LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 682 et 684 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 décembre 2017), que M. et Mme M..., propriétaires d'une maison d'habitation, ont été autorisés, en 1979, par le locataire du fonds voisin, à utiliser un chemin, partie de ce fonds, pour accéder à leur maison par le jardin situé à l'arrière ; qu'ils ont assigné M. et Mme Q... devenus, en 1991, propriétaires du fonds voisin, en reconnaissance d'une servitude de passage s'exerçant sur ce chemin ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que, de la division de la parcelle cadastrée B [...], le 8 juin 1979, sont issues, la parcelle [...] vendue à M. et Mme M... et les parcelles [...] et [...] vendues, le 12 juin 1984, à M. et Mme J..., que ces derniers ont construit une maison à l'arrière de celle qui se trouvait en bordure de rue sur la parcelle [...], que, sur la parcelle [...] située à l'arrière, est exploitée une menuiserie, constructions auxquelles un passage sur le coté des maisons permet l'accès, qu'il n'apparaît pas réaliste de permettre en sus à M. et Mme M... d'utiliser ce même côté et qu'il ne ressort pas des dossiers que l'enclave résulte de la division de la parcelle puisque l'accès à la maison se faisait déjà avant par la ruelle ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la parcelle dont était issu le bien acquis par M. et Mme M... ne disposait pas, avant sa division, d'un accès suffisant à la voie publique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne M. et Mme M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme M... et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme Q... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Q...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, D'AVOIR dit que Monsieur et Madame M... bénéficient d'une servitude de passage dans la ruelle attenante à leur maison et ordonné à Monsieur et Madame Q... d'ôter le portail se trouvant à l'entrée de la ruelle et empêchant son accès ;
AUX MOTIFS QUE selon les articles 682 à 685 du code civil, le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins, un passage suffisant pour assurer la desserte de son fonds ; que le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique mais prioritairement dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ; que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes à moins qu'un passage suffisant ne puisse être établi sur les fonds divisés ; que l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu ; que Monsieur et Madame M... soutiennent que leur maison est enclavée ; que les premiers juges ont estimé que la maison était effectivement enclavée mais que le droit de passage devait être aménagé sur les parcelles [...] ou [...], issues de la division de la parcelle [...] ; que les pièces versées établissent qu'il n'existe aucun accès à la maison à partir de la voie publique, qu'aucune ouverture ne peut être aménagée dès lors qu'à l'emplacement de l'ancienne grange, qui apparait sur le plan de division de la parcelle de Monsieur E..., établi, ou repris d'un ancien plan, le 15 octobre 1979, un mur a été édifié, dont on ne sait pas à quelle date, que les demandeurs ont installé leur salle de bains dans la pièce se trouvant derrière, qu'une ouverture entraînerait la suppression de cette salle de bains ainsi que le déplacement des compteurs d'électricité et de gaz que le mur abrite et qui sont ouverts sur la façade, ce qui entraînerait d'importants travaux et la redistribution des pièces de la maison ; que les demandeur produisent de nombreuses attestations établissant que l'entrée s'est toujours faite par l'accès donnant sur la ruelle, que même dans les années soixante, les enfants passaient par la ruelle pour aller au cours de catéchisme qui avait lieu dans la maison ; que l'acte de vente de la maison aux époux M... indique lui-même que l'accès à la maison se fait par la ruelle ; qu'il existe ainsi une enclave de la maison qui ne peut être imputée aux époux M... ; que le 8 juin 1979, Monsieur E... a divisé la parcelle dont il était propriétaire, cadastrée section [...] en trois parcelles, la parcelle section [...] qu'il vendra à Monsieur et Madame M..., les parcelles même section n° [...] et [...] qu'il vendra le 12 juin 1984 à Monsieur et Madame J... ; que Monsieur et Madame J... ont construit une maison à l'arrière de celle qui se trouvait en bordure de rue sur la parcelle n° [...] ; que cette maison est occupée par des locataires ; que sur la parcelle n° [...] située à l'arrière, est exploitée une menuiserie ; que tant les locataires que la menuiserie utilisent le côté des maisons pour entrer sur les parcelles ; qu'il n'apparaît pas réaliste de permettre à Monsieur et Madame M... d'utiliser le même côté en sus des véhicules de la menuiserie, des locataires de la maison construite et de Monsieur et Madame J... ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas des dossiers que l'enclave résulte de la division de la parcelle puisque l'accès à la maison se faisait déjà avant par la ruelle ; qu'en conséquence, il convient de dire que Monsieur et Madame M... bénéficient d'une servitude de passage sur la ruelle et d'ordonner à Monsieur et Madame Q... d'ôter le portail empêchant l'accès à la ruelle (arrêt attaqué, p. 5-6) ;
1°) ALORS QUE si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange ou d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de cet acte ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté, d'une part, que la parcelle n° [...] vendue aux époux M..., ainsi que les parcelles n° [...] et [...], provenaient de la division de la parcelle n° [...] en date du 8 juin 1979 et, d'autre part, que la parcelle n° [...] disposait d'un accès à la voie publique (arrêt attaqué, p. 5) ; qu'il ne pouvait qu'en être déduit qu'avant d'être divisée en trois lots, la parcelle n° [...] avait un accès à la voie publique qui dessert aujourd'hui la parcelle n° [...], de sorte que l'état d'enclave de la parcelle n° [...] résultait nécessairement de la division de la parcelle n° [...] ; qu'en estimant néanmoins qu'il ne ressortait pas des dossiers que l'enclave résultait de la division de la parcelle, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé, par-là, l'article 684 du code civil ;
2°) ALORS QU' est enclavé le fonds qui n'a aucun accès ou un accès insuffisant à une voie publique ; qu'au cas présent, pour accorder aux époux M... une servitude de passage sur la ruelle appartenant aux époux Q..., la cour d'appel a jugé qu'il ne ressortait pas des dossiers que l'enclave résultait de la division de la parcelle puisque l'accès à la maison se faisait déjà avant par la ruelle, admettant par là implicitement que l'état d'enclave aurait été antérieur à la division de la parcelle n° [...] ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi le passage par la ruelle, qui ne constituait qu'une simple tolérance, aurait démontré l'absence d'accès suffisant à la voie publique sur la parcelle n° [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil ;
3°) ALORS QUE ce n'est qu'à défaut d'un passage suffisant sur les fonds divisés qu'une servitude légale de passage peut être réclamée sur les fonds voisins ; qu'au cas présent, les époux Q... avaient démontré dans leurs conclusions d'appel (p. 5-6) que la parcelle n° [...] disposait d'un accès à la voie publique qui pouvait être emprunté par les propriétaires de la parcelle n° [...] ; qu'en décidant qu'il ne serait pas réaliste de permettre à ces derniers d'utiliser l'accès desservant les parcelles n° [...] et [...], en plus des véhicules de la menuiserie établie sur la parcelle n° [...], des locataires de la maison construite sur la parcelle n° [...] et des propriétaires de cette même parcelle, sans préciser en quoi l'usage de cet accès par plusieurs personnes aurait rendu insuffisant le passage au profit des époux M..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil.