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13/06/2019 | FRANCE | N°18-14129

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 juin 2019, 18-14129


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 juin 2019

Rejet

Mme FLISE, président

Arrêt n° 820 FS-P+B+I

Pourvoi n° E 18-14.129

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le Fonds d'indemnisation des victimes

de l'amiante, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'op...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 juin 2019

Rejet

Mme FLISE, président

Arrêt n° 820 FS-P+B+I

Pourvoi n° E 18-14.129

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme U... W..., veuve R..., domiciliée [...],

2°/ à M. A... R..., domicilié [...],

3°/ à M. Q... R..., domicilié [...], défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 mai 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, M. Besson, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Boiffin, conseillers, Mmes Touati, Isola, Guého, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, Mme Mainardi, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme W... et de MM. A... et Q... R..., l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 février 2018), que K... R... est décédé le [...] des suites d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 7 décembre 2005 consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante, dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; que Mme W..., son épouse, et MM. A... et Q... R..., ses fils (les consorts R...), ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par K... R... avant son décès et de leur préjudice moral ; que l'offre présentée par le FIVA au titre de ces préjudices a été acceptée le 22 décembre 2008 par les consorts R... ; que le 7 février 2016, Mme W... a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation complémentaire au titre du préjudice esthétique et du préjudice lié à l'assistance par une tierce personne d'K... R... et au titre de son propre préjudice économique ; que le 8 juin 2016, le FIVA a rejeté la demande d'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne considérée comme prescrite ; que les consorts R... ont alors saisi une cour d'appel pour contester cette décision ;

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnisation du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à la somme de 2 254,97 euros qu'il devra payer aux consorts R..., alors, selon le moyen, que suivant l'article 53, III bis, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en énonçant que la loi du 20 décembre 2010 a mis fin à toute application de la loi du 31 décembre 1968 en la matière, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble les articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;

Mais attendu qu'en introduisant, par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé ; qu'il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et a fait application des articles 2240 à 2242 du code civil pour décider que la demande d'indemnisation de l'assistance par une tierce personne n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme W..., MM. A... et Q... R... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR fixé l'indemnisation du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à la somme de 2 254,97 euros que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante devra payer aux consorts R... ;

AUX MOTIFS QU'« au soutien de ses moyens de droit sur la prescription, le fonds fait référence à une jurisprudence de la Cour de cassation en date du 3 juin 2010, soit à une date antérieure à la loi du 20 décembre 2010 qui a institué une prescription spécifique pour les actions relatives aux victimes de l'amiante à savoir un délai de 10 ans ; qu'or, il était auparavant admis qu'en cette matière, l'application de la loi du 31 décembre 1968 était limitée à son article 1er qui régit le délai de la prescription et son point de départ, à l'exclusion des autres éléments du régime juridique qui continuait de relever du droit privé, notamment en ce qui concerne les causes de suspension et les causes d'interruption ; qu'en conséquence, la loi du 20 décembre 2010 a mis fin à toute application de la loi du 31 décembre 1968 en la matière ; que les consorts R... revendiquent à raison les dispositions du code civil relatives à l'interruption de la prescription ; qu'aux termes de l'article 2240 du code civil "la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription", ainsi la date à laquelle la prescription est interrompue est celle de l'acte par lequel le débiteur du droit reconnaît celui-ci ; qu'en l'espèce, le fonds a reconnu aux consorts R... un droit à indemnisation le 22 décembre 2008 et les consorts devaient alors au plus tard le 22 décembre 2018 saisir le fonds d'une demande d'indemnisation ; qu'or, le FIVA a été saisi d'une demande d'indemnisation pour tierce personne le 7 janvier 2016 ; que cette demande n'est donc pas prescrite ; que le 25 janvier 2006, le médecin généraliste de M. K... R... a certifié que l'état de santé de ce dernier nécessitait une allocation pour tierce personne sans plus de précisions ; que, le 24 février 2016, ce même médecin généraliste a indiqué que M. K... R... a nécessité la présence d'une tierce personne à ses côtés du 16 janvier 2006 au 17 avril 2006 date de son décès, sans autre indication ; qu'au cours de cette période, M. K... R... a bénéficié du passage d'une infirmière tous les jours y compris le dimanche pour subir une injection et pour une aide à la toilette ; que, dans ces conditions, il est seulement justifié d'une tierce personne pendant six heures par jour, hors soins infirmiers et soins dans le cadre de l'hospitalisation à domicile ; qu'au cours de cette période, M. K... R... a été hospitalisé 52 jours et il n'avait donc droit qu'à 240 heures d'aide par une tierce personne (six heures pendant 40 jours) ; que le taux horaire retenu par la cour étant de 16 euros, l'indemnisation globale de la tierce personne s'élève à 3 840 euros dont il convient de déduire la part de majoration de la rente pour tierce personne versée par l'organisme de sécurité sociale calculée sur une année entière c'est-à-dire 365 jours ou 1 585, 03 euros ; que l'indemnisation du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne est fixée à la différence soit 2 254,97 euros » ;

ALORS QUE, suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en énonçant que la loi du 20 décembre 2010 a mis fin à toute application de la loi du 31 décembre 1968 en la matière, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble les articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-14129
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - Demande d'indemnisation - Prescription - Prescription décennale - Effets - Causes d'interruption - Régime de prescription de droit commun - Application

FONDS DE GARANTIE - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - Demande d'indemnisation - Prescription - Prescription décennale - Effets - Régime spécial de prescription issu de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 - Application (non) PRESCRIPTION - Prescription de droit commun - Applications diverses - Demande d'indemnisation adressée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - Portée

En introduisant, par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé. Dès lors c'est à bon droit que la cour d'appel a apprécié la prescription de la demande formée devant le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en écartant les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et en faisant application des articles 2240 à 2242 du code civil


Références :

article 53, III bis, de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010

articles 2240 à 2242 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 février 2018

Sur le délai de la prescription de la demande d'indemnisation adressée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, à rapprocher :2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-17092, Bull. 2011, II, n° 134 (annulation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 jui. 2019, pourvoi n°18-14129, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14129
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