LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le désistement du pourvoi de M. H... et Mme X... :
Vu l'article 1024 du code de procédure civile ;
Attendu que le désistement du pourvoi doit être accepté s'il contient des réserves ou si le défendeur a formé un pourvoi incident préalablement à sa notification ;
Attendu que, par acte déposé au greffe le 23 janvier 2019, M. H... et Mme X... ont déclaré se désister de leur pourvoi ;
Attendu que, M. N... ayant formé un pourvoi incident préalablement à la notification du désistement et ne l'ayant pas accepté, celui-ci est non avenu ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 février 2018), que l'association Eco-constructeurs de Vendeuvre a été constituée par plusieurs personnes dans la perspective de la construction de maisons individuelles ; que l'association a souscrit avec l'association Toit par toi une convention de partenariat et chacun des maîtres d'ouvrage a conclu avec M. N..., architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architecte français (la MAF), un contrat portant sur le dépôt du permis de construire pour l'habitation considérée ; que la société Art'bati, assurée auprès de la société MAAF assurances (la MAAF) au titre de la garantie décennale et de l'assurance de responsabilité civile, a été chargée de la réalisation des fondations de chacune des constructions, après réalisation d'une étude de sol par la société Eg sol ouest ; que les fondations exécutées ont été jugées non conformes à l'étude de sol par la société Apave nord ouest ; qu'après expertise et déclaration de leurs créances respectives au passif de la société Art'bati, placée en liquidation judiciaire, les maîtres d'ouvrage et l'association Eco-constructeurs de Vendeuvre ont assigné les sociétés Art'bati et Apave nord ouest, la MAAF, la MAF, l'association Toit par toi et M. N... en indemnisation de leurs préjudices respectifs ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :
Attendu que les maîtres d'ouvrage et l'association Eco-constructeurs de Vendeuvre font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la MAAF ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le fait de poser l'ossature en bois des constructions après la réalisation des fondations ne valait pas prise de possession de celles-ci et que leur prix n'avait été réglé qu'à hauteur de 65 %, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants, que la réception tacite des fondations n'était pas établie et que les demandes formées contre l'assureur en garantie décennale étaient mal fondées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances ;
Attendu que l'assureur répond des conséquences des fautes de l'assuré, sauf clause d'exclusion formelle et limitée contenue dans la police ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de l'association Eco-constructeurs de Vendeuvre et des maîtres d'ouvrage contre la MAAF, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité civile, l'arrêt retient que l'article 13 des conditions générales du contrat d'assurance « Multipro » souscrit auprès d'elle, qui exclut « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent », est claire, formelle, limitée et qu'elle laisse dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause précitée, susceptible d'interprétation, n'était pas formelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour condamner M. N... in solidum avec l'association Toit par toi à indemniser les maîtres d'ouvrage, l'arrêt retient que l'architecte, qui engage envers eux sa responsabilité délictuelle, ne peut se prévaloir d'une clause du contrat de maîtrise d'oeuvre qui exclut toute solidarité ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que l'architecte avait fourni après le dépôt du permis de construire, avec l'assentiment des maîtres d'ouvrage, des prestations s'inscrivant dans une mission de maîtrise d'oeuvre, ce dont il résultait que des relations de nature contractuelle s'étaient établies entre eux après le terme de leur contrat écrit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause la société Mutuelle des architectes français ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de l'association des Eco-constructeurs de Vendeuvre et de MM. Q..., A..., H..., S... et B... et Mmes L..., W..., X... et M... contre la société MAAF assurances en qualité d'assureur de responsabilité civile de la société Art'bati et en ce qu'il prononce des condamnations à paiement contre M. N..., in solidum avec l'association Toit par toi, au profit de MM. Q..., A..., H..., S... et B... et Mmes L..., W..., X... et M..., l'arrêt rendu le 6 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société MAAF assurances aux dépens du pourvoi principal et l'association des Eco-constructeurs de Vendeuvre et MM. Q..., A..., H..., S... et B... et Mmes L..., W..., X... et M... à ceux du pourvoi incident ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour MM. Q..., A..., H..., S..., B..., Mmes X..., L..., W..., M... et l'association des Eco-constructeurs de Vendeuvre.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait dit la société Maaf tenue de garantir la société Art'bati des condamnations prononcées à son encontre et condamné la société Maaf à payer aux exposants diverses sommes à titre de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir en conséquence débouté les exposants de leurs demandes à l'encontre de la société Maaf ;
AUX MOTIFS d'une part QUE : Sur les conditions de la garantie décennale : Les éco-constructeurs fondent leur action à titre principal sur la responsabilité décennale due par les constructeurs au visa de l'article 1792 du code civil. La Maaf, assureur décennal de l'entreprise, l'architecte estiment que les conditions de la garantie décennale ne sont pas réunies en l'absence notamment d'ouvrage et de réception des travaux. a) l'ouvrage : Le tribunal a considéré que les fondations constituaient un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil conformément à l'analyse des éco-constructeurs. M. N... architecte, admet que la garantie décennale s'applique en présence de dommages affectant les éléments constitutifs de l'ouvrage, en particulier les fondations. Il fait valoir cependant à juste titre que la garantie est subordonnée à la condition que l'ouvrage soit réceptionné et terminé. En l'espèce, l'expertise et les photographies annexées au rapport (annexe 23) mettent clairement en évidence que si les fondations sont achevées, l'ossature bois a été partiellement posée sur une partie pavillon, qu'aucun des pavillons n'est habitable. b) la réception des travaux. Le tribunal a retenu que le paiement de l'entreprise avait été arrêté sur sollicitation de la société Art' Bati elle-même en raison du rapport de contrôle défavorable établi par l'Apave. Il a considéré que le paiement, la prise de possession des fondations par la réalisation de travaux postérieurs de construction de logements caractérisaient une réception tacite des travaux réalisés par la société Art' Bati. Les éco-constructeurs considèrent que les conditions d'une réception tacite sont réunies, font valoir qu'ils ont accepté le support en commençant le montage des ossatures des maisons en bois. Ils observent que la facturation est postérieure (27 juillet) à la réalisation, estiment que l'existence d'un solde impayé ne fait pas obstacle à la réception. La Maaf fait valoir que la réception tacite suppose que soit démontrée la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux, estime que la réalisation postérieure de travaux, le paiement partiel du prix ne caractérisent pas cette volonté. La cour relève que les éco-constructeurs ont été avisés de la non-conformité des fondations le 24 août 2011, que la société Art'bati ne démontre pas que les travaux aient été réglés au-delà de 65 %, qu'un paiement soit intervenu après le 24 août 2011. Il est démonté par les pièces produites que c'est M. N... qui a incité les constructeurs à régler 80% des factures pour ne pas pénaliser l'entreprise et non les constructeurs qui ont réglé délibérément l'entreprise, le règlement effectif n'étant au demeurant pas démontré. L'état d'avancement des travaux excluait en réalité toute prise de possession. La volonté de recevoir des éco-constructeurs est d'autant plus douteuse qu'ils ont assigné en référé expertise l'entreprise les 27 et 29 décembre 2011. Il est constant enfin que le fait pour une entreprise de succéder à une autre ne vaut ni prise de possession ni réception. Les éléments précités excluent toute réception tacite, réception caractérisée par une volonté non équivoque de recevoir les travaux. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a estimé que les fondations constituaient un ouvrage que les travaux avaient fait l'objet d'une réception tacite, que les désordres étaient de nature décennale ;
1°) ALORS QUE tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que des fondations constituent un ouvrage ; qu'en infirmant le jugement en ce que les premiers juges avaient estimé que les fondations constituaient un ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
2°) ALORS QUE la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'elle peut être tacite ; qu'en considérant que toute réception tacite serait exclue, quand il résulte de ses constatations et qu'il était acquis au débat que les exposants avaient commencé la pose de l'ossature en bois sur les fondations réalisées par la société Art' Bati et avaient réglé 65 % du prix de la prestation de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
3°) ALORS QUE la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'elle peut être tacite ; qu'en se fondant sur les circonstances que les exposants avaient été avisés de la non-conformité des fondations le 24 août 2011 et avaient assigné la société Art'bati en référé les 27 et 29 décembre 2011, circonstances postérieures à l'achèvement des fondations réalisées par la société Art'bati, à la prise de possession de ces fondations et au règlement de 65 % du prix, pour exclure la réception tacite des fondations par les exposants, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
AUX MOTIFS d'autre part QUE : Sur la garantie de la Maaf, assureur de la société Art'bati : les éco-constructeurs soutiennent que la clause d'exclusion dont se prévaut la Maaf leur est inopposable dans la mesure où elle vide de toute substance les garanties au titre de la responsabilité civile. Il ressort des conditions générales Multipro que la garantie (article 13) exclut « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent ». L'assureur établit donc que le contrat souscrit par la SARL Art'bati ne garantit pas les travaux de reprise, les préjudices immatériels imputables à une exécution défectueuse du contrat. Il est certain que la clause est claire, formelle et limitée, qu'elle laisse dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers. La Maaf fait donc valoir à juste titre qu'elle est opposable aux éco-constructeurs ;
4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; que la clause qui exclut « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent », est sujette à interprétation, ce qui exclut qu'elle soit formelle et limitée ; qu'en considérant que la clause d'exclusion figurant à l'article 13 des conditions générales Multipro du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Maaf, laquelle exclut « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent » serait claire formelle et limitée, de sorte qu'elle serait opposable aux exposants, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. N....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un architecte (M. N..., l'exposant), in solidum avec une association facilitatrice de projets (l'association Toit par toi), à payer diverses sommes aux maîtres de l'ouvrage (les éco-constructeurs) ;
AUX MOTIFS QU'il ressortait des pièces produites que l'architecte avait accompli de nombreuses prestations postérieurement à l'élaboration des permis de construire quand bien même les contrats passés avec les maîtres de l'ouvrage avaient effectivement été limités à l'élaboration des permis ; que les écrits produits par l'architecte correspondaient à des diligences attendues d'un architecte qui assure sinon la conception, du moins la coordination, la surveillance des travaux, l'assistance à la réception ; que les mails établissaient que l'architecte se préoccupait de l'avancement des travaux, du respect du calendrier, du paiement de l'entreprise, des droits des constructeurs qu'il invitait à faire une liste écrite de leurs réserves ; que les maîtres de l'ouvrage s'adressaient à l'architecte pour signifier leur mécontentement, entrer en relation avec l'entreprise, le tenaient pour responsable du défaut de conception ; que c'était parce qu'il exerçait de fait la supervision des travaux qu'il était destinataire des récriminations des maîtres de l'ouvrage ; qu'il n'incitait pas les constructeurs mécontents à s'adresser à l'entreprise, ne rappelait jamais que sa mission s'était arrêtée avec le dépôt des permis de construire ; que dès lors que M. N... ayant exercé des fonctions s'apparentant à une mission de maîtrise d'oeuvre impliquant notamment la surveillance des travaux, il se devait de l'exercer avec professionnalisme et rigueur ; que s'il était certain qu'aucun contrat n'avait été signé entre les éco-constructeurs et M. N... relatif à la maîtrise d'oeuvre, les éco-constructeurs étaient en droit de se prévaloir de sa faute dans la mesure où elle avait concouru à leur préjudice dans l'exercice d'une mission qu'il avait volontairement accomplie de fait, en se présentant également comme référent sans même cadrer son intervention par un contrat écrit, ce qui lui avait permis ainsi d'arguer, quand la réalité était autre, qu'il n'avait pour mission que celle de déposer le permis de construire ; que l'architecte, dont la responsabilité délictuelle était engagée au regard des fautes commises ayant un lien de causalité avec les désordres invoqués par les éco-constructeurs, ne pouvait se prévaloir d'une clause contractuelle qui excluait toute solidarité ;
ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que l'exposant faisait valoir que sa responsabilité ne pouvait, le cas échéant, être recherchée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun et qu'aucune condamnation solidaire ou in solidum ne pouvait être prononcée à son encontre puisque, dans les contrats le liant aux maîtres de l'ouvrage, était stipulée une clause suivant laquelle il ne pouvait pas être tenu pour responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants ; que, en l'absence de garantie décennale, les maîtres de l'ouvrage invoquaient uniquement la responsabilité fondée sur l'ancien article 1147 du code civil et précisaient que l'architecte aurait manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant d'attirer leur attention sur les désordres affectant l'ouvrage ; qu'ils ne contestaient pas l'applicabilité de la clause d'exclusion de solidarité ; qu'en condamnant néanmoins l'exposant in solidum avec l'association Toit par toi, au prétexte que la clause d'exclusion de toute solidarité n'aurait pas été applicable en raison du caractère délictuel de la responsabilité encourue par l'architecte, relevant ainsi un moyen d'office sans le soumettre au préalable à la discussion des parties, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, subsidiairement, toute faute en lien causal avec l'inexécution d'un contrat relève exclusivement du régime de la responsabilité civile contractuelle ; que l'arrêt attaqué a constaté que l'architecte avait accompli une mission de maîtrise d'oeuvre et que les maîtres de l'ouvrage s'étaient adressés à lui en cette qualité, caractérisant donc l'existence d'une extension conventionnelle de la mission de l'architecte à la maîtrise d'oeuvre ; qu'en énonçant néanmoins, que la responsabilité de l'exposant était délictuelle pour refuser d'appliquer la clause d'exclusion de solidarité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les anciens articles 1101, 1134 et 1147 du code civil.