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11/07/2019 | FRANCE | N°18-18116

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 juillet 2019, 18-18116


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. N... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 22 mars 2017 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 juin 2016), que M. N... et Mme K... se sont mariés le 29 août 1992 ; que cette dernière ayant introduit une instance en divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil, son époux a formé une demande reconventionnelle fondée sur l'article 242 du même code ; qu'un jugement a rejeté la demande en divorce aux torts de l'épouse et prononcé

le divorce pour altération définitive du lien conjugal ; que, devant la cour d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. N... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 22 mars 2017 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 juin 2016), que M. N... et Mme K... se sont mariés le 29 août 1992 ; que cette dernière ayant introduit une instance en divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil, son époux a formé une demande reconventionnelle fondée sur l'article 242 du même code ; qu'un jugement a rejeté la demande en divorce aux torts de l'épouse et prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal ; que, devant la cour d'appel, Mme K... a modifié le fondement de ses prétentions en sollicitant le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. N... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce à ses torts exclusifs alors, selon le moyen :

1°/ que la partie qui a obtenu satisfaction en première instance est irrecevable, faute d'intérêt, à faire appel ; qu'en première instance, Mme K... avait demandé que le divorce soit prononcé pour altération du lien conjugal sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil et, à la suite de la demande reconventionnelle en divorce pour faute formulée par son époux, n'avait pas fait usage de la faculté ouverte par l'article 247-2 du même code de modifier le fondement de sa demande ; que, par suite, elle n'était pas recevable à interjeter appel, même à titre incident, d'un jugement qui avait fait droit intégralement à sa demande ; que, dès lors, en considérant que Mme K... était recevable à modifier en cause d'appel le fondement de sa demande en divorce et en prononçant, sur son appel incident, le divorce aux torts exclusifs de M. N..., la cour d'appel a violé les articles 237, 238, 242 et 247-2 du code civil, ensemble les articles 546 et 1077 du code de procédure civile ;

2°/ que l'article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée ; qu'en considérant que Mme K..., qui avait demandé que le divorce soit prononcé pour altération du lien conjugal, avait pu, à la suite de la demande reconventionnelle de son époux, abandonner purement et simplement le fondement initialement choisi pour demander, à titre exclusif, que le divorce soit prononcé aux seuls torts de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 247-2 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que M. N... ait soutenu devant la cour d'appel que l'appel incident formé par Mme K... était irrecevable pour défaut d'intérêt ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait, et partant irrecevable ;

Et attendu, ensuite, qu'après avoir à bon droit retenu que Mme K... était, en vertu de l'article 247-2 du code civil, autorisée à substituer à sa demande en divorce pour altération du lien conjugal une demande en divorce pour faute, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que seuls les griefs imputés par celle-ci à son époux étaient établis, a pu en déduire que le divorce devait être prononcé aux seuls torts de ce dernier ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. N... fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces n° 8, 9 et 22 et de prononcer le divorce à ses torts exclusifs alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en se fondant, dans les motifs de son arrêt, sur la pièce n° 9 pour retenir à la charge de M. N... des faits constitutifs d'une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, tout en écartant cette même pièce des débats dans le dispositif de son arrêt, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui de leur demande en divorce ; que la remise par un descendant d'une lettre d'un parent relative aux torts du divorce équivaut à un témoignage prohibé ; qu'en se fondant sur la pièce n° 9, dont Mme K..., qui la versait aux débats, indiquait, dans ses conclusions, qu'elle constituait la retranscription de messages à caractère pornographique « interceptés » par l'enfant du couple, la cour d'appel a violé les articles 259 du code civil et 205 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la contradiction alléguée par la première branche procède d'une erreur purement matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée ;

Et attendu qu'ayant relevé que la pièce n° 9 constituait un message électronique reçu par Mme K... d'une personne prénommée Z... et ne comportait aucune déclaration, directe ou indirecte, de l'enfant commun, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur une pièce comportant un témoignage prohibé au sens de l'article 259 du code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 462 du code de procédure civile ;

Dit que dans le dispositif de l'arrêt la phrase « écarte des débats les pièces n° 8, 9, 22 » doit être remplacée par la phrase « écarte des débats les pièces n° 8, 10, 22 » ;

Condamne M. N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf et signé par lui et par Mme Randouin, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. N...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, tenant la modification du fondement de la demande en divorce de Mme K..., prononcé le divorce aux torts exclusifs de M. N... ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions des articles 242, 245, 246 et 247-2 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; que les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande, elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ; que ces fautes peuvent aussi être évoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce ; que si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute ; que si dans le cadre d'une instance introduite pour altération définitive du lien conjugal, le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande ; que le juge de première instance, saisi de la demande de Mme K... qui avait introduit la procédure sur le fondement de l'article 237 du code civil pour altération définitive du lien conjugal, a donc d'abord examiné la demande reconventionnelle pour faute de M. N... et prononcé le divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil après avoir considéré, d'une part, que la relation adultère invoquée par M. N... n'était pas démontrée, que, d'autre part, le départ du domicile conjugal dans les circonstances décrites par Mme K... et établies par les pièces versées aux débats ne constituait pas une violation grave ou renouvelée aux obligations du mariage ; que Mme K... a sur l'appel de M. N... modifié le fondement de sa demande, ce qui est possible au vu des articles précités, l'instance en divorce étant encore en cours ;

ALORS, 1°), QUE la partie qui a obtenu satisfaction en première instance est irrecevable, faute d'intérêt, à faire appel ; qu'en première instance, Mme K... avait demandé que le divorce soit prononcé pour altération du lien conjugal sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil et, à la suite de la demande reconventionnelle en divorce pour faute formulée par son époux, n'avait pas fait usage de la faculté ouverte par l'article 247-2 du même code de modifier le fondement de sa demande ; que, par suite, elle n'était pas recevable à interjeter appel, même à titre incident, d'un jugement qui avait fait droit intégralement à sa demande ; que, dès lors, en considérant que Mme K... était recevable à modifier en cause d'appel le fondement de sa demande en divorce et en prononçant, sur son appel incident, le divorce aux torts exclusifs de M. N..., la cour d'appel a violé les articles 237, 238, 242 et 247-2 du code civil, ensemble les articles 546 et 1077 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE l'article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée ; qu'en considérant que Mme K..., qui avait demandé que le divorce soit prononcé pour altération du lien conjugal, avait pu, à la suite de la demande reconventionnelle de son époux, abandonner purement et simplement le fondement initialement choisi pour demander, à titre exclusif, que le divorce soit prononcé aux seuls torts de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 247-2 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté des débats les pièces n° 8, 9 et 22 et D'AVOIR prononcé le divorce aux torts exclusifs de M. N... ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel, M. N... fait valoir : - que Mme K... a abandonné le domicile conjugal le 2 décembre 2010, sans raison ; - que Mme K... vit avec un autre homme depuis le printemps 2011 et a failli au devoir de fidélité ; - qu'elle a accepté que son compagnon adresse des messages insultants à l'égard de M. N... ; qu'au soutien de sa demande reconventionnelle en divorce pour faute, Mme K... fait valoir pour l'essentiel : - qu'elle a quitté le domicile se sentant en danger avec sa fille compte tenu des dialogues découverts sur MSN échangés entre M. N... et un autre homme ; - que M. N... a par ailleurs été déclaré coupable pour l'avoir menacée de crime ; que Mme K... produit en pièce 9 un courriel sans message reçu d'une prénommée Z... le 30 novembre 2010 comportant une copie de très nombreux messages à caractère sexuel échangés par internet au mois de novembre 2010 avec l'appui d'une webcam entre un dénommé L... N... et une autre personne portant un prénom masculin, L... N... utilisant l'adresse mail [...]...; que par un précédent courriel au nom de P..., prénom de l'enfant commun, et à partir de l'adresse de L... N..., la copie de ces messages avait été adressée à Z... ; qu'il apparaît que Mme K... avait déjà fait part de ces pièces en première instance puisque M. N... répond dans ses conclusions que Mme K... fait état de griefs dont le sordide le dispute à l'incohérent ; qu'aux termes des dispositions de l'article 259 du code civil, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux ; qu'à supposer que P... soit l'enfant commun, la pièce reproduisant l'envoi qu'elle a elle-même effectué à Z... produit sous les numéros 8, 10 et en pièce 22 (11 s'agit de la même pièce) sera écarté des débats ; qu'en revanche, ne le sera pas la pièce 9 qui ne comporte aucune déclaration de l'enfant, directe ou indirecte, les messages litigieux étant produits à l'état brut ; que Mme K... a donc reçu ces messages provenant d'une personne se faisant appeler L... N..., à partir selon elle de l'ordinateur familial mais cela ne résulte pas de la pièce 9 produite ; qu'il convient toutefois de noter que L... est le prénom du père de l'appelant, que l'adresse email commençant par chris ne peut correspondre qu'à un prénommé B... ou M..., que les échanges ne comportent aucun propos en contradiction avec la personne de l'appelant, qu'il ne peut être considéré que ces messages sont des faux rédigés pour les besoins de la cause dans la mesure où Mme K... a manifestement tenté de ne pas les mettre en exergue, que ce soit en déposant initialement une demande en divorce n'y faisant pas référence, ou en indiquant de façon plus neutre lors d'une audition en enquête préliminaire (pièce 11), peu après la séparation, qu'elle avait voulu se séparer car son mari avait une relation extra conjugale ; que M. N... ne prétend pas enfin avoir fait une quelconque réclamation ou recherche aux fins de découvrir la personne qui souhaiterait se faire passer pour elle ; que ces éléments établissent que les faits reprochés à M. N... sont réels ; qu'il s'y ajoute les faits de menace de crime en date du 10 décembre 2013 pour lesquels M. N... a été condamné par jugement du tribunal correctionnel du 16 janvier 2015 ; que ces faits sont constitutifs d'une violation grave et renouvelée aux devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, en l'occurrence le respect dû à son conjoint, le devoir de secours et la confiance indispensable à toute vie commune ; qu'il est patent que le départ précipité de Mme K... deux jours après la découverte des messages échangés par son époux est lié à celle-ci ce qui lui ôte tout caractère fautif ; que l'existence de la relation extra-conjugale de Mme K... résulte de son audition en enquête préliminaire en date du 5 mai 2014 dans laquelle Mme K... évoque son nouveau compagnon et réprouve les sms adressés par ce dernier à M. N... ; que Mme K..., contrairement à ce que prétend M. N..., ne les cautionne nullement, Mme K... avait aussi répondu à M. N..., par sms, le 10 janvier 2013, qu'elle avait refait sa vie ; que s'il est exact que le devoir de fidélité perdure tant que les époux sont dans les liens du mariage, le fait que Mme K... ne l'ait pas respecté ne constitue pas dans le présent dossier un fait constitutif d'une violation grave ou renouvelée aux devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune au regard de la nature des fautes commises par l'époux, de l'absence de celui-ci à la tentative de conciliation mettant de ce fait en échec la dite tentative, de la durée écoulée depuis celle-ci, le tout laissant penser à Mme K... qu'elle pouvait légitimement « refaire sa vie » ; qu'il n'est par ailleurs par démontré pour autant que Mme K... s'affiche avec son nouveau compagnon de manière à humilier son époux ;

ALORS, 1°), QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en se fondant, dans les motifs de son arrêt, sur la pièce n° 9 pour retenir à la charge de M. N... des faits constitutifs d'une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, tout en écartant cette même pièce des débats dans le dispositif de son arrêt, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui de leur demande en divorce ; que la remise par un descendant d'une lettre d'un parent relative aux torts du divorce équivaut à un témoignage prohibé ; qu'en se fondant sur la pièce n° 9, dont Mme K..., qui la versait aux débats, indiquait, dans ses conclusions, qu'elle constituait la retranscription de messages à caractère pornographique « interceptés » par l'enfant du couple, la cour d'appel a violé les articles 259 du code civil et 205 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-18116
Date de la décision : 11/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 08 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 jui. 2019, pourvoi n°18-18116


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18116
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