LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se plaignant de ne pas connaître précisément l'affectation des cotisations au paiement desquelles ils sont assujettis et qui sont recouvrées par l'association Interloire, organisme interprofessionnel agricole (l'association), des viticulteurs de l'aire de production des vins AOC de la Loire ont assigné l'association ainsi que le ministre de l'agriculture devant le juge des référés pour qu'il soit enjoint sous astreinte à l'association, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, de produire différents documents en vue d'une éventuelle action en répétition de l'indu, voire en enrichissement sans cause ;
Sur le second moyen :
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne revêt aucun caractère subsidiaire par rapport aux mesures de contrôles des autorités administratives prévues par l'article L. 632-8-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en opposant à la demande des viticulteurs l'existence d'un tel contrôle sur l'association Interloire exercé par la Cour des comptes, le contrôleur de l'Etat, le commissaire aux comptes et les autorités administratives compétentes pour en déduire l'irrecevabilité d'une demande d'une mesure de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a conféré à ladite mesure un caractère subsidiaire ; qu'elle a donc violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 31 du même code ;
2°/ que la recevabilité d'une demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est soumise à l'absence d'instance en cours ; que les juges du fond ne peuvent opposer l'irrecevabilité d'une telle demande fondée sur l'existence d'une telle instance déjà engagée sans préciser la nature de celle-ci et son auteur ; qu'en l'espèce, dans laquelle le juge des référés avait été saisi par soixante-dix viticulteurs de l'AOC de la Loire, ressortissants de l'association Interloire, qui avaient tous relevé appel de l'ordonnance d'irrecevabilité, la cour d'appel s'est bornée à relever que certains appelants, sans autre précision, étaient parties à des procédures en cours contre l'association pour en déduire l'irrecevabilité de l'action dans son ensemble sur le fondement du texte susvisé ; qu'en s'abstenant de préciser l'identité de ceux-ci, dont l'irrecevabilité éventuelle de la demande ne pouvait déteindre sur la demande des autres appelants, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard dudit texte ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'activité de l'association faisait l'objet d'un contrôle par la Cour des comptes et d'une étude détaillée par un commissaire aux comptes et par un contrôleur d'Etat, l'ensemble de ces travaux étant accessible aux adhérents de l'association, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, qu'en l'état de ces investigations, aucun litige plausible ou crédible ne dépendait du résultat de la mesure sollicitée, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel de la société Cousin Maîtreau, l'arrêt retient que, bien que n'ayant pas été partie en première instance, elle a souscrit la déclaration d'appel ;
Qu'en relevant d'office une fin de non-recevoir sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déclarant irrecevable l'appel de la société Cousin Maîtreau, l'arrêt rendu le 12 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne l'association Interloire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société La Maison du Rosé et les vingt-neuf autres demandeurs au pourvoi
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société Cousin Maîtreau irrecevable en son appel,
Sans donner aucun motif à sa décision,
Alors d'une part que les jugements doivent être motivés, à peine de nullité ; qu'en n'énonçant pas le moindre motif justifiant cette décision d'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Alors d'autre part que l'irrecevabilité de l'appel de la société Cousin Maîtreau n'avait pas été opposée par l'Association Interloire ; que la cour d'appel a donc statué par un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action engagée par les exposants,
Aux motifs que le premier juge, pour faire droit à l'exception d'irrecevabilité tirée de l'absence d'intérêt à agir, avait utilisé les termes suivants : « il est constant, au visa de l'article 31 du code de procédure civile, que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; en l'espèce, les demandeurs ne discutent plus l'obligation qui leur est imposée de régler lesdites cotisations volontaires obligatoires, à la suite des nombreuses décisions de justices qui ont été rendues sur cette question, mais ils entendent procéder à un audit démocratique réalisé par ceux auprès desquels l'Association tire ses ressources, aux fins d'engager éventuellement une action en répétition de l'indu ; cependant, l'article L. 632-8-1 du code rural dispose que les organisations interprofessionnelles reconnues rendent compte chaque année aux autorités administratives compétentes de leur activité et fournissent les comptes financiers, un rapport d'activité et le compte rendu d'assemblée générale, un bilan d'application de chaque accord étendu, et elles procurent aux autorités administratives compétentes tous documents dont la communication est demandée par celles-ci pour l'exercice de leur pouvoir de contrôle ; il est également constant que la gestion de l'Association Interloire est soumise au contrôle économique et financier de l'État en tant qu'organisation professionnelle agricole et que son budget est soumis à la ratification des ministères de tutelle ; il ressort en outre des constatations effectuées par la Cour des comptes dans ses rapports annuels de 2007, 2008 et 2010, que les cotisations volontaires obligatoires sont décidées librement par les interprofessions et sont ensuite rendues obligatoires par arrêtés interministériels ; il apparaît donc que ce type de cotisation nécessite un acte d'autorité publique pour produire tous ses effets ; dès lors que le montant des cotisations volontaires obligatoires et le droit de recouvrement desdites cotisations par l'association Interloire, relèvent d'arrêtés ministériels dont la légalité est acquise, il en résulte nécessairement que les demandeurs redevables du paiement desdites cotisations, ne disposent pas d'un intérêt à agir aux fins d'obtenir les pièces comptables servant de fondement à la fixation du montant des cotisations par hectolitre et par appellation d'origine, alors que l'appréciation de ce taux fixé par arrêté ministériel ne ressort pas de la compétence du juge judiciaire au titre du paiement de l'indu » ; que les appelants voyaient une contradiction de motifs dans l'affirmation du juge des référés selon laquelle ils avaient qualité à agir mais pas d'intérêt pour agir, ce qu'ils résumaient en prétendant que cela reviendrait à dire qu'ils pouvaient agir mais qu'ils n'avaient pas d'intérêt à solliciter des pièces, et lui reprochaient d'avoir statué ultra petita en indiquant qu'ils ne discutaient plus l'obligation qui leur était imposée de payer les cotisations volontaires obligatoires ; que, sur ce dernier point, il apparaissait que le consentement ou non de l'obligation de payer les cotisations volontaires obligatoires n'était pas discuté dans le cadre du référé, puisque cette obligation n'était pas l'objet de la procédure, ce qui en effet ne signifiait pas que les appelants n'en avaient contesté aucunement le principe ; que cette précision, formulée en effet ultra petita, ne changeait cependant rien au fait que c'était la gestion et l'affectation des sommes versées à titre de cotisation qui était contestée par les appelants, qui invoquaient un intérêt à se faire communiquer des pièces pour servir de base à un procès futur ; que, sur la prétendue contradiction de motifs, une partie pouvait avoir qualité pour agir sans pour autant que, pour des raisons objectives différentes de la qualité qu'elle invoquait, la preuve d'un intérêt fût rapportée ; que le fait d'avoir retenu une exception et d'avoir écarté l'autre ne pouvait être reproché au juge des référés ; que la partie appelante prétendait que le fait pour l'association d'être soumise au contrôle économique et financier de l'État n'était pas exclusif de l'utilisation à son encontre des procédures prévues par la procédure civile, aucun texte n'attribuant à l'État un monopole pour contrôler les interprofessions, et aucune immunité n'existant après contrôle par les services de l'État qui, selon elle, ne valait pas absolution et quitus de gestion ; qu'elle reprochait en outre au premier juge d'avoir considéré qu'elle avait réclamé des pièces comptables servant de fondement au calcul des cotisations, alors qu'elle réclamait des pièces constituant des justificatifs de dépenses effectuées ; qu'il n'était ni contestable ni contesté que tous les ressortissants de l'association avaient la faculté de consulter tous les ans les comptes publiés au Journal Officiel et le rapport du commissaire aux comptes ; que les pièces 28 et 29 de l'association, montrant une capture d'écran au Journal Officiel et le rapport du commissaire aux comptes, montraient en effet que ce dernier avait opéré à une étude détaillée de l'activité ; qu'il va de soi que, si la réalité des emplois, invoquée par les appelants, qui sollicitaient la communication des contrats de travail, (pouvait ?) poser quelques difficultés, ou si l'immeuble dont ils demandaient l'acte d'acquisition avait été payé à un prix excessif, ou encore si les missions organisées par l'association laissaient apparaître des malversations, le commissaire aux comptes et le contrôleur d'État auraient nécessairement constaté des anomalies qu'ils ne pouvaient que relever et signaler ; que le contrôle de la Cour des comptes, qui pouvait aller bien au-delà de celui des pièces comptables, n'aurait pas manqué non plus, si cela avait été le cas, de faire apparaître tout excès tel qu'emploi fictif, achat immobilier excessif ou fausse mission ; que les rapports de la Cour des comptes produits aux débats mentionnaient que toutes réponses avaient été apportées à ces interrogations ; que les appelants pouvaient aisément avoir accès aux écrits résultant des travaux du contrôleur d'État, du commissaire aux comptes, et de la Cour des Comptes dans le cadre des contrôles réguliers qu'ils effectuaient ; que c'était à bon droit que le premier juge avait prononcé comme il l'avait fait en écartant l'intérêt à agir ; que par ailleurs l'article 145 du code de procédure civile qu'invoquaient les appelants supposait, comme condition de recevabilité, l'absence d'instance au fond, alors que plusieurs des appelants étaient partis à des procédures en cours devant d'autres juridictions, auquel ils avaient demandé de surseoir à statuer dans l'attente de la présente décision, ce qui était notamment établi par la pièce 36, s'agissant de conclusions d'incident aux fins de sursis à statuer devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Angers, devant le tribunal d'instance de Saumur et devant le tribunal d'instance de Tours, dans l'attente des suites de la demande de production de pièces engagées devant le juge des référés du tribunal de grande Instance de Tours,
Alors, d'une part, qu'une mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne revêt aucun caractère subsidiaire par rapport aux mesures de contrôles des autorités administratives prévues par l'article L. 632-8-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en opposant à la demande des viticulteurs exposants l'existence d'un tel contrôle sur l'association Interloire exercé par la Cour des comptes, le contrôleur de l'Etat, le commissaire aux comptes et les autorités administratives compétentes pour en déduire l'irrecevabilité d'une demande d'une mesure de l'article du code de procédure civile, la cour d'appel a conféré à ladite mesure un caractère subsidiaire ; qu'elle a donc violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 31 du même code,
Alors, d'autre part, que la recevabilité d'une demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est soumise à l'absence d'instance en cours ; que les juges du fond ne peuvent opposer l'irrecevabilité d'une telle demande fondée sur l'existence d'une telle instance déjà engagée sans préciser la nature de celle-ci et son auteur ; qu'en l'espèce, dans laquelle le juge des référés avait été saisi par soixante-dix viticulteurs de l'AOC de la Loire, ressortissants de l'association Interloire, qui avaient tous relevé appel de l'ordonnance d'irrecevabilité, la cour d'appel s'est bornée à relever que certains appelants, sans autre précision, étaient parties à des procédures en cours contre l'association pour en déduire l'irrecevabilité de l'action dans son ensemble sur le fondement du texte susvisé ; qu'en s'abstenant de préciser l'identité de ceux-ci, dont l'irrecevabilité éventuelle de la demande ne pouvait déteindre sur la demande des autres appelants, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard dudit texte.