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20/06/2019 | FRANCE | N°18-10502

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 juin 2019, 18-10502


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 octobre 2017), que la société civile immobilière Atlas est propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] sur laquelle la société Soframus distribution exerce une activité commerciale ; que ces sociétés ont assigné M. et Mme D... en revendication de plusieurs servitudes sur leurs parcelles, cadastrées section [...] , [...] et [...], acquises en 2010 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de d

ire que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude de passage pour cause d'enclave s...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 octobre 2017), que la société civile immobilière Atlas est propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] sur laquelle la société Soframus distribution exerce une activité commerciale ; que ces sociétés ont assigné M. et Mme D... en revendication de plusieurs servitudes sur leurs parcelles, cadastrées section [...] , [...] et [...], acquises en 2010 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de dire que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude de passage pour cause d'enclave sur leurs parcelles [...] et [...] ;

Mais attendu qu'ayant retenu souverainement que la parcelle [...] était affectée à un usage industriel requérant une desserte par des véhicules poids-lourds et semi-remorques, et qu'elle devait être accessible par une voie d'une largeur, libre de toute occupation, d'au moins six mètres, la cour d'appel a pu fixer l'assiette de la servitude légale de passage sur la totalité de la parcelle [...] , qui constitue seulement une partie de l'ensemble de parcelles d'un seul tenant dont sont propriétaires M. et Mme D... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de dire acquise par prescription une servitude d'installation d'une boîte aux lettres, d'un compteur d'eau et d'une enseigne sur la parcelle [...] ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la boîte aux lettres présente sur cette parcelle était ancienne et qu'une enseigne d'une précédente activité subsistait sous celle de la société Soframus distribution et retenu que, la parcelle [...] étant à usage industriel depuis 1977, une boîte aux lettres, un compteur d'eau et une enseigne étaient des éléments indispensables à son exploitation, la cour d'appel, qui a pu en déduire que leur présence, dont il n'était pas soutenu qu'elle relevait d'une simple tolérance, datait d'au moins trente ans, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires contre les notaires ayant reçu l'acte par lequel ils ont acquis leur fonds ;

Mais attendu qu'ayant retenu que, lors de l'acquisition par M. et Mme D... de leur fonds, la parcelle [...] accueillait déja une activité de transporteur alimentaire utilisant le même accès que celui revendiqué, de sorte que ceux-ci ne pouvaient en ignorer l'existence, la cour d'appel en a exactement déduit que les notaires n'avaient commis aucune faute en ne les informant pas spécialement de l'existence et de l'étendue de la servitude ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme D... ; les condamne à payer à la SCI Atlas et la société Soframus distribution la somme globale de 3 000 euros et à MM. X..., J... et V... la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme D....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré que la parcelle [...] bénéficiait d'une servitude de passage pour cause d'enclave sur les parcelles contiguës [...] et [...] pour accéder à la rue [...] et d'avoir décidé que l'assiette de cette servitude s'étendait sur toute la superficie de la voie goudronnée incluant la totalité de la parcelle [...] d'une superficie de 256 m² et la partie de parcelle [...] située entre la limite nord-est de cette parcelle et l'arrondi formé par le trottoir tel qu'il existait avant l'édification d'un mur de clôture par les propriétaires du fonds servant (M. et Mme D..., les exposants), les condamnant ainsi à ne rien disposer sur l'assiette de la servitude et à prendre les dispositions nécessaires pour laisser en permanence le passage libre de toute occupation ou stationnement, ce sous peine d'une astreinte de 500 € par infraction constatée, ainsi qu'à détruire la partie du mur de clôture empiétant, en limite nord-est de la parcelle [...] , sur l'assiette de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle [...] appartenant à un voisin (la société Atlas) et donnée en location à un exploitant d'entrepôts frigorifiques (la société Soframus distribution), ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification et, passé ce délai, sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois, délai à l'issue duquel il serait à nouveau statué le cas échéant ;

AUX MOTIFS QUE, en l'espèce, l'état d'enclave et l'existence d'une servitude légale de passage sur la parcelle [...] au profit de la parcelle [...] n'étaient pas discutés, les époux D... ayant reconnu que la servitude était apparente au vu de la situation des lieux, la voie goudronnée, d'une largeur de sept mètres, située sur la parcelle [...] constituant l'unique accès à la parcelle [...] enclavée ; qu'il était acquis que la parcelle [...] sur laquelle était édifié un entrepôt était affectée à un usage industriel, ce qui rendait nécessaire qu'elle pût être accessible à tout moment à des véhicules poids lourds et semi-remorques nécessaires à l'exercice de l'activité, de sorte que l'assiette de la servitude devait permettre le passage des camions nécessaires aux livraisons et leur accès aux quais de déchargement ; qu'il était établi que le stationnement de véhicules sur la voie d'accès était incompatible avec la largeur du passage nécessaire à la desserte de la parcelle [...] conformément à sa destination et que la vocation de la servitude exigeait que la totalité de la parcelle [...] fût entièrement affectée à cet usage ; qu'il était établi que l'utilisation des locaux dont les sociétés Atlas et Soframus étaient respectivement propriétaires et locataires n'avait pas varié depuis 1977 et que la vocation de la servitude de passage avait été depuis plus de trente ans à la date de l'assignation de permettre le passage de camions justifiant que la voie goudronnée implantée sur la parcelle [...] fût entièrement affectée à cet usage ; que la voie goudronnée constituant la desserte de la parcelle [...] avait pour assiette la totalité de la parcelle [...] ; que le tracé de la voie goudronnée incluait, en partie nord-est de la parcelle [...] , au niveau de l'accès aux quais de l'entrepôt, un arrondi délimité par une bordure en pierre et que cet arrondi avait été supprimé par les époux D... qui avaient construit en lieu et place un mur à angle droit empiétant sur l'arrondi ; que le tracé de la voie et la mise en place d'une bordure de pierre délimitant l'arrondi au niveau de l'emplacement où les poids lourds devaient manoeuvrer pour se mettre à quai traduisaient la volonté des concepteurs de la voie de l'adapter aux nécessités de la desserte de l'entrepôt édifié dans le cadre du bail à construction ; que cette conception n'avait pu être faite qu'en plein accord entre U... Q... et la société Transports Q... dans le cadre du bail à construction ; qu'il y avait donc eu acquisition de l'assiette de la servitude dans l'intégralité de cette voie dans sa configuration précédant la construction du mur à l'angle nord-est de la parcelle [...] par un usage trentenaire ; qu'il convenait en conséquence de dire que l'assiette de la servitude portait sur toute la superficie de la voie goudronnée comportant la parcelle [...] d'une superficie de 256 m² et l'arrondi situé au nord-est de la parcelle [...] , tel qu'il existait avant la création du mur comme revendiqué par les sociétés Atlas et Soframus et que ces dernières étaient fondées à obtenir que le passage fût laissé libre en permanence sur toute la largeur de la voie (arrêt attaqué, pp. 10 à 13) ;

ALORS QUE la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ; qu'en conséquence, une servitude ne peut être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété ; qu'en déclarant que la servitude de passage pour cause d'enclave de la parcelle [...] avait pour assiette la « totalité de la parcelle [...] » et partie de la parcelle [...] , que la voie goudronnée constituant la parcelle [...] devait être « entièrement affectée à l'usage de la parcelle [...] » et que son propriétaire était fondé à obtenir que le passage fût « laissé libre en permanence sur toute la largeur de la voie », privant ainsi entièrement les propriétaires du fonds servant de l'utilité de la parcelle sur laquelle la servitude était exercée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 637 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré que la boîte aux lettres, le compteur et l'enseigne appartenant au propriétaire du fonds dominant (la société Atlas) et installés, pour les besoins de l'exploitation du locataire (la société Soframus distribution), à l'entrée de la parcelle [...] appartenant à leurs voisins (M. et Mme D..., les exposants), étaient des servitudes continues et apparentes acquises par prescription trentenaire ;

AUX MOTIFS QU' il ressortait d'un procès-verbal de constat de M. O... en date du 2 juin 2016 que la boîte aux lettres fixée sur des supports métalliques de l'enseigne était ancienne et sous le panneau "Soframus" subsistait un panneau ancien portant l'enseigne du "Comptoir du nettoyage et fournitures professionnelles", ce qui démontrait que ces éléments préexistaient à l'installation des sociétés Soframus et Atlas ; que s'agissant d'éléments indispensables à l'activité exploitée sur la parcelle [...] , ils existaient nécessairement depuis l'installation de la société Transports Q... en 1977 de sorte qu'ils bénéficiaient de la prescription trentenaire (arrêt attaqué, p. 13, les deux derniers alinéas) ;

ALORS QUE, d'une part, les servitudes continues et apparentes ne s'acquièrent que par titre ou par possession trentenaire ; qu'en se bornant à relever que la boîte aux lettres était ancienne et que l'enseigne préexistait à l'installation du propriétaire du fonds dominant et de son locataire, sans caractériser autrement la réalité d'une possession trentenaire, plutôt que d'une simple tolérance, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article 690 du code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que la boîte aux lettres et l'enseigne, en tant qu'éléments indispensables à l'activité exploitée sur la parcelle [...] , existaient « nécessairement » depuis l'installation de la société Transports Q... en 1977, se fondant ainsi sur une simple hypothèse, quand était déterminante la constatation précise de la date à laquelle l'enseigne avait été installée conformément aux autorisations requises, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les propriétaires d'un fonds servant (M. et Mme D..., les exposants) de leur demande indemnitaire en ce qu'elle était dirigée contre les notaires ayant instrumenté la vente (MM. X..., J... et V...) ;

AUX MOTIFS QUE les époux D... ne pouvaient ignorer l'existence de la servitude de passage au moment de leur acquisition puisque, à cette époque, la société LM Distribution, ancien locataire de l'entrepôt industriel, exerçait déjà une activité de transporteur alimentaire nécessitant le même accès depuis la rue [...], de sorte que la faute qu'ils imputaient à leurs vendeurs et aux notaires n'était pas caractérisée ; qu'au surplus, l'attestation de la société Corneille Saint Marc Transactions, outre qu'elle n'était pas circonstanciée, ne pouvait faire la preuve d'un préjudice en relation de causalité certaine et directe avec la faute imputée aux vendeurs et aux notaires ayant consisté à ne pas les informer de l'étendue de la servitude (arrêt attaqué, p. 14, alinéas 10 et 11) ;

ALORS QUE, d'une part, les notaires sont tenus d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique ; qu'en déchargeant les officiers publics de toute responsabilité au titre de leur devoir de conseil, au prétexte que les acquéreurs ne pouvaient ignorer l'existence et l'étendue de la servitude de passage, sans constater que les mis en cause, à qui incombait la preuve de l'exécution de leur obligation de conseil, avaient attiré leur attention sur les modalités d'exécution particulièrement contraignantes de ladite servitude, puisque elles les privaient de la jouissance de l'intégralité de la parcelle qu'ils acquéraient, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, en se bornant à écarter tout lien de causalité entre les manquements des notaires et la moins-value invoquée, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, que lesdits manquements étaient à l'origine des poursuites pour stationnement irréguliers dont les acquéreurs du fonds servant avaient été l'objet, ainsi que de la procédure qu'ils avaient due conduire pour s'opposer aux demandes du propriétaire du fonds dominant, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 31 octobre 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 20 jui. 2019, pourvoi n°18-10502

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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 20/06/2019
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18-10502
Numéro NOR : JURITEXT000038708814 ?
Numéro d'affaire : 18-10502
Numéro de décision : 31900574
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2019-06-20;18.10502 ?
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