LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 19-81.278 F-D
N° 1814
3 SEPTEMBRE 2019
SM12
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le trois septembre deux mille dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MAZIAU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET et les conclusions de l'avocat général référendaire CABY ;
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 17 juin 2019 et présenté par :
- M. U... Y...,
-
La société Jeumont Electric,
à l'occasion du pourvoi formé par eux contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 4 décembre 2018, qui, a condamné le premier pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs à 2 000 euros d'amende et la seconde, pour blessures involontaires, à 30 000 euros d'amende ;
Vu les observations produites ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, dont il résulte qu'en matière de délits non-intentionnels, la responsabilité pénale des personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage ne peut être engagée qu'en présence d'une faute caractérisée, instituent-t-elles une différence de traitement injustifiée entre les personnes physiques, pouvant bénéficier des dispositions susvisées, et les personnes morales qui en sont exclues et à l'égard desquelles la seule caractérisation d'une faute simple permet d'engager leur responsabilité, et méconnaissent-elles par conséquent les principes d'égalité devant la loi, d'égalité devant la justice, de nécessité des délits et des peines et de garantie des droits découlant des articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » ;
Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;
Qu'en effet, en premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations distinctes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la différence de situation entre personnes physiques et personnes morales justifie la différence de traitement induite par l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, laquelle répond à l'objet de la loi qui l'établit ; que cette distinction qui est ainsi faite ne contrevient pas aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice garantis par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Qu'en second lieu, en subordonnant, en matière de délits non intentionnels, la responsabilité pénale de la personne morale qui n'a pas directement causé le dommage, à la commission d'une faute simple, le législateur s'est fondé sur des critères qui ne sont pas, de manière manifeste, inappropriés à l'objet et au but poursuivi ; qu'il a entendu, en effet, permettre la poursuite des personnes morales pour les infractions de cette nature commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants conformément aux prescriptions de l'article 121-2 du code pénal, en même temps ou alternativement à celle des personnes physiques qui commettent une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que celles-ci ne peuvent ignorer ; qu'en n'incluant pas les personnes morales dans le champ de ses dispositions, l'article 121-3 alinéa 4 du code pénal, qui est rédigé en des termes clairs et précis pour permettre que son interprétation se fasse sans risque d'arbitraire, n'est pas davantage contraire aux principes de légalité et de nécessité des délits et des peines et de présomption d'innocence garantis respectivement par les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et respecte la garantie des droits de la défense proclamée par l'article 16 du même texte ;
Par ces motifs :
DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lavaud ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.