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13/06/2019 | FRANCE | N°18-19079

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 juin 2019, 18-19079


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 10 novembre 2014, Mme F... a conclu un mandat de protection future, M. I... , un ami, étant désigné en qualité de mandataire ; que le mandat a été mis à exécution le 16 juin 2016 ; que, saisi par M. F..., le frère de Mme F..., d'une requête aux fins de révocation du mandat, le juge des tutelles l'a rejetée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. I... et Mme F... font grief à l'arrêt de révoquer le mandat de protection future

alors, selon le moyen, que le mandat de protection future, qui est une alternative a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 10 novembre 2014, Mme F... a conclu un mandat de protection future, M. I... , un ami, étant désigné en qualité de mandataire ; que le mandat a été mis à exécution le 16 juin 2016 ; que, saisi par M. F..., le frère de Mme F..., d'une requête aux fins de révocation du mandat, le juge des tutelles l'a rejetée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. I... et Mme F... font grief à l'arrêt de révoquer le mandat de protection future alors, selon le moyen, que le mandat de protection future, qui est une alternative aux mesures judiciaires de protection des majeurs, est un contrat par lequel une personne en charge une autre de la représenter, pour le cas où, à l'avenir, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts ; que si le juge des tutelles peut révoquer à la demande de tout intéressé un mandat de protection future mis à exécution, c'est à la condition que l'exécution du mandat soit de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ; que pour révoquer le mandat notarié de protection future donné par Mme F... à M. I... , la cour d'appel a considéré que M. I... a fait preuve d'un manque de rigueur et de diligence dans la gestion du patrimoine de Mme F..., ce qui a eu un impact financier, alors que d'importants pouvoirs lui ont été confiés et que le notaire n'a pas contrôlé le dépôt des comptes de gestion ; que M. I... ne pouvait pourtant pas être responsable de la carence du notaire, et que la cour d'appel a constaté que les comptes de gestion 2016 étaient sincères ; et qu'un simple retard dans la résiliation du bail et une absence d'inventaire de la cave ne suffit pas à caractériser une atteinte aux intérêts du mandant, justifiant la révocation du mandat de protection future souhaité par Mme F... en raison des liens anciens et étroits l'unissant à M. I... ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 477 et 483 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 483, 4°, du code civil que la révocation du mandat de protection future peut être prononcée par le juge des tutelles lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ; qu'ayant relevé que l'inventaire des biens dressé par le mandataire était incomplet, que le compte de gestion avait été déposé avec retard et que la résiliation du bail lors de l'admission de Mme F... en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes avait été tardive, ce qui avait généré des frais inutiles, la cour d'appel a souverainement estimé que le mandataire avait fait preuve d'un manque de rigueur et de diligences dans la gestion du patrimoine de la mandante, ce qui avait eu des conséquences financières, de sorte que la mise en oeuvre du mandat était de nature à porter atteinte à ses intérêts ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. I... et Mme F... font grief à l'arrêt de placer cette dernière sous tutelle, de fixer la durée de la mesure à dix ans, de désigner l'UDAF de la Haute-Vienne en qualité de tuteur et d'ordonner la suppression de son droit de vote alors, selon le moyen :

1°/ que seule la personne qui doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut être placée sous tutelle ; et que les conditions de la tutelle doivent être appréciées à la date à laquelle le juge statue ; que pour placer Mme F... sous tutelle, la cour d'appel a énoncé qu'il était établi par le certificat médical du docteur R... du 13 juin 2016 que l'intéressée souffrait de la maladie d'Alzheimer évolutive depuis 2009 avec troubles du langage et de l'écriture mais non de la compréhension, qu'elle ne pouvait plus rien faire (courses, préparation des repas et ménage) et que l'évolution de la maladie se ferait dans le sens d'une aggravation progressive ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé, au jour où elle a statué, la nécessité pour Mme F... d'être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile, lors même que, dans le certificat médical établi, le docteur R... indiquait que Mme F... « est en mesure d'exprimer sa volonté » et n'a pas évoqué la nécessité d'ouvrir une mesure de tutelle ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 425 et 440 du code civil ;

2°/ que le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée supérieure à cinq ans, n'excédant pas dix ans ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'au regard du caractère définitif de la maladie tel que constaté par le médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République, Mme F... devait être placée sous tutelle pour une durée de dix ans ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas suffisamment motivée sa décision, a violé l'article 441 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé qu'il résultait du certificat médical circonstancié établi le 13 juin 2016 par un médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 du code civil, que Mme F... souffrait de la maladie d'Alzheimer, évoluant depuis 2009, qu'elle présentait des troubles du langage, des troubles mnésiques, ne parvenait plus à signer, ne comprenait pas tout ce qu'elle disait, se perdait dans son quartier et ne pouvait plus rien faire seule ; qu'elle a ainsi caractérisé, à la date à laquelle elle statuait, l'altération des facultés personnelles de l'intéressée et la nécessité d'une représentation continue dans les actes de la vie civile ;

Attendu, ensuite, que c'est par une décision suffisamment motivée que la cour d'appel a fixé la durée de la mesure de tutelle à dix ans, après avoir constaté que, selon le certificat médical circonstancié, Mme F... présentait une altération définitive de ses facultés mentales, qui s'aggraverait progressivement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 5 du code électoral, alors en vigueur, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, lorsqu'il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ; que, selon le second, tout jugement doit être motivé ;

Attendu que l'arrêt ordonne la suppression du droit de vote de Mme F... ;

Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la suppression du droit de vote de Mme F..., l'arrêt rendu le 3 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. I... et Mme F...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR infirmé l'ordonnance du juge des tutelles de Limoges en date du 7 décembre 2016 qui avait dit n'y avoir lieu à révocation du mandat notarié de protection future donné par Mme F..., le 10 novembre 2014, à M. D... I... ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article 483, 4° du code civil, le mandat mis à exécution prend fin par sa révocation prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant. Les pouvoirs conférés au mandataire par le mandat de protection future établi par acte authentique sont définis par l'article 490 du code civil. Ainsi, par dérogation à l'article 1988, le mandat notarié, même conçu en termes généraux, inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation. Toutefois, le mandataire ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisation du juge des tutelles. Corrélativement, le mandataire a pour obligation d'établir un inventaire et de rendre compte de sa gestion. L'article 486 du code civil prévoit à ce titre que le mandataire chargé de l'administration des biens de la personne protégée fait procéder à leur inventaire lors de l'ouverture de la mesure, qu'il doit assurer son actualisation au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine et que, par ailleurs, il établit annuellement le compte de sa gestion qui est vérifié selon les modalités définies par le mandat et que le juge peut en tout état de cause faire vérifier selon les modalités prévues à l'article 511. L'article 491 du même code précise que pour l'application du second alinéa de l'article 486, le mandataire rend compte au notaire qui a établi le mandat en lui adressant ses comptes, auxquels sont annexées toutes pièces justificatives utiles, que le notaire en assure la conservation ainsi que celle de l'inventaire des biens et de ses actualisations et qu'il saisit le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et de tout acte non justifiés ou n'apparaissant pas conformes aux stipulations du mandat. En l'espèce, le mandat de protection future établi le 10 novembre 2014 en la forme notariée rappelle que le mandataire pourra accomplir les actes patrimoniaux qu'un tuteur peut faire seul ou avec, une autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille et énonce de manière non exhaustive la liste des actes que M. I... peut réaliser en vertu de ce mandat. Il est notamment précisé que M. I... pourra procéder à la vente des biens immobiliers ou des droits dont Mme F... est propriétaire s'agissant des immeubles situés sur les communes de [...] (94). [...] (87) et [...] (64). Il apparaît ainsi que M. I... disposait en vertu de ce mandat de protection future de pouvoirs beaucoup plus importants que ceux que la loi accorde à un tuteur puisqu'il avait la capacité d'effectuer seul et sans contrôle du juge des tutelles des actes de disposition, à l'exception toutefois des actes de disposition à titre gratuit. L'état de santé de Mme F... justifiait une mesure de protection comme a pu en attester le Docteur R..., médecin inscrit sur la liste prévue par l'article 481 du Code civil, dans son certificat médical du 13 juin 2016, une telle mesure de protection n'ayant pas été mis en oeuvre en raison précisément de l'existence de ce mandat de protection future. Ainsi, au regard de la situation de particulière, vulnérabilité de Mme F... dont l'état de santé aurait justifié, en l'absence de mandat de protection future, une mesure de protection judiciaire mais aussi de l'absence de contrôle du juge des tutelles quant aux actes patrimoniaux les plus graves, mis à part les actes à titre gratuit, M. I... devait exercer son mandat avec la plus grande rigueur. Il est rappelé dans le mandat de protection que M. I... doit, d'une part, dresser un inventaire et l'actualiser et, d'autre part, établir chaque année un compte de gestion pour la période du 1er janvier au 31 décembre et le transmettre au notaire rédacteur de l'acte au plus tard le 31 mars de chaque, année. S'il a bien fait procéder à un inventaire du mobilier situé dans le logement de Mme F... (constat du huissier des 20 juin 2016) et des bijoux qu'il aurait retrouvés ultérieurement (constat du huissier du 11 juillet 2016), il apparaît néanmoins que l'inventaire prévu par la loi n'a pas été réalisé entièrement dans la mesure où le constat d'huissier du 20 juin 2016 ne mentionne pas les biens situés dans la cave de son logement alors même que la facture du brocanteur ayant procédé à l'enlèvement du mobilier au mois de décembre 2016 mentionne qu'elle a été débarrassée. De plus, le notaire n'a pas été destinataire d'un inventaire concernant la situation des avoirs bancaires de Mme F... à la date de mise en oeuvre du mandat et son patrimoine immobilier. Il convient encore de relever qu'elle paye une partie de la taxe d'habitation de la maison située à [...] (64) lui appartenant en indivision avec son frère et qu'aucun inventaire des biens meublants cet immeuble n'a été effectué. En revanche, le véhicule de Mme F... ayant été cédé en janvier 2015, il n'avait pas à figurer dans l'inventaire. S'agissant du compte de gestion 2016, celui-ci a été déposé le 27 novembre 2017 soit un mois après l'arrêt avant dire droit du 24 octobre 2017 ordonnant à M. I... de produire le compte de gestion certifié conforme par le notaire. Le compte de gestion a donc été déposé avec huit mois de retard et rien n'indique que le mandataire aurait accompli son obligation si la cour ne lui avait pas demandé. Il convient également de constater que le contrôle prévu par la loi n'a pas fonctionné en l'espèce puisque le notaire n'a pas vérifié que M. I... avait bien exécuté son obligation et ne lui a adressé aucun rappel. M. I... a soumis le compte de gestion au contrôle d'un expert- comptable qui l'a validé. Aucun élément ne permet de mettre en doute la sincérité du compte de gestion 2016. En revanche, l'examen du compte de gestion fait apparaître que Mme F... a continué à payer le loyer de son logement parisien (1260,19 € par mois) jusqu'à la fin de l'année 2016 alors même qu'elle a été admise en EHPAD le 28 juin 2016 et M. I... ne fournit aucune explication quant au retard pris dans la résiliation du bail de son logement alors que Mme F... remplissait les conditions pour bénéficier du préavis réduit compte tenu de son âge et de son état de santé. Une gestion plus diligente de son logement aurait pu lui permettre d'économiser la somme de 7561,14 €. Concernant la hausse importante des sommes appelées au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2015, celle-ci s'explique par la perception d'une prime de départ à la retraite qui était nécessairement soumise à l'impôt sur le revenu. Aucun grief ne peut donc être fait à M. I... de ce chef. En revanche, il a été contraint pour faire face au paiement des dernières mensualités de l'impôt sur le revenu, majorées en raison de la hausse exceptionnelle des revenus 2015, de procéder au retrait de la somme de 24 975,89 € sur l'assurance-vie. Or, le montant de ce retrait aurait pu être réduit de manière significative si le congé pour son logement avait été délivré en temps utile. Il résulte de ces éléments que M. I... a fait preuve d'un manque de rigueur et de diligence dans la gestion du patrimoine de Mme F.... Au regard, de l'importance des pouvoirs qui lui sont confiés, de sa carence dans la remise des éléments nécessaires au contrôle de la bonne exécution de son mandat, de l'absence de contrôle du dépôt des comptes de gestion par le notaire et des conséquences financières qu'a pu avoir son manque de diligence, il apparaît que la mise en oeuvre du mandat de protection future est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant. Celui-ci sera donc révoqué. La décision du premier juge sera donc infirmée ».

ALORS QUE le mandat de protection future, qui est une alternative aux mesures judiciaires de protection des majeurs, est un contrat par lequel une personne en charge une autre de la représenter, pour le cas où, à l'avenir, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts ; que si le juge des tutelles peut révoquer à la demande de tout intéressé un mandat de protection future mis à exécution, c'est à la condition que l'exécution du mandat soit de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ; que pour révoquer le mandat notarié de protection future donné par Mme F... à M. I... , la cour d'appel a considéré que M. I... a fait preuve d'un manque de rigueur et de diligence dans la gestion du patrimoine de Mme F..., ce qui a eu un impact financier, alors que d'importants pouvoirs lui ont été confiés et que le notaire n'a pas contrôlé le dépôt des comptes de gestion ; que M. I... ne pouvait pourtant pas être responsable de la carence du notaire, et que la cour d'appel a constaté que les comptes de gestion 2016 étaient sincères ; et qu'un simple retard dans la résiliation du bail et une absence d'inventaire de la cave ne suffit pas à caractériser une atteinte aux intérêts du mandant, justifiant la révocation du mandat de protection future souhaité par Mme F... en raison des liens anciens et étroits l'unissant à M. I... ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 477 et 483 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR placé Mme F... sous tutelle, fixé la durée de la mesure à 10 ans, désigné l'UDAF de la Haute-Vienne en qualité de tuteur et ordonner la suppression de son droit de vote ;

AUX MOTIFS QUE « préalablement, il convient d'indiquer qu'il n'apparaît pas opportun d'assurer la protection de Mme F... dans le cadre d'une mesure d'habilitation familiale en faveur de son frère dès lors qu'il résulte des éléments de l'espèce que celle-ci s'était éloignée de lui et n'a manifesté à aucun moment le désir qu'il prenne en charge la gestion de ses affaires. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 425 du code civil que toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une des mesures de protection juridique des majeurs. Par ailleurs, le 3ème et le 4ème alinéas de l'article 440 prévoient que la personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle et que la tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante. En l'espèce, dans son certificat médical du 13 juin 2016, le Docteur R..., médecin inscrit sur la liste prévue par l'article 431 du code civil, mentionne que Mme F... présente une maladie d'Alzheimer qui évolue depuis 2009 et elle a constaté qu'elle présentait un trouble du langage qui affecte essentiellement l'élocution mais pas la compréhension. Sur le plan de l'écriture, elle ne parvient plus à signer et ne comprend pas tout ce qu'elle dit en raison de troubles mnésiques et de difficultés lexique. Le médecin mentionne encore qu'elle se perd dans son quartier et qu'elle ne peut rien faire seule, ni les courses, ni la préparation des repas ni le ménage. Le médecin considère que le placement en maison de retraite spécialisée est indispensable pour lui permettre de vivre plus sereinement. Sur la base de ces constatations, le Docteur R... indique que Mme F... se trouve dans l'une des situations décrites à l'article 425 du code civil et que l'évolution de sa maladie se fera dans le sens d'une aggravation progressive. Il résulte de ces éléments que Mme F... présente une altération définitive et en voie d'aggravation de ses facultés mentales qui la place dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses Intérêts et qui nécessite une représentation continue dans les actes importants de la vie civile. Elle n'est pas mariée et, au regard de l'avis du médecin spécialiste, une mesure de sauvegarde de justice ou de curatelle n'est pas de nature à préserver suffisamment ses intérêts. Dans ces conditions, il y a lieu de placer Mme F... sous le régime de la tutelle pour une durée de 10 ans au regard du caractère définitif de la pathologie tel que constaté par le médecin. Elle souhaitait que la mesure soit exercée par M. I... et non par son frère. Le manque de rigueur dont a fait preuve M. I... rend inopportun sa désignation en qualité de tuteur aux biens. Par ailleurs, s'il résulte des éléments du dossier qu'il a été extrêmement présent auprès d'elle durant sa maladie, il n'en demeure pas moins que Mme F... se trouve isolée en Haute-Vienne, loin de ses amis auprès desquels elle vivait à Paris, et de son frère qui réside en Indre-et-Loire. Compte tenu de cet éloignement, il n'apparaît pas envisageable de scinder la tutelle en une tutelle aux biens et à la personne. En conséquence, il y a lieu de désigner en qualité de tuteur un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, étant précisé que cette décision ne sera pas de nature à faire obstacle au maintien des liens amicaux que Mme F... entretenait avec M. I... et sa famille ».

ALORS QUE seule la personne qui doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut être placée sous tutelle ; et que les conditions de la tutelle doivent être appréciées à la date à laquelle le juge statue ; que pour placer Mme F... sous tutelle, la cour d'appel a énoncé qu'il était établi par le certificat médical du docteur R... du 13 juin 2016 que l'intéressée souffrait de la maladie d'Alzheimer évolutive depuis 2009 avec troubles du langage et de l'écriture mais non de la compréhension, qu'elle ne pouvait plus rien faire (courses, préparation des repas et ménage) et que l'évolution de la maladie se ferait dans le sens d'une aggravation progressive ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé, au jour où elle a statué, la nécessité pour Mme F... d'être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile, lors même que, dans le certificat médical établi, le docteur R... indiquait que Mme F... « est en mesure d'exprimer sa volonté » et n'a pas évoqué la nécessité d'ouvrir une mesure de tutelle; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 425 et 440 du code civil.

ALORS, à titre subsidiaire, QUE le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée supérieure à cinq ans, n'excédant pas dix ans ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'au regard du caractère définitif de la maladie tel que constaté par le médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République, Mme F... devait être placée sous tutelle pour une durée de 10 ans ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas suffisamment motivée sa décision, a violé l'article 441 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR ordonné la suppression du droit de vote ;

AUX MOTIFS QU'« il y a lieu de placer Mme F... sous le régime de la tutelle pour une durée de 10 ans au regard du caractère définitif de la pathologie tel que constaté par le médecin ».

ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'aux termes de l'article L5 du code électoral issu de la loi du 5 mars 2007, lorsqu'il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ; qu'il en résulte que le droit de vote n'est plus automatiquement supprimé par la mise sous tutelle ; qu'en ordonnant la suppression du droit de vote de Mme F... après l'avoir placée sous tutelle sans aucunement motiver sa décision de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-19079
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 03 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 jui. 2019, pourvoi n°18-19079


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19079
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