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13/06/2019 | FRANCE | N°18-20968

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2019, 18-20968


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 17-13.622), que la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT a procédé, le 23 décembre 2016, à la désignation de délégués syndicaux au sein des différents établissements de la société Frans Bonhomme et de M. I... en qualité de délégué syndical central ; que l'employeur a saisi le tribunal d'instance d'une requête aux fins d'annulation de cette dernière désignation

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Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 17-13.622), que la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT a procédé, le 23 décembre 2016, à la désignation de délégués syndicaux au sein des différents établissements de la société Frans Bonhomme et de M. I... en qualité de délégué syndical central ; que l'employeur a saisi le tribunal d'instance d'une requête aux fins d'annulation de cette dernière désignation ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces branches ci-après annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 2143-3, alinéa 4, et L. 2143-5 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que, selon le second, dans les entreprises d'au moins deux mille salariés comportant au moins deux établissements d'au moins cinquante salariés chacun, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués syndicaux d'établissement ;

Attendu que, pour rejeter la requête de l'employeur, le jugement retient qu'il résulte de l'information délivrée au comité d'entreprise sur le projet d'évolution du réseau de distribution de la société Frans Bonhomme que la définition de trente-cinq territoires permettra de préserver l'ancrage territorial et de maintenir une gestion économique et financière de proximité, que le contenu des réunions des délégués du personnel démontre bien l'existence d'une communauté de travail avec des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques (déménagement du dépôt de Louviers, turnover des différents directeurs du territoire 859, pôle COS sur Lesquin adaptation des locaux, réparation de la grande porte d'entrée du dépôt 170 pour des mesures de sécurité, ordre d'un DR pas appliqué pour un DT, perte de personnel pour un territoire, chariot élévateur adapté pour le dépôt de Nîmes Est, questions sur le dépôt de Brignoles), qu'en outre, le maintien d'un CHSCT spécifique pour le siège démontre l'existence d'une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications spécifiques ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser à eux seuls l'existence de communautés de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, le tribunal d'instance n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Blois ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Orléans ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Frans Bonhomme

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir débouté la SAS Frans Bonhomme de sa demande d'annulation de la désignation du délégué syndical central opérée par la FNSCBA CGT en date du 23 décembre 2016, déclaré valide la désignation de M. I... en qualité de délégué syndical central CGT, et d'avoir condamné la SAS Frans Bonhomme à payer à la FNSCBA CGT la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT a procédé par courrier du 23 décembre 2016 à la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical CGT région Nord-Ouest, de M. Y... en qualité de délégué syndical CGT région Sud-Est, de M. L... en qualité de délégué syndical CGT région Sud-Ouest, de M. F... en qualité de délégué syndical CGT région Nord-est, de Mme R... en qualité de délégué syndical CGT au siège de l'entreprise ; que par courrier séparé du même jour, la FNSCBA CGT a désigné M. I... délégué syndical central CGT ; que lors des élections de 2016, la société Frans Bonhomme comprenait 2 084 salariés ; que les modalités des élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise ont été définies dans le cadre de deux protocoles préélectoraux du 27 septembre 2017 négociés entre la direction de la société Frans Bonhomme et les organisations syndicales CFDT, CFE CGC, CFTC et CGT ; que le protocole d'accord pour les élections de 2016 des délégués du personnel a reconnu l'existence d'établissements distincts correspondant aux directions régionales Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Est et siège dont la liste est annexée au protocole et celui du comité d'entreprise a prévu un comité d'entreprise au niveau de l'entreprise ; qu'aux termes de l'article L. 2143-3 alinéa 4 dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises d'au moins cinquante salariés peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; qu'il ne peut être uniquement déduit de la reconnaissance d'établissements distincts pour la désignation des délégués du personnel qu'ils valent automatiquement pour la désignation des délégués syndicaux ;

que par ailleurs, il a été jugé que ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux et qu'il s'ensuit qu'un accord d'entreprise, conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, se référant à un périmètre de désignation des délégués syndicaux identique à celui des élections au comité d'entreprise, ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau de l'établissement, au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail, peu important que cet accord n'ait pas été dénoncé (Soc. 31 mai 2016, n° 15-21175) ; qu'il s'en déduit qu'un syndicat peut désigner un délégué syndical d'un établissement dans un périmètre plus restreint que celui du comité d'entreprise, sous réserve qu'il réponde aux conditions fixées par le texte susvisé ; que le débat porte donc sur le point de savoir si les directions régionales et le siège de l'entreprise retenus comme périmètres de la désignation des délégués syndicaux répondent bien à la définition de l'établissement prévue par l'alinéa 4 de l'article L. 2143-3 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'information délivrée au comité d'entreprise sur le projet d'évolution du réseau de distribution de la société Frans Bonhomme que la définition de 35 territoires permettra : de préserver l'ancrage territorial, maintenir une gestion économique et financière de proximité ; qu'il n'est pas contesté par la société Frans Bonhomme que chaque direction est placée sous la direction d'un représentant de l'employeur ; que par ailleurs, le contenu des réunions des délégués du personnel démontre bien l'existence d'une communauté de travail avec des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques (déménagement du dépôt de Louviers, turnover des différents directeurs du territoire 859, pôle COS sur Lesquin adaptation des locaux, réparation de la grande porte d'entrée du dépôt 170 pour des mesures de sécurité, ordre d'un DR pas appliqué pour un DT, perte de personnel pour un territoire, chariot élévateur adapté pour le dépôt de Nîmes Est, questions sur le dépôt de Brignoles) ; qu'en outre, le maintien d'un CHSCT spécifique pour le siège à côté du CHSCT réseau démontre pour le siège, l'existence d'une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications spécifiques ; que par conséquent, la notion d'établissement pour les régions Nord-Ouest, Nord-Est, Sud-Ouest, Sud-Est et Siège peut être reconnue ; qu'en outre, aux termes de l'article L. 2143-5 du code du travail dans les entreprises d'au moins 2 000 salariés comportant au moins deux établissements d'au moins 50 salariés chacun, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués syndicaux d'établissement ; qu'en l'espèce, les conditions d'effectif et de représentativité de la FNSCBA CGTT ne sont pas contestées de sorte qu'il y a lieu de dire que celle-ci pouvait procéder à la désignation d'un délégué syndical central ; que la demande d'annulation de la désignation de M. I... en qualité de délégué syndical central formée par la société Frans Bonhomme sera rejetée ;

Alors 1°) que selon l'article L. 2143-3, alinéa 4 du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que selon l'article L. 2143-5 du même code, dans les entreprises d'au moins deux mille salariés comportant au moins deux établissements d'au moins cinquante salariés chacun, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués d'établissement ; qu'en l'espèce, pour valider la désignation par la fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT le 23 décembre 2016 de M. I... comme délégué syndical central, le jugement a retenu qu'il résulte de l'information délivrée au comité d'entreprise sur le projet d'évolution du réseau de distribution de la société Frans Bonhomme que la définition de 35 territoires permettra de préserver l'ancrage territorial, maintenir une gestion économique et financière de proximité ; que chaque direction est placée sous la direction d'un représentant de l'employeur ; que le contenu « des réunions des délégués du personnel » démontre une communauté de travail avec des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques (déménagement du dépôt de Louviers, turnover des différents directeurs du territoire 859, pôle COS sur Lesquin adaptation des locaux, réparation de la grande porte d'entrée du dépôt 170 pour des mesures de sécurité, ordre d'un DR pas appliqué pour un DT, perte de personnel pour un territoire, chariot élévateur adapté pour le dépôt de Nîmes Est, questions sur le dépôt de Brignoles) ; qu'en outre, le maintien d'un CHSCT spécifique pour le siège à côté du CHSCT réseau démontre pour le siège, une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications spécifiques ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'établissements et à justifier la désignation d'un délégué syndical central, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Alors 2°) que dans les entreprises d'au moins deux mille salariés comportant au moins deux établissements d'au moins cinquante salariés chacun, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués d'établissement ; qu'un établissement regroupe des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi que le soutenait la société Frans Bonhomme à l'audience (rappel des moyens de parties, jugement p. 3), si les circonstances que les directions régionales, périmètre de désignation des délégués du personnel, avaient un degré d'autonomie très réduit, dès lors que la direction des ressources humaines, la gestion du personnel, la gestion administrative et sociale était centralisée au siège, qu'il n'y avait pas de délégation de politique de ressources humaines au sein des direction régionales, seul le directeur des ressources humaines détenant le pouvoir de décision concernant l'embauche, le licenciement et la promotion du personnel, n'impliquaient pas que les salariés, même placés sous la direction d'un représentant de l'employeur au niveau régional, ne constituaient pas une communauté de travail ayant des intérêts propres et des revendications communes et spécifiques différentes rapport au périmètre constitué par le comité d'entreprise, de sorte qu'il n'existait pas d'établissements distincts et que la désignation d'un délégué syndical central d'entreprise était injustifiée, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-3, alinéa 4 et L. 2143-5 du code du travail ;

Alors 3°) que en ne répondant pas au moyen de la société Frans Bonhomme soutenant qu'un délégué syndical a pour principale mission la négociation d'accords collectifs au sein de l'entreprise et rappelant, qu'au sein de la société, les négociations syndicales avaient toujours lieu au niveau de l'entreprise et non au niveau régional (rappel des moyens de parties, jugement p. 3), comme l'attestaient les accords récents conclus au sein de la société versés aux débats (Accord NAO entreprise du 7 juin 2016 et avenant du 13 décembre 2016 ; PV de désaccord NAO entreprise du 4 juillet 2017 ; accord d'entreprise du 3 octobre 2017 ; accord dons de jours de repos du 3 octobre 2017 ; pièces communiquées 9 à 13), mettant en évidence que les régions et le siège ne constituaient pas des établissements distincts, et qu'était donc irrégulière la désignation d'un délégué syndical central d'entreprise, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-20968
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Blois, 30 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2019, pourvoi n°18-20968


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20968
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