LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. N... P...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de COLMAR, en date du 14 mars 2019, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le grief n'est pas de nature à être admis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 7 décembre 2015, W... B..., alors âgé de 31 ans, a déposé plainte contre M. N... P..., son beau-père, pour des faits d'agressions sexuelles qui auraient commencé alors qu'il avait 9 ans puis des faits de viols à partir de l'âge de 12 ans, les abus sexuels ayant perduré jusqu'en juin 2014 ; que C... U... a également dénoncé des faits d'agressions sexuelles qui auraient débuté alors qu'il avait 9 ans jusqu'en mai ou juin 2014 et que A... P... a également déposé plainte contre son père pour des faits d'agressions sexuelles subies à compter de l'âge de 10 ans jusqu'à l'emménagement de W... B... et de la mère de celui-ci à leur domicile ; que M. N... P... a contesté les infractions qui lui étaient reprochées ; que les juges du premier degré l'ont renvoyé devant la cour d'assises pour des faits de viols et agressions sexuelles de nature incestueuse sur la personne de W... B... avec les circonstances que les faits ont été commis sur un mineur de moins de quinze ans, puis de plus de quinze ans, par un ascendant ou une personne ayant autorité, des faits de viols et d'agressions sexuelles sur la personne de C... U... avec les circonstances que les faits ont été commis sur un mineur de moins de quinze ans, puis de plus de quinze ans, par une personne ayant autorité, et des faits d'agressions sexuelles de nature incestueuse sur la personne de A... P... avec les circonstances que les faits ont été commis sur un mineur de moins de quinze ans, puis de plus de quinze ans, par un ascendant ou une personne ayant autorité ; que M. N... P... a interjeté appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-3, 222-22, 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1 et 222-48-2 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de mise en accusation entreprise et a renvoyé M. N... P... devant la cour d'assises du Bas-Rhin des chefs de viols et d'agressions sexuelles aggravés ;
"1°) alors qu'il appartenait à la chambre de l'instruction de caractériser la matérialité de l'infraction reprochée à M. N... P... ; qu'en procédant à sa mise en accusation sur les seules déclarations des prétendues victimes, sans relever aucun élément concret de nature à établir la réalité des infractions d'agression sexuelle et de viol dénoncés, la seule emprise prétendue de ce dernier ou ses prétendus comportements inadaptés étant insuffisants de ce point de vue, la chambre de l'instruction, qui n'établit aucunement la matérialité de l'infraction reprochée, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait valablement mettre en accusation M. N... P... sans répondre aux chefs péremptoires des écritures déposées dans son intérêt qui soulignaient les nombreuses incohérences et contradictions dans les déclarations des prétendues victimes et le contexte particulier dans lequel elles avaient déposé plainte à son encontre ;
"3°) alors qu'enfin, la surprise ne peut se déduire du seul jeune âge de la victime prétendue, sauf insuffisance manifeste de discernement ou incapacité totale à comprendre la portée des actes ; qu'en l'espèce, n'a pas légalement justifié sa décision la chambre de l'instruction qui s'est bornée à énoncer, sans s'en expliquer davantage, que « le jeune âge des plaignants caractérisait cet élément constitutif des infractions de viol et d'agression sexuelle »" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, l'arrêt énonce que les éléments de l'information, et notamment les déclarations des parties, les témoignages, les expertises et les écrits de la personne mise en examen, démontrent que M. N... P... exerçait une emprise psychologique et financière sur les plaignants, qu'il avait exercé son emprise sur d'autres personnes de son entourage comme sur sa fille qui le décrivait comme "un calculateur et un manipulateur invétéré", ou sur deux neveux, qui décrivaient également cette emprise et dénonçaient des faits d'agressions sexuelles, pour l'un alors qu'il était âgé de 6 à 13 ans, et pour l'autre, de 9 à 12 ans, lesquels n'étaient pas retenus en raison de la prescription de l'action publique ; que les juges retiennent que cette emprise était de nature à caractériser la contrainte morale à laquelle étaient soumises les trois parties civiles au moment des faits, que, par ailleurs, leur jeune âge permettait également de caractériser le défaut de consentement par la surprise en tant qu'élément constitutif des infractions reprochées ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé contre M. N... P... l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises des chefs susvisés ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris en sa première branche, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 112-1, 121-3, 222-22, 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1, 222-48-2 et 222-31-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de mise en accusation entreprise et a renvoyé M. N... P... devant la cour d'assises du Bas-Rhin des chefs de viols et d'agressions sexuelles aggravés ;
"1°) alors que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; qu'a méconnu ce principe et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, la chambre de l'instruction qui reconnaissait que la loi du 3 août 2018 avait modifié les dispositions qualificatives de l'article 222-31-1 du code pénal tout en faisant application immédiate de la circonstance de la nature incestueuse aux faits poursuivis quand cette circonstance n'a été précisément définie que postérieurement aux faits reprochés ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait retenir la circonstance d'inceste sur la personne de C... U... sans indiquer en quoi consistait le lien prétendument incestueux au sens de la loi" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, l'arrêt retient, après avoir constaté que W... B... était le fils de la concubine de M. N... P..., lequel exerçait sur lui une autorité de fait en sa qualité de beau-père, qu'au regard de l'entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018 modifiant les dispositions qualificatives de l'article 222-31-1 du code pénal, d'application immédiate, la circonstance de la nature incestueuse s'applique à l'ensemble des faits commis à l'encontre de W... B... ;
Qu'en prononçant ainsi, et dès lors que M. N... P..., poursuivi pour des viols commis entre le 1er juillet 1993 et le 29 juin 1999, du 30 juin 1999 au 29 juin 2002, et entre le 7 décembre 2005 et le 30 juin 2014 ainsi que d'agressions sexuelles commises entre le 1er juillet 1993 et le 29 juin 1999 et du 7 décembre 2012 au 30 juin 2014, sur la personne de W... B..., mineur né le [...] , avec cette circonstance qu'il avait autorité de fait sur lui, ne saurait se faire un grief d'être mis en examen pour viols et agressions sexuelles aggravés à caractère incestueux, dès lors que l'article 222-31-1 du code pénal, introduit par la loi du 14 mars 2016, puis modifiée par la loi du 3 août précitée, n'a aggravé ni la définition de l'infraction ni les peines encourues ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Castel, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.