LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société EM2C construction Sud-Est, la société AJ partenaires, en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cette société, et la société MJ synergies, en qualité de mandataire judiciaire de cette même société, que sur le pourvoi incident relevé par la société Atelier 4 + ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 janvier 2017), que par contrat du 30 mai 2005, la société ND B Logistica Romania (la société Logistica) a confié à la société EM2C construction Sud Est (la société EM2C) la rénovation d'un bâtiment existant et la construction clé en main d'un ensemble immobilier à usage de bureaux et d'entrepôt à Arad, en Roumanie ; que des désordres étant apparus postérieurement à la réception de l'ouvrage, la société Logistica a assigné la société EM2C en responsabilité, laquelle a demandé une expertise judiciaire et appelé en garantie les sous-traitants intervenus sur le chantier ; que la société EM2C ayant été placée sous sauvegarde, la société AJ Partenaires, désignée administrateur judiciaire puis commissaire à l'exécution du plan, et la société MJ Synergie, désignée mandataire judiciaire, sont intervenues à l'instance ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, la société EM2C a appelé en cause la société Atelier4+ en qualité de maître d'oeuvre ; que l'assureur de celle-ci, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, est intervenu volontairement à la procédure ;
Attendu que la société EM2C et les sociétés AJ Partenaires et MJ Synergie, ès qualités, font grief à l'arrêt de faire droit aux demandes de la société Logistica au titre de la non-conformité du sprinklage et de l'emplacement du poteau litigieux, de fixer à ce titre la créance de celle-ci à la somme de 557 591,10 euros et de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner la société ATELIER 4+ et son assureur Covea Risks, in solidum, à relever et garantir la société EM2C de toute fixation et inscription d'une créance à son passif alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, le contrat de contractant général établi le 30 mai 2005 – qui, selon son article 1.1, prévaut sur les autres documents en cas de contradiction – impose à titre principal au contractant général en son article 2.1 une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie et ajoute en son article 2.4.2 que l'exécution des travaux est soumise aux normes françaises et roumaines et qu'en cas de contradiction, les normes les plus contraignantes doivent être respectées ; qu'en affirmant péremptoirement que la société EM2C devait respecter la norme française NFPA 13 sauf à démontrer que la norme roumaine était plus contraignante quand le contrat de contractant général du 30 mai 2005 prévoyait pourtant l'application des normes roumaines à titre principal sauf à démontrer que la norme française était plus contraignante, la cour d'appel a dénaturé les clauses et précises du contrat, violant par là-même l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait pas constater, d'une part, que le contrat de contractant général du 30 mai 2005 stipulait que ses dispositions prévalaient sur les autres documents en cas de contradiction et prévoyait en son article 2.4.2 une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie pour en déduire, d'autre part, que la norme française NFPA 13 s'imposait, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, le contrat de contractant général établi le 30 mai 2005, qui prévaut sur les autres documents en cas de contradiction conformément aux dispositions de son article 1.1, impose au contractant général en son article 2.1 une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie et ajoute en son article 2.4.2 que l'exécution des travaux est soumise aux normes françaises et roumaines et qu'en cas de contradiction, les normes les plus contraignantes doivent être respectées ; que la cour d'appel en a déduit que la société EM2C devait respecter la norme française NFPA 13 ; qu'en se prononçant ainsi sans expliquer en quoi la norme française était plus contraignante que la norme roumaine, applicable à titre principal, la cour d'appel, qui est partie d'un postulat non justifié selon lequel la norme française NFPA 13/20 était la plus contraignante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, d'un côté, que l'article 2.1 du contrat général du 30 mai 2005 prévoyait une obligation de conformité des travaux aux normes roumaines, l'article 2.4.2 stipulant que l'exécution des travaux était soumise aux normes françaises et roumaines, et qu'en cas de contradiction, les normes les plus contraignantes devaient être respectées et, de l'autre, que le cahier des charges établi par la société ATELIER 4+ prévoyait que l'installation des sprinklers devait être réalisée selon la norme NFPA 13, et que la société EM2C, qui n'avait jamais contesté la nécessité de la conformité de l'installation en cause à cette norme ni fait état de difficultés sur la nature des travaux permettant d'y répondre, en avait, au contraire, exigé le respect de la part de son sous-traitant, c'est par une recherche de la commune intention des parties, exempte de dénaturation des termes du contrat, que la cour d'appel a retenu que la société EM2C avait l'obligation de livrer une installation conforme à la norme NFPA 13 et ne pouvait se libérer de cette obligation qu'en établissant que la norme roumaine était plus contraignante que la norme NFPA 1 3, ce qu'elle ne faisait pas ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société EM2C construction Sud-Est et les sociétés AJ Partenaires et MJ Synergie, en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire de la première, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Atelier 4 + la somme globale de 3 000 euros d'une part, et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, d'autre part, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les sociétés EM2C construction Sud-Est, AJ partenaires, en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société EM2C construction Sud-Est et MJ synergies, en qualité de mandataire judiciaire de la société EM2C construction Sud-Est
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement infirmatif de ce chef, d'avoir fait droit aux demandes de la société ND B LOGISTICA au titre de la non-conformité du sprinklage et de l'emplacement du poteau litigieux, d'avoir à ce titre fixé la créance de la société ND B LOGISTICA au passif de la société EM2C à la somme de 557.591,10 € HT et d'avoir débouté la société EM2C et les organes de la procédure de leurs demandes tendant à voir condamner la société ATELIER 4+ et son assureur COVEARISK, in solidum, à relever et garantir la société EM2C de toute fixation et inscription d'une créance à son passif ;
Aux motifs que :
« 3/ Sur le sprinklage
Le cahier des charges établi par la société ATELIER 4+ et modifié en dernier lieu le 16 mai 2005, prévoyait que l'installation des sprinklers devaient être réalisée selon la norme NFPA 13.
Le contrat de contractant général établit postérieurement le 30 mai 2015, et qui prévaut sur les autres documents en cas de contradiction conformément aux dispositions 1.1 dudit contrat, impose au contractant général une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie. Il est ainsi notamment précisé : « le contractant général s'engage à se conformer à la législation roumaine en vigueur (information, audit,...) et aux exigences des autorités administratives compétentes, ainsi qu'à effectuer toutes les études, contrôles, a consulté tout organisme ou administration, bureau de contrôle, etc. ... et à requérir toutes les autorisations, nécessaires ou imposées par les autorités roumaines compétentes.
Outre les dispositions du présent contrat, le contractant général fera donc le nécessaire dans le cas où d'autres exigences des autorités administratives roumaines seront requises. »
L'article 2.4.2 du même contrat, rappelant que l'exécution des travaux est soumise aux normes françaises et roumaines, précise que : « les normes les plus contraignantes, entre les normes françaises et roumaines, doivent être respectés. »
S'il en résulte que le respect de la norme française n'était pas suffisant, et que la société EM2C devait s'assurer de la conformité des installations à la législation roumaine pour que le bâtiment puisse obtenir les autorisations requises à son exploitation, cette exigence ne remet pas en cause les dispositions contractuelles imposant le respect de la norme NFPA 13.
La société EM2C qui n'a jamais fait état de difficultés sur la nature des travaux permettant le respect de cette exigence, n'a jamais contesté par ailleurs la nécessité de la conformité de l'installation des sprinklers à la norme NFPA 13. Elle a, au contraire, exigé de son sous-traitant, la société SOFITEC, le respect de cette norme.
Aux termes du compte rendu de chantier du 27 juillet 2006, il était mentionné : « les propositions techniques de SOFITEC relative à la pose d'une tôle sous les pannes sont refusées par l'expert. Il est demandé à la société SOFITEC d'appliquer immédiatement les corrections sur l'ensemble des points de non-conformité avec la norme NFP à savoir en urgence, la mise en place de raidisseurs secondaires pour le support des conduites, revoir le plan d'implantation des têtes sprinklers. Ces plans sont à fournir en urgence pour analyser les conséquences techniques sur le cheminement des installations électriques. »
Cette exigence était rappelée dans les mêmes termes dans le compte rendu de chantier du 03 août 2006.
Le compte rendu du 07 septembre 2006 rappelait en outre en caractères gras : « rappel : toutes les installations du réseau sprinkler et les équipements doivent être réalisés conformément à la norme NFP A (voir contrat). »
Si aucun rappel n'a été effectué dans les comptes-rendus postérieurs et si la société SOFITEC IMPEX a affirmé en décembre 2006 et en avril 2007 que son installation était à la fois conforme aux normes roumaines et à la norme NFPA-13, il n'est désormais plus contestable que l'installation réalisée par la société SOFITEC IMPEX n'est pas conforme à la norme litigieuse.
La société EM2C qui avait l'obligation de livrer une installation conforme à cette norme, ne peut se libérer de cette obligation de résultat qu'en établissant que la norme roumaine est plus contraignante que cette dernière.
Or, aucun des éléments versés aux débats ne permet de retenir une telle affirmation.
Il convient donc, retenant le chiffrage non contesté, fût-ce à titre subsidiaire, des travaux nécessaires à la remise aux normes de l'installation, de fixer la créance de la société ND B LOGISTICA à l'encontre de la société EM2C à la somme de 525.000 € HT.
Les documents contractuels établis entre la société EM2C et la société SOFITEC IMPEX, les comptes-rendus de chantier et les constatations de l'expert établissent que la société SOFITEC IMPEX qui avait obligation de réaliser une installation conforme à la norme NFPA 13/20, a manqué gravement à ses obligations contractuelles à l'encontre de la société EM2C.
L'absence de précisions dans le cahier des charges sur la nature des travaux à effectuer pour satisfaire aux exigences de la norme NFPA 13/20 n'est pas de nature à exonérer la société EM2C de sa responsabilité ni à engager la responsabilité de la société ATELIER 4+ qui n'avait aucune mission au stade de l'exécution des travaux litigieux.
Les constatations de l'expert et les demandes réitérées adressées à son sous-traitant par la société EM2C qui n'a jamais fait état de difficultés sur la nature des travaux à réaliser, établissent que la non-conformité susvisée résulte exclusivement d'un défaut d'exécution de la part de SOFITEC IMPEX qui doit donc être condamnée à relever et garantir la société EM2C.
4/ Sur l'emplacement du poteau
Il n'est pas contestable que la société ND B LOGISTICA, consultée par la société EM2C sur le choix entre 3 solutions, a accepté en novembre 2005 de « décaler les poteaux situés devant le bâtiment existant de 5 m vers l'intérieur de l'extension ».
Cet accord n'établit pas cependant que la société ND B LOGISTICA acceptait que la porte soit positionnée dans l'axe d'un des poteaux.
Alors que l'emplacement actuel du poteau litigieux n'est pas conforme au plan d'exécution, il a fait l'objet d'une réserve le 06 décembre 2007 en ces termes : « poteau dans l'axe de l'ouverture ».
L'expert relevant que ce point n'avait pas été abordé lors des réunions tenues en septembre 2009 et octobre 2010, s'interroge sur cette demande formulée en 2011 en ces termes : « cet état de fait peut laisser penser que NDB avait - peut-être - décidé de pouvoir faire avec l'état actuel ...? »
Cette mention n'est pas de nature à établir que la société ND B LOGISTICA a renoncé à obtenir réparation de cette non-conformité.
Si l'expert s'est interrogé sur l'opportunité de cette intervention sur un élément essentiel de structure pour un coût qui lui semble anormalement bas, il a finalement retenu le devis établi par la société CONSTRUCTIM, chiffrant les travaux de remise en état à la somme de 11.520 € HT.
Il convient donc de fixer la créance de la société ND B LOGISTICA à ce titre au passif de la société EM2C à la somme de 11.520 € HT.
5/ Sur les honoraires de maîtrise d'oeuvre
Compte tenu des préconisations de l'expert sur ce point et en l'absence de condamnation portant sur les travaux d'étanchéité, il convient de fixer le coût des honoraires de maîtrise d'oeuvre sur les travaux retenus, à la somme de 21.071,10 € HT qui s'ajoutera à la créance de la société ND B LOGISTICA au passif de la société EM2C.
Il conviendra donc, tenant compte de l'évolution du litige, de fixer la créance de la société ND B LOGISTICA au passif de la société EM2C à la somme non contestée de 159.270 € HT et d'y ajouter celle de 557.591,10 €.
6/ Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il convient de condamner in solidum la société EM2C, la SELARL AJPARTENAIRES et la SELARL MJ Synergie aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour aucune des parties » ;
Alors, d'une part, que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, le contrat de contractant général établi le 30 mai 2005 – qui, selon son article 1.1, prévaut sur les autres documents en cas de contradiction – impose à titre principal au contractant général en son article 2.1 une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie et ajoute en son article 2.4.2 que l'exécution des travaux est soumise aux normes françaises et roumaines et qu'en cas de contradiction, les normes les plus contraignantes doivent être respectées ; qu'en affirmant péremptoirement que la société EM2C devait respecter la norme française NFPA 13 sauf à démontrer que la norme roumaine était plus contraignante quand le contrat de contractant général du 30 mai 2005 prévoyait pourtant l'application des normes roumaines à titre principal sauf à démontrer que la norme française était plus contraignante, la Cour d'appel a dénaturé les clauses et précises du contrat, violant par là-même l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors, d'autre part, que la Cour d'appel ne pouvait pas constater, d'une part, que le contrat de contractant général du 30 mai 2005 stipulait que ses dispositions prévalaient sur les autres documents en cas de contradiction et prévoyait en son article 2.4.2 une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie pour en déduire, d'autre part, que la norme française NFPA 13 s'imposait, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors, enfin, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, le contrat de contractant général établi le 30 mai 2005, qui prévaut sur les autres documents en cas de contradiction conformément aux dispositions de son article 1.1, impose au contractant général en son article 2.1 une obligation de conformité des travaux aux normes en vigueur en Roumanie et ajoute en son article 2.4.2 que l'exécution des travaux est soumise aux normes françaises et roumaines et qu'en cas de contradiction, les normes les plus contraignantes doivent être respectées ; que la Cour d'appel en a déduit que la société EM2C devait respecter la norme française NFPA 13 ; qu'en se prononçant ainsi sans expliquer en quoi la norme française était plus contraignante que la norme roumaine, applicable à titre principal, la Cour d'appel, qui est partie d'un postulat non justifié selon lequel la norme française NFPA 13/20 était la plus contraignante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Atelier 4 +
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR dit que la garantie responsabilité civile professionnelle consentie par la société Covea Risks n'a pas vocation à s'appliquer ;
AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTES QU'en l'absence de responsabilité reconnue de la société ATELIER 4 +, le Tribunal constatera que la garantie responsabilité civile professionnelle consentie par la société Covea Risks n'a pas vocation à s'appliquer ;
ALORS QUE la cassation de l'arrêt attaqué sur le fondement du pourvoi de la société EM2C emportera cassation de ce chef de dispositif par voie de conséquence sur le fondement de l'article 625 du Code de procédure civile.