LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que le 27 février 2015, la société Bergère de France a été mise en redressement judiciaire, les sociétés N...-D...-M... et E...-B...-G..., étant désignées en qualité d'administrateurs judiciaires ; que par une requête du 2 novembre 2016, la société E...-B...-G..., agissant tant en son nom que pour le compte de la société N...-D...-M..., a demandé la fixation de leur rémunération en application de l'article R. 663-13 du code de commerce, celle calculée en application du tarif excédant la somme de 100 000 euros, ainsi que le remboursement de leurs frais ; que la demande a été déclarée irrecevable par une ordonnance du 27 mars 2017 ; que la société E...-B...-G... a formé un recours contre cette décision par une lettre du 12 avril 2017 puis un second recours par une lettre du 7 novembre 2017 en son nom et au nom de la société N...-D...-M... ; que la société Bergère de France a contesté la recevabilité du premier recours au motif qu'il ne lui avait pas été dénoncé, en méconnaissance de l'article 715 du code de procédure civile, et la régularité du second au motif qu'il avait été formé au nom de la société N...-D...-M... par la société E...-B...-G..., sans que celle-ci justifie d'un mandat spécial ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Bergère de France fait grief à l'ordonnance de déclarer recevable le second recours alors, selon le moyen, que quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission et ce, par écrit, à défaut de dispense légale ; que n'est pas dispensé de cette obligation l'administrateur judiciaire d'un débiteur qui, prétendant exercer un recours au nom du deuxième administrateur judiciaire de celui-ci, doit disposer d'un mandat à cette fin et en justifier ; qu'en admettant en l'espèce la validité du recours exercé par le premier administrateur au nom également du second sans exiger de lui la justification d'un mandat écrit et spécial de la part de celui-ci, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 416 du code de procédure civile, ensemble l'article 117 du même code ;
Mais attendu que si, dans l'hypothèse où le jugement d'ouverture a désigné deux administrateurs judiciaires, l'un ne peut, au nom de l'autre, demander la fixation des honoraires dus en application de l'article R. 663-13 du code de commerce et former un recours contre la décision ayant déclaré sa requête irrecevable qu'à la condition qu'il justifie d'un mandat spécial et écrit de la part de celui pour le compte duquel il agit, l'irrégularité de fond résultant de l'absence d'un tel mandat peut être régularisée avant que le juge statue ; que l'ordonnance constate que devant la juridiction du premier président, les deux administrateurs judiciaires étaient représentés par le même avocat qui avait conclu en leur nom, ce dont il résulte que la société N...-D...-M... était régulièrement représentée, et que l'irrégularité de fond affectant tant la requête initiale que le recours avait été couverte avant que le juge statue ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles R. 663-38 et R. 663-39 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 26 février 2016, ensemble l'article 126 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la décision statuant sur la rémunération de l'administrateur judiciaire n'a pas à lui être notifiée mais simplement communiquée, de sorte que les règles posées par ce texte sur le contenu de la notification de cette décision, qu'il réserve au débiteur, ainsi que celles posées par l'article 713 du code de procédure civile auquel le second renvoie, ne sont pas applicables ;
Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours formé le 7 novembre 2017, le premier président retient que la notification de la décision de première instance faite par le greffe à la société E...-B...-G... ne reproduisait pas les dispositions des articles 714 et 715 du code de procédure civile, en méconnaissance de l'article 713 dudit code, de sorte qu'elle n'avait pas pu faire courir le délai de recours ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette notification faite le 30 mars, qui valait simple communication à la société E...-B...-G..., avait fait courir, à son égard, le délai de contestation, le premier président a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en qu'elle déclare irrecevable le recours formé le 12 avril 2017, l'ordonnance rendue le 2 mars 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société E...-B...-G... et la société 2M et associés, venant aux droits de la société N...-D...-M..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Bergère de France.
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevable le recours formé le 7 novembre 2017 par la société E...-B...-G... et la société N...-D...-M..., puis fixé honoraires et débours de chacun d'eux,
Aux motifs que, s'il était mentionné dans le corps de ce recours que « Cette ordonnance (sous-entendu du 27 mars 2017) a été notifiée à la selarl C... E... - F... B... - P... G..., Administrateurs Judiciaires Associés, le 30 mars 2017. Cette dernière a l'honneur de former un recours à l'encontre de cette ordonnance pour les motifs exposés ci-après (
) », le recours mentionnait in fine « En conséquence, le soussigné sollicite que soit infirmée l'ordonnance du 27 mars 2017, qu'il soit fait droit à la requête du 2 novembre 2016 et que les honoraires de la selarl N...-D...-M... et de la selarl C... E... - F... B... - P... G..., Administrateurs Judiciaires Associés (...) soient fixés à la somme de (...) » ; qu'il résultait de la rédaction de ce recours qu'il était fait au nom et pour le compte des deux sociétés d'administrateurs judiciaires ; que, contrairement aux assertions de la société Bergère de France, il n'y avait pas lieu d'exiger de Me E..., signataire du recours, qu'il justifiât d'un mandat écrit de la part de Me M... ; qu'en effet, si la mission des administrateurs judiciaires avait déjà pris fin lors du dépôt de la requête en fixation de leur rémunération et du remboursement de leurs frais devant le magistrat délégué, il y avait toutefois lieu de rappeler que le jugement du tribunal de commerce ayant désigné les deux sociétés avec mission d'assistance sans fixer entre elles une répartition des tâches, leur avait ainsi conféré le pouvoir d'agir ensemble ou séparément et les avait rendues solidairement responsables de la mission confiée ; que, dès lors que la requête puis le recours avaient pour objet la rémunération du travail accompli et des frais exposés solidairement et de manière indivisible par les deux administrateurs judiciaires, il s'ensuivait que cette solidarité et cette indivisibilité s'étendaient à leur rémunération ; que cette analyse était d'ailleurs confortée par l'article R. 663-35 du code de commerce qui précise que lorsque plusieurs administrateurs sont désignés dans une même procédure, chacun des mandataires de justice désignés perçoit une rémunération, convenue entre eux, des émoluments dus au titre de cette procédure et que ce n'est qu'à défaut d'accord, que la juridiction détermine la part revenant à chacun d'eux ; qu'au cas d'espèce et alors qu'il n'était fait état d'aucun désaccord entre les administrateurs judiciaires quant à leur rémunération personnelle, l'un d'eux était parfaitement habilité à signer la demande au nom des deux,
Alors que quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission et ce, par écrit, à défaut de dispense légale ; que n'est pas dispensé de cette obligation l'administrateur judiciaire d'un débiteur qui, prétendant exercer un recours au nom du deuxième administrateur judiciaire de celui-ci, doit disposer d'un mandat à cette fin et en justifier ; qu'en admettant en l'espèce la validité du recours exercé par le premier administrateur au nom également du second sans exiger de lui la justification d'un mandat écrit et spécial de la part de celui-ci, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 416 du code de procédure civile, ensemble l'article 117 du même code.