LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 février 2018), que M. M... a été engagé à compter du 1er septembre 1986 par la société Rupin, devenue la société Les Mobiliers MMO ; qu'en dernier lieu, il occupait les fonctions d'opérateur lamifié usinage ; que l'employeur a fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 3 octobre 2011 puis un plan de cession a été arrêté le 31 octobre 2012 avec autorisation de licenciement économique de quarante-trois salariés dont les contrats de travail n'étaient pas repris ; que la rupture du contrat de travail de M. M... pour motif économique est intervenue le 1er décembre 2012 après acceptation par celui-ci d'un contrat de sécurisation professionnelle ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 19 décembre 2012, M. E... étant désigné en qualité de liquidateur ; que M. M... a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la liquidation une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, que les critères de l'ordre des licenciements, prévus à l'article L. 1233-5 du code du travail, doivent faire l'objet d'une mise en oeuvre distincte par catégorie professionnelle, correspondant à l'ensemble des salariés exerçant au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation commune ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever, pour juger que l'administrateur judiciaire devait mettre en oeuvre les critères de l'ordre des licenciements au sein de la catégorie professionnelle des opérateurs lamifié, à laquelle elle rattachait les emplois d'opérateurs usinage lamifié et celui de préparatrice débit collage lamifié, que les différentes phases de fabrication d'un panneau lamifié étaient toutes réalisées par des opérateurs spécialisés en lamifié, qui avaient acquis des connaissances et une expérience professionnelle commune et devaient faire preuve de polyvalence, sans constater que les différents emplois de la catégorie professionnelle, à laquelle elle rattachait les salariés, étaient de même nature et supposaient la même formation professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant souverainement constaté que les différentes phases de la fabrication d'un panneau lamifié étaient toutes réalisées par des opérateurs spécialisés en lamifié, qui avaient acquis des connaissances et une expérience professionnelle commune et devaient faire preuve de polyvalence, de sorte que ces salariés, qui exerçaient dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune, appartenaient à la même catégorie professionnelle, comme l'avait au demeurant retenu l'administrateur judiciaire lors de l'établissement et la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi du 28 novembre 2011, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, que le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Mobiliers MMO aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les Mobiliers MMO, à payer à M. M... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. E....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société LES MOBILIERS MMO la créance de M. M... à la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements ;
Aux motifs que « le jugement qui arrête un plan de cession et autorise des licenciements n'a autorité de chose jugée qu'en ce qui concerne l'existence d'une cause économique, le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, sans qu'il soit dans les pouvoirs de la juridiction qui l'arrête de déterminer, au sein de la catégorie professionnelle concernée, la liste des emplois auxquels se rapporteront les licenciements, une telle liste étant à cet égard dépourvue d'effet ;
La catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé ; elle réunit l'ensemble des salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans que la différence des tâches confiées aux salariés de cette catégorie puisse à elle seule justifier l'exclusion de l'exclusion de l'ordre des licenciements ;
Les différentes phases de fabrication d'un panneau lamifié, à savoir le découpage du panneau, son calibrage, la préparation du collage, l'encollage chants manuels et le vernissage, étaient toutes réalisées par des opérateurs spécialisés en Lamifié, qui avaient acquis des connaissances et une expérience professionnelle commune et devaient faire preuve de polyvalence ; l'ensemble des opérateurs Lamifié relevaient dès lors d'une même catégorie professionnelle, peu important que M. M... ait été opérateur Lamifié usinage et Mme X... opérateur Lamifié préparatrice débit collage, ainsi que l'administrateur judiciaire l'avait d'ailleurs justement retenu lors de l'établissement et la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi du 28 novembre 2011 ; en procédant au licenciement de M. M... sans définir et appliquer les critères permettant de fixer l'ordre des licenciements, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail, alors qu'il avait bien un choix à opérer parmi les salariés à licencier au sein de la catégorie professionnelle des opérateurs Lamifié, l'administrateur judiciaire n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements ;
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi lequel doit être intégralement réparé selon son étendue ;
Le non-respect des critères d'ordre des licenciements qui a entraîné pour M. M... la perte injustifiée de son emploi a causé à celui-ci, compte-tenu de son âge au moment de son licenciement, 44 ans, de son ancienneté de plus de 26 ans désormais dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, dont il n'est pas discutée qu'elle était en moyenne de 1.098 euros par mois, des difficultés de réinsertion liées à son handicap ainsi que des justificatifs produits, un préjudice matériel et moral que la cour fixe à la somme de 20.000 euros, sans préjudice des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables ; ladite somme sera en conséquence fixée au passif de la liquidation judiciaire » ;
Alors que les critères de l'ordre des licenciements, prévus à l'article L. 1233-5 du code du travail, doivent faire l'objet d'une mise en oeuvre distincte par catégorie professionnelle, correspondant à l'ensemble des salariés exerçant au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation commune ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever, pour juger que l'administrateur judiciaire devait mettre en oeuvre les critères de l'ordre des licenciements au sein de la catégorie professionnelle des opérateurs lamifié, à laquelle elle rattachait les emplois d'opérateurs usinage lamifié et celui de préparatrice débit collage lamifié, que les différentes phases de fabrication d'un panneau lamifié étaient toutes réalisées par des opérateurs spécialisés en lamifié, qui avaient acquis des connaissances et une expérience professionnelle commune et devaient faire preuve de polyvalence, sans constater que les différents emplois de la catégorie professionnelle, à laquelle elle rattachait les salariés, étaient de même nature et supposaient la même formation professionnelle, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société LES MOBILIERS MMO la créance de M. M... à la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct tenant au caractère discriminatoire du licenciement ;
Aux motifs que « Il est établi que M. M..., dont il est constant qu'il a été en arrêt de travail pour maladie du 25 septembre 2004 au 19 mars 2006 et du 30 novembre 2006 au 29 novembre 2009, a été classé en invalidité 2ème catégorie à compter du 30 novembre 2009 et que du fait des avis du médecin du travail déclarant le salarié, engagé à temps complet, apte à une reprise à temps partiel, le temps de travail de celui-ci a été réduit par avenant à 16 heures par semaine à compter du 8 mars 2010 ; il est démontré que l'employeur, qui avait connaissance de son handicap, a procédé à son licenciement pour motif économique en violation de l'ordre des licenciements, alors que le respect de l'ordre des licenciements aurait entraîné le transfert de son contrat de travail au cessionnaire de l'entreprise ; ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'une discrimination ; la société LES MOBILIERS MMO ne rapporte pas la preuve que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; la discrimination invoquée est dès lors établie ; celle-ci a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi que la cour fixe à la somme de 8.000 euros sans préjudice des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables ; que ladite somme sera en conséquence fixée au passif de la liquidation judiciaire » ;
Alors que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen du chef de la méconnaissance des règles relatives à l'ordre des licenciements entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a accordé au salarié des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice subi du fait d'une discrimination, après avoir retenu que laisse supposer l'existence d'une telle discrimination le fait que le salarié a été licencié pour motif économique en violation des règles relatives à l'ordre des licenciements.