LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Lons-le-Saunier, 16 décembre 2016), rendu en dernier ressort, qu'ayant constaté que Mme U... (l'allocataire) qui percevait pour son enfant à charge l'allocation de soutien familial à titre d'avance sur pension alimentaire, avait omis de déclarer que le père de l'enfant avait repris, pour une période déterminée, le paiement de la pension alimentaire dont il était débiteur, la caisse d'allocations familiales du Jura (la caisse) a décerné à l'allocataire, le 17 septembre 2015, une contrainte pour la restitution du trop-perçu, contrainte à laquelle l'allocataire a fait opposition devant une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'allocataire fait grief au jugement de dire que seul le recouvrement de l'allocation de soutien familial par la caisse au mois de décembre 2012 encourt l'irrecevabilité en raison de la prescription et de valider pour le surplus la contrainte, alors, selon le moyen, que le juge ne peut modifier les termes du litige qui lui sont soumis ; qu'en jugeant que seul le recouvrement de l'allocation de soutien familial servie par la caisse à l'allocataire au mois de décembre 2012 encourait l'irrecevabilité en raison de la prescription dès lors que la mise en demeure avait été adressée à l'allocataire le 5 janvier 2015, quand il résultait des conclusions de l'allocataire et de la caisse que la somme de 2 076,34 euros, objet de l'action en recouvrement, couvrait la période allant du 1er septembre 2012 au 31 juillet 2014, de sorte que l'action en recouvrement de l'allocation de soutien familial servie du 1er septembre au 31 décembre 2012 était prescrite, le tribunal a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la caisse renonce au bénéfice du jugement pour la part de sa créance afférente à la période antérieure au 31 décembre 2012 ;
Qu'il en résulte que le pourvoi est privé de son objet sur ce point ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'allocataire fait grief au jugement de valider la contrainte pour le surplus de son montant, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en demeure délivrée par un organisme social doit être signée par son directeur ; que ce dernier peut déléguer, d'une part et sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme, d'autre part et à titre permanent, sa signature au directeur adjoint et à certains des agents de l'organisme ; que le directeur est suppléé par le directeur adjoint en cas de vacance d'emploi, d'absence momentanée ou d'empêchement ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer portait la mention « Pour le directeur et par délégation, le référent technique litiges et créances », suivie de la signature de M. ou Mme O... ; qu'en statuant aux motifs inopérants que « l'agent signataire spécial, n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial, quand bien même n'agirait-il que par délégation, pour valider l'action en recouvrement forcé ainsi entreprise » sans rechercher, comme il lui était demandé, si le signataire était muni d'une délégation de pouvoir ou de signature ou si la mise en demeure avait été signée par le directeur adjoint en raison de l'empêchement du directeur de la caisse, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 161-1-5, L. 244-9, R. 122-3 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu' aux termes de l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure adressée par l'organisme social à l'allocataire doit préciser le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition ; qu'en écartant le moyen de nullité de la procédure de recouvrement faute pour la mise en demeure notifiée le 5 janvier 2015 à l'allocataire de préciser la date du ou des versements donnant lieu à répétition motifs pris « qu'en visant la période intercalaire durant laquelle l'allocation de soutien familial a été indûment perçue, la caisse de sécurité sociale a satisfait aux exigences sus-rappelées ; qu'ainsi, il n'a pu être porté atteinte aux droits de la défense par l'absence de rappel du montant mensuellement perçu ; que la nature de la prestation, c'est-à-dire la reproduction de son intitulé qui en désigne en même temps de fondement, et la période servant d'assiette de calcul à la créance de restitution suffisent à éclairer le débiteur sur l'étendue de ses droits et de ses obligations », quand la mise en demeure ne précisait pas la date du ou des versements donnant lieu à répétition, le tribunal a violé les articles R. 133-3 et R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni du jugement, ni des pièces de la procédure que l'allocataire avait soutenu devant le tribunal que la mise en demeure préalable à la contrainte litigieuse était entachée de nullité ;
D'où il suit que, nouveau et mélangé de droit et de fait, le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
Donne acte à la caisse d'allocations familiales du Jura de ce qu'elle renonce au bénéfice du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lons-le-Saunier en date du 16 décembre 2016, portant validation de la contrainte du 17 septembre 2015 pour les mois de septembre, octobre et novembre 2012 ;
REJETTE le pourvoi pour le surplus ;
Condamne Mme U... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par Mme Vieillard, conseiller faisant fonction de doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme U....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que seul le recouvrement de l'allocation de soutien familial servie par la Caisse d'allocations familiales du Jura au mois de décembre 2012 encourt l'irrecevabilité en raison de la prescription et, en conséquence, d'avoir validé la contrainte décernée le 17 septembre 2015 à Mme U... à hauteur de la somme de 1.967,06 euros et condamné Mme U... à payer à la Caisse des allocations familiales du Jura la somme de 1.967,06 euros ;
AUX MOTIFS QUE la défenderesse au principal excipe d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement de créance de restitution d'indu ; que l'article L 835-3 CSS limite à une durée de 2 ans le délai d'action en recouvrement de créance de la part de l'organisme prestataire ; que la mise en demeure, délivrée à l'allocataire le 5 janvier 2015, marque la date à prendre en compte pour apprécier le bien fondé du moyen d'irrecevabilité en ce que toute créance à exécution périodique échue plus de 2 ans avant est éteinte par l'effet de la prescription de l'action en paiement ; qu'en l'espèce, la CAF ne peut prétendre à la reprise d'indu que pour la période postérieure au mois de décembre 2012, c'est à dire durant l'intervalle compris entre le mois de janvier 2013 et le mois de juillet 2014, soit 19 mois ; qu'il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l'envoi d'une lettre comminatoire en la forme recommandée avec accusé de réception, dès l'instant où elle a été reçue par le destinataire, a les mêmes effets qu'un acte extrajudiciaire de commandement et a un effet interruptif de prescription (cf en ce sens Cass. 2° Civ. 22 novembre 2005 n° 0430.583) ; mais qu'il ne s'évince pas des pièces de la procédure que les courriers adressés à l'assurée par la caisse de sécurité sociale aient été expédiés par LRAR et qu'elle en ait été récipiendaire ; que le moyen sera donc partiellement accueilli ;
ET AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces de la procédure que Mme U... a continué à percevoir l'ASF alors que le débiteur alimentaire avait repris l'exécution des obligations mises à sa charge ; que cette perception caractérise donc l'indu dont l'« accipiens » est redevable, au sens des prescriptions des articles 376 et 1235 du code civil ; qu'il suit des motifs qui précèdent que la contrainte sera validée à hauteur de la somme de 1.967,06 € (déduction faite de l'échéance du mois de décembre 2012, éteinte par l'effet de la prescription) ; que Mme K... U... sera tenue d'acquitter le paiement de cette somme au profit de la CAF du Jura ;
ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige qui lui sont soumis ; qu'en jugeant que seul le recouvrement de l'allocation de soutien familial servie par la CAF du Jura à Mme U... au mois de décembre 2012 encourait l'irrecevabilité en raison de la prescription dès lors que la mise en demeure avait été adressée à l'allocataire le 5 janvier 2015, quand il résultait des conclusions de Mme U... et de la CAF que la somme de 2.076,34 euros, objet de l'action en recouvrement, couvrait la période allant du 1er septembre 2012 au 31 juillet 2014, de sorte que l'action en recouvrement de l'ASF servie du 1er septembre au 31 décembre 2012 était prescrite, le tribunal a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir validé la contrainte décernée le 17 septembre 2015 par la Caisse des allocations familiales du Jura à Mme U... à hauteur de la somme de 1.967,06 euros, condamné Mme U... à payer à la Caisse des allocations familiales du Jura la somme de 1.967,06 euros et de l'avoir déboutée de ses prétentions reconventionnelles ;
AUX MOTIFS QU' est critiquée l'absence de l'identité du signataire de la contrainte, de même que l'absence de pouvoir dont il est investi ; mais que l'agent signataire spécial, n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial, quand bien même n'agirait-il que par délégation, pour valider l'action en recouvrement forcé ainsi entreprise (cf en ce sens Cass Soc. 30 mai 2002 Bull V n° 185) ; que l'absence de mention de l'identité complète de l'agent, exigence résultant des prescriptions de l'article 4 alinéa 2 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000, actuellement codifié au code des relations entre le public et l'administration, n'est pas une formalité substantielle entachant l'acte d'irrégularité et justifiant le prononcé de sa nullité (cf en ce sens Cass. Avis 22 mars 2004 Bull avis n° 2) ; qu'il s'ensuit que la contrainte querellée n'encourt pas la critique du moyen ; qu'au visa des articles L 244-9, R 133-3 à 6, il a été estimé que pour être valable la contrainte doit préciser, outre la nature et le montant des créances réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigé la preuve d'un quelconque préjudice ; que l'opposante excipe de la nullité de la contrainte en l'état d'une absence de précision sur le montant de la prestation périodiquement servie ; mais qu'en visant la période intercalaire durant laquelle l'ASF a été indûment perçue, la caisse de sécurité sociale a satisfait aux exigences sus-rappelées ; qu'ainsi, il n'a pu être porté atteinte aux droits de la défense par l'absence de rappel du montant mensuellement perçu ; que la nature de la prestation, c'est à dire la reproduction de son intitulé qui en désigne en même temps de fondement, et la période servant d'assiette de calcul à la créance de restitution suffisent à éclairer le débiteur sur l'étendue de ses droits et de ses obligations ; que la contrainte, même si elle s'analyse en un titre exécutoire, n'en est pas pour autant soumise au formalisme édicté par le code de procédure civile en ce qui concerne les actes judiciaires ; qu'elle ne doit donc pas comporter la mention du fondement juridique de la créance ; que la simple indication de l'allocation dont le remboursement est réclamé épuise les diligences à la charge de l'organisme social ; (
) ; qu'il suit des motifs qui précèdent que la contrainte sera validée à hauteur de la somme de 1967,06 € (déduction faite de l'échéance du mois de décembre 2012, éteinte par l'effet de la prescription) ;
1°) ALORS QUE la mise en demeure délivrée par un organisme social doit être signée par son directeur ; que ce dernier peut déléguer, d'une part et sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme, d'autre part et à titre permanent, sa signature au directeur adjoint et à certains des agents de l'organisme ; que le directeur est suppléé par le directeur adjoint en cas de vacance d'emploi, d'absence momentanée ou d'empêchement ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer portait la mention « Pour le directeur et par délégation, le référent technique litiges et créances », suivie de la signature de M. ou Mme O... ; qu'en statuant aux motifs inopérants que « l'agent signataire spécial, n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial, quand bien même n'agirait-il que par délégation, pour valider l'action en recouvrement forcé ainsi entreprise » sans rechercher, comme il lui était demandé, si le signataire était muni d'une délégation de pouvoir ou de signature ou si la mise en demeure avait été signée par le directeur adjoint en raison de l'empêchement du directeur de la Caisse, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 161-1-5, L. 244-9, R. 122-3 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure adressée par l'organisme social à l'allocataire doit préciser le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition ; qu'en écartant le moyen de nullité de la procédure de recouvrement faute pour la mise en demeure notifiée le 5 janvier 2015 à Mme U... de préciser la date du ou des versements donnant lieu à répétition motifs pris « qu'en visant la période intercalaire durant laquelle l'ASF a été indûment perçue, la caisse de sécurité sociale a satisfait aux exigences sus-rappelées ; qu'ainsi, il n'a pu être porté atteinte aux droits de la défense par l'absence de rappel du montant mensuellement perçu ; que la nature de la prestation, c'est à dire la reproduction de son intitulé qui en désigne en même temps de fondement, et la période servant d'assiette de calcul à la créance de restitution suffisent à éclairer le débiteur sur l'étendue de ses droits et de ses obligations », quand la mise en demeure ne précisait pas la date du ou des versements donnant lieu à répétition, le tribunal a violé les articles R. 133-3 et R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale.