La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2019 | FRANCE | N°17-31793

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2019, 17-31793


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., engagé à compter du 4 avril 2008 en qualité de vice président par la société Solving droit, aux droits de laquelle vient la société Efeso Consulting France, a saisi le 23 février 2010 la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a été licencié pour faute grave le 28 avril 2010 ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas li

eu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., engagé à compter du 4 avril 2008 en qualité de vice président par la société Solving droit, aux droits de laquelle vient la société Efeso Consulting France, a saisi le 23 février 2010 la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a été licencié pour faute grave le 28 avril 2010 ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul et de nul effet le licenciement et d'ordonner la réintégration du salarié alors, selon le moyen :

1°/ que la simple référence dans la lettre de licenciement à l'action en justice d'un salarié n'est pas une cause de nullité dès lors qu'il apparaît que cette action n'était pas le motif de la rupture ; qu'aux termes des dispositions claires et précises de la lettre de notification du licenciement du 28 avril 2010, le salarié, vice-président de l'entreprise, avait été licencié en raison de sa gestion désastreuse du compte Bombardier, de l'utilisation à plusieurs reprises de la carte de crédit corporate dans des conditions non conformes aux procédures de contrôle interne, de défauts de reporting et de son attitude systématiquement contestataire et polémique ; que si la lettre mentionnait, dans le cadre de ce dernier grief, l'action en résiliation judiciaire qu'il avait auparavant engagée, elle ne lui en faisait pas le reproche mais l'évoquait uniquement comme une simple circonstance de fait illustrant le contexte de la rupture ; qu'en affirmant néanmoins, pour prononcer la nullité du licenciement, qu'il ressortait de cette lettre que la rupture aurait été motivée par la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel en a dénaturé les termes et a violé en conséquence l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que ni la concomitance entre le licenciement et l'action en justice engagée par le salarié contre son employeur, ni la mention dans la lettre de rupture de cette action ne suffisent à prononcer la nullité du licenciement ; que l'employeur doit pouvoir établir que sa décision est bien justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir ; qu'en se bornant à affirmer, pour prononcer la nullité du licenciement, qu'au vu de la lettre de rupture, le licenciement aurait été motivé par la saisine de la juridiction prud'homale, sans rechercher si cette décision était réellement motivée par l'action engagée par le salarié ou si elle ne se justifiait pas par les quatre griefs invoqués dans la lettre de rupture dont l'employeur avait démontré la réalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant constaté, sans commettre la dénaturation alléguée, que la lettre de licenciement énonçait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d'appel, sans avoir à procéder à une recherche que cette constatation rendait inopérante, en a exactement déduit que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse engagée par l'intéressé était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche :

Vu l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Attendu qu'il résulte de ces textes qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; que le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d'agir en justice, a ordonné que soient déduites du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et celle du prononcé de l'arrêt, les sommes perçues à titre de revenus de remplacement sur cette période ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal auxquels le salarié a déclaré renoncer et sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 449 125 euros la condamnation de la société Efeso Consulting France au titre de la rémunération revenant à M. T... entre le 28 avril 2010 et le 8 novembre 2017 et en ce qu'il dit y avoir lieu à déduire des sommes à revenir à M. T... les revenus de remplacement perçus par lui au cours de l'année 2017, l'arrêt rendu le 8 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Efeso Consulting France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Efeso Consulting France à payer à M. T... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. T....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité la condamnation de la société Efeso Consulting France à la somme de 449 125 euros au titre de la rémunération revenant à M. F... T... sur la période du 28 avril 2010 jusqu'à la date de l'arrêt, sauf à parfaire en déduisant les revenus de remplacement qu'il aurait perçus sur l'année 2017, avec intérêts au taux légal partant du 25 février 2010 ;

AUX MOTIFS QU'après que M. F... T... ait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 février 2010 de diverses demandes dont celle aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'intimée pour modification unilatérale de celui-ci sans son accord préalable et harcèlement moral, la société Efeso Consulting France l'a convoqué le 6 avril 2010 à un entretien préalable prévu le 16 avril, et lui a notifié le 28 avril 2010 son licenciement pour faute grave comportant notamment la motivation suivante : «... A ce premier grief d'une particulière gravité concernant la gestion du compte Bombardier Transport s'ajoutent plusieurs manifestations de comportement problématique de votre part, indignes du poste de vice-président qui est le vôtre
; Emergence d'une attitude systématiquement contestataire et polémique consistant à tenter de faire croire que les demandes de reporting parfaitement justifiées de votre hiérarchie, concernant plus spécialement le compte Bombardier Transport se seraient inscrites dans une prétendue stratégie délibérée de déstabilisation à votre endroit et de minimisation de vos résultats, vous autorisant à présenter une demande de résiliation judiciaire de votre contrat de travail (votre lettre du 17 février 2010)... » ; qu'à l'audience des débats devant la cour, M. F... T... se désiste de sa demande de résiliation judiciaire introduite devant le juge prud'homal avant la notification de la rupture unilatérale de son contrat de travail à l'initiative de l'employeur, cela même pour ne plus porter désormais sa contestation que sur son licenciement pour faute grave qu'il considère comme étant frappé de nullité, dès lors que l'un des griefs retenus (« vous autorisant à présenter une demande de résiliation judiciaire de votre contrat de travail... ») est constitutif d'une atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale de nature à entraîner à elle seule la nullité de son licenciement pour motif disciplinaire ; que la société Efeso Consulting France répond sur ce point que l'action prud'homale introduite par le salarié n'est pas la cause de son licenciement ; qu'en l'espèce la lettre de licenciement ne fait pas de l'action en justice intentée par M. F... T... - sa demande de résiliation judiciaire - une cause de licenciement « en tant que telle », que le principal motif pour justifier ce licenciement pour faute grave est le non-respect par l'appelant des procédures de confirmation de commandes du client Bombardier Transport, que ce même licenciement est motivé par son attitude systématiquement contraire et polémique - dont la saisine du juge prud'homal n'est qu'un effet - et non cette saisine en elle-même, et que le salarié a agi de mauvaise foi dans l'exercice de son droit d'ester en justice ; que contrairement à ce que soutient l'intimée, la lettre de licenciement du 28 avril 2010 est motivée notamment parce que M. F... T... a deux mois auparavant saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ce qui s'analyse de fait en une mesure de rétorsion à son action en justice, pareille réaction patronale étant constitutive en tant que telle d'une atteinte à une liberté fondamentale garantie par l'article 6 § 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, outre le fait qu'il n'apparaît pas, malgré ce que prétend l'intimée, que ce dernier ait agi de « mauvaise foi » ou, plus généralement, avec abus dans l'exercice de son libre droit d'ester en justice ; qu'infirmant le jugement critiqué, il convient en conséquence de dire nul et de nul effet le licenciement pour faute grave de l'appelant dont la réintégration au sein de l'entreprise, qui n'est pas matériellement impossible, sera ordonnée puisqu'il la sollicite ; que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement des rémunérations dues entre la date de notification de son licenciement illicite et celle de sa réintégration effective, déduction à faire des revenus de remplacement qu'il a éventuellement perçus sur cette même période, dès lors que la nullité du licenciement n'a pas pour effet de le priver rétroactivement du droit aux prestations de l'assurance chômage qu'il a pu percevoir pendant la période d'éviction ; que contrairement à ce que prétend M. F... T... pour la détermination de l'assiette devant servir au calcul de l'indemnisation à laquelle il est en droit de prétendre ensuite de la nullité de son licenciement et de sa réintégration au sein de l'entreprise, comme rappelé à bon droit par l'intimée, il ne peut être retenu que la rémunération de base à concurrence de la somme de 120 000 euros annuels (10 000 euros bruts mensuels x 12) hors éléments au titre de la part variable qui devait être renégociée entre les parties après 2009 s'agissant de ses conditions d'obtention ; qu'après infirmation du jugement entrepris, sur la période dite d'éviction à retenir entre le 28 avril 2010, date de notification du licenciement pour faute grave, et le 8 novembre 2017, date du présent arrêt, M. F... T... est en droit de prétendre au titre de la rémunération attendue la somme de 900 000 euros ([120 000 Euros x 7 années du 28 avril 2010 au 28 avril 2017 = 840 000 euros] + [10 000 euros x 6 mois pleins du 28 avril au 28 octobre 2017 = 60 000 euros]) ; que de cette somme revenant ainsi à M. F... T..., il y a lieu nécessairement de déduire les sommes qu'il a perçues au titre des revenus de remplacement, pour un total non discuté dans son quantum de 450 875 euros sur la période 2010/2016 - pièces 94 à 100 de l'employeur ; que pour l'ensemble de ces raisons, la société Efeso Consulting France sera en conséquence condamnée à payer à l'appelant la somme de ce chef de 449 125 euros (900 000 euros - 450 875 euros), sauf à parfaire s'agissant des revenus de remplacement de l'année 2017 qui seront eux-mêmes à déduire, avec intérêts au taux légal partant du 25 février 2010, date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation, intérêts dont il sera par ailleurs ordonné la capitalisation ;

ALORS QUE, d'une part, le licenciement d'un salarié prononcé en raison de l'action en justice qu'il a engagée à l'encontre de son employeur est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale protégée par la Convention européenne ; que le licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale justifie l'absence de déduction des revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration ; qu'ayant constaté que le licenciement prononcé le 28 avril 2010 l'avait été en réaction à l'action en justice engagée par M. F... T..., ce qui s'analysait de fait en une mesure de rétorsion à son action en justice, la cour d'appel a néanmoins décidé que devaient être déduits de la somme lui revenant au titre des rémunérations dues entre la notification de son licenciement et celle de sa réintégration effective, les revenus de remplacement qu'il a éventuellement perçus sur cette même période ; qu'en statuant ainsi, la Cour a violé les articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1132-4 du code du travail et l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

ALORS QUE, d'autre part, le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; que lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d'accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères fixés au contrat et des accords conclus expressément ou implicitement les années précédentes par les parties ou des éléments de la cause ; qu'en refusant de prendre en considération la partie variable de la rémunération pour le calcul de l'indemnisation du salarié pour la période d'éviction, cependant qu'elle avait constaté que cette partie variable devait être renégociée entre les parties après 2009 s'agissant de ses conditions d'obtention et qu'aucune négociation n'était intervenue, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Efeso Consulting France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à péremption d'instance ;

AUX MOTIFS QUE « sur la péremption d'instance : par une ordonnance du 27 janvier 2014, notifiée le lendemain 28 janvier, la cour a radié la présente affaire de son rôle avec un rétablissement sous condition de la production du bordereau de communication de pièces, ainsi que de la présentation d'un exposé écrit des demandes de l'appelant et de ses moyens ou de la partie la plus diligente ;
Qu'aux termes d'une correspondance datée du 25 janvier 2016 et reçue au greffe de la cour le 27 janvier, M. T... a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle de la juridiction, cela en y annexant, d'une part, un mémoire au soutien de la défense de ses intérêts et, d'autre part, la liste de ses pièces comme exigé – pièce sous cote n° 50 ;
Que M. T... ayant pleinement satisfait aux diligences de la cour en vue du rétablissement de la présente affaire, dans le respect du délai de deux ans que prévoit l'article R.1452-8 du code du travail alors applicable, il y a lieu en conséquence de rejeter le moyen de la SA Efeso Consulting France tiré de la péremption d'instance ».

1/ ALORS QU'aux termes de l'article R.1452-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que l'ordonnance du 27 janvier 2014 qui, constatant que M. T... n'avait pas conclu, ni fait connaître qu'il voulait s'expliquer oralement, avait ordonné la radiation du rôle, avait prévu que l'affaire pourrait être rétablie après production du bordereau de communication des pièces et d'un exposé écrit des demandes de l'appelant et de ses moyens ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen soulevé par la société Efeso consulting tiré de la péremption d'instance, qu'en sollicitant le rétablissement de l'affaire, M. T... avait produit un mémoire au soutien de la défense de ses intérêts quand le document de deux pages communiqué se bornait à exposer le contexte de la demande de rétablissement et à exposer le contexte de la mission du salarié et ne formulait donc ni demandes, ni moyens, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

2/ ALORS, à tout le moins, QU'en énonçant que ce document constituait un « mémoire » au sens de l'article R 1452-8 du Code du travail, la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ;

3/ ALORS QUE l'ordonnance du 27 janvier 2014 qui, constatant que M. T... n'avait pas conclu, ni fait connaître qu'il voulait s'expliquer oralement, avait ordonné la radiation du rôle, avait prévu que l'affaire pourrait être rétablie après production du bordereau de communication des pièces et d'un exposé écrit des demandes de l'appelant et de ses moyens ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen soulevé par la société Efeso consulting tiré de la péremption d'instance, qu'en sollicitant le rétablissement de l'affaire, M. T... avait produit la liste de ses pièces, quand le bordereau était partiel puisqu'il ne mentionnait que six documents (n° 0 à 4.2) et qu'il a attendu ensuite le mois de juillet 2017, soit 18 mois plus tard, pour produire une cinquantaine de pièces, la cour d'appel a encore violé l'article susvisé ;

4/ ALORS QUE pour établir le caractère partiel de la communication des moyens et de la production de pièces effectuées par M. T... le 24 janvier 2016, la société Efeso consulting avait rappelé (conclusions en appel, p. 8) que le défaut de diligences complètes de sa part avait précisément conduit à un renvoi de l'affaire à une audience de mise en état du 11 avril 2016 au cours de laquelle M. T... avait été invité à communiquer ses pièces et moyens de droit pour le 3 juin 2016 au plus tard – ce qu'il n'a au demeurant pas fait - ; qu'en refusant de prononcer la péremption de l'instance sans répondre au moyen des écritures de la société tiré de ce que la demande ainsi formulée lors de l'audience ultérieure de mise en état démontrait qu'il n'avait pas auparavant accompli l'intégralité des diligences mises à charge par l'ordonnance de radiation du 27 janvier 2014 dans le délai qui lui avait été imparti, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit et jugé nul et de nul effet le licenciement pour faute grave notifié à M. T... le 28 avril 2010, d'avoir ordonné sa réintégration au sein de la société Efeso consulting et d'avoir condamné cette dernière à lui verser les sommes de 449 125 € au titre de la rémunération sur la période du 28 avril 2010 au présent arrêt, sauf à parfaire en déduisant les revenus de remplacement qu'il aura perçus sur l'année 2017, et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement : après que M. T... ait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 février 2010 de diverses demandes dont celle aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'intimée pour modification unilatérale de celui-ci sans son accord préalable et harcèlement moral, la Sa Efeso Consulting France l'a convoqué le 6 avril 2010 à un entretien préalable prévu le 16 avril, et lui a notifié le 28 avril 2010 son licenciement pour faute grave comportant notamment la motivation suivante : "A ce premier grief d'une particulière gravité concernant la gestion du compte Bombardier Transport, s'ajoutent plusieurs manifestations de comportement problématique de votre part, indignes du poste de vice-président qui est le vôtre : (
) Emergence d'une attitude systématiquement contestataire et polémique consistant à tenter de faire croire que les demandes de reporting parfaitement justifiées de votre hiérarchie, concernant plus spécialement le compte Bombardier Transport, se seraient inscrites dans une prétendue stratégie délibérée de déstabilisation à votre endroit et de minimisation de vos résultats, vous autorisant à présenter une demande de résiliation judiciaire de votre contrat de travail (votre lettre du 17 février 2010) (
)" ;
Qu'à l'audience des débats devant la cour, M. T... se désiste de sa demande de résiliation judiciaire introduite devant le juge prud'homal avant la notification de la rupture unilatérale de son contrat de travail à l'initiative de l'employeur, cela même pour ne plus porter désormais sa contestation que sur son licenciement pour faute grave qu'il considère comme étant frappé de nullité, dès lors que l'un des griefs retenus ("vous autorisant à présenter une demande de résiliation judiciaire de votre contrat de travail") est constitutif d'une atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale de nature à entraîner à elle seule la nullité de son licenciement pour motif disciplinaire ;
Que la Sa Efeso Consulting France répond sur ce point que l'action prud'homale introduite par le salarié n'est pas la cause de son licenciement, qu'en l'espèce la lettre de licenciement ne fait pas de l'action en justice intentée par M. T... – sa demande de résiliation judiciaire – une cause de licenciement "en tant que telle", que le principal motif pour justifier ce licenciement pour faute grave est le non-respect par l'appelant des procédures de confirmation de commandes du client Bombardier Transport, que ce même licenciement est motivé par son attitude systématiquement contraire et polémique – dont la saisine du juge prud'homal n'est qu'un effet – et non cette saisine en elle-même, et que le salarié a agi de mauvaise foi dans l'exercice de son droit d'ester en justice ;
Que contrairement à ce que soutient l'intimée, la lettre de licenciement du 28 avril 2010 est motivée notamment parce que M. T... a deux mois auparavant saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ce qui s'analyse de fait en une mesure de rétorsion à son action en justice, pareille réaction patronale étant constitutive en tant que telle d'une atteinte à une liberté fondamentale garantie par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, outre le fait qu'il n'apparaît pas, malgré ce que prétend l'intimée, que ce dernier ait agi de "mauvaise foi" ou, plus généralement, avec abus dans l'exercice de son libre droit d'ester en justice ;
Qu'infirmant le jugement critiqué, il convient en conséquence de dire nul et de nul effet le licenciement pour faute grave de l'appelant dont la réintégration au sein de l'entreprise, qui n'est pas matériellement impossible, sera ordonnée puisqu'il la sollicite ».

1/ ALORS QUE la simple référence dans la lettre de licenciement à l'action en justice d'un salarié n'est pas une cause de nullité dès lors qu'il apparaît que cette action n'était pas le motif de la rupture ; qu'aux termes des dispositions claires et précises de la lettre de notification du licenciement du 28 avril 2010, M. T..., vice-président de l'entreprise, avait été licencié en raison de sa gestion désastreuse du compte Bombardier, de l'utilisation à plusieurs reprises de la carte de crédit corporate dans des conditions non conformes aux procédures de contrôle interne, de défauts de reporting et de son attitude systématiquement contestataire et polémique ; que si la lettre mentionnait, dans le cadre de ce dernier grief, l'action en résiliation judiciaire qu'il avait auparavant engagée, elle ne lui en faisait pas le reproche mais l'évoquait uniquement comme une simple circonstance de fait illustrant le contexte de la rupture ; qu'en affirmant néanmoins, pour prononcer la nullité du licenciement, qu'il ressortait de cette lettre que la rupture aurait été motivée par la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel en a dénaturé les termes et a violé en conséquence l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

2/ ALORS QUE (subsidiairement) ni la concomitance entre le licenciement et l'action en justice engagée par le salarié contre son employeur, ni la mention dans la lettre de rupture de cette action ne suffisent à prononcer la nullité du licenciement ; que l'employeur doit pouvoir établir que sa décision est bien justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir ; qu'en se bornant à affirmer, pour prononcer la nullité du licenciement, qu'au vu de la lettre de rupture, le licenciement aurait été motivé par la saisine de la juridiction prud'homale, sans rechercher si cette décision était réellement motivée par l'action engagée par le salarié ou si elle ne se justifiait pas par les quatre griefs invoqués dans la lettre de rupture dont l'employeur avait démontré la réalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1121-1 du code du travail et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31793
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2019, pourvoi n°17-31793


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31793
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award