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19/06/2019 | FRANCE | N°18-18613

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 juin 2019, 18-18613


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 411 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

Attendu qu'aux termes du second de ces textes, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de procédure ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Jariots a m

andaté M. S..., avocat associé au sein de la société Assistance conseil fiscal, pour co...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 411 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

Attendu qu'aux termes du second de ces textes, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de procédure ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Jariots a mandaté M. S..., avocat associé au sein de la société Assistance conseil fiscal, pour contester les redressements fiscaux dont elle avait fait l'objet ; que, par décision du 19 juillet 2011, notifiée le 26 juillet suivant, la direction des services fiscaux de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa réclamation ; que, par jugement du 2 mars 2012, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté le recours formé contre cette décision, aux motifs que la requête introductive d'instance avait été déposée au greffe après l'expiration du délai de trois mois à compter de sa notification prévu aux articles R. 421-1 et R. 421-6 du code de justice administrative ; que, par arrêt du 14 juin 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête tendant à l'annulation dudit jugement ; que, lui reprochant de ne pas avoir saisi la juridiction administrative dans le délai imparti par la loi, la société O... Z..., agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Jariots, a cité M. S..., ainsi que la société Assistance conseil fiscal, aux fins d'indemnisation des préjudices qui en seraient résultés ;

Attendu que, pour rejeter ses demandes, après avoir relevé que, les 8 août et 17 octobre 2011, M. S... a adressé à la société Les Jariots deux lettres aux fins, en premier lieu, d'obtenir une copie de meilleure qualité de la décision du 19 juillet 2011, en deuxième lieu, d'informer son client d'une jurisprudence du Conseil d'Etat et des « chances de succès plus que limitées » de l'action envisagée et, en troisième lieu, d'obtenir ses remarques sur un projet de requête « dans les meilleurs délais afin de respecter les délais de recours », l'arrêt retient que, ces deux lettres n'ayant été suivies d'aucune réponse, la responsabilité de l'avocat ne saurait être engagée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la société Les Jariots avait donné instruction à son conseil d'exercer un recours contre la décision de rejet de l'administration fiscale, de sorte qu'il lui incombait de présenter en temps utile une requête à cette fin devant la juridiction administrative, à titre à tout le moins conservatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

Condamne M. S... et la société Assistance conseil fiscal aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société O... Z..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Jariots, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société O... Z..., ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SELARL U... Z... es qualités de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la SELARL Z... reproche à Maître S... de n'avoir pas déposé sa requête en contestation des redressements fiscaux dans le délai de trois mois, suivant la notification adressée par l'administration fiscale le 19 juillet 2011 contenant rejet de la réclamation contentieuse formulée par la SARL Les Jariots au titre du droit d'enregistrement, de l'IS, et de l'IRVM ; Attendu qu'il ressort du jugement du tribunal administratif de Nouvelle Calédonie prononcé le 2 mars 2012, que la requête en question présentée pour la société Les Jariots a été enregistrée le 28 octobre 2011, et qu'elle tendait à prononcer la décharge des impositions supplémentaires à l'IS, et à l'IRVM au titre des exercices 2005, 2006 et 2007 ; Attendu qu'il ressort des écritures des parties, précisément en page 4 des conclusions de Maître S... du 21 août 2017, qu'il est acquis aux débats que cette requête a été déposée postérieurement à l'expiration du délai de trois mois à compter de la notification de la décision de rejet de l'administration fiscale, prévu par les articles R 421-1 et -6 du code de justice administrative applicable en Nouvelle-Calédonie ; Attendu que la question qui se pose est de déterminer les raisons pour lesquelles, la requête en question a été déposée tardivement, soit le 28 octobre 2011 ; Attendu qu'il a été transmis à Maître S... un courriel du 4 août 2011 contenant « un courrier des services fiscaux adressé à Les Jariots » ; Attendu que par courrier du 8 août 2011, Maître S... a immédiatement réagi en réclamant à la société Les Jariots « une copie de meilleure qualité concernant les arguments de l'administration ainsi que l'avis de réception des rejets dont la date fait courir les délais de recours » ; Attendu alors que la société Les Jariots ne démontre pas avoir adressé à Maître S... une meilleure copie relative à l'argumentation des services fiscaux, ni l'avis de réception ; Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable qu'un avocat ne saurait rédiger une requête en contestation aux fins d'être déposée devant le tribunal administratif, sans connaître avec précision l'argumentaire de l'administration fiscale ; Attendu par ailleurs que la SELARL Z... soutient (page 5 de ses conclusions) que « parallèlement, Maître I..., autre conseil de M. F... (gérant de la société Les Jariots), et qui s'occupait de la procédure collective de la société Les Jariots, avait transmis cette lettre de rejet à Maître S... en juillet 2011 (pièce n° 19 : courrier de Maître I... à Maître N... adressé par mail et pièce n° 20 : email en date du 10 février 2012 de Maître S... à la secrétaire de M. F...) » ; Attendu qu'il résulte de l'analyse de cette pièce n° 19, qu'il s'agit seulement d'un courrier en date du 24 février 2014, dans lequel Maître I... écrit « j'avais adressé
la réponse de l'Administration dès réception en juillet 2011 » ; Qu'il n'en ressort aucunement la preuve d'un quelconque courrier, qui aurait été adressé à Maître S... ; qu'en outre, la vérification des pièces communiquées dans la présente instance, ne fait pas ressortir la production d'un quelconque courrier adressé par Maître I... à Maître S... dans le délai de trois mois suivant la notification des décisions de rejet de l'administration fiscale ; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Maître S... ne disposait pas des éléments lui permettant de rédiger utilement une requête en contestation au profit de la société Les Jariots ; Attendu que si Maître S... a fini par déposer la requête le 28 octobre 2011, il affirme dans ses écritures l'avoir fait « par précaution », en étant cependant dans l'ignorance du terme du délai d'expiration du recours en l'absence de réponse de son client, et notamment de l'avis de réception de la notification de la décision de rejet ; Qu'à ce jour, cet avis de réception n'a toujours pas été produit au dossier ; Attendu enfin, que si dans le cadre de son mandat, dont l'existence et le contenu ne sont pas contestés en l'espèce, l'avocat doit faire tout ce qui est utile à la poursuite de sa mission judiciaire, il ne saurait lui être reproché d'avoir cherché à obtenir l'approbation de son client pour poursuivre l'action en justice après l'avoir informé des risques et chances de succès ; Qu'en l'espèce, Maître S... verse aux débats deux copies de lettres, non contestées, qu'il a adressées les 08 août (déjà visée ci-dessus) et 17 octobre 2011 à la SARL Les Jariots aux fins d'une part d'obtenir une copie des décisions de rejet, et d'autre part d'informer son client d'une jurisprudence du Conseil d'Etat « identique à la vôtre », selon ses propres termes, et des « chances de succès plus que limitées » si la qualification de VEFA ne pouvait être retenue, afin d'obtenir les remarques de son client « dans les meilleurs délais afin de respecter les délais de recours » sur le projet de requête ; Qu'en outre, il convient d'observer que la société Les Jariots soutient en page 5 de ses écritures que la requête a été déposée par Maître S... « deux jours après la fin du délai de prescription » ; qu'il résulte ainsi de ses propres écritures, que la requête ayant été déposée le 28 octobre 2011, le délai de trois mois expirait le 26 octobre 2011 ; que par conséquent entre la lettre du 17 octobre 2011 susvisée et le 26 octobre 2011, la société Les Jariots pouvait répondre en temps utile à Maître S... ; Attendu que conformément aux dispositions des articles 1147 du Code civil et 411 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, la mise en oeuvre de la responsabilité civile d'un avocat exige l'établissement d'une faute dans l'accomplissement de son mandat, matérialisée par une inexécution de l'obligation, ou un retard dans cette exécution ; Qu'en l'espèce, les deux lettres en date des 8 août et 17 octobre 2011, n'ont été suivies d'aucune réponse de la part de la société Les Jariots ; Attendu en conséquence, qu'aucune responsabilité ne saurait incomber à Maître S... ; Qu'ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner une éventuelle perte de chance dans le cadre de la contestation du redressement fiscal ; Qu'en effet, pour qu'une situation de perte de chance puisse donner lieu à indemnisation, il faut que, par la faute de l'auteur du dommage la victime ait perdu « une éventualité favorable », selon la jurisprudence établie ; qu'il en ressort que la perte de chance ne doit pas avoir été causée du fait de la victime ; qu'en l'espèce ce sont l'inaction et l'absence de réponse de la société Les Jariots, auprès de son avocat qui pourtant la sollicitait, qui ont créé la situation dont elle prétend se prévaloir ; Que le jugement entrepris est ainsi confirmé ;

1°- ALORS QUE manque à son devoir de diligence et commet une faute, l'avocat qui ayant été mandaté pour contester les redressements envisagés à l'encontre de son client par l'administration fiscale et pour former un recours devant le Tribunal administratif contre la décision défavorable de l'administration fiscale portée à sa connaissance par un mail de son client, ne respecte pas le délai légal imparti par la loi pour former ce recours ; qu'en écartant la responsabilité de Maître S... après avoir constaté que ce dernier, qui admettait (conclusions de Maître S... p. 3) avoir reçu instruction d'engager un recours contre la décision de rejet de sa réclamation par l'administration fiscale, avait déposé la requête en contestation de cette décision devant le Tribunal administratif postérieurement à l'expiration du délai de trois mois à compter de la notification de la décision de l'administration fiscale, imparti par les articles R 421-1 et 421-6 du code de justice administrative applicable en Nouvelle-Calédonie, la Cour d'appel a violé les articles 1147 ancien du code civil et 411 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

2°- ALORS QU'il appartient à l'avocat qui est mandaté pour défendre les intérêts de son client auprès de l'administration fiscale et qui n'est pas déchargé de sa mission d'attirer l'attention de son client sur les voies de recours contre la décision de rejet de ses réclamations par l'administration fiscale, sur le délai de ce recours et sur l'importance de ce délai ; qu'en se fondant pour justifier le dépôt tardif du recours par l'avocat, sur la circonstance que la société Les Jariots ne lui aurait pas transmis les éléments qu'il demandait lui permettant de rédiger une requête et de connaitre le terme du délai d'expiration du recours, sans même constater que Maître S... informé de la décision de l'administration avait attiré l'attention de sa cliente sur le délai du recours et l'importance de ce délai, la Cour d'appel a violé les articles 1147 ancien du code civil et 411 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

3°-ALORS QU'en se fondant pour exonérer Maître S... de sa responsabilité, sur la circonstance que, destinataire le 4 août 2011 des décisions de rejet de ses lettres de réclamations par l'administration fiscale il avait sollicité le 8 août 2011 une copie de meilleure qualité concernant les argumentations de l'administration, et que n'ayant pas reçu une meilleure copie, il ne disposait pas des éléments lui permettant de rédiger utilement une requête en contestation au profit de la société Les Jariots, tout en constatant par ailleurs que Maître S... avait bien fini par déposer une requête le 28 octobre 2011, ce dont il résulte qu'il avait été en mesure de rédiger la requête au vu des éléments qui lui avaient été communiqués, la Cour d'appel a violé de plus fort les articles 1147 ancien du code civil et 411 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

4°- ALORS QU'en se fondant encore pour exclure la faute de Maître S... sur la circonstance que, destinataire le 4 août 2011 des décisions de rejet de ses lettres de réclamations par l'administration, il avait sollicité le 8 août 2011 de la société Les Jariots la communication de l'avis de réception des notifications de rejet dont la date fait courir les délais de recours et que faute de réponse il était dans l'ignorance du terme du délai d'expiration du recours, quand ayant reçu par le courriel du 4 août 2011 une copie de la lettre de rejet de l'administration fiscale datée du 19 juillet 2011, il appartenait à l'avocat qui était dans l'ignorance de la date de notification de cette lettre, de noter un délai de précaution à partir de la date de la décision du 19 juillet 2011, soit un délai au 19 octobre suivant, et de déposer sa requête dans ce délai, la Cour d'appel a encore violé les articles 1147 ancien du code civil et 411 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-18613
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 19 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jui. 2019, pourvoi n°18-18613


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18613
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