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13/06/2019 | FRANCE | N°18-85442

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 2019, 18-85442


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. C... Q...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 8 août 2018, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 200 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président,

Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. C... Q...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 8 août 2018, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 200 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle BERNARD HÉMERY, CAROLE THOMAS-RAQUIN, MARTIN LE GUERER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er de son Protocole n°1 additionnel, 130-1, 131-21, 132-1, 132-20 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement d'un an assortie du sursis, au paiement d'une amende de 200 000 euros et à une peine complémentaire de confiscation ;

"1°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en condamnant le prévenu à une peine d'emprisonnement d'un an, à une peine d'amende de 200 000 euros et à une peine complémentaire de confiscation sans motiver ces peines au regard de sa personnalité et de sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en prononçant une peine d'amende de 200 000 euros à l'encontre du prévenu sans tenir compte de ses charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors que le juge amené à prononcer la confiscation d'un bien acquis au moyen de fonds constituant l'objet ou le produit de l'infraction et de fonds licites, doit motiver sa décision, s'agissant de ces derniers, au regard de la nécessité et de la proportionnalité de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété ; qu'en prononçant la confiscation de l'appartement andorran, dont une partie seulement du prix payé par le prévenu provenait des commissions litigieuses, sans s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte ainsi portée à son droit de propriété, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Vu les articles 132-1, 132-20, alinéa 2, du code pénal et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; que le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; que lorsque plusieurs peines sont prononcées, les motifs peuvent être communs à celles-ci ;

Qu'il appartient au juge de motiver la peine qu'il prononce en se référant, dans sa décision, aux éléments qui résultent du dossier et à ceux qu'il a sollicités et recueillis lors des débats ; qu'il revient au prévenu, à la demande du juge ou d'initiative, d'exposer sa situation et de produire, éventuellement, des justificatifs de celle-ci ; que lorsque le prévenu n'a pas comparu et n'a pas fourni ni fait fournir d'éléments sur sa situation, il n'incombe pas au juge d'en rechercher d'autres que ceux dont il dispose ;

Que, lorsqu'il prononce une mesure de confiscation de tout ou partie du patrimoine, il doit également apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé, excepté si la mesure porte sur des biens qui constituent, dans leur totalité, le produit ou l'objet de l'infraction ;

Qu'il incombe en conséquence au juge, qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de cette peine ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et l'amende de 200 000 euros, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu, âgé de 65 ans, marié et père de deux enfants adultes, est retraité et perçoit une pension mensuelle d'environ 4 500 euros ainsi que des revenus fonciers qu'il évalue à environ 100 000 euros par an, dispose d'un patrimoine foncier composé de sa résidence principale, d'une résidence secondaire en France et d'un appartement en Andorre ainsi que d'une maison en Espagne, et qu'il est toujours président de la holding NBY qui contrôle la société TNT dont l'actuel président est son fils et la directrice générale sa fille ; que les juges ajoutent, après avoir relevé que son casier judiciaire porte la mention "Néant", que l'importance des abus et la durée de leur commission justifient non seulement que soit confirmée la peine mixte prononcée par les premiers juges, le montant de l'amende restant compatible avec sa situation patrimoniale, mais également, en raison du profit qui en est résulté, que soit également prononcée, en application des dispositions de l'article 131-21 du code pénal, la confiscation de l'appartement andorran acquis dans les conditions rappelées dans la décision ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans déterminer à quel titre le bien immobilier a été confisqué, en particulier s'il constitue, dans sa totalité, le produit ou l'objet de l'infraction, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef, qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse en date du 8 août 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-85442
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 08 août 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 2019, pourvoi n°18-85442


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.85442
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