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12/06/2019 | FRANCE | N°18-11145

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2019, 18-11145


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2017), que M. T... a été engagé à compter du 1er octobre 2001 par la société ABB ; que son contrat de travail a été transféré à la société Hervé thermique ; que, le 1er janvier 2012, il a fait l'objet d'une rétrogradation de son poste de directeur de l'agence de Marseille sur un poste de chargé de clients ; qu'il a été licencié le 7 août 2012 pour faute grave ;

Attendu que le salarié fait grie

f à l'arrêt de juger son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter en consé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2017), que M. T... a été engagé à compter du 1er octobre 2001 par la société ABB ; que son contrat de travail a été transféré à la société Hervé thermique ; que, le 1er janvier 2012, il a fait l'objet d'une rétrogradation de son poste de directeur de l'agence de Marseille sur un poste de chargé de clients ; qu'il a été licencié le 7 août 2012 pour faute grave ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que le comportement fautif ne peut résulter que d'un fait personnellement imputable au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait ressortir que les « faits qui avaient été sanctionnés par la rétrogradation du 1er janvier 2012 », à savoir « des encours (
) dont le montant était supérieur à 500 000 euros », ainsi que cela était énoncé dans la lettre de licenciement, « concernaient la situation de l'agence de Marseille » dont le salarié avait la responsabilité en sa qualité de directeur d'agence ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que le salarié avait été rétrogradé au poste de chargé de clients à compter du 1er janvier 2012, de sorte qu'il n'avait plus la responsabilité de la situation de « l'agence », dont il n'était plus le directeur, le salarié étant seulement responsable de la situation de son « portefeuille » ; qu'en reprochant cependant au salarié « la persistance de l'encours de 500 000 euros » qui concernait la situation de l'agence dont il avait perdu la responsabilité depuis son repositionnement en qualité de chargé de clients en date du 1er janvier 2012, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient à l'employeur ayant prononcé un licenciement disciplinaire en raison des mauvais résultats du salarié, de justifier de ce que les objectifs fixés étaient réalisables et de ce que le salarié était en faute de ne pas les avoir atteints ; qu'en se bornant à relever que « les pertes reprochées au salarié, d'un montant élevé étaient établies », sans vérifier si les objectifs définis étaient raisonnables et compatibles avec le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ qu'il appartient à l'employeur ayant prononcé un licenciement disciplinaire en raison des mauvais résultats du salarié, de justifier de ce que les objectifs fixés étaient réalisables et de ce que le salarié était en faute de ne pas les avoir atteints ; qu'il appartient aux juges du fond de relever l'existence d'un fait fautif imputable au salarié justifiant l'insuffisance de résultats reprochée dans la lettre de licenciement ; qu'après avoir constaté que le salarié avait été licencié en raison « de la persistance de l'encours, de pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros », la cour d'appel devait caractériser un fait fautif imputable au salarié justifiant ces mauvais résultats ; qu'en se bornant à relever que « les pertes reprochées au salarié, d'un montant élevé étaient établies », sans jamais caractériser un fait fautif imputable au salarié à l'origine de ces mauvais résultats, tel qu'une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

4°/ que lorsqu'un fait a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ; qu'en se fondant sur le fait que M. V... avait été désigné pour prendre en charge le dossier [...] en remplacement du salarié et sur le courriel du 12 juillet 2012 par lequel M. V... avait transmis une analyse de la situation réelle de ce chantier à l'employeur, pour en déduire que la société établissait n'avoir eu connaissance qu'à compter de cette date des pertes de structure de 600 000 euros et de la persistance de l'encours de 500 000 euros, la cour d'appel a statué par des motifs qui ne permettaient pas d'écarter la prescription des faits alléguée par le salarié, violant ainsi l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié avait volontairement dissimulé à son employeur l'existence d'une perte de 623 000 euros pour l'ensemble de la structure qu'il gérait, dont 253 000 euros pour un seul chantier, et que la société n'avait eu une connaissance exacte de l'ampleur de cette perte que le 12 juillet 2012 ; qu'en ayant exactement déduit que les faits imputés au salarié n'étaient pas prescrits, elle a pu décider que ces seuls faits rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. T... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. T....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. T... reposait sur une faute grave et d'avoir débouté M. T... de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs qu'il ressort de la lettre du 7 août 2012 que M. T... a été licencié pour les motifs suivants qualifiés de faute grave : (sic) « Nous vous rappelons que ces motifs sont les suivants. À savoir :
Au cours du quatrième trimestre 2011, et d'un commun accord, il a été convenu de vous repositionner de directeur d'agence à chargé de clients, à compter du 1er janvier 2012, sans remise en cause de vos statuts, salaires et avantages, ce qui s'est traduit par la signature d'un avenant à votre contrat de travail de l'époque.
Du fait de ce changement de fonctions, nous nous sommes rencontrés le 8 décembre 2011, à l'agence d'Ennergy, et avons procédé à une analyse détaillée de vos encours (affaires en cours, travaux en cours positifs, échéanciers clients), dont le montant était supérieur à 500 000 euros.
Lors de cette réunion, vous nous avez fait part des actions que vous alliez mettre en place pour résorber rapidement, et de manière significatives, celui-ci, des moyens dont vous aviez besoin, et nous avez assuré de votre implication totale en l'espèce.
Ces engagements ont été formalisés dans une synthèse qui vous a été adressée par courriel le jour même.
Ensuite, et régulièrement, des suivis hebdomadaires téléphoniques ont été réalisés afin de mesurer les effets des actions que vous aviez engagées, au cours desquels nous vous faisions part des correctifs qui devraient être rapportés au regard de la pertinence desdites actions et des résultats obtenus.
Malheureusement, six mois plus tard, force est de constater que vous n'avez pas tenu vos engagements, et n'avez pas pris en compte nos remarques, observations, recommandations et conseils, le montant de vos encours étant toujours supérieur à 500 000 euros. Enfin, le volume des anomalies ou malfaçons répertoriées chez les clients n'ont pas, ou que très peu diminuées.

De plus, le 27 avril dernier, vous nous avez adressé un mail pour nous informer du fait que M. O... (Société GFC) souhaitait nous contacter afin de nous faire part de son inquiétude quant à la réalisation du chantier [...] dont vous aviez la charge. Ayant échangé avec ce dernier, fin mai 2012, nous nous sommes engagés à mettre en place, rapidement, un plan d'actions, pour remédier à la situation décrite et à le tenir informé.
Le 1er juin 2012, nous avons informé M. O..., par mail, du changement d'organisation et des différentes actions que nous mettions en place, notamment votre remplacement en qualité de responsable du projet par M. Etienne V....
Lors de sa prise de fonction sur ce dossier, ce dernier a constaté que la 'prévision actualisée' qui était de votre responsabilité jusqu'au 31 mai précédent, n'avait jamais été mise à jour, ce qui est totalement contraire aux règles applicables dans l'entreprise, et ne vous permettait pas d'avoir une idée précise sur la rentabilité de ce chantier, ni de prendre les mesures correctives qui s'imposaient, si nécessaire.
Puis, le 12 juillet suivant, il nous a informés du fait qu'il constatait de très gros écarts au niveau du budget de cette affaire, ce qui a engendré la tenue d'une réunion, le 18 Juillet suivant, à l'agence de LYON, avec Monsieur X... F..., lui-même et vous, afin de procéder à l'analyse desdits écarts.
Le 20 juillet 2012, par courriel, vous reconnaissiez en grande partie les écarts relevés, et chiffriez la perte sur ce dossier à une somme d'environ 250 000 euros.
Enfin, le même jour, toujours par courriel, vous nous faisiez part de votre vision actuelle quant à la situation de votre structure, à savoir une perte d'un montant supérieur à 600 000 euros.
Vous comprendrez aisément qu'il nous est impossible de laisser perdurer une telle situation, laquelle :
Démontre de manière probante votre incompétence à assumer les fonctions que nous vous confions (encours supérieurs à 500 000 euros, perte sur le chantier [...] de 250 000 euros, et perte de votre structure de 600 000 euros ;
Mets en péril la pérennité de votre structure ;
Prouve de manière criante, que le fait de ne pas mettre à jour votre 'prévision actualisée' relève d'une stratégie mensongère de 'fuite en avant', destinée à masquer vos résultats et, de fait, vos insuffisances ;
Entraîne de notre part, une perte de confiance à votre encontre ;
Et s'avère préjudiciable à l'entreprise, tant financièrement, qu'en termes d'organisation, d'image de marque, et de notoriété.
Nous nous voyons donc, dans cette situation, contraints de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise. Les conséquences de votre comportement rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles, même pendant un préavis.
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prendra effet immédiatement, dès la date d'envoi de cette lettre. Votre contrat de travail et votre solde de tout compte seront arrêtés à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. » ;
Que la faute est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur ; qu'en premier lieu, M. T.... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse par application du principe du non cumul des sanctions ; qu'il fait valoir que dès lors qu'en 2012, il lui a été proposé un repositionnement - ce qui équivalait à une rétrogradation - sur un poste de chargé de clients en raison de la dégradation des résultats de l'agence dont il avait la charge, l'employeur reconnaît l'avoir déjà sanctionné pour l'absence de résultat fondée sur des travaux qui n'auraient pas été facturés en 2011, ainsi qu'il résulterait de la seule analyse des pièces produites par la société; que la société Hervé thermique soutient que le repositionnement, opéré avec l'accord de M. T..., a été justifié par les mauvais résultats que celui-ci avait enregistrés en qualité de directeur de l'agence de Marseille alors que la lettre de licenciement vise des faits postérieurs au repositionnement, lorsqu'il était redevenu chargé de clients ; que cependant, dès lors qu'il est reproché à M. T... la persistance d'un encours toujours supérieur à 500 000 euros postérieurement à son repositionnement et ce malgré ses engagements à le résorber, il s'agit bien d'un fait nouveau non sanctionnés par la mesure du 1er janvier 2012 ; que par ailleurs, les griefs relatifs aux pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros concernent des faits postérieurs au 1er janvier 2012 intervenus alors que M. T... exerçait ses fonctions de chargé de clients de sorte qu'ils n'ont pas pu faire l'objet d'une double sanction ; qu'en second lieu, M. T... fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail dès lors que l'employeur avait parfaitement connaissance de la situation bien avant juillet 2012 comme le démontrent le courriel du 16 novembre 2011 de M. I..., les mises au point régulières avec M. G..., les réunions internes dont les comptes rendus faisaient un état précis des affaires à traiter et les outils informatiques de la société qui permettaient à l'employeur de suivre la situation réelle des chantiers ; que la société Hervé thermique soutient qu'elle a eu connaissance de la situation du chantier [...] en juin 2012 lorsque M. V... a pris la suite de M. T... et après qu'une analyse complète du dossier lui ait été transmise par ce dernier le 12 juillet 2012 ; que par ailleurs, la société Hervé thermique prétend que M. T... a caché sciemment à sa hiérarchie la situation de son portefeuille en décidant de ne pas actualiser sa prévision ; qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, « aucun fait ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; qu'en l'espèce, il apparaît que le courriel du 16 novembre 2011 adressé par M. I... à M. T... concerne la situation de l'agence de Marseille alors que M. T... en était le Directeur et donc se rapporte à des faits qui ont été sanctionnés par la rétrogradation du 1er janvier 2012 ; que par contre, l'employeur n'a eu connaissance de la situation réelle du portefeuille de M. T... qu'à la suite de la transmission par M. V..., par courriel du 12 juillet 2012, du résultat de ses analyses, qui ont été par ailleurs complétées par M. T... lui même dans un courriel du 20 juillet 2012 dans lequel il indique « cela donne une MB en PA corrigée de - 253 000 euros » ; que de plus, aucun élément du dossier ne permet de dire, qu'avant les analyses opérées par M. V..., l'employeur, notamment par ses outils informatiques, avait eu connaissance de l'ampleur des difficultés de M. T... puisque ce dernier ne procédait pas à l'actualisation de ses prévisions, ce travail ayant été réalisé par M. V... qu'à partir de juin 2012 ;
qu'ainsi, dès lors que l'employeur a eu connaissance le 12 juillet 2012 des faits relatifs à la persistance de l'encours, aux pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros et qu'il a engagé la procédure de licenciement le 24 juillet 2012, ces faits ne sont pas prescrits ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que la société Hervé thermique produit :
- le courriel du 20 juillet 2012 adressé par M. T... à M. V... et M. G... dans lequel il transmet son propre calcul des dépassements sur le chantier [...] qu'il fixe à 253 000 euros,
- le courriel du 20 juillet 2012 que M. T... a adressé à M. G... dans lequel il reconnaît la perte enregistrée par sa structure à 623 000 euros,
- l'attestation de M. V... qui indique que « le 20 juillet, un état de l'analyse détaillée, discutée avec M. T... a été transmise. Je confirme par la présente que les seules actualisations du budget ont été réalisées après ma prise en charge du dossier », confirmant ainsi que M. T... ne procédait pas à l'actualisation de ses prévisions au moyen des outils informatiques qu'il avait à sa disposition, dissimulant ainsi à son employeur la situation réelle de son portefeuille,
- les récapitulatifs mensuels de production de budget [...] tels qu'ils ont été établis par M. T... et ceux opérés par M. V... après actualisation des prévisions qui font ressortir un effondrement de la marge brute,
- le compte rendu de la réunion du 14 mai 2012, soit 15 jours avant d'être dessaisi du chantier [...] dans lequel il est indiqué que M. T... a prétendu que le « chantier un peu retard mais globalement ça va bien » (sic), dissimulant ainsi à son employeur la situation réelle de ce chantier ;
qu'il résulte de ces pièces que les pertes reprochées à M. T..., d'un montant élevé, sont établies et reconnues par lui dans les courriels qu'il a rédigés et envoyés, qu'il les a sciemment dissimulées à son employeur et qu'elles n'ont été révélées qu'après que M. V... ait été désigné pour prendre en charge le dossier du chantier [...] ; que pour ces raisons, l'ensemble de ces faits imputables au salarié et établis par l'employeur, constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que M. T... sera donc débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement ; que le jugement sera infirmé sur ces points (arrêt p. 4, § 2 à p. 6, § 9) ;

Alors que le comportement fautif ne peut résulter que d'un fait personnellement imputable au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait ressortir que les « faits qui [avaient] été sanctionnés par la rétrogradation du 1er janvier 2012 », à savoir « des encours (
) dont le montant était supérieur à 500 000 euros », ainsi que cela était énoncé dans la lettre de licenciement, « [concernaient] la situation de l'agence de Marseille » dont M. T... avait la responsabilité en sa qualité de directeur d'agence (arrêt p. 6, § 2) ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que M. T... avait été rétrogradé au poste de chargé de clients à compter du 1er janvier 2012, de sorte qu'il n'avait plus la responsabilité de la situation de « l'agence », dont il n'était plus le directeur, M. T... étant seulement responsable de la situation de son « portefeuille » (arrêt p. 6, § 3) ; qu'en reprochant cependant à M. T... « la persistance de l'encours de 500 000 euros » qui concernait la situation de l'agence dont il avait perdu la responsabilité depuis son repositionnement en qualité de chargé de clients en date du 1er janvier 2012, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. T... reposait sur une faute grave et d'avoir débouté M. T... de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs qu'il ressort de la lettre du 7 août 2012 que M. T... a été licencié pour les motifs suivants qualifiés de faute grave : (sic) « Nous vous rappelons que ces motifs sont les suivants. À savoir :
Au cours du quatrième trimestre 2011, et d'un commun accord, il a été convenu de vous repositionner de directeur d'agence à chargé de clients, à compter du 1er janvier 2012, sans remise en cause de vos statuts, salaires et avantages, ce qui s'est traduit par la signature d'un avenant à votre contrat de travail de l'époque.

Du fait de ce changement de fonctions, nous nous sommes rencontrés le 8 décembre 2011, à l'agence d'Ennergy, et avons procédé à une analyse détaillée de vos encours (affaires en cours, travaux en cours positifs, échéanciers clients), dont le montant était supérieur à 500 000 euros.
Lors de cette réunion, vous nous avez fait part des actions que vous alliez mettre en place pour résorber rapidement, et de manière significatives, celui-ci, des moyens dont vous aviez besoin, et nous avez assuré de votre implication totale en l'espèce.
Ces engagements ont été formalisés dans une synthèse qui vous a été adressée par courriel le jour même.
Ensuite, et régulièrement, des suivis hebdomadaires téléphoniques ont été réalisés afin de mesurer les effets des actions que vous aviez engagées, au cours desquels nous vous faisions part des correctifs qui devraient être rapportés au regard de la pertinence desdites actions et des résultats obtenus.
Malheureusement, six mois plus tard, force est de constater que vous n'avez pas tenu vos engagements, et n'avez pas pris en compte nos remarques, observations, recommandations et conseils, le montant de vos encours étant toujours supérieur à 500 000 euros. Enfin, le volume des anomalies ou malfaçons répertoriées chez les clients n'ont pas, ou que très peu diminuées.
De plus, le 27 avril dernier, vous nous avez adressé un mail pour nous informer du fait que M. O... (Société GFC) souhaitait nous contacter afin de nous faire part de son inquiétude quant à la réalisation du chantier [...] dont vous aviez la charge. Ayant échangé avec ce dernier, fin mai 2012, nous nous sommes engagés à mettre en place, rapidement, un plan d'actions, pour remédier à la situation décrite et à le tenir informé.
Le 1er juin 2012, nous avons informé M. O..., par mail, du changement d'organisation et des différentes actions que nous mettions en place, notamment votre remplacement en qualité de responsable du projet par M. Etienne V....
Lors de sa prise de fonction sur ce dossier, ce dernier a constaté que la 'prévision actualisée' qui était de votre responsabilité jusqu'au 31 mai précédent, n'avait jamais été mise à jour, ce qui est totalement contraire aux règles applicables dans l'entreprise, et ne vous permettait pas d'avoir une idée précise sur la rentabilité de ce chantier, ni de prendre les mesures correctives qui s'imposaient, si nécessaire.
Puis, le 12 juillet suivant, il nous a informés du fait qu'il constatait de très gros écarts au niveau du budget de cette affaire, ce qui a engendré la tenue d'une réunion, le 18 Juillet suivant, à l'agence de LYON, avec Monsieur X... F..., lui même et vous, afin de procéder à l'analyse desdits écarts.
Le 20 juillet 2012, par courriel, vous reconnaissiez en grande partie les écarts relevés, et chiffriez la perte sur ce dossier à une somme d'environ 250 000 euros.

Enfin, le même jour, toujours par courriel, vous nous faisiez part de votre vision actuelle quant à la situation de votre structure, à savoir une perte d'un montant supérieur à 600 000 euros.
Vous comprendrez aisément qu'il nous est impossible de laisser perdurer une telle situation, laquelle :
Démontre de manière probante votre incompétence à assumer les fonctions que nous vous confions (encours supérieurs à 500 000 euros, perte sur le chantier [...] de 250 000 euros, et perte de votre structure de 600 000 euros ;
Mets en péril la pérennité de votre structure ;
Prouve de manière criante, que le fait de ne pas mettre à jour votre 'prévision actualisée' relève d'une stratégie mensongère de 'fuite en avant', destinée à masquer vos résultats et, de fait, vos insuffisances ;
Entraîne de notre part, une perte de confiance à votre encontre ;
Et s'avère préjudiciable à l'entreprise, tant financièrement, qu'en termes d'organisation, d'image de marque, et de notoriété.
Nous nous voyons donc, dans cette situation, contraints de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise. Les conséquences de votre comportement rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles, même pendant un préavis.
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prendra effet immédiatement, dès la date d'envoi de cette lettre. Votre contrat de travail et votre solde de tout compte seront arrêtés à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. » ;
Que la faute est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur ; qu'en premier lieu, M. T.... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse par application du principe du non cumul des sanctions ; qu'il fait valoir que dès lors qu'en 2012, il lui a été proposé un repositionnement - ce qui équivalait à une rétrogradation - sur un poste de chargé de clients en raison de la dégradation des résultats de l'agence dont il avait la charge, l'employeur reconnaît l'avoir déjà sanctionné pour l'absence de résultat fondée sur des travaux qui n'auraient pas été facturés en 2011, ainsi qu'il résulterait de la seule analyse des pièces produites par la société ; que la société Hervé thermique soutient que le repositionnement, opéré avec l'accord de M. T..., a été justifié par les mauvais résultats que celui-ci avait enregistrés en qualité de directeur de l'agence de Marseille alors que la lettre de licenciement vise des faits postérieurs au repositionnement, lorsqu'il était redevenu chargé de clients ; que cependant, dès lors qu'il est reproché à M. T... la persistance d'un encours toujours supérieur à 500 000 euros postérieurement à son repositionnement et ce malgré ses engagements à le résorber, il s'agit bien d'un fait nouveau non sanctionnés par la mesure du 1er janvier 2012 ; que par ailleurs, les griefs relatifs aux pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros concernent des faits postérieurs au 1er janvier 2012 intervenus alors que M. T... exerçait ses fonctions de chargé de clients de sorte qu'ils n'ont pas pu faire l'objet d'une double sanction ; qu'en second lieu, M. T... fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail dès lors que l'employeur avait parfaitement connaissance de la situation bien avant juillet 2012 comme le démontrent le courriel du 16 novembre 2011 de M. I..., les mises au point régulières avec M. G..., les réunions internes dont les comptes rendus faisaient un état précis des affaires à traiter et les outils informatiques de la société qui permettaient à l'employeur de suivre la situation réelle des chantiers ; que la société Hervé thermique soutient qu'elle a eu connaissance de la situation du chantier [...] en juin 2012 lorsque M. V... a pris la suite de M. T... et après qu'une analyse complète du dossier lui ait été transmise par ce dernier le 12 juillet 2012 ; que par ailleurs, la société Hervé thermique prétend que M. T... a caché sciemment à sa hiérarchie la situation de son portefeuille en décidant de ne pas actualiser sa prévision ; qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, « aucun fait ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; qu'en l'espèce, il apparaît que le courriel du 16 novembre 2011 adressé par M. I... à M. T... concerne la situation de l'agence de Marseille alors que M. T... en était le Directeur et donc se rapporte à des faits qui ont été sanctionnés par la rétrogradation du 1er janvier 2012 ; que par contre, l'employeur n'a eu connaissance de la situation réelle du portefeuille de M. T... qu'à la suite de la transmission par M. V..., par courriel du 12 juillet 2012, du résultat de ses analyses, qui ont été par ailleurs complétées par M. T... lui même dans un courriel du 20 juillet 2012 dans lequel il indique « cela donne une MB en PA corrigée de - 253 000 euros » ; que de plus, aucun élément du dossier ne permet de dire, qu'avant les analyses opérées par M. V..., l'employeur, notamment par ses outils informatiques, avait eu connaissance de l'ampleur des difficultés de M. T... puisque ce dernier ne procédait pas à l'actualisation de ses prévisions, ce travail ayant été réalisé par M. V... qu'à partir de juin 2012 ;
qu'ainsi, dès lors que l'employeur a eu connaissance le 12 juillet 2012 des faits relatifs à la persistance de l'encours, aux pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros et qu'il a engagé la procédure de licenciement le 24 juillet 2012, ces faits ne sont pas prescrits ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que la société Hervé thermique produit :
- le courriel du 20 juillet 2012 adressé par M. T... à M. V... et M. G... dans lequel il transmet son propre calcul des dépassements sur le chantier [...] qu'il fixe à 253 000 euros,
- le courriel du 20 juillet 2012 que M. T... a adressé à M. G... dans lequel il reconnaît la perte enregistrée par sa structure à 623 000 euros,
- l'attestation de M. V... qui indique que « le 20 juillet, un état de l'analyse détaillée, discutée avec M. T... a été transmise. Je confirme par la présente que les seules actualisations du budget ont été réalisées après ma prise en charge du dossier », confirmant ainsi que M. T... ne procédait pas à l'actualisation de ses prévisions au moyen des outils informatiques qu'il avait à sa disposition, dissimulant ainsi à son employeur la situation réelle de son portefeuille,
- les récapitulatifs mensuels de production de budget [...] tels qu'ils ont été établis par M. T... et ceux opérés par M. V... après actualisation des prévisions qui font ressortir un effondrement de la marge brute,
- le compte rendu de la réunion du 14 mai 2012, soit 15 jours avant d'être dessaisi du chantier [...] dans lequel il est indiqué que M. T... a prétendu que le « chantier un peu retard mais globalement ça va bien » (sic), dissimulant ainsi à son employeur la situation réelle de ce chantier ;
qu'il résulte de ces pièces que les pertes reprochées à M. T..., d'un montant élevé, sont établies et reconnues par lui dans les courriels qu'il a rédigés et envoyés, qu'il les a sciemment dissimulées à son employeur et qu'elles n'ont été révélées qu'après que M. V... ait été désigné pour prendre en charge le dossier du chantier [...] ; que pour ces raisons, l'ensemble de ces faits imputables au salarié et établis par l'employeur, constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que M. T... sera donc débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement ; que le jugement sera infirmé sur ces points (arrêt p. 4, § 2 à p. 6, § 9) ;

1°) Alors qu'il appartient à l'employeur ayant prononcé un licenciement disciplinaire en raison des mauvais résultats du salarié, de justifier de ce que les objectifs fixés étaient réalisables et de ce que le salarié était en faute de ne pas les avoir atteints ; qu'en se bornant à relever que « les pertes reprochées à M. T..., d'un montant élevé [étaient] établies », sans vérifier si les objectifs définis étaient raisonnables et compatibles avec le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

2°) Alors qu'il appartient à l'employeur ayant prononcé un licenciement disciplinaire en raison des mauvais résultats du salarié, de justifier de ce que les objectifs fixés étaient réalisables et de ce que le salarié était en faute de ne pas les avoir atteints ; qu'il appartient aux juges du fond de relever l'existence d'un fait fautif imputable au salarié justifiant l'insuffisance de résultats reprochée dans la lettre de licenciement ; qu'après avoir constaté que M. T... avait été licencié en raison « de la persistance de l'encours, de pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros », la cour d'appel devait caractériser un fait fautif imputable au salarié justifiant ces mauvais résultats ; qu'en se bornant à relever que « les pertes reprochées à M. T..., d'un montant élevé [étaient] établies », sans jamais caractériser un fait fautif imputable au salarié à l'origine de ces mauvais résultats, tel qu'une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. T... reposait sur une faute grave et d'avoir débouté M. T... de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs qu'il ressort de la lettre du 7 août 2012 que M. T... a été licencié pour les motifs suivants qualifiés de faute grave : (sic) « Nous vous rappelons que ces motifs sont les suivants. À savoir :
Au cours du quatrième trimestre 2011, et d'un commun accord, il a été convenu de vous repositionner de directeur d'agence à chargé de clients, à compter du 1er janvier 2012, sans remise en cause de vos statuts, salaires et avantages, ce qui s'est traduit par la signature d'un avenant à votre contrat de travail de l'époque.
Du fait de ce changement de fonctions, nous nous sommes rencontrés le 8 décembre 2011, à l'agence d'Ennergy, et avons procédé à une analyse détaillée de vos encours (affaires en cours, travaux en cours positifs, échéanciers clients), dont le montant était supérieur à 500 000 euros.
Lors de cette réunion, vous nous avez fait part des actions que vous alliez mettre en place pour résorber rapidement, et de manière significatives, celui-ci, des moyens dont vous aviez besoin, et nous avez assuré de votre implication totale en l'espèce.
Ces engagements ont été formalisés dans une synthèse qui vous a été adressée par courriel le jour même.
Ensuite, et régulièrement, des suivis hebdomadaires téléphoniques ont été réalisés afin de mesurer les effets des actions que vous aviez engagées, au cours desquels nous vous faisions part des correctifs qui devraient être rapportés au regard de la pertinence desdites actions et des résultats obtenus.
Malheureusement, six mois plus tard, force est de constater que vous n'avez pas tenu vos engagements, et n'avez pas pris en compte nos remarques, observations, recommandations et conseils, le montant de vos encours étant toujours supérieur à 500 000 euros. Enfin, le volume des anomalies ou malfaçons répertoriées chez les clients n'ont pas, ou que très peu diminuées.
De plus, le 27 avril dernier, vous nous avez adressé un mail pour nous informer du fait que M. O... (Société GFC) souhaitait nous contacter afin de nous faire part de son inquiétude quant à la réalisation du chantier [...] dont vous aviez la charge. Ayant échangé avec ce dernier, fin mai 2012, nous nous sommes engagés à mettre en place, rapidement, un plan d'actions, pour remédier à la situation décrite et à le tenir informé.
Le 1er juin 2012, nous avons informé M. O..., par mail, du changement d'organisation et des différentes actions que nous mettions en place, notamment votre remplacement en qualité de responsable du projet par M. Etienne V....
Lors de sa prise de fonction sur ce dossier, ce dernier a constaté que la 'prévision actualisée' qui était de votre responsabilité jusqu'au 31 mai précédent, n'avait jamais été mise à jour, ce qui est totalement contraire aux règles applicables dans l'entreprise, et ne vous permettait pas d'avoir une idée précise sur la rentabilité de ce chantier, ni de prendre les mesures correctives qui s'imposaient, si nécessaire.
Puis, le 12 juillet suivant, il nous a informés du fait qu'il constatait de très gros écarts au niveau du budget de cette affaire, ce qui a engendré la tenue d'une réunion, le 18 Juillet suivant, à l'agence de LYON, avec Monsieur X... F..., lui même et vous, afin de procéder à l'analyse desdits écarts.
Le 20 juillet 2012, par courriel, vous reconnaissiez en grande partie les écarts relevés, et chiffriez la perte sur ce dossier à une somme d'environ 250 000 euros.
Enfin, le même jour, toujours par courriel, vous nous faisiez part de votre vision actuelle quant à la situation de votre structure, à savoir une perte d'un montant supérieur à 600 000 euros.
Vous comprendrez aisément qu'il nous est impossible de laisser perdurer une telle situation, laquelle :
Démontre de manière probante votre incompétence à assumer les fonctions que nous vous confions (encours supérieurs à 500 000 euros, perte sur le chantier [...] de 250 000 euros, et perte de votre structure de 600 000 euros ;
Mets en péril la pérennité de votre structure ;
Prouve de manière criante, que le fait de ne pas mettre à jour votre 'prévision actualisée' relève d'une stratégie mensongère de 'fuite en avant', destinée à masquer vos résultats et, de fait, vos insuffisances ;
Entraîne de notre part, une perte de confiance à votre encontre ;
Et s'avère préjudiciable à l'entreprise, tant financièrement, qu'en termes d'organisation, d'image de marque, et de notoriété.
Nous nous voyons donc, dans cette situation, contraints de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise. Les conséquences de votre comportement rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles, même pendant un préavis.
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prendra effet immédiatement, dès la date d'envoi de cette lettre. Votre contrat de travail et votre solde de tout compte seront arrêtés à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. » ;
Que la faute est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur ; qu'en premier lieu, M. T.... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse par application du principe du non cumul des sanctions ; qu'il fait valoir que dès lors qu'en 2012, il lui a été proposé un repositionnement - ce qui équivalait à une rétrogradation - sur un poste de chargé de clients en raison de la dégradation des résultats de l'agence dont il avait la charge, l'employeur reconnaît l'avoir déjà sanctionné pour l'absence de résultat fondée sur des travaux qui n'auraient pas été facturés en 2011, ainsi qu'il résulterait de la seule analyse des pièces produites par la société ; que la société Hervé thermique soutient que le repositionnement, opéré avec l'accord de M. T..., a été justifié par les mauvais résultats que celui-ci avait enregistrés en qualité de directeur de l'agence de Marseille alors que la lettre de licenciement vise des faits postérieurs au repositionnement, lorsqu'il était redevenu chargé de clients ; que cependant, dès lors qu'il est reproché à M. T... la persistance d'un encours toujours supérieur à 500 000 euros postérieurement à son repositionnement et ce malgré ses engagements à le résorber, il s'agit bien d'un fait nouveau non sanctionnés par la mesure du 1er janvier 2012 ; que par ailleurs, les griefs relatifs aux pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros concernent des faits postérieurs au 1er janvier 2012 intervenus alors que M. T... exerçait ses fonctions de chargé de clients de sorte qu'ils n'ont pas pu faire l'objet d'une double sanction ; qu'en second lieu, M. T... fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail dès lors que l'employeur avait parfaitement connaissance de la situation bien avant juillet 2012 comme le démontrent le courriel du 16 novembre 2011 de M. I..., les mises au point régulières avec M. G..., les réunions internes dont les comptes rendus faisaient un état précis des affaires à traiter et les outils informatiques de la société qui permettaient à l'employeur de suivre la situation réelle des chantiers ; que la société Hervé thermique soutient qu'elle a eu connaissance de la situation du chantier [...] en juin 2012 lorsque M. V... a pris la suite de M. T... et après qu'une analyse complète du dossier lui ait été transmise par ce dernier le 12 juillet 2012 ; que par ailleurs, la société Hervé thermique prétend que M. T... a caché sciemment à sa hiérarchie la situation de son portefeuille en décidant de ne pas actualiser sa prévision ; qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, « aucun fait ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; qu'en l'espèce, il apparaît que le courriel du 16 novembre 2011 adressé par M. I... à M. T... concerne la situation de l'agence de Marseille alors que M. T... en était le Directeur et donc se rapporte à des faits qui ont été sanctionnés par la rétrogradation du 1er janvier 2012 ; que par contre, l'employeur n'a eu connaissance de la situation réelle du portefeuille de M. T... qu'à la suite de la transmission par M. V..., par courriel du 12 juillet 2012, du résultat de ses analyses, qui ont été par ailleurs complétées par M. T... lui même dans un courriel du 20 juillet 2012 dans lequel il indique « cela donne une MB en PA corrigée de - 253 000 euros » ; que de plus, aucun élément du dossier ne permet de dire, qu'avant les analyses opérées par M. V..., l'employeur, notamment par ses outils informatiques, avait eu connaissance de l'ampleur des difficultés de M. T... puisque ce dernier ne procédait pas à l'actualisation de ses prévisions, ce travail ayant été réalisé par M. V... qu'à partir de juin 2012 ;
qu'ainsi, dès lors que l'employeur a eu connaissance le 12 juillet 2012 des faits relatifs à la persistance de l'encours, aux pertes sur le chantier [...] de 250 000 euros et sur la structure de 600 000 euros et qu'il a engagé la procédure de licenciement le 24 juillet 2012, ces faits ne sont pas prescrits ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que la société Hervé thermique produit :
- le courriel du 20 juillet 2012 adressé par M. T... à M. V... et M. G... dans lequel il transmet son propre calcul des dépassements sur le chantier [...] qu'il fixe à 253 000 euros,
- le courriel du 20 juillet 2012 que M. T... a adressé à M. G... dans lequel il reconnaît la perte enregistrée par sa structure à 623 000 euros,
- l'attestation de M. V... qui indique que « le 20 juillet, un état de l'analyse détaillée, discutée avec M. T... a été transmise. Je confirme par la présente que les seules actualisations du budget ont été réalisées après ma prise en charge du dossier », confirmant ainsi que M. T... ne procédait pas à l'actualisation de ses prévisions au moyen des outils informatiques qu'il avait à sa disposition, dissimulant ainsi à son employeur la situation réelle de son portefeuille,
- les récapitulatifs mensuels de production de budget [...] tels qu'ils ont été établis par M. T... et ceux opérés par M. V... après actualisation des prévisions qui font ressortir un effondrement de la marge brute,
- le compte rendu de la réunion du 14 mai 2012, soit 15 jours avant d'être dessaisi du chantier [...] dans lequel il est indiqué que M. T... a prétendu que le « chantier un peu retard mais globalement ça va bien » (sic), dissimulant ainsi à son employeur la situation réelle de ce chantier ;
qu'il résulte de ces pièces que les pertes reprochées à M. T..., d'un montant élevé, sont établies et reconnues par lui dans les courriels qu'il a rédigés et envoyés, qu'il les a sciemment dissimulées à son employeur et qu'elles n'ont été révélées qu'après que M. V... ait été désigné pour prendre en charge le dossier du chantier [...] ; que pour ces raisons, l'ensemble de ces faits imputables au salarié et établis par l'employeur, constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que M. T... sera donc débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement ; que le jugement sera infirmé sur ces points (arrêt p. 4, § 2 à p. 6, § 9) ;

Alors que, lorsqu'un fait a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ; qu'en se fondant sur le fait que M. V... avait été désigné pour prendre en charge le dossier [...] en remplacement de M. T... et sur le courriel du 12 juillet 2012 par lequel M. V... avait transmis une analyse de la situation réelle de ce chantier à l'employeur, pour en déduire que la société établissait n'avoir eu connaissance qu'à compter de cette date des pertes de structure de 600 000 euros et de la persistance de l'encours de 500 000 euros, la cour d'appel a statué par des motifs qui ne permettaient pas d'écarter la prescription des faits alléguée par M. T..., violant ainsi l'article L. 1332-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-11145
Date de la décision : 12/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2019, pourvoi n°18-11145


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11145
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