LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 mars 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 21 septembre 2016 pourvois n° 15-21.184 et 15-26.521), que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Garonne Périgord (la Sogap), ayant reçu d'un notaire une notification valant offre de vente d'une parcelle de terre qui appartenait à D... X... et que M. et Mme H... proposaient d'acquérir, a déclaré exercer son droit de préemption ; que, D... X... ayant indiqué renoncer à la vente, la Sogap l'a assigné en constatation de la vente à son profit et en paiement de dommages et intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 1998 du code civil, ensemble les articles L. 412-8 et R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la volonté du propriétaire de vendre la parcelle litigieuse n'est pas suffisamment démontrée, en l'absence d'écrit émanant de D... X... pour la manifester, d'avant contrat établi entre les parties et de démarche de D... X... auprès du notaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser d'élément permettant de mettre en cause le fait que la Sogap ait pu légitimement croire que le notaire, officier public et ministériel, chargé d'instrumenter et investi d'une mission légale d'information du prix, des charges, des conditions et modalités de la vente projetée, avait le pouvoir d'engager D... X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 468, alinéa 3, du code civil, ensemble les articles 117 et 121 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer la procédure régulière, l'arrêt retient que le décès de M. X... a mis fin à l'irrégularité tirée de l'absence de mise en cause de son curateur dans la procédure l'opposant à la Sogap devant la cour d'appel et que la présence de Mme Z..., en sa nouvelle qualité d'ayant droit de M. X..., rend la procédure régulière ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'omission de la signification de l'assignation au curateur constitue une irrégularité de fond que ne peut couvrir l'intervention volontaire de la légataire universelle à l'effet de faire sanctionner cette irrégularité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Aquitaine-Atlantique.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) Garonne Périgord dite Sogap, aux droits de laquelle vient la Safer Aquitaine Atlantique, de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la vente ; aux termes des articles L 143-8 et L 412-8 du code rural, lorsqu'un propriétaire se propose de vendre un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, le notaire chargé d'instrumenter est tenu de faire connaître à ladite société le prix et les conditions demandées ainsi que les modalités de l'aliénation projetée ; qu'au vu des pièces versées aux débats, la volonté de vendre de M. X... n'est pas suffisamment avérée ; qu'aucun écrit émanant de M. X... manifestant une telle volonté initiale n'est produit ni aucun comportement démontré traduisant sans équivoque une telle intention de vendre ; que dans son procès-verbal de carence du 25 janvier 2011 le notaire a indiqué avoir été informé par les époux H... de leur intention d'acquérir la parcelle cadastrée sous le numéro [...] pour une contenance de 1 ha 54 a 67, leur avoir écrit par courrier du 22 octobre 2009 pour les aviser qu'il procédait à l'instruction de leur dossier d'acquisition et qu'après renseignements pris auprès du cadastre cette parcelle dépendrait en réalité d'une plus vaste section [...] ce qui imposait le recours à un géomètre expert pour établir la déclaration préalable indispensable à la signature de l'acte, leur avoir adressé un nouveau courrier le 4 novembre 2009 en leur demandant confirmation de la désignation du bien vendu et toute précision relative à la demande de document d'arpentage à dresser par un géomètre expert, demande réitérée le 22 février 2010 auquel il a été répondu le 23 février 2010 par l'affirmative et avoir procédé sous sa signature au visa de l'article R 143-4 du code rural et par lettre recommandée avec accusé de réception à la notification valant offre de vente à la Safer qui a déclaré dès le 24 février 2010 exercer son droit de préemption ; que durant toute cette période qui a duré quatre mois, aucune expression de la volonté du vendeur n'a été recueillie de quelque façon ; que le procès-verbal de carence mentionne que le vendeur et les époux H... ont "arrêté directement entre eux et sans avant contrat les conditions de la vente de partie de parcelle" ; que si le notaire précise dans ce document qu'une copie des courriers du 22 octobre 2009, 22 février 2010 envoyés aux candidats acquéreurs ont été adressés pour information au vendeur, M. X..., l'absence de tout réaction de sa part ne peut à lui seul et à défaut de toute autre circonstance valoir offre et acceptation de contracter, d'autant qu'un arpentage s'avérait nécessaire et qu'il ne pouvait avoir été prévu dès l'origine, seuls les renseignements recueillis par le notaire auprès du service cadastral en ayant révélé la nécessité ; que le notaire a d'ailleurs noté expressément dans son procès-verbal du 25 janvier 2011 qu'il avait rencontré M. X... avant le 22 février 2010 "pour un autre dossier' et que celui-ci "semblait très étonné de la nécessité de faire dresser un document d'arpentage" ; que le notaire l'a avisé par courrier du 27 avril 2010 de la notification de préemption reçue de la Safer, en sollicitant une nouvelle fois l'envoi du document d'arpentage et par lettre du 24 mai 2010 M. X... lui a indiqué "Je renonce à la vente de mon terrain" ; qu'ainsi, en l'absence de tout établissement d'un avant contrat entre parties, de toute démarche de M. X... auprès du notaire, saisi par les seuls acquéreurs, de tout arpentage de son terrain pourtant nécessaire à sa vente et de tout acte positif de sa part avant la notification valant offre de vente à la Safer en date du 24 février 2010 effectuée par cet officier ministériel qui y a procédé à réception de la lettre de confirmation expresse d'acheter la parcelle émanant des seuls acquéreurs, la manifestation par ce propriétaire de sa volonté de vendre n'est pas suffisamment démontrée ; que dans ces circonstances, la théorie du mandat apparent invoquée par la Sa Safer Aquitaine Atlantique est inopérante ; que sa demande tendant à voir déclarer la vente parfaite à son profit doit être rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE se fondant sur les articles L 143-1 et suivants, L 143-2, L 143-3 et R 143-1 du code rural, la Safer demande de voir consacrer, sur la base du droit à la préemption régulier qu'elle a déclaré suivant courrier recommandé avec AR du 21 avril 2010, la vente à son profit de la parcelle susmentionnée pour le prix de 5 000 € ; que le notaire n'a jamais été mandaté par monsieur X... pour vendre son terrain ; que les seules pièces qu'il produit sur un projet d'acquisition de parcelle émanant des acheteurs, les époux H... ; que monsieur X... n'a jamais fait arpenter son terrain, montrant ainsi qu'il n'entendait pas vendre, ce qu'il a confirmé par son courrier du 24 mai 2010, à la Sogap et au notaire ; que le notaire a communiqué à la Sogap, sous la forme d'une notification valant offre de vente la parcelle pour la somme de 5 000 € par formule simplifiée, avec copie du plan cadastral, par çourrier du 24 février 2010, que le notaire a donc commis une faute en informant la Safer du montant de 5 000 € qui ne résulte pas d'une demande du vendeur ; qu'il échet donc de débouter de toutes ses demandes la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Garonne Périgord ;
1) ALORS QUE l'acceptation par une Safer des prix et conditions d'une vente de terres agricoles que le notaire instrumentaire lui a notifiés rend la vente parfaite, sauf à démontrer qu'elle ne pouvait légitimement croire que le notaire disposait des pouvoirs nécessaires pour engager le vendeur ; qu'en l'espèce, la Safer Garonne Périgord (Sogap) a exercé son droit de préemption le 21 avril 2010 au vu de la déclaration d'intention d'aliéner valant offre de vente notifiée par Me Q..., notaire, qui indiquait qu'une vente avait été conclue entre D... X..., d'une part, et M. H... et Mme K..., d'autre part, portant sur une parcelle libre de toute occupation située lieudit « [...] » à Lalinde, au prix de 5.000 euros ; qu'en affirmant, pour refuser de déclarer la vente parfaite, que M. X... n'avait pas la volonté d'aliéner la parcelle litigieuse en l'absence de toute diligence à son initiative auprès du notaire et de tout acte positif de sa part avant la notification valant offre de vente, quand toutes les mentions figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner permettaient légitimement à la Safer de croire que M. X... avait l'intention de vendre la parcelle litigieuse et que le notaire instrumentaire avait le pouvoir de l'engager, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1, L. 143-8 et L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1998 et 1589 du code civil ;
2) ALORS QUE l'acceptation par une Safer des prix et conditions d'une vente de terres agricoles que le notaire instrumentaire lui a notifiés rend la vente parfaite, sauf à démontrer qu'elle ne pouvait légitimement croire que le notaire disposait des pouvoirs nécessaires pour engager le vendeur ; que la conclusion d'un avant contrat n'est ni une condition de validité de l'exercice du droit de préemption de la Safer, ni celle d'une vente immobilière ; qu'en affirmant, pour refuser de déclarer parfaite la vente que M. X... et les époux H... avaient arrêté directement entre eux et sans avant contrat les conditions de la vente, quand une telle circonstance n'était pas de nature à faire douter la Safer de l'intention de vendre de M. X... et des pouvoirs du notaire d'engager le vendeur, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1, L. 143-8 et L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1998 et 1589 du code civil ;
3) ALORS QUE l'acceptation par une Safer des prix et conditions d'une vente de terres agricoles que le notaire instrumentaire lui a notifiés rend la vente parfaite, sauf à démontrer qu'elle ne pouvait légitimement croire que le notaire disposait des pouvoirs nécessaires pour engager le vendeur ; qu'il ne peut s'inférer du fait que la parcelle en vente n'a pas fait l'objet d'un document d'arpentage que le notaire ne dispose pas du pouvoir d'engager le vendeur ; qu'en l'espèce, la Sogap a exercé son droit de préemption le 21 avril 2010 au vu de la déclaration d'intention d'aliéner valant offre de vente notifiée par Me Q..., notaire, qui indiquait que la surface de la parcelle en vente était de 1 ha 54 a 67 ca, précisant qu'une division était en cours sur une parcelle entière de 3 ha 30 a 84 ca, selon copie du plan qui était joint ; qu'en affirmant, pour refuser de déclarer parfaite la, que le terrain n'avait pas fait l'objet d'un arpentage, quand une telle circonstance n'était pas de nature à faire douter la Safer de l'intention de vendre de D... X... et des pouvoirs du notaire d'engager le vendeur, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1, L. 143-8 et L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1998 et 1589 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme Z....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la procédure était régulière ;
AUX MOTIFS QU'il convient de donner acte Mme Z... de son intervention volontaire à l'instance en sa qualité de légataire universelle de M. X... ; que l'instance, interrompue par la notification du décès de M. X... par voie de conclusions de la Safer dès que celle-ci en a eu connaissance, a repris son cours en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, conformément à l'article 631 du code de procédure civile ; que la déclaration d'appel étant antérieure à la mise sous curatelle de M. X... par jugement du 26 avril 2013 assorti de l'exécution provisoire, son décès survenu le [...] a mis fin dès cette date à l'irrégularité initiale tirée de l'absence de mise en cause de son curateur dans la procédure en cours devant la cour d'appel l'opposant à la Sogap en tant qu'intimé ; que la présence aux débats de Mme Z... en sa nouvelle qualité d'ayant droit de M. X... rend la procédure parfaitement régulière ;
1°) ALORS QUE l'absence du curateur à une procédure concernant le majeur représenté constitue une irrégularité de fond qui doit être régularisée pour que la procédure puisse se poursuivre valablement ; que le premier arrêt de cour d'appel a été cassé au motif de l'absence de mise en cause du curateur de M. X... ; qu'en estimant que la procédure avait pu être régularisée par le décès de D... X... survenu avant la saisine de la cour de renvoi et avant, donc, la régularisation de la procédure par l'intervention de Mme Z... en qualité de curatrice, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile et 468 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'absence du curateur à une procédure concernant le majeur représenté constitue une irrégularité de fond qui doit être régularisée pour que la procédure puisse se poursuivre valablement ; qu'en jugeant qu'aurait pu régulariser la procédure l'intervention volontaire de Mme Z... après le décès de D... X..., en sa qualité non de curatrice mais de légataire universelle pour voir juger la procédure irrégulière, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile et 468 du code civil.