LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme K... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le Groupement des particuliers producteurs d'électricité photovoltaïque ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 octobre 2013, à la suite d'un démarchage à domicile, M. et Mme K... (les emprunteurs) ont souscrit un crédit affecté d'un montant de 26 900 euros auprès de la société Groupe Sofemo, aux droits de laquelle se trouve la société Cofidis (le prêteur), pour financer l'acquisition auprès de la société Vivenci énergies (le vendeur) d'une centrale photovoltaïque et d'un pack écologique ; que, par acte du 25 juin 2015, les emprunteurs ont assigné la SCP R...-W..., en qualité de liquidateur judiciaire du vendeur, et le prêteur en nullité des contrats de vente et de prêt, ainsi qu'en restitution des sommes payées au prêteur en raison des fautes par lui commises ; que ce dernier a sollicité le remboursement du capital emprunté ;
Attendu que, pour condamner solidairement les emprunteurs à payer au prêteur la somme de 26 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2000, après avoir prononcé, d'une part, la nullité du contrat de vente en raison des irrégularités affectant le bon de commande et la date apposée sur le contrat, d'autre part, la nullité du contrat de prêt, l'arrêt retient que l'irrégularité du formulaire de rétractation et la mention dactylographiée de la date ne peuvent caractériser une faute du prêteur, dès lors qu'il existait, bien après l'expiration du délai de rétractation et alors que la date sur le contrat de prêt était manuscrite, une attestation de livraison signée de M. K... indiquant que l'ensemble des prestations étaient réalisées, de sorte que le prêteur avait pu débloquer les fonds sans que la nullité encourue au titre du contrat principal ne le prive de sa créance de restitution ;
Qu'en statuant ainsi, alors que commet une faute le prêteur qui s'abstient, avant de verser les fonds empruntés, de vérifier la régularité du contrat principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, la Cour de cassation est en mesure, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme K... à payer à la société Cofidis, au titre du capital emprunté, la somme de 26 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2000 et à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d‘appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de la société Cofidis tendant à la condamnation de M. et Mme K... à restituer le capital prêté au titre du contrat affecté du 7 octobre 2013 ;
Condamne la société Cofidis aux dépens, qui incluront ceux exposés devant la cour d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme K....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement M. et Mme K... à payer à la société Cofidis la somme de 26 900 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2000 ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal a prononcé la résolution du contrat en visant à la fois des irrégularités du contrat et les dispositions de l'article 1184 du code civil tel qu'applicable aux faits de l'espèce ; que la banque fait certes observer que la résolution suppose un contrat valide de sorte qu'elle ne peut être demandée à titre principal si la nullité est par ailleurs invoquée ; mais qu'en l'espèce, si le tribunal n'a pas expressément statué sur la nullité ou la validité du contrat et si les conclusions des époux K... sont contradictoires puisqu'il est sollicité à la fois la confirmation du jugement et la nullité du contrat, il n'en demeure pas moins que l'assignation délivrée par les époux K... tendait bien à titre principal à la nullité du contrat ;
que c'est donc bien cette nullité qui doit être envisagée en premier lieu ;
que le contrat principal tel que conclu entre la société Vivenci et les époux K... l'était dans le cadre d'un démarchage à domicile ; qu'il relevait comme tel du régime des dispositions des article L. 121-23 et suivants du code de la consommation tel qu'applicable aux faits de l'espèce ; que les époux K... se prévalent d'une irrégularité du formulaire de rétractation ; que s'il n'est pas possible de déterminer s'il était aisément détachable ou non dans la mesure où il n'est produit qu'une copie du bon de commande, il apparaît en revanche que toutes les mentions prévues à l'article R. 121-5 du code de la consommation n'étaient pas présentes en particulier quant à l'envoi en lettre recommandée ; que contrairement aux énonciations de l'article L. 121-24 du code de commerce le contrat n'était pas daté de la main de M. K..., la mention étant dactylographiée ; que ces éléments invoqués par les époux K... sont bien de nature à justifier de la nullité du contrat principal ;
que dès lors ,il y a lieu à infirmation du jugement et au prononcé non pas de la résolution du contrat mais de sa nullité ; que si cette nullité emporte de plein droit remise en l'état antérieur et faculté pour le mandataire judiciaire de récupérer le matériel, il ne saurait y avoir lieu à condamnation à ce titre à une obligation de faire ;
que sur les conséquences sur le contrat de prêt
que par application des dispositions désormais codifiées à l'article L. 312-55 du code de la consommation, la nullité du contrat principal emporte nullité du contrat de prêt ; que ces dispositions trouvent bien à s'appliquer puisque, contrairement aux énonciations de la banque et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le contrat principal n'était pas commercial ; que de même, les observations de la banque sur un montant supérieur à 21 500 euros du prêt sont inopérantes s'agissant d'un prêt consenti postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi dite Lagarde du 1er juillet 2010 et d'un montant inférieur à 75 000 euros ;
que la nullité du contrat de prêt emporte en principe remise en l'état antérieur et obligation pour l'emprunteur de restituer le capital emprunté sous la seule déduction des échéances payées, sauf faute du prêteur le privant de sa créance de restitution ;
qu'en l'espèce, les époux K... invoquent une telle faute du prêteur ou plus exactement plusieurs fautes du prêteur sans toujours expliciter les conséquences qu'ils en tirent ;
qu'ils font valoir que la facture émise par le vendeur était irrégulière ; qu'ils en déduisent le manque de sérieux du vendeur mais ne précisent pas en quoi cela viendrait conforter une faute de la banque la privant de sa créance de restitution en capital ;
qu'ils invoquent les dispositions de l'article L. 311-8 devenu L. 314-25 du code de la consommation sur l'absence de formation du démarcheur à la distribution de crédit ; que toutefois, à supposer ce grief établi, il ne saurait ne soi justifier une absence de répétition du capital financé étant observé que ces dispositions s'inscrivaient dans les dispositions sur l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur et que la sanction est en cas de vérification insuffisante la déchéance du droit aux intérêts ; que cette déchéance est inopérante dès lors que seul le capital est désormais en question ;
qu'ils invoquent des pratiques commerciales agressives et un dol étant toutefois observé que ces éléments sont invoqués à l'encontre du vendeur et ne sont étayés par aucun élément de preuve ;
qu'ils estiment que la banque n'aurait pas dû décaisser les fonds en l'absence d'autorisation administrative et contestent tant la régularité que la portée de l'attestation de fin de travaux produite par la banque ;
que ces éléments sont en réalité très liés ; qu'en effet, le prêteur se prévaut d'une attestation de livraison par laquelle M. K... indiquait notamment « je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés » ;
que les époux K... contestent la portée de ce document à plusieurs titres ; qu'ils font valoir qu'il n'a été établi qu'en un seul original au mépris des dispositions de l'ancien article 1325 du code civil ; que toutefois, il ne s'agit pas là d'un contrat synallagmatique mais du document par lequel le client atteste de l'exécution de la prestation de sorte que ce moyen est sans portée ; qu'ils développent également une argumentation, sans que M. K... dénie expressément sa signature, sur l'absence de valeur probante d'un document produit en copie ; que le moyen manque en réalité en fait dans la mesure où le document produit à la cour est bien un original ;
que dès lors, la banque peut se prévaloir de l'attestation de fin de travaux ; qu'or, les emprunteurs sous la signature de M. K..., étant rappelé qu'ils avaient souscrit un engagement solidaire, reconnaissaient que l'ensemble des prestations étaient réalisées ;
que de même, si les époux K... démontrent que ce n'est que postérieurement aux travaux qu'ils ont formalisé la déclaration préalable de travaux, ils n'indiquent pas comment la banque aurait pu être informée de cette omission alors que l'attestation de fin de travaux par son caractère général et exhaustif ne devait pas conduire la banque à s'interroger spécialement ;
que les irrégularités du contrat de prêt telles que relevées ci-dessus sont insuffisantes pour caractériser une faute de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution ; qu'en effet, il est retenu comme cause de nullité au titre des irrégularités du bon de commande, les deux causes invoquées par les époux K... à savoir l'irrégularité du formulaire de rétractation et la mention dactylographiée de la date ; qu'or, dès lors qu'il existait, bien après l'expiration du délai de rétractation et alors que la date sur le contrat de prêt était elle manuscrite, l'attestation de livraison dans les termes reproduits ci-dessus, la banque pouvait débloquer les fonds sans que la nullité encourue au titre du contrat principal ne la prive de sa créance de restitution ; qu'en effet, les obligations de l'emprunteur naissent de cette exécution complète du contrat principal laquelle était attestée par les époux K... ;
que ceux-ci ne peuvent se prévaloir de l'absence de raccordement de l'installation au réseau ; qu'en premier lieu, celle-ci demeure hypothétique dans la mesure où les époux K... ne s'expliquent pas sur le courrier que leur a adressé ERDF (qu'ils produisent en pièce 10) et d'où il résulte que le raccordement existait et que seule la mise en service n'était pas active faute de demande de leur part ; qu'en toute hypothèse, la banque peut se prévaloir de l'attestation de livraison laquelle ne comprenait aucune réserve ;
qu'il n'est donc pas établi la faute de la banque la privant de sa créance de restitution de sorte que les époux K..., qui n'ont réglé aucune échéance, doivent être condamnés solidairement au paiement de la somme de 26 900 euros en restitution du capital prêté avec intérêts au seul taux légal à compter de l'assignation du 25 juin 2015 ;
1°) ALORS QUE l'établissement de crédit qui a consenti un crédit affecté à la livraison d'un bien et/ou d'une prestation de service est déchu du droit à la restitution du capital emprunté qu'il a libéré directement entre les mains du vendeur-prestataire lorsque le contrat de vente est affecté de causes du nullité dont ce fournisseur de crédit aurait dû se convaincre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le bon de commande était entaché d'au moins deux irrégularités très apparentes comme l'absence de date manuscrite de ce contrat et un bon de rétractation irrégulier, qu'en estimant néanmoins que ces irrégularités du contrat principal sont insuffisantes pour caractériser la faute de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution, aux motifs qu'il existait après l'expiration du délai de rétractation et que la banque pouvait débloquer les fonds au vu de l'attestation de livraison, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil, ensemble les articles L. 311-9 ancien du code de la consommation (actuellement L. 311-1-11°) et L. 311-31 ancien du même code (actuellement L. 312-48) ;
2°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux K... faisaient valoir que le bon de commande était entaché d'une autre cause de nullité, savoir que le bon de commande mentionnait faussement que le vendeur-prestataire était « partenaire EDF-SUEZ et Dolce Vita », ce que l'établissement de crédit ne pouvait ignorer ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et de viser et analyser le bon de commande versé aux débats à l'appui de leurs prétentions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'organisme de crédit prêteur ne peut obtenir de l'emprunteur la restitution du capital emprunté sans s'être assuré que le bon de livraison signé des emprunteurs attestait, lors du déblocage des fonds, de l'exécution complète de la prestation convenue et qu'elle était suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le bon de commande portait sur une opération complexe comprenant de très nombreuses fournitures de matériels et de réalisation de prestations de services ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si l'attestation de livraison rédigée en termes généraux, sans détailler au moins succinctement les éléments fournis et les prestations réalisées était suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-31 ancien du code de la consommation, devenu l'article L. 312-48 du même code, ensemble l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.