LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 novembre 2017), qu'un avion exploité par la compagnie russe Utair s'est écrasé en Russie le 2 avril 2012 tuant ou blessant les passagers et membres d'équipage, tous de nationalité russe ; que certains de ceux-ci ou leurs ayants droit ont assigné, en décembre 2013, le constructeur de l'avion GIE Avions de transport régional (le GIE ATR) dont le siège social est à Blagnac, et la société Utair en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Toulouse ;
Attendu que la société Utair fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1°/ que la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'ordre international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux, fût-elle connexe à une autre demande dirigée contre le même défendeur ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait motifs pris qu'au soutien de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du GIE ATR, les demandeurs invoquent un défaut de conception dans la gestion du givre sur les ailes du modèle de première génération de l'aéronef et que ce moyen est « en relation avec l'activité de constructeur d'aéronefs du GIE ATR » pour en déduire que cela « suffit à qualifier de réelle et sérieuse la qualité de ce défendeur à l'instance, introduite devant le tribunal de grande instance de Toulouse », la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par un motif inopérant, insusceptible d'établir que la demande présentait un caractère sérieux, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux, fût-elle connexe à une autre demande dirigée contre le même défendeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris qu'au soutien de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du GIE ATR, les demandeurs invoquent un défaut de conception dans la gestion du givre sur les ailes du modèle de première génération de l'aéronef et que ce moyen est « en relation avec l'activité de constructeur d'aéronefs du GIE ATR », pour en déduire que cela « suffit à qualifier de réelle et sérieuse la qualité de ce défendeur à l'instance, introduite devant le tribunal de grande instance de Toulouse », sans rechercher, comme elle y était expressément invitée par la société Utair, si la demande formée contre le GIE ATR n'était pas dénuée de caractère sérieux dès lors qu'il ressort du rapport d'enquête officiel du Comité Interétatique de l'Aviation publié au mois de juillet 2013, soit préalablement à l'action engagée devant le tribunal de grande instance de Toulouse, que l'accident ne pouvait être imputé à un défaut de l'aéronef ou à une faute du constructeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;
3°/ que la prorogation de compétence prévue à l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, applicable dans l'ordre international, suppose que les diverses demandes dirigées contre des défendeurs différents soient dans un lien étroit de connexité ; qu'en se bornant à affirmer que « les demandes dirigées contre la société Utair, l'utilisateur de l'aéronef incriminé, sont connexes à celles dirigées contre le constructeur de celui-ci et autorisent les demandeurs à assigner la première, bien que de nationalité étrangère, devant la juridiction française », sans préciser quel était le lien de connexité entre ces demandes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève, d'une part, qu'au soutien de leur action engagée à l'encontre du GIE ATR, les victimes invoquent un défaut de conception dans la gestion du givre sur les ailes du modèle de première génération de l'aéronef ATR 72-201, de sorte que la mise en cause du constructeur présente un caractère sérieux, d'autre part, que cette demande en indemnisation présente un lien de connexité avec celle dirigée contre l'exploitant qui tend aux mêmes fins ; que de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'un lien étroit de connexité entre les différentes demandes, la cour d'appel, qui n'avait pas à apprécier le bien-fondé de l'action des victimes et qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Utair aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au GIE Avions de transport régional la somme de 3 000 euros et à Mme XT... BL... S..., HY... EE... S..., représentée par Mme XT... BL... S..., Mme LO... ZQ... S..., M. VU... T... S..., Mmes RN... OP... KC..., LB... JI... ZX..., ZG... et QR... H..., représentées par Mme LB... JI... ZX..., Mme JD... KE... H..., M. DH... XX... Y..., Mme ZE... PF... Y..., M. HO... NI... Y..., Mme NA... OP... KL..., TP... QS... U..., représentée par Mme NA... OP... KL..., M. BU... ZK... U..., Mme RN... YZ... U..., M. LP... YO... U..., M. XQ... OV... F..., Mme XT... EF... F..., M. GP... TG... F..., Mmes LG... IK... F..., LB... TT... UQ..., XP... AB... MI..., M. RY... NI... MI..., Mme LB... JL... XZ..., MM. PT... OV... K..., LF... RK... K..., Mme XD... ZQ... JA..., MM. LP... OV... RR..., LW... OV... RR..., UY... SI... PB..., NJ... NI... GR..., LP... DD... LJ..., Mme GA... WP... PP... et à M. UT... TE... CV... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Utair.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Utair et d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Toulouse compétent pour connaître de l'action introduite à l'encontre du GIE ATR et de la société Utair par actes des 9 et 10 décembre 2013 ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile : « S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un deux » : que le critère de domicile en France de l'un des défendeurs permet d'étendre la compétence du juge français à d'autres défendeurs domiciliés à l'étranger lorsque les différentes demandes à l'égard de défendeurs différents sont liées par un lien de connexité ; que chaque demande doit avoir un caractère sérieux pour attraire un défendeur étranger devant le juge français ; qu'au soutien de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du Gie ATR, les demandeurs invoquent, dans leur acte introductif d'instance, un défaut de conception dans la gestion du givre sur les ailes du modèle de première génération de l'aéronef de marque et type ATR 72-201 ; que ce moyen, qui est bien en relation avec l'activité de constructeur d'aéronefs du Gie ATR, dont le siège social est situé en France, suffit à qualifier de réelle et sérieuse la qualité de ce défendeur à l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Toulouse ; que les demandes dirigées contre la société UTAir, qui est l'utilisateur de l'aéronef incriminé, sont connexes à celles dirigées contre le constructeur de celui-ci et autorisent les demandeurs à assigner la première, bien que de nationalité étrangère, devant la juridiction français ; qu'en conséquence l'ordonnance déférée sera réformée en ce qu'elle a accueilli l'exception d'incompétence. Internationale et a renvoyé les demandeurs à se pourvoir devant les juridictions civiles de Russie ;
1°) ALORS QUE la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'ordre international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux, fût-elle connexe à une autre demande dirigée contre le même défendeur ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait motifs pris qu'au soutien de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du GIE ATR, les demandeurs invoquent un défaut de conception dans la gestion du givre sur les ailes du modèle de première génération de l'aéronef et que ce moyen est « en relation avec l'activité de constructeur d'aéronefs du GIE ATR » pour en déduire que cela « suffit à qualifier de réelle et sérieuse la qualité de ce défendeur à l'instance, introduite devant le tribunal de grande instance de Toulouse », la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par un motif inopérant, insusceptible d'établir que la demande présentait un caractère sérieux, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile applicable dans l'international, ne permet pas d'attraire devant les juridictions françaises un défendeur demeurant à l'étranger, lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux, fût-elle connexe à une autre demande dirigée contre le même défendeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris qu'au soutien de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du Gie ATR, les demandeurs invoquent un défaut de conception dans la gestion du givre sur les ailes du modèle de première génération de l'aéronef et que ce moyen est « en relation avec l'activité de constructeur d'aéronefs du Gie ATR », pour en déduire que cela « suffit à qualifier de réelle et sérieuse la qualité de ce défendeur à l'instance, introduite devant le tribunal de grande instance de Toulouse », sans rechercher, comme elle y était expressément invitée par la société Utair, si la demande formée contre le Gie ATR n'était pas dénuée de caractère sérieux dès lors qu'il ressort du rapport d'enquête officiel du Comité Interétatique de l'Aviation publié au mois de juillet 2013, soit préalablement à l'action engagée devant le tribunal de grande instance de Toulouse, que l'accident ne pouvait être imputé à un défaut de l'aéronef ou à une faute du constructeur (concl., p. 9 et p. 13), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la prorogation de compétence prévue à l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, applicable dans l'ordre international, suppose que les diverses demandes dirigées contre des défendeurs différents soient dans un lien étroit de connexité ; qu'en se bornant à affirmer que « les demandes dirigées contre la société Utair, l'utilisateur de l'aéronef incriminé, sont connexes à celles dirigées contre le constructeur de celui-ci et autorisent les demandeurs à assigner la première, bien que de nationalité étrangère, devant la juridiction française », sans préciser quel était le lien de connexité entre ces demandes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile.