre que celui de Mme A... à la même époque ; qu'ils n'ont d'ailleurs été classés au coefficient 330 qu'à compter du 1er janvier 2013, de sorte que c'est à cette date seulement qu'ils se sont trouvés dans une situation identique ; qu'il apparaît effectivement, ce que l'employeur ne conteste pas, une différence de salaire de l'ordre de 1 925 euros pour 2013 et de 1899 euros pour 2014 soit 160,41 euros et 158,25 euros par mois ; que cependant, le coefficient 330 suppose, selon la convention collective des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes, une formation initiale BAC + 3 dont Mme A... n'était pas titulaire, étant titulaire du BEPC même si elle disposait d'une expérience professionnelle antérieure ; que ces deux collègues disposaient quant à eux du niveau de formation initiale prévue par la convention collective soit en l'occurrence BAC + 4, mais également de diplômes spécifiques en matière comptable et financière ; que de plus, le compte rendu de l'entretien d'évaluation de l'activité de Mme A... effectué le 30 janvier 2012 révèle qu'en dépit de formations dispensées elle ne maîtrisait pas totalement les logiciels informatiques ce qui était source de retard de traitement et de moindre performance que ses collègues ; que la différence de salaires constatée repose ainsi sur des éléments objectifs, ces deux jeunes salariés recrutés à un niveau de classification bien inférieur à leur niveau de qualification initiale, ayant bénéficié d'un rattrapage salarial progressif en rapport avec leur expérience acquise dans l'entreprise ; que par ailleurs Mme A... qui soutient avoir eu plus de clients à traiter que ses collègues à temps complet n'explicite pas clairement en quoi cette situation aurait induit une différence salariale ; qu'à ce titre, l'usage dont elle fait état concernant une prime de première année de 30 % du montant des honoraires des clients apportés qui ne lui aurait pas été versée n'est étayé par aucune pièce ; que par ailleurs, elle n'allègue pas que ces collègues auraient quant à eux perçu cette prime ; qu'en définitive l'inégalité de traitement allégué par Mme A... n'est pas établie de sorte que le conseil de prud'hommes l'a, à juste titre, déboutée de sa demande indemnitaire ; que par ailleurs la demande au titre de la perte de revenus qui repose tout à la fois sur la requalification en temps complet et l'inégalité de traitement doit être rejetée ; que le jugement mérite également confirmation à ce titre ;

Alors 1°) que la différence de diplômes ne peut justifier une différence de rémunération entre salariés exerçant les mêmes fonctions qu'à la date d'embauche ou, à la date d'obtention du diplôme s'il est obtenu en cours d'exécution du contrat de travail ; qu'en jugeant que la société Cogec justifiait de l'inégalité salariale entre MM. Y... et E..., d'une part, et Mme A..., d'autre part, en raison de la différence de diplômes entre eux, quand à la date de leur embauche, respectivement en 2007 et 2008, MM. Y... et E... qui avaient été engagés au coefficient 220, inférieur à celui de Mme A... alors classée au coefficient 330, étaient déjà titulaires d'un diplôme Bac + 4 supérieur au sien, de sorte que la différence de diplôme entre eux qui n'avait pas été prise en compte lors de l'embauche, ne pouvait objectivement justifier l'écart de rémunération constatée entre eux, lors du passage de MM. Y... et E... au coefficient 330 le 1er janvier 2013, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

Alors 2°) que l'employeur qui a volontairement accordé à un salarié un niveau de classification supérieur à celui auquel, en vertu de la convention collective applicable au contrat de travail, il pouvait prétendre au vu de ses diplômes, ne peut ensuite justifier, par la différence de diplômes, une différence de rémunération avec ses collèges de travail exerçant les mêmes fonctions, au même niveau de classification professionnelle ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

Alors 3°) que lorsque la différence de rémunération repose sur la différence de performance entre salariés exerçant les mêmes fonctions, l'employeur doit en justifier par des éléments de comparaison objectifs et matériellement vérifiables ; qu'en jugeant que la différence de rémunération constatée entre Mme A... et ses collègues de travail placés, comme elle, au coefficient 330 de la convention collective applicable, était justifiée au regard de son compte rendu d'entretien d'évaluation du 30 janvier 2012, lequel faisait état d'une moindre performance par rapport à ses collègues de travail, sans avoir recherché si la société Cogec justifiait de critères matériels de comparaison entre les salariés concernés permettant d'établir objectivement une différence de performance entre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14157
Date de la décision : 04/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 23 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 sep. 2019, pourvoi n°18-14157


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14157
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