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04/07/2019 | FRANCE | N°17-30969

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 juillet 2019, 17-30969


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 octobre 2017), que, par actes des 23 septembre 1974 et 11 décembre 1981, F... T... , L... T... et M. D... T... (les consorts T... ) ont consenti à H... M... et à son épouse X... un bail rural sur diverses parcelles qu'ils ont apportées à un groupement foncier agricole du Domaine de Saint-Just (le GFA) ; que H... M... est décédé le [...] ; que, par acte du 2 juillet 2001, X... M... et ses enfants, dont Mme U...

nommée gérante, ont constitué l'exploitation agricole à responsabilité lim...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 octobre 2017), que, par actes des 23 septembre 1974 et 11 décembre 1981, F... T... , L... T... et M. D... T... (les consorts T... ) ont consenti à H... M... et à son épouse X... un bail rural sur diverses parcelles qu'ils ont apportées à un groupement foncier agricole du Domaine de Saint-Just (le GFA) ; que H... M... est décédé le [...] ; que, par acte du 2 juillet 2001, X... M... et ses enfants, dont Mme U... nommée gérante, ont constitué l'exploitation agricole à responsabilité limitée de C..., bénéficiaire de la mise à disposition des biens loués (l'EARL) ; que, par deux actes du 1er octobre 2004, comportant cession de parts du GFA et partage partiel, la société Cogefim est devenue attributaire de terres comprises dans l'assiette du bail ; que, par déclaration du 27 novembre 2008, Mme U... et l'EARL ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation des actes du 1er octobre 2004 et indemnisation ; que la société Cogefim a attrait à l'instance L... T... et M. F... L... T... ; que L... T... , décédé le [...] , a laissé pour lui succéder son conjoint et leur fils, M. F... L... T... ; que Mme T... et la société HSBC Real Estate Leasing (HSBC), acquéreur des parcelles louées, sont intervenues à l'instance ;

Attendu que Mme U... et l'EARL font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes irrecevables ;

Mais attendu, d'une part, que le moyen, en ce qu'il soutient que le preneur est recevable à intenter une action en nullité contre un acte autre qu'une vente passé en fraude à son droit de préemption dans un délai de cinq ans à compter de la date où il a eu connaissance de l'existence de l'acte est contraire aux écritures soutenues en appel et sollicitant, sur le fondement de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, l'annulation de la vente réalisée par le GFA au profit de la société Cogefim ;

Attendu, d'autre part, que les demanderesses à la nullité n'ayant discuté devant la cour d'appel ni la date à laquelle elles avaient eu connaissance des actes contestés, ni la portée de l'information à laquelle leur avocat avait lui-même accédé en obtenant la communication de ces pièces, le moyen est sur ce point nouveau, mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme U... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée de C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme U... et la société de C....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Mme V... U... et l'Earl C... , prise en la personne de son représentant légal, irrecevables en leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE la forclusion étant le premier moyen d'irrecevabilité soulevé par les intimés devant la cour, il y a lieu de statuer en premier lieu sur cette fin de non-recevoir ; que sur la forclusion de la demande de Mme V... M... épouse U... et de l'Earl C... ; que l'alinéa 3 de l'article L.412-12 du code rural dispose qu' « au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section (section première : droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux des biens ruraux), le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ; qu'il est stipulé à l'acte de partage partiel du GFA du Domaine de Saint-Just, d'attribution de biens immobiliers et de retrait consenti le 1er octobre 2004 après que la société Cogefim par un acte du même a acquis de L... T... et de M. D... T... , 44.000 parts d'intérêts du GFA du Domaine de Saint-Just que « les attributaires auront la pleine propriété des biens et droits à compter de ce jour dans l'état où ils se trouvent et en auront la jouissance (...). » ; « les attributaires seront purement et simplement subrogés dans les droits, actions et recours résultant de la propriété des immeubles attribués » ; « les attributaires supporteront et acquitteront tous impôts, contributions, loyers et taxes, primes d'assurances et généralement toutes charges quelconques ou pouvant grever les biens et droits attribués relativement à leur propriété, leur détention ou leur exploitation » ; qu'il résulte ainsi que l'acte de partage partiel du GFA et d'attribution de biens immobiliers à la GFA du domaine de Saint-Just et d'annulation de ses parts d'intérêts a opéré un transfert de propriété au profit de la société Cogefim ; que ce transfert de propriété et le caractère onéreux attaché à l'acte de cession des parts d'intérêts du GFA, leur prix ayant été fixé par l'acte de cession à hauteur de 3.494.800 €, ces actes constituent réunis une aliénation à titre onéreux pour laquelle est prévue par la section précitée du code rural un droit de préemption au bénéfice du preneur exploitant ; qu'il n'est pas contesté que le GFA du Domaine de Saint-Just alors bailleur des terres données à bail n'a pas rempli son devoir d'information dans les formes et conditions prévues à l'article L.412-8 du code rural ; que la seule mention figurant à l'acte de partage partiel du GFA et d'attribution de biens immobiliers « fax reçu le 13 février 2006 » est insuffisante à établir que Mme V... M... épouse U... et l'Earl C... qui exercent l'action prévue à l'article L.412-12 ont eu connaissance de la vente intervenue, laquelle vente supposait comme il vient d'être dit la réunion des deux actes reçus le 1er octobre 2004 et donc la connaissance de chacun d'eux ; que n'ayant pas été démenti par les appelantes que cette date du 13 février 2006 figurant sur la copie qu'elle verse aux débats de l'acte de partage partiel du GFA et d'attribution de biens immobiliers et d'annulation de parts correspond à la date de réception du courriel adressant à leur conseil ce document, ce fait est tenu pour avéré ; c'est à la date du 16 octobre 2006, le cachet du conservateur faisant foi, qu'a été adressée au conseil des appelantes une copie de l'acte de cession des parts d'intérêts du GFA du domaine de Saint-Just ; qu'après la réception de l'envoi par le service des hypothèques de ce courrier, les appelantes avaient donc connaissance de la vente intervenue à leur insu ; que le point de départ du délai de forclusion fixé à la date où la vente est connue du preneur permet de tenir compte de la possibilité d'une dissimulation frauduleuse de la vente dans la volonté de faire échec au droit de préemption du preneur ; qu'or, c'est la dissimulation de la vente qui est de nature à empêcher l'exercice de l'action en nullité sur le fondement de l'article L.412-12 du code rural ; dès lors, le principe selon lequel la fraude corrompt tout ne saurait avoir pour effet d'étendre les effets de la sanction de la fraude en faisant reporter la date du point de départ du délai de forclusion prévu à l'article L.411-12 du code rural après la date où le titulaire du droit de préemption a eu connaissance de la vente intervenue : qu'en conséquence les éléments avancés par les appelantes de nature selon elle à caractériser l'existence d'une fraude qu'il s'agisse de la résiliation du bail consécutive à la vente du 1er octobre 2004, du défaut de publicité légale au registre du commerce et des société de la modification du montant du capital social du GFA du domaine de Saint-Just en vertu des actes du 1er octobre 2004 et du changement du lieu de son siège social, de l'appel des fermages et l'encaissement des fermages payés par l'Earl C... , de la connaissance supposée du bailleur de ce que Mme V... M... épouse U... était la seule associée exploitante de l'Earl C... et de l'autorisation préfectorale obtenue par Mme V... C... épouse U... pour exploiter les terres données à bail sont donc sans effet sur la date du commencement du cours du délai de forclusion ; que l'action devant le tribunal paritaire des baux ruraux introduite plus de deux ans après que les appelantes aient eu connaissance de la vente intervenue par l'envoi par le service des hypothèques de l'acte de cession des parts d'intérêts du GFA du domaine de Saint-Just est par conséquent atteinte par la forclusion prévue à l'article L.412-12 du code rural ; que l'action de Mme V... C... épouse U... et de l'Earl C... étant forclose, il n'y a pas lieu d'examiner les autres fins de recevoir soulevées par les intimées et les moyens de fond invoqués par les parties. De même, les demandes principales des intimées étant accueillies, il n'y a pas lieu de statuer sur leurs demandes subsidiaires ; que la cour substituant au motif de fin de non-recevoir retenue par le tribunal paritaire des baux ruraux tirée du défaut de qualité à agir, celui de la forclusion, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de Mme V... C... épouse U... et de l'Earl C... irrecevable et en toutes ses autres dispositions à l'exception du chef du dispositif ayant débouté les appelantes de l'intégralité de leurs demandes, la décision de débouter supposant un examen au fond qui a été empêchée par l'accueil de la fin de non-recevoir ;

1) ALORS QUE le preneur à bail rural est recevable à intenter une action en nullité contre un acte, autre qu'une vente, passé en fraude à son droit de préemption, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'existence de l'acte en cause ; qu'en l'espèce, V... U... et l'Earl C... ont, par requête du 27 novembre 2008, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Senlis d'une demande en nullité des actes de cession par MM. T... de 44.000 parts sociales du GFA du domaine de Saint Just au profit de la société Cogefim, de partage partiel du GFA et d'attribution au profit de la société Cogefim avec annulation corrélative des parts acquises par la société Cogefim, conclus le 1er octobre 2004 en fraude à leur droit de préemption ; qu'en déclarant cette action irrecevable motif pris qu'elle avait été introduite plus de deux ans après que V... U... et l'Earl C... avaient eu connaissance des actes en cause, la cour d'appel a violé les articles L. 412-1 et L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, les articles 1304 ancien et 2224 du code civil, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

2) ALORS en toute hypothèse QUE le délai imparti au preneur à bail pour agir en nullité d'une vente déguisée sous un autre acte court à compter du jour où il a eu connaissance que l'acte apparent dissimulait, en réalité, une vente conclue en fraude à son droit de préemption ; qu'en affirmant que l'action en nullité devant le tribunal paritaire des baux ruraux introduite plus de deux ans après que Mme U... et l'Earl C... ont eu connaissance de la vente intervenue par l'envoi par le service des hypothèques de l'acte de cession des parts d'intérêts du GFA du Domaine de Saint-Just, quand seule la date à laquelle les preneurs à bail avaient eu connaissance du fait que la réunion des actes intervenus le 1er octobre 2004 opérait en réalité une aliénation à titre onéreux soumise au droit de préemption pouvait constituer le point de départ du délai de forclusion de six mois, la cour d'appel a violé les articles L. 412-1 et L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS QUE la connaissance d'un acte par un avocat dans le cadre de l'exercice de son mandat ad litem, ne suffit pas à établir que son mandant en a eu personnellement connaissance ; qu'en se bornant à retenir qu'après la réception de l'envoi le 16 octobre 2006 par le service des hypothèques de la copie de l'acte de cession des parts d'intérêts du GFA du Domaine de Saint-Just par l'avocat de Mme U... et de l'Earl C... , ces dernières avaient eu connaissance de la vente intervenue à leur insu, pour en déduire que l'action en nullité devant le tribunal paritaire des baux ruraux introduite plus de deux ans après cette date était forclose, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que Mme U... et l'Earl C... avait eu personnellement connaissance des actes litigieux au plus tard le 16 octobre 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-1 et L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-30969
Date de la décision : 04/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 jui. 2019, pourvoi n°17-30969


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Ohl et Vexliard, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.30969
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