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19/06/2019 | FRANCE | N°18-81372

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 juin 2019, 18-81372


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. W... N...,
- M. M... U...,
- M. D... C...,
- M. I... O...,
- M. Z... P...,
- Mme S... J...,
- Mme A... J...,
- Mme R... T...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 31 janvier 2018, qui a condamné, le premier, pour blanchiment, abus de faiblesse, travail dissimulé, infraction à la législation sur le démarchage à domicile, à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'Ã

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. W... N...,
- M. M... U...,
- M. D... C...,
- M. I... O...,
- M. Z... P...,
- Mme S... J...,
- Mme A... J...,
- Mme R... T...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 31 janvier 2018, qui a condamné, le premier, pour blanchiment, abus de faiblesse, travail dissimulé, infraction à la législation sur le démarchage à domicile, à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle, le deuxième, pour abus de faiblesse, travail dissimulé, en récidive, blanchiment, infraction à la législation sur le démarchage à domicile, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé une mesure de confiscation, le troisième, pour blanchiment, abus de faiblesse, travail dissimulé en récidive, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé des mesures de confiscation, le quatrième, pour blanchiment, abus de faiblesse, travail dissimulé, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé des mesures de confiscation, le cinquième, pour travail dissimulé, blanchiment, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve, 10 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé une mesure de confiscation, la sixième et la septième, pour blanchiment et non-justification de ressources, à une mesure de confiscation, la huitième, pour blanchiment, à une peine de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 mai 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. GUÉRY, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 décembre 2014, le procureur de la république de Montluçon a été destinataire d'un signalement réalisé par l'organisme Tracfin attirant son attention sur l'émission, entre décembre 2013 et septembre 2014, par Mme L... K..., de chèques à hauteur de 260 480 euros au bénéfice, notamment, pour 93 800 euros de M. D... C..., et 79 930 euros de M. W... N... en paiement de travaux supposés ; qu'un second signalement a confirmé la poursuite de divers paiements de montants élevés au bénéfice de MM. D... C..., M... U... et I... O... ; qu'il est ressorti de l'enquête que Mme K... était une personne vulnérable, présentant une déficience auditive avec surdité de naissance, difficultés d'expression et limitation intellectuelle, ayant financé des travaux effectués dans sa maison, qu'elle avait donné à M. N... des chèques en blanc qu'elle se contentait de signer, que les travaux réalisés n'étaient pas de bonne qualité et effectués avec de nombreuses malfaçons et en dépit des règles de l'art alors que Mme K... avait versé au total plus de six cent mille euros ; que d'autres personnes âgées ont été victimes des mêmes agissements et que certaines des sommes versées ont été encaissées par divers individus faisant partie des familles proches des principaux mis en cause ; que huit prévenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel qui, par jugement en date du 15 novembre 2016, est entré en voie de condamnation à leur encontre ; que le ministère public a interjeté appel du jugement ;

En cet état ;

I - Sur les pourvois formés par MM. U... et O... :

Attendu que les demandeurs n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur conseil, un mémoire exposant leurs moyens de cassation ; qu'il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale ;

II - Sur les autres pourvois :

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour M. N... ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour M. N... , pris en sa deuxième branche ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour M. Z... P... ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour Mme S... J... ;

Sur le sixième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour Mme A... J... ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Rémy-Corlay pour Mme T... ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la SCP WAQUET, FARGE et HAZAN pour M. C... pris de la violation des articles 132-19 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement de quatre ans dont deux ans assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve, et a dit n'y avoir lieu à ordonner ab initio un aménagement de la partie de la peine non assortie du sursis,

"alors que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée inférieure ou égale à deux ans doit, lorsqu'il décide de ne pas l'aménager ab initio, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation personnelle du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ; que, dans son exposé des faits et de la procédure, aux pages 27 à 29 de l'arrêt attaqué, la cour d'appel décrit de manière circonstanciée la situation personnelle du prévenu, relevant notamment que celui-ci est père d'un enfant de 2 ans, vit chez ses grands-parents et exerce une activité d'auto-entrepreneur ; qu'en affirmant qu'elle ne disposait pas d'éléments sur la situation personnelle du prévenu pour exclure tout aménagement ab initio de la peine d'emprisonnement sans sursis et s'affranchir de son obligation spéciale de motivation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a ce faisant insuffisamment motivé sa décision et méconnu l'article 132-19 du code pénal" ;

Attendu que, pour condamner M. C..., notamment, à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, l'arrêt, après avoir énoncé que dans l'enquête sociale rapide, M. C... se déclare célibataire, vit en caravane chez ses grand-parents, a un enfant de deux ans, ne déclare aucun revenu mais peine à trouver des chantiers dans son activité d'auto-entrepreneur en tant que peintre en bâtiment, et décrit les trois condamnations figurant à son casier judiciaire, énonce que M. C... n'a pas tenu compte de ces avertissements judiciaires, que les faits reprochés se sont perpétrés pendant plusieurs années et caractérisent le mode de vie choisi par ce dernier qui s'affranchit de la législation sur le travail et sur la fiscalité, mais aussi qui n'hésite pas à profiter d'une personne fragile physiquement et psychologiquement afin de la dépouiller de son argent et s'enrichir ainsi à son détriment, qu'il ressort de l'enquête que M. C... a agi dans le cadre d'une activité délinquante structurée de membres d'une même famille ou de proches avec le même mode opératoire, avec des moyens inexistants et sans aucune compétence technique, pratiquant tous plus ou moins le blanchiment entre eux, qu'eu égard à la nature des faits et à la personnalité de M. C..., il y a lieu de condamner ce dernier à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, toute autre peine qu'une partie d'emprisonnement ferme étant manifestement inadéquate ; qu'ils concluent qu'en l'absence d'éléments sur la situation matérielle, familiale, professionnelle de l'intéressé, il n'y a pas lieu à ordonner un aménagement ab initio de la partie ferme de l'emprisonnement ;

Attendu qu'en disposant ainsi, et dès lors que la peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, prononcée pour des faits commis en partie en récidive, n'était pas susceptible d'aménagement, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour Mme S... J... pris de la violation des articles 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 130-1, 131-21 du code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Mme S... J... à la peine de confiscation du bien immobilier : commune de Saint-Victor, lieudit [...], une maison d'habitation d'une superficie au sol de 150 m², un cabanon d'une superficie au sol d'environ 18 m² et deux dépendances légères, cadastré section [...] , d'une contenance de 9 a 70 ca ;

"1°) alors que l'étendue et l'importance de la confiscation doivent être déterminées en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait confisquer la totalité du bien immobilier de Mme S... J... sans motiver ce chef de décision en référence à sa situation personnelle, à ses ressources et à ses charges ;

"2°) alors que, d'autre part, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; qu'en l'espèce, en ne se déterminant pas relativement à l'importance que le bien immobilier confisqué pouvait occuper dans le patrimoine de Mme S... J..., la cour d'appel a pris le risque de porter une atteinte disproportionnée à la substance même de son droit de propriété" ;

Attendu que, pour condamner Mme S... J... à une peine de confiscation d'un bien immobilier, l'arrêt, après avoir relevé que Mme J..., commerçante ambulante, n'a déclaré aucun revenu en 2011 et en 2012, a déclaré 251 euros en 2013 et 100 euros en 2014, et énuméré les sommes qu'elle a encaissées pendant la même période, énonce qu'elle a joué un rôle essentiel aux côtés de son compagnon en blanchissant des fonds d'origine frauduleuse, qu'elle a déjà été condamnée pour des faits d'escroquerie ; que les juges détaillent les déclarations faites par Mme J... à l'audience de la cour, justifiant l'achat d'un terrain de 29 000 euros, qu'ils décrivent la nature du bien immobilier confisqué et son origine ; que la cour conclut que cette mesure, prononcée à titre de peine principale, est de nature à lutter efficacement contre ce type de délinquance orienté vers la recherche d'enrichissement personnel sans contribuer aux finances de la société et contre l'économie souterraine que cette délinquance favorise est proportionnée à la nature des faits et à leur gravité ;

Attendu qu'en disposant ainsi, après avoir examiné la situation personnelle de la prévenue, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le septième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour Mme A... J..., pris de la violation des articles 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 130-1, 131-21 du code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Mme A... J... à la peine de confiscation du bien immobilier : commune de Domérat, [...] , une maison d'habitation d'une superficie d'environ 130 m², cadastré section [...] , d'une contenance de 12 a 60 ca ;

"1°) alors que l'étendue et l'importance de la confiscation doivent être déterminées en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait confisquer la totalité du bien immobilier de Mme A... J... sans motiver ce chef de décision en référence à sa situation personnelle, à ses ressources et à ses charges ;

"2°) alors que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; qu'en l'espèce, en ne se déterminant pas relativement à l'importance que le bien immobilier confisqué pouvait occuper dans le patrimoine de Mme A... J..., la cour d'appel a pris le risque de porter une atteinte disproportionnée à la substance même de son droit de propriété" ;

Attendu que pour condamner Mme A... J... à une peine de confiscation d'un bien immobilier, l'arrêt, après avoir relevé que Mme J..., concubine de M. N..., avec lequel elle a deux enfants, prétend vivre seule depuis début 2015, ne pas avoir d'emploi et toucher le RSA, qu'elle n'a déclaré aucun revenu en 2012 et a déclaré 1 450 euros en 2013, qu'elle a joué un rôle essentiel aux côtés de son compagnon en blanchissant des sommes d'argent importantes dont il est résulté pour elle un enrichissement conséquent, notamment sur le plan immobilier ; que les juges détaillent les éléments du dossier relatif à l'achat par l'intéressée d'un terrain en 2011-2012 pour un montant de 15 000 euros sur lequel elle a fait construire une maison évaluée à 163 000 euros ainsi que sur les conditions d'acquisition de deux caravanes; que la cour conclut que cette mesure, prononcée à titre de peine principale, est de nature à lutter efficacement contre ce type de délinquance orienté vers la recherche d'enrichissement personnel sans contribuer aux finances de la société et contre l'économie souterraine que cette délinquance favorise, est proportionnée à la nature des faits et à leur gravité ;

Attendu qu'en disposant ainsi, après avoir examiné la situation personnelle de la prévenue, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par la SCP WAQUET, FARGE et HAZAN pour M. C... pris de la violation des articles 111-3, 131-21 et 132-1 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation des biens suivants :- Sur la commune de Montluçon, au [...] une parcelle d'une surface de 00ha 03a 53ca cadastrée section [...] , supportant une maison bien acquis en indivision avec Mme E... J..., née le [...] à Hyères, selon acte notarié de Mme F... Q..., notaire en date du 8 octobre 2014 publié le 31 octobre 2014 sous la référence 2014 P3271, évaluée à 23000 euros ;
- Le véhicule saisi BMW X immatriculé [...] appartenant à Mme E... J..., dont la valeur est estimée à 13 200 euros ;
- Le véhicule Fiat Ducato saisi, immatriculé [...] valeur estimée 7 700 euros appartenant à D... C... ;
- La somme de 21 000 euros saisie retrouvée dans le coffre de la banque de sa mère, Mme X... B... ;

"1°) alors que le juge qui décide de confisquer un bien doit, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure ; que faute pour la cour d'appel d'avoir précisé le fondement des confiscations prononcées et l'origine des biens confisqués, elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions légales des confiscations étaient réunies et elle a ce faisant privé sa décision de base légale ;

"2°) alors que sauf le cas où un bien constitue l'objet ou le produit de l'infraction, seuls peuvent être confisqués les biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ; que faute d'établir que le terrain, appartenant en indivision au prévenu et à sa concubine, le véhicule BMW, appartenant à sa concubine, et les 21 000 euros déposés dans le coffre de la banque de sa mère, seraient l'objet ou le produit des infractions reprochées, la cour d'appel ne pouvait ordonner leur confiscation sans rechercher si le prévenu en avait la libre disposition et, le cas échéant, si sa concubine et sa mère étaient de bonne foi ; que la cour d'appel a ce faisant privé sa décision de base légale ;

"3°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en matière de confiscations, il appartient notamment au juge de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; que faute pour la cour d'appel d'avoir motivé les peines de confiscation prononcées en tenant compte de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, et faute de s'être ainsi assurée du caractère nécessaire et proportionné de la mesure, elle n'a pas suffisamment motivé sa décision" ;

Attendu que, pour condamner M. C... à la peine de confiscation d'un bien immobilier, de deux véhicules automobiles et de la somme de 21 000 euros, l'arrêt, après avoir énoncé que dans l'enquête sociale rapide, M. C... se déclare célibataire, vit en caravane chez ses grand-parents, a un enfant de deux ans, ne déclare aucun revenu mais peine à trouver des chantiers dans son activité d'auto-entrepreneur en tant que peintre en bâtiment, et décrit les trois condamnations figurant à son casier judiciaire, relève notamment que, compte tenu des sommes considérables soustraites à Mme K... ou provenant des infractions de travail clandestin, il y a lieu d'ordonner les confiscations mentionnées, sans que ces peines ne soient disproportionnées car en parfaite adéquation avec le montant détourné ou blanchi, avoisinant les 214 920 euros et eu égard à la gravité des faits ;

Attendu qu'en disposant ainsi, après avoir examiné la situation personnelle du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation proposé par Me Rémy
-Courlay pour Mme T..., pris de la violation des articles 132-1, 324-4, 324-7 et 324-8 du code pénal, les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 6 de cette convention, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif en ce qu'il a, notamment condamné la requérante à la peine complémentaire de confiscation en valeur de la somme de 46 330 euros ;

"alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en matière de confiscations, il appartient notamment au juge de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en affirmant que la peine complémentaire de confiscation en valeur de la somme de 46 330 euros correspondant aux sommes « blanchies » était proportionnelle du seul fait que Mme T... avait été condamnée pour des faits similaires en 2004, et alors même qu'il n'était pas établi ni que ces fonds lui ont profité ni qu'elle avait connaissance de l'origine frauduleuse des fonds, qu'elle est aujourd'hui âgée de plus de 70 ans et que sa situation personnelle financière est précaire, la cour d'appel qui n'a pas motivé la peine de confiscation prononcée en tenant compte de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, et ne s'est pas assurée du caractère nécessaire et proportionné de la mesure au regard de ses ressources et charges, n'a pas suffisamment motivé sa décision" ;

Attendu que, pour condamner Mme R... T... à une peine de confiscation en valeur de la somme de 46 330 euros, l'arrêt, après avoir relevé que Mme T..., âgée de 70 ans, est veuve depuis 1980 et vit en concubinage avec M. H..., qu'elle a deux enfants majeurs, demeure en caravane sur son terrain, est commerçante itinérante et que son casier judiciaire porte trace de deux condamnations, pour fraude au RMI, blanchiment aggravé et travail dissimulé, énonce que la prévenue n'a pas tenu compte de l'avertissement judiciaire en réitérant sa participation à un mécanisme frauduleux d'acquisition et d'utilisation des richesses, que, si elle a reconnu les faits, elle n'a pas remis en cause ses agissements qui constituent pour elle une sorte de "norme" ; que les juges énoncent précisément l'état de son patrimoine et concluent que sera prononcée à son encontre à titre de peine principale, la peine complémentaire de confiscation en valeur de la somme de 46 330 euros correspondant au montant des sommes blanchies par l'intéressée, cette peine étant proportionnée à la gravité des faits, à l'enrichissement qu'en a retiré l'intéressée et à sa personnalité ;

Attendu qu'en disposant ainsi, après avoir examiné la situation personnelle de la prévenue, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU pour M. W... N... pris de la violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 de la Convention des droits de l'homme, 2 de son protocole additionnel n° 7, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 130-1, 131-3, 131-27, 132-1, 132-19, 132-20 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné M. N... à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, au paiement de 20 000 euros d'amende et à l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, à savoir le démarchage à domicile, pour une durée de cinq ans ;

"1°) alors que ne saurait justifier la sévérité de la peine prononcée le fait que le prévenu ne reconnaît pas sa culpabilité ; qu'en l'espèce, en fondant son choix des peines prononcées contre M. N... sur la circonstance tirée des « dénégations » opposées par celui-ci, c'est-à-dire du fait qu'il niait tout ou partie des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a méconnu le droit du prévenu à ne pas contribuer à sa propre incrimination ;

"2°) alors que le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner M. N... à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, au paiement de 20 000 euros d'amende et à l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, à savoir le démarchage à domicile, pour une durée de cinq ans sans motiver ces chefs de décision en référence à sa situation matérielle, familiale et sociale, qu'elle a, à la fois, refusé de déterminer et mentionné aux termes d'une motivation parcellaire et insuffisante ;

"3°) alors qu'enfin, le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner M. N... à une peine de 20 000 euros d'amende sans motiver ce chef de décision en référence à ses ressources et à ses charges" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que si c'est à tort que la cour d'appel énonce, dans la partie de motivation consacrée à la détermination de la peine, que les dénégations et les explications parfois fantaisistes de M. N... témoignent du fait qu'il n'a pas intégré la gravité de ses agissements, l'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure, la motivation de la peine d'emprisonnement de quatre ans dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve, de l'amende de 20 000 euros et de l'interdiction d'exercer tout démarchage à domicile pendant une durée de cinq ans se fondant sur d'autres éléments, que la cour a énoncés ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 132-20, alinéa 2, du code pénal, 132-1 du même code et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant prononcé les peines, la cour d'appel énonce que M. N... n'a jamais été condamné et a des charges de famille, que son mode de vie s'affranchit de la législation sur le travail, sur la fiscalité, sur le démarchage à domicile et qu'il n'hésite pas à profiter d'une personne fragile physiquement et psychologiquement , qu'il a exercé une activité délinquante structurée au sein de membres d'une même famille ou de proches avec le même mode opératoire, que M. N..., bien qu'inscrit en tant qu'auto entrepreneur pour une activité de vendeur sur les foires et les marchés, s'est livré sans expérience professionnelle et sans assurance à la réalisation de travaux de bâtiment, que les juges énoncent qu'en l'absence d'éléments sur la situation matérielle, familiale, laquelle fluctue d'ailleurs en fonction de l'avancée de l'enquête, M. N... se prétendant séparé depuis janvier 2015, alors même que ses affaires, y compris son véhicule sont chez sa concubine, avec laquelle il a eu un enfant depuis leur séparation ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour déterminer la peine, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I - Sur les pourvois formés par MM. U... et O... :

Les DÉCLARE DÉCHUS ;

II - Sur les pourvois formés par MM. C..., P..., Mmes S... J..., A... J..., T... :

Les REJETTE ;

III - Sur le pourvoi formé par M. W... N...,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 31 janvier 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. W... N..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans
les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Riom, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf juin deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-81372
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 31 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 jui. 2019, pourvoi n°18-81372


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Marlange et de La Burgade, SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.81372
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