LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 juin 2017), rendu en matière de référé, que, par acte sous seing privé du 27 août 2008, la société de droit roumain BRD a consenti à M. et Mme W... un prêt d'un certain montant pour une durée de trente-six mois, lequel n'a pas été remboursé à son échéance ; que la société chypriote Channel Crossings Limited (la société Channel), cessionnaire de la créance du prêteur, a assigné les débiteurs en référé en paiement d'une provision ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Channel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de provision et de communication par Mme W... des documents relatifs à son patrimoine, alors, selon le moyen, qu'il incombe au juge des référés saisi d'une demande de provision de vérifier que l'existence de l'obligation alléguée n'est pas sérieusement contestable et de préciser quels sont les éléments de la contestation susceptibles de rendre celle-ci sérieuse ; qu'en refusant d'accorder une provision à la société Channel, au seul constat que Mme W... exposait des moyens complexes relatifs à la nullité du contrat de prêt, à l'incertitude sur le caractère exécutoire de la créance en droit roumain après sa cession, à l'existence d'une enquête pénale, et à l'existence d'incertitudes liées à l'interprétation et à la valeur de décisions rendues par les juridictions roumaines, sans nullement préciser quels éléments de ces contestations étaient susceptibles de les rendre sérieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé les différents moyens soutenus par Mme W... pour établir l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à l'octroi d'une provision, l'arrêt relève leur complexité en ce qu'ils portent sur la nullité du contrat de prêt, sur le caractère exécutoire ou non, en droit roumain, de la créance après sa cession au profit de la société Channel, sur les éléments relatifs aux circonstances du prêt et de la cession de créance pouvant résulter des enquêtes pénales en cours en Roumanie ainsi que sur les incertitudes quant à l'interprétation et la valeur des décisions judiciaires roumaines ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a pu décider que la demande de provision se heurtait à une contestation sérieuse sur le caractère certain et exigible de la créance alléguée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur les deuxième et troisième branches du moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Channel Crossings Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Channel Crossings Limited
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Channel Crossings Limited tendant à la condamnation des époux W... à lui payer une provision 3 444 408,67 €, d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation sous astreinte de Mme W... à communiquer des documents relatifs à son patrimoine, et de l'avoir condamnée à payer à Mme W... la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que « sur la demande de provision, compte-tenu de la complexité des moyens exposés par l'appelante relatifs à la nullité du contrat de prêt, au caractère exécutoire ou non, en droit roumain, de la créance après sa cession au profit de l'intimée, des éléments susceptibles de résulter, notamment des enquêtes pénales en cours en Roumanie, portant particulièrement sur les circonstances du prêt et de la cession de créance, mais également des incertitudes liées à l'interprétation et de la valeur des différentes décisions rendues par les tribunaux civils en Roumanie, telle que la procédure de contestation de l'exécution forcée sur des biens concernant plusieurs contrats, dont le contrat de prêt 160/27.08.2008, ayant donné lieu au jugement du tribunal de BUFTEA, du 19 juin 2014, entre Mme W..., la BRD, M. W... et M... Y... A..., garant hypothécaire, confirmé par l'arrêt du 16 février 2016 de la cour d'appel d'ILFOV, la demande de condamnation ne ressort manifestement pas du champ d'une ordonnance de référé du juge des référés, juge de l'évidence, de l'incontestable, mais requiert un examen au fond, de sorte qu'il convient de juger n'y avoir lieu à référé ; que sur la demande de communication de pièces sous astreinte, la société intimée motive sa demande par le fait que les tentatives d'exécution de l'ordonnance déférée ont été vaines ; qu'or, aucune considération ne motive une demande de communication sous astreinte d'éléments d'identification et de localisation d'actifs en vue de l'exécution d'une ordonnance de référé-provision infirmée ; que la demande sera, par conséquent, rejetée ; que l'intimée qui succombe, assumera la charge des dépens et sera condamnée à payer à l'appelante une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile » (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
1°) Alors qu'il incombe au juge des référés saisi d'une demande de provision de vérifier que l'existence de l'obligation alléguée n'est pas sérieusement contestable et de préciser quels sont les éléments de la contestation susceptibles de rendre celle-ci sérieuse ; qu'en refusant d'accorder une provision à la société Channel Crossings Limited, au seul constat que Mme W... exposait des moyens complexes relatifs à la nullité du contrat de prêt, à l'incertitude sur le caractère exécutoire de la créance en droit roumain après sa cession, à l'existence d'une enquête pénale, et à l'existence d'incertitudes liées à l'interprétation et à la valeur de décisions rendues par les juridictions roumaines, sans nullement préciser quels éléments de ces contestations étaient susceptibles de les rendre sérieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°) Alors que lorsque l'obligation est fondée dans son principe, le juge des référés ne peut refuser d'accorder une provision que s'il constate l'existence d'une contestation sérieuse sur cette obligation ; qu'il incombe au débiteur qui prétend que son obligation fait l'objet d'une contestation sérieuse d'apporter la preuve du sérieux de la contestation qu'il invoque ; qu'en refusant d'accorder une provision à la société Channel Crossings Limited, au seul constat que Mme W... exposait divers moyens de contestation complexes, la cour d'appel, qui a fait peser sur la société Channel Crossings Limited, créancier, la charge de la preuve de l'absence de contestation sérieuse, a renversé la charge de la preuve, en violation de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
3°) Alors qu'en refusant d'accorder une provision à la société Channel Crossings Limited en raison d'incertitudes liées à l'interprétation et à la valeur du jugement du tribunal de Buftea du 19 juin 2014, confirmé par l'arrêt du 16 février 2016 de la cour d'appel d'Ilfov, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces décisions rendues par les juridictions roumaines, revêtues de l'autorité de la chose jugée, n'avaient pas définitivement tranché la question de la validité du prêt conclu par les époux W..., de sorte que toute contestation sur ce point ne pouvait qu'être dépourvue de caractère sérieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile.